Ferdinand VON SAAR, Le lieutenant Burda, traduction de l'allemand (Autriche), postface et notice biographique Jacques Le Rider, éd. Bartillat, Omnia poche, 124 p.

Quatrième de couverture : Ferdinand von Saar, que l’on peut définir comme la "Maupassant viennois", analyse avec subtilité les problèmes psychologiques liés aux mutations et aux tensions sociales de son temps. Ses nouvelles mettent en scène les travers et les dérives d’un monde figé dans ses traditions mais déjà engagé sur la pente de la décadence. Le Lieutenant Burda s’inscrit pleinement dans cette veine cruelle. Cette nouvelle, raconte l’histoire d’un officier d’origine petite-bourgeoise épris d’une jeune femme de la haute aristocratie et décrit les désillusions paralysantes que provoque cette passion impossible. Le destin de cet officier soucieux d’élégance, de savoir-vivre et d’ascension sociale s’achèvera de la manière la plus brutale. Ferdinand von Saar excelle dans la description d’une société où les codes de caste et la pesanteur des conventions suscitent de violents désirs de transgression. Brisé par ses maladresses et ses illusions, le lieutenant Burda connaît le sort funeste d’un héros de tragédie.

Poète, dramaturge et nouvelliste autrichien, Ferdinand von Saar (1833-1906) s’inscrit dans le courant du réalisme psychologique. Ses récits inspirés par un profond pessimisme ont donné le ton de la modernité.

Ferdinand VON SAAR (1833-1906)
Le Lieutenant Burda (1887, traduction 2022)

Nous avons lu ce livre le 30 juin 2025 lors de notre septième semaine lecture. Un peu de doc en bas de page.
Les avis ci-dessous sont en cours de correction par leurs auteurs.

Nos 19 cotes d'amour
Manuel Marie-ThéSylvie
Annick A ClaireFrançoiseJérémyRozenn
entre
et
Danièle
Annick LAnnieCatherine Chantal
Fanfan
Fanny
JacquelineKatell

entre
etÉdith

Suzanne

Fanny(avis transmis)
J'ai aimé l'écriture et notamment la manière dont le personnage de Burda est campé dans les premières pages.
Concernant ce personnage, il m'a inspiré un mélange d'agacement voire d'exaspération, par sa suffisance vis-à-vis de ses pairs, mais aussi de compassion. J'ai trouvé que l'auteur rend très bien ce profil.
J'ai trouvé également habile de le dépeindre à travers le récit d'une tierce personne, plutôt que de raconter au présent le déroulé de l'intrigue.
Seulement cette tierce personne qui fait narrateur est à mes yeux assez falot. J'ai l'impression qu'il n'a pas d'autre fonction que de refléter l'évolution de Burda. C'est dommage, car un personnage ayant davantage d'envergure aurait pu donner plus de coffre au texte.
La folie sans cesse grandissante de Burda est très bien rendue avec tous ces signes qu'il interprète et qui continuent à le convaincre de l'amour de la princesse.
Même si l'enjeu de la nouvelle est à mes yeux de dresser un portrait à la fois sociétal et psychologique, la fin est totalement prévisible.
Le format nouvelle est adapté, je me serais probablement lassée sur un format plus long. J'ouvre ½.
Jacqueline(avis transmis)
Adèle H au masculin ! étonnant ! J'aurais aimé être touchée par ce pauvre lieutenant dont le portrait qu'en dresse Saar au début du début était assez impitoyable.
J'étais assez séduite par l'écriture classique.
En même temps, je n'ai pas éprouvé un grand intérêt pour cette vie de garnison, ni pour les détails précis sur les lieux… et encore moins pour les notes qui ont alourdi ma lecture… J'ai apprécié la photo de couverture, mais surtout le portrait bonhomme de Saar que je ne connaissais pas.
J'ouvre à moitié.

Édith entre et
Je me suis mise à la place de Burda : est-ce que j'aurais été aussi bête ?...
J'ai aimé l'ambiance de fin de l'empire austro-hongrois et l'évocation de la vie de cette époque.
Un titre peut faire basculer le destin. J'ai trouvé que le thème était traité avec une fine psychologie. J'ouvre entre ¼ et ½ car ce ne fut pas passionnant même si j'ai bien aimé.
Annick A
J'ai trouvé ce prétentieux complètement parano. Il finira par en mourir.
J'ai bien aimé le livre, situé dans une époque : ça, c'est extrêmement intéressant.
C'est dommage qu'ils meurent…
L'auteur se tuera d'ailleurs.
C'est assez bien écrit, ça se lit facilement, c'est une belle écriture et une période assez intéressante.
J'ouvre donc aux ¾.
Annie
Je suis assez mitigée.
J'ai beaucoup aimé l'écriture.
C'est une belle image de ce qui se passe à cette époque.
Mais je me suis un peu ennuyée. C'est cousu de fil blanc. J'attendais un contre-pied. Je n'ai pas été passionnée donc j'ouvre à moitié.
Fanfan
J'ouvre à moitié pour l'écriture et la montée de la folie.
Au-delà de la passion, advient la folie et ça, ça m'a plu.
Ce n'est pas comme hier avec La nonne-soldat où l'écriture raide était à mourir, ici l'écriture est magnifique.
On peut le lire aussi comme un conte avec une princesse, qui accompagne son délire.
C'est un peu truculent, l'écriture tient et rappelle la vie à Vienne.
Rozenn
J'ai bien aimé. C'est facile. Intéressant. J'ouvre donc aux ¾.
La comparaison que fait la postface avec la nouvelle d'Arthur Schnitzler Le Sous-lieutenant Gustel que j'ai lue ne tourne pas à l'avantage de von Saar : l'aperçu sur la société est intéressant, mais un peu plat.
Annick L
Après les deux livres précédents - le premier, de Marai, bien écrit, mais long, le deuxième, d'Erauso, ennuyeux bien qu'une curiosité- le troisième apporte le plaisir : je me suis délectée à l'écriture. Le livre est de plus très fin dans la peinture sociale.
J'ai été fasciné par la folie mortelle. Le narrateur est, oui, un peu pâlichon.
Ce n'est pas un chef-d'œuvre, mais j'ai eu du plaisir, j'ouvre entre ½ et ¾.
Chantal
J'ai trouvé plein de fautes dans ce livre, mal corrigé donc !
Concernant l'écriture, je vous rejoins.
Mais j'ai ras-le-bol du 19e siècle.
Là, ça m'allait parfaitement. C'est fluide, je me suis dit quand même, c'est agréable.
Et ce narrateur, très jeune, a fait ce qu'il a pu : purée, il avait de la patience.
Cette folie est intemporelle.
Suzanne

J'en ai moi aussi marre de voyager au 19e siècle.
C'est bien écrit.
La montée de la folie est très bien vue.
J'avais envie de sauter de ma chaise, en reconnaissant des poncifs.
J'ouvre ¼.
Catherine

Ça a été un plaisir, mais modéré.
C'est bien écrit, bien fait.
Ce qui est dit de la société est intéressant.
C'est la progression du personnage qui a été pour moi le plus intéressant, avec ses interprétations.
On sent aussi la fin d'une époque. C'est pas mal, mais on reste un peu sur sa faim.
Danièle
entre et
Ce livre relate des événements qui se sont produits dans la première moitié du 19e siècle. L'intérêt du livre est l'évocation de la société de l'époque où les titres de noblesse sont plus importants que la valeur militaire, mais aussi la passion montante et débordante que le lieutenant Burda éprouve pour l'une des princesses.
Je ne suis pas sûre que ce soit par intérêt ou parce qu'il serait prétentieux. Je crois plutôt à une sorte de coup de foudre qui lui fait perdre tout sens de la réalité. En fait, c'est une sorte de folie qui lui fait interpréter le moindre signe en sa faveur. Il ramène tout à lui, par exemple la couleur jaune de sa robe qu'elle porterait en allusion à la couleur de son régiment. Il est le centre d'une fiction qu'il se crée.
Le narrateur ne me semble pas si fade que cela. Il avait capté les signes d'agacement de la princesse, et il essaie avec diplomatie de trouver les paroles qu'il faut pour mettre le lieutenant sur ses gardes. Peine perdue, Burda s'enfonce avec délices dans son monde de délires. Il en serait même presque touchant… et énervant à la fois. J'aime cette observation quasi clinique d'une certaine folie. En tout cas, par son comportement qui devient effectivement prétentieux, il se met à dos le reste du régiment. Ce qui toutefois nous donne l'occasion de noter sa droiture et son courage, ou bien, encore une fois, son déni de la réalité au moment du duel. La fin est cruelle, car s'il est fou, son adversaire l'est plus encore, qui l'assassine en quelque sorte.
J'ouvre entre moitié et ¾.
Claire
J'ai bien aimé la photo de la couverture, un escrimeur célèbre hongrois, Béla Békessy (en 1904, il n'a pas pu participer au JO car François-Joseph a interdit aux membres de l'armée commune de concourir sous les couleurs hongroises...) ; vous remarquerez qu'il y a plein de feuilles blanches à la fin pour prendre des notes quand on participe à un club de lecture... et comme Chantal, j'ai vu que la relecture de l'éditeur laisse à désirer. J'avais déjà fait la remarque pour un autre livre et l'éditeur m'avait envoyé gratuitement un livre, je vais essayer de faire la même chose...
Bref, pour ce qui est du texte, j'ai trouvé subtile la tension qui est nourrie par la relation des deux hommes à propos de l'idylle illusoire : ce narrateur introduit une distance, et nous sommes trois, le lieutenant, le narrateur, le lecteur. Un coup de théâtre en rajoute p. 39 : le major envoyé de l'Altesse qui a bien vu le manège et qui veut que ça finisse.
On voit bien que le lieutenant déconne de plus en plus, et déjà p. 60 notre copain le narrateur le traite entre nous de fou. J'ai vibré à lire cette vie tragique fondée sur le paraître...
J'ai bien aimé l'exotisme : on fume la chibouque...
Autoportrait à la chibouque, par Horace Vernet, 1835 (musée de l’Hermitage, Saint-Pétersbourg)

Et les éléments de contexte historique, comme la guerre de Crimée. L'aspect cosmopolite de Prague m'a rappelé l'ambiance de Paris dans Les étrangers et cette même période finissante dans La crypte des capucins de Joseph Roth ("Prague était en ce temps-là, un séjour très agréable. Les particularismes nationaux ne s'y étaient pas encore transformés en conflits déclarés ; ils fermentaient et frémissaient souterrainement, encore imperceptibles pour un œil non averti, et même si l'on ne pouvait pas dire que la ville était allemande, en raison de l'élément slave qui constituait la part essentielle de la population, elle était en tout cas internationale au meilleur sens du mot. ")
Encore une fois se pose la question de la définition du livre car la postface ou les notes évoquent des auteurs lus à Voix au chapitre, ce qui ne peut laisser indifférent... : Pères et fils de Tourgueniev donnerait une clé pour le nom du héros (note 47), et je vois Theodor Fontane, Magris, Le joueur de Dosto, Don Quichotte, à croire que Jacques Le Rider suit nos lectures...
J'ai beaucoup aimé le récit de la carrière de Von Saar, avec sa protectrice la princesse Marie de Hohenlohe-Schillingsfürst et une salonnière importante Josephine von Wertheimstein - c'est d'un romanesque... - et même sa conseillère littéraire Marie von Ebner-Eschenbach, écrivaine ; bon il finit mal c'est sûr, en se suicidant.
J'ai noté que l'oeuvre de Von Saar relève d'un mouvement littéraire dont je n'ai jamais entendu parler le "réal-idéalisme" p. 105, je note, je note...
J'ai bien aimé aussi les variations pour décrire la maladie du personnage : herméneutique paranoïaque et j'en passe, mais ce que j'ai apprécié est cette interprétation de Carl Emil Schorske : "la nouvelle décrit les problèmes psychologiques causés par le manque de mobilité sociale" - j'adore, c'est bien ça !
Et enfin, le projet du livre mentionné par l'auteur - toujours dans la postface décidément riche : "Je voulais montrer ce qu'il y avait de complètement creux et inconsistant dans la vie de Burda - et même dans cette époque tout entière." Je trouve les objectifs atteints.
Le titre original était Vanitas - c'était parfait.
Jérémy

Je m'inscris en faux par rapport à ce qui a été dit du 19e siècle : j'adore ce siècle et bien des romans qu'il a fait naître.
J'adore Vienne et j'adore l'époque qu'évoque le livre.
Ce qui m'a marqué, et qui relève peut-être du " boulevard ", est comédie ou tragédie.
Au début, j'y ai un peu cru, qu'elle était amoureuse, pourquoi pas. P. 63, c'est un point de bascule.
L'état du personnage m'a rappelé le complotisme : on a envie de croire à quelque chose. Là c'est la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. Il est émouvant dans son jusqu'auboutisme de Rastignac. J'ouvre aux ¾ ce qui est une nouvelle.
Manuel

Il brûle et ça le rend malade, lui qui est brillant.
On le voit au théâtre au parterre. Et il ne peut se payer un cheval, on voit qu'il y a des problèmes de "classe".
Son délire de parano rappelle Madame Bovary.
A la fin, il y a un retournement et il sera soutenu, mais trop tard.
Les notes sont passionnantes.
J'adore aussi Vienne et j'aime l'arrière-plan historique, avec la montée des nationalismes.
J'ouvre en grand.
Françoise

J'ai aimé.
Je ne partage pas l'analyse du personnage. Il est amoureux. Il est ébloui. Je ne le trouve pas antipathique.
J'ai pensé à Tourgueniev, où dans Pères et fils le nihiliste tombe amoureux, et aussi à Jane Austen, avec cette mécanique sociale.
Il a un sacré courage.
J'ai été intéressée par ce récit où en tournant chaque page, je disais alors et après…
Je ne me suis pas du tout ennuyée. C'est fluide et cohérent.
J'ouvre donc aux ¾.
Katell

J'ai trouvé ça très plaisant. C'est bien pour la piscine.
Ferdinand von Saar n'est pas un très grand auteur, c'est plaisant mais pas mineur, tout en étant d'un tout petit talent.
Je rejoins Jérémy, j'y croyais aussi.
J'ai adoré les notes et l'histoire du cheval.
Et j'aime l'évocation de Vienne des années 1850 et quelques.
J'ouvre ½.

Sylvie

J'ai beaucoup aimé ce livre qui se lit facilement.
J'aime l'écriture.
J'aime aussi le fait qu'on m'emmène dans l'Histoire.
Il est question d'ascenseur social, d'une part à travers l'armée, d'autre part à travers l'aimée.
On voit comment ils vivent assez misérablement.
J'ai imaginé l'architecture de Vienne, le kiosque à musique, l'opéra, la vie extérieure. Oui, la folie est possible, il est prêt à tout, avec ce rêve qui le dévore.
L'autre personnage, le témoin, finit par croire à cet amour, auquel, lui, le lieutenant, croit à fond. Peu à peu ça s'intègre dans une folie.
J'ouvre en grand !
Marie-Thé
J'ouvre aussi en grand et moi aussi j'adore le 19e siècle et Vienne, ce monde prussien.
Pour le lieutenant, l'honneur, l'apparence, priment.
Il est idéaliste et ça bascule dans cette passion destructrice.
J'ai pensé au Chef de gare Fallmerayer, de Joseph Roth, chef de gare qui tombe amoureux d'une princesse.
On voit le mépris pour les inférieurs.
On compare Von Saar à Maupassant.
Cette folie fait un peu peur : c'est un duel qu'il affronte mais il se serait battu contre tous. C'est un délire.
J'ai aimé l'écriture.

QUELQUES INFOS AUTOUR DU LIVRE


PRÉSENTATION DE L'AUTEUR dans la postface du livre et sur ›wikipédia

LIVRES TRADUITS
- Les Tailleurs de pierre et Innocens, trad. Anne-Catherine Tourski-Strebinger, in Nouvelles slaves, éd. Westhausser, 1886
- Le Château de Kostenitz
, précédé de Ferdinand von Saar : Le Château de Kostenitz, par Hugo von Hofmannsthal, traduit et postfacé par Jean-François Boutout, Le Promeneur, coll. Le Cabinet des lettrés, 2003

Éditions bilingues David Thieulin, Houppeville, trad. David Thieulin :
- Le brasseur d'Habrovan, 2018
- Les casseurs de pierres, 2020
- Le Docteur Trojan, 2023

Éditions Bartillat, trad. et préface Jacques Le Rider :
- Le lieutenant Burda,2023
- Histoire d'une enfant de Vienne, 2024
- La violoniste, août 2025

La plupart des œuvres en allemand se trouvent sur Gutenberg.

ECHOS DANS LA PRESSE
- "Le Lieutenant Burda : Ferdinand von Saar, le Maupassant viennois", Denis Cosnard, Le Monde, 16 octobre 2022
- "Von Saar, fin de siècle", par Jean-Luc Tiesset, En attendant Nadeau, 14 novembre 2022
- "Ferdinand von Saar, Le Lieutenant Burda", Karl Zieger, Austriaca, n° 94, 2022
- Le Lieutenant Burda, de Ferdinand von Saar, Céline Laurens, Revue des deux mondes, février 2023
- "Le lieutenant Burda ou la mythomanie", Les Quadrithèmes de Charles Dantzig, France Culture, 26 septembre 2022, 3 min.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !


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