François BÉGAUDEAU, L'amour, Verticales, 2023, 96 p.

Quatrième de couverture : J’ai voulu raconter l’amour tel qu’il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même.
Les Moreau vont vivre cinquante ans côte à côte, en compagnie l’un de l’autre. C’est le bon mot : elle est sa compagne, il est son compagnon. Seule la mort les séparera, et encore ce n’est pas sûr.
F. B.

François BÉGAUDEAU (né en 1971)
L'amour (2023)

Nous avons lu ce livre pour le 4 juillet 2025 lors de notre septième semaine lecture. Un peu de doc en bas de page.
Les avis ci-dessous sont en cours de correction par leurs auteurs.

Monique L(avis transmis)
Pas grand chose à dire sur ce livre dont le seul intérêt est l'écriture qui permet de continuer la lecture malgré la banalité de la vie des Moreau.
J'ouvre au 1/4.
Jacqueline(avis transmis)
J'avais beaucoup aimé Entre les murs, sans doute parce que j'y retrouvais mes inquiétudes d'enseignante inexpérimentée, confrontée sans préparation à un public inattendu et obligée de faire face avec les moyens du bord… C'était à sa sortie, peu avant 2008 où nous l'avons lu dans le groupe...

Je viens de découvrir avec délices cet autre livre plein d'humour, Antimanuel de littérature (un peu avant que mes petits neveux passent leur bac français, j'aurais bien partagé avec eux le chapitre "à quoi ça sert ?" !)
J'étais donc très curieuse de lire L'amour, d'autant que les critiques paraissent mitigées.
Cela se lit d'un trait. Langage familier, phrases courtes, de temps en temps une plaisanterie autour d'un jeu de mots qui me laisse froide. Ce pourrait être un exercice d'anti-romanesque.
Pour ce qui est du romanesque, le titre est alléchant ! Les personnages sont des plus ordinaires. Ils traversent le temps "sans crise ni événement", me dira l'auteur dans la quatrième de couverture, alors que des événements il y en eut et que chacun s'est accommodé des crises sans qu'elles se résolvent par une rupture.
Le récit est en phrases simples et le langage familier, voire trivial, pourrait être celui des protagonistes. Déjà Entre les murs montrait une attention remarquable au langage parlé. (Ce roman serait-il écrit pour ses anciens élèves ?)
Mais les pensées prêtées à ses héros ne m'ont pas convaincue. Elles me semblent appartenir à l'auteur comme un clin d'œil complice au lecteur et pour moi ça tombe à plat. Ce décalage fait que je suis restée constamment à distance alors que le propre du romanesque est justement d'embarquer le lecteur comme, pour moi, Dorothy Allison a su le faire avec sa rage ou Claire Keegan avec son humanité...
J'ouvre donc à moitié pour la réflexion sur le romanesque qui disparaît dans les livres pour se réfugier dans les séries (marque du temps, on les retrouve dans ce livre !) et je continue à avoir un petit capital de sympathie pour l'auteur…Fanny(avis transmis)
J'ai littéralement dévoré ce livre. Si j'avais pu, je l'aurais lu d'une traite, la construction sans chapitre s'y prête d'ailleurs parfaitement. Il passe trop vite, comme la vie de Jeanne et Jacques.
Tout du long, il y a un enchaînement d'événements plus ou moins décalés dans le temps sans transition, parfois dans une même phrase.
Et au fur et à mesure, j'ai eu le sentiment que le temps s'accélère.
L'amour dans ce court roman se niche à mon sens dans les petites choses du quotidien (par exemple le premier repas chez les parents de Jacques). Il y a l'amour du couple, mais pas seulement, les parents Bill et Boule...
Beaucoup de pudeur dans la manière d'exprimer les émotions sans les nommer directement, pas certaine que le mot amour apparaisse ailleurs que dans le titre.
Les personnages ne sont pas charismatiques et c'est très bien comme ça ; d'ailleurs le bellâtre du debut est vite laissé derrière et oublié.
J'ai aimé leurs répliques du quotidien, toutes simples sans être simplistes et non dénuées d'humour ("Déjà qu'on n'en sait pas beaucoup sur ce qui se passe, comment veux-tu en savoir sur ce qui se passe pas").
L'ensemble sonne juste et résonne d'humanité.
J'ai été très émue à la fin, je n'étais pas loin de verser ma larme.
J'ouvre en grand.
Annick L
Catherine
Rozenn

Édith

Chantal

Fanfan
Jérémy
Françoise

Annick A
Annie
Manuel

J'ai vu dans Les Inrocks une critique du mépris dans le livre.
Ce livre touche quelque chose de profond.
J'ai du mal avec la "résurrection".
Il y a l'amour des parents, l'amour filial aussi.
Le titre est très bien choisi.
Begaudeau idéalise et ça crée une sorte de gêne.
On pense à Annie Ernaux.
Ce qui m'a le plus touché, c'est que ce mec se sent tout seul.
Je n'aime pas la fin.
Peut-être qu'il a voulu faire un coup.
J'ouvre à moitié.
Suzanne
Katell

Claire

Marie-Thé
Danièle
Quel rythme ! Mais comment fait l'auteur pour écrire un récit aussi vivant, alors qu'il ne s'agit au fond que de la vie quotidienne de gens simples et sans véritable histoire.
On s'attache bien sûr à Jeanne et Jacques, après avoir connu le suspense avec Leduc. C'est la vie simple de province qui défile à toute allure comme un véritable panorama. Cela m'a fait remonter des souvenirs sur les expressions locales employées, sur les traditions, sur la drague de l'époque entre filles et garçons, sur l'importance du qu'en dira-t-on, sur les choses qu'on a le droit de faire ou pas, sur le nom des enseignes (Monsieur Meuble…), la marque des voitures (2 CV…), avec p. 53 une description précise et évocatrice pour ceux qui ont connu cette évolution, somme toute rapide, en quelques années : les téléphones à touches, les bouteilles en plastique, le radiocassette...
Pas trop de nostalgie en revanche pour cette époque où la violence envers sa femme était normale. Frédéric admet à qu'il est parfois un peu brutal.
"— Brutal comment ?
— Brutal normal.
— C’est pas normal de taper.
— C’est pas toi qui vis avec
."
Puis au fil du livre, c'est la relation entre Jacques et Jeanne qui prend de l'ampleur. François Bégaudeau aborde avec humour (ou réalisme) la vie des vieux couples qui se chamaillent sur des riens. "Félicie s'amuse du numéro qui recommence. Elle connaît les duettistes par cœur".
Mais il nous fait sentir que l'amour est fait de ces riens qui jalonnent la vie commune. Dans la vieillesse vécue ensemble, l'amour semble se fortifier.
L'écriture elle-même est simple et directe. Sans pause, au rythme de la vie qui va.
J'ai été très émue par ce livre qui m'a plongée dans un monde d'avant. C'est cependant un monde en évolution, de même que l'amour que le couple se porte l'un à l'autre, et qui semble s'approfondir avec le temps et rendre sage, jusqu'à la mort de l'un qui laisse l'autre désemparé, sans plus aucun appétit pour la vie. J'ai pleuré...
Ouvert en grand.


QUELQUES INFOS AUTOUR DU LIVRE


PRÉSENTATION DE L'AUTEUR sur ›wikipédia

UN ENTRETIEN : "Deux cœurs simples : entretien avec François Bégaudeau", par Rachid Laïreche, En attendant Nadeau, 13 septembre 2023 : 20 ans exactement après son premier livre (Jouer juste, Verticales, 2003), François Bégaudeau décrit un demi-siècle d’amour vécu par deux "cœurs simples", Jeanne et Jacques. Quelques-unes des questions :

Votre livre, L'amour, est court : 89 pages. Pourquoi un petit livre ?
Pour quelle raison ils ne se disent jamais de mots d'amour durant leurs cinquante années de vie commune ?
Tout au long des pages, vous mettez en avant des expressions, vous les moquez, comme "avoir la main verte" ou "en faire toute une montagne". C'est un egotrip ?
Pourquoi faire un livre sur l'amour alors qu'il est partout ?
Il vous a fallu combien de temps pour ce livre ?

UN ARTICLE À CHARGE : "L'Amour de François Bégaudeau : assurément le livre le plus condescendant de la rentrée", par Nelly Kaprièlian, Les Inrocks, 7 septembre 2023 :

Après Ma cruauté, François Bégaudeau signe L'amour, un roman de 96 pages où le sentiment amoureux est remplacé par de la sociologie de bas étage.
Alors que nombre d'écrivain·es de la rentrée montrent combien l'amour peut être complexe, interrogent la position de chacun·e face à l'autre dans le couple, François Bégaudeau s'est mis en tête de nous prouver que l'amour peut être simple. D'ailleurs, "simple" semble être le meilleur des adjectifs pour définir toute l'entreprise. De son format (moins de cent pages) à son titre, tout simple : L'Amour. Quant à l'écriture, elle est simple à l'envi. Au hasard p. 46 et 47 : "Pour cesser de psychoter Jacques s'occupe", et "l'arrivée de la pièce montée clôt l'incident".
Ce qui est sûr, c'est qu'on ne psychote pas des masses chez Bégaudeau, et qu'il suffit d'une pièce montée - ou d'une tarte, c'est selon - pour clore toutes sortes d'incidents. Parce que c'est bien simple : Jeanne et Jacques s'aiment, se marient, passent leur vie ensemble, s'agacent un peu, mais au final s'aiment. Ah si, quand même, Jacques la trompe à un moment, mais tout est pardonné. Pourquoi psychoter, en effet ?
L'amour, chez Bégaudeau, file comme un fleuve tranquille, voire est plat comme une limande. Il faut quand même saluer sa prouesse : être parvenu à écrire un roman d'amour sans sentiments, sans émotions, sans jalousie, sans doute, sans désespoir, sans névroses, sans même un peu de joie. Et ça, il fallait le faire. C'est qu'il les a remplacés par une foule de signes sociologiques. Parce qu'on est chez des gens simples, ma bonne dame. Et que chez les gens simples, on s'aime simplement, pas comme chez les tordu·es de la bourgeoisie intello.
Tous les accessoires de la petite middle-class sont convoqués jusqu'à la caricature - à l'inévitable apparition du mot "camping car", on a envie de hurler. En privant ses personnages "simples" de psychologie tout en les réduisant à de la sociologie, François Bégaudeau signe l'un des romans les plus condescendants de la rentrée.

ENTRETIEN VIDÉO : François Bégaudeau dialogue sur le livre L'amour avec Sylvie Hazebroucq, 18 octobre 2023, ›Librairie Mollat, 49 min.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !


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