![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Quatrième
de couverture :
Monsieur le Président est inspiré par le régime
du dictateur Estrada Cabrera, figure historique du Guatemala au début
du XXe siècle. Ce roman est la chronique politique et sociale dun
pays plongé dans les ténèbres de la tyrannie, où
chacun vit sous la menace, obligé de choisir entre la mort et la
compromission. Mais cest aussi un roman damour. Sur un fond
dangoisse et de cruauté, lamour donne à ce livre
un incomparable élan lyrique. |
Miguel Angel Asturias (1899-1974)
|
DES
INFOS AUTOUR DU LIVRE |
Une très intéressante émission de radio pour faire le tour d'Une vie une oeuvre : "Miguel Angel Asturias : 1899-1974", Catherine Pont-Humbert, France Culture, 30 octobre 2005, 1h30, rediffusée dans Les nuits de France Culture
Chronologie
biographique détaillée
dans l'édition GF (voir =>ici).
Et
voici quelques repères :
- 1899 : naissance au Guatemala. Le dictateur Manuel
Estrada Cabrera, qui lui servira de modèle pour Monsieur le
Président, est au pouvoir depuis l'année précédente.
- 1916 : Miguel Angel finit ses études secondaires et s'inscrit
à la faculté de médecine.
- 1917 : Il se rend rapidement compte qu'il n'est pas fait pour la médecine
et change d'orientation pour la faculté de droit. À la fin
de celle année-là un violent tremblement de terre détruit
partiellement la capitale.
- 1921 : Asturias s'engage publiquement dans le combat politique. Il assiste
en tant que délégué de son pays au Premier Congrès
International des Étudiants de Mexico.
- 1923 : Asturias soutient une thèse de doctorat intitulée
Le problème social de l'Indien, qui lui vaut le titre d'avocat
et de notaire.
- 1923-1933 : Vie en Europe. En 1923, il va à Londres. En 1924,
il s'installe à Paris où il suit, au Collège de France,
des conférences sur les civilisations préhispaniques d'Amérique
centrale, ainsi que le séminaire d'histoire des religions amérindiennes
à l'École des Hautes Études. Il collabore à
diverses publications, rencontre divers personnages importants de la littérature
hispanique, fréquente les milieux surréalistes de Paris.
1928 : il fait un voyage à La Havane et effectue une tournée
de conférences dans son propre pays avant de revenir à Paris.
- 1937 : Il fonde El diario del aire, premier journal parlé
du Guatemala auquel il travaille jusqu'en 1945
- 1942 : Député.
- 1946-1954 : Asturias commence sa carrière diplomatique comme
attaché culturel au Mexique. Il collabore à divers périodiques
et surtout il publie, alors que le Guatemala connaît, enfin, un
régime démocratique, Monsieur le Président
en 1946, dont il préparait le manuscrit depuis ses années
parisiennes. Il sera diplomate en Argentine, au Salvador, en France.
- 1954-1961 : Démission après le renversement du régime
libéral du colonel Arbenz, exil en Amérique et en Europe
; ; il déccouvre la Roumanie où il
semble beaucoup se plaire ; il voyage aussi en Italie.
- 1966 : Miguel Angel Asturias reçoit le
Prix Lénine de la Paix puis est nommé ambassadeur à
Paris à la suite de l'accession à la présidence de
M. Mendez Monténégro.
- 1967 : Prix Nobel de Littérature.
- 1968 : Asturias déploie une intense activité de conférencier
et de journaliste. Il organise, à l'initiative d'André Malraux,
une exposition sur les arts mayas du Guatemala au Grand Palais de Paris
l'exposition. De Gaulle était
là !
- 1970 : Il préside le jury du Festival de Cannes dans lequel figurait
notamment lacteur américain Kirk Douglas.
Pour protester contre la dégradation politique et sociale de son
pays, il se démet de ses fonctions d'ambassadeur.
- 1974 : Meurt à Madrid d'un cancer. Il
avait légué tous ses manuscrits
et archives à la Bibliothèque nationale de France. Il est
inhumé au cimetière parisien du Père-Lachaise. Mais
il y a une suite (voir ci-dessous).
Romans
Monsieur le Président
Hommes
de maïs
Le Pape vert
Les Yeux des enterrés
La Flaque du mendiant
Une certaine mulâtresse
Le
Larron qui ne croyait pas au ciel ou l'épopée des Andes
vertes
Vendredi des douleurs
L'ouragan
Contes
et nouvelles
Légendes du Guatemala
Week-end au Guatemala
Trois des quatre soleils
Le
miroir de Lida Sal et autres contes
Jeunesse,
illustrations de Jacqueline Duhême
La
machine à parler
L'homme
qui avait tout tout tout
Théâtre
Soluna
Poésie
Poèmes
indiens
(au programme de l'agrégation de lettres modernes en 2025
et 2026... !)
Claireveillée de printemps
Le Grand diseur :
poèmes ; suivi de Exercices
poétiques en forme de sonnets sur des thèmes dHorace,
dessins de l'auteur
Essais
Roumanie daujourdhui
Saveurs de Hongrie
(avec Pablo Neruda).
Une bibliographie commentée figure dans l'édition GF (voir =>ici).
Durant son séjour à Paris de 1923 à 1933, Asturias écrivit son roman El Señor Presidente. En raison de ses implications politiques, Asturias ne put emporter le livre avec lui lorsqu'il retourna au Guatemala en 1933, alors dirigé par le dictateur Jorge Ubico. La version originale resta inédite pendant 13 ans. La chute du régime d'Ubico en 1944 porta à la présidence le professeur Juan José Arévalo, qui nomma immédiatement Asturias attaché culturel à l'ambassade du Guatemala au Mexique, où parut la première édition d'El Señor Presidente en 1946.
Monsieur le Président a
été traduit en français à deux reprises par
Georges Pillement :
- en 1952 avec Francisca Garcias et Yves Malartic
:
éd.
Bellenand, 1952. L'auteur avec le livre :
rééd.
Le Club français du livre, 1952
avec
frontispice original de Enrique Marin, Paquie-Bellenand, 1967
rééd.
Le Livre de poche, 1968
introduction
de Kjell Strömberg ; discours de réception par Anders Österling,
10 décembre 1967 ; la vie et l'uvre de Miguel-Angel Asturias
par Carlos Martinez Duran ; illustrations de Fontanarosa, Presses du Compagnonnage,
Rombaldi, La Guilde des bibliophiles, coll. des prix Nobel de littérature,
1970
- en 1977 avec Dorita Nouhaud,
en une nouvelle traduction :
Albin
Michel, "Les grandes traductions", 1977
Albin
Michel, "Les grandes traductions", 1996
rééd.
Garnier-Flammarion, 1987
GF,
1993
À signaler : la nouvelle traduction de David Unger en anglais, publiée en édition Penguin Classics en 2022, a donné lieu à une assez longue préface de Mario Vargas Llosa. Il y dit ceci :
Monsieur le Président est qualitativement supérieur à tous les romans précédents en langue espagnole.
Merveilleusement maîtrisée, la langue du roman doit beaucoup aux conférences du professeur Reynaud sur le surréalisme et autres mouvements d'avant-garde en vogue en France pendant qu'Asturias l'écrivait. Il ne fait aucun doute qu'il était également profondément affecté par la nostalgie de son pays lointain à l'autre bout du monde et les nombreuses années qu'il avait passées loin du Guatemala, se retrouvant avec ses amis sud-américains au Café de la Rotonde de Montparnasse. Son travail a été influencé par l'écriture automatique, le mélange de réalité et de rêves - de cauchemars, devrais-je dire -une musicalité poétique inhabituelle, et la fusion des formes qui transforme l'histoire en un grand spectacle romanesque et poétique où la réalité devient théâtre de rue et fantaisie apocalyptique à chaque tournant.
Le premier chapitre, "Dans le Portail del Señor" est inoubliable. (...)
Monsieur le Président est sans aucun doute une uvre d'art, un véritable tour de force d'une grande originalité et créativité, peut-être plus proche de la poésie que de la fiction ou, peut-être, une rare fusion de ces deux genres.
De nombreux épisodes du roman commencent sur un ton réaliste, mais, peu à peu, Asturias construit un langage poétique visionnaire et métaphorique, ce qui le conduit à abandonner un paysage réaliste et objectif pour un paysage de légende, de rêve, de théâtre, de mythe et de pure invention. C'est ce qui rend ce roman si unique, si nouveau, et d'une si grande valeur littéraire que presque un siècle plus tard, Monsieur le Président continue d'être l'un des textes latino-américains les plus originaux jamais écrits. (Voir la préface intégrale publiée en anglais ici, traduite en français par un petit robot là.)
Voici également ce que le traducteur, lui-même écrivain guatémaltèque, dit d'Asturias dans une interview sur sa traduction :
Il fut le premier à intégrer des éléments décriture automatique, de courant de conscience et de réalisme magique dans le roman latino-américain. Certes, Monsieur le Président est le roman latino-américain le plus important et le plus influent du XXe siècle ; il nest peut-être pas le meilleur, mais il a certainement servi de tremplin à de nombreux autres grands romans qui ont suivi. ("Death, Hope, and Humor: David Unger on Translating Miguel Ángel Asturiass Mr. President", propos recueillis par José García Escobar, Asymptote, 14 juillet 2022).
- "Je suis guatémalien
; cest ainsi quil faut dire et non guatémaltèque,
qui rime désagréablement avec métèque"
("Miguel Angel Asturias : la bourse ou la vie", Ginette Guitard-Auviste,
Nouvelles litteraires,
29 décembre 1962).
Guatemala est une capitale et un pays. Notons
que l'arrêté
du 4 novembre 1993 relatif à la terminologie des noms d'Etats et
de capitales (signé Juppé, ministre des affaires étrangères
et Bayrou, de l'éducation nationale), indique comme "nom des
habitants du pays" Guatémaltèque
et "nom des habitants de la capitale" : Guatémalien
(JO du 25 janvier 1994).
- Interview : "Miguel Angel Asturias et le subconscient indien", Ginette Guitard-Auviste, Le Monde, 10 avril 1965. Extrait :
Depuis 1962, vous n'êtes pas retourné au Guatemala. Y a-t-il à cela une raison politique ?
Aucune, Aujourd'hui je trouve nécessaire qu'un écrivain d'Amérique latine complète le message de ses livres par le contact direct avec le public, principalement avec les étudiants hispanisants d'Europe. L'Afrique a ses problèmes. Ceux de nos pays ne sont pas moindres, mais les journaux paraissent moins enclins à les aborder. Depuis trois ans, j'ai donné des conférences sur l'histoire du roman latino-américain en France, en Italie, en Suède et au Danemark et engagé partout un dialogue sur la géographie, l'histoire, la politique, qui m'a permis de constater avec satisfaction une nette remontée de l'intérêt pour tout ce qui nous concerne.
Presque tous vos livres portent la trace d'un "engagement".
Il ne peut guère en être autrement. En 1954 le Guatemala n'avait pas une dette extérieure ; il produisait assez pour nourrir ses habitants et même pour exporter un peu. Depuis on a assisté à une désorganisation totale : le maïs et les flageolets noirs, base de l'alimentation, ont manqué ; on a dû en acheter au-dehors. Accroissement de fortune chez les grands propriétaires, misère aggravée des humbles, où l'on compte toujours 60 % d'analphabètes, et on ne fait rien pour que cela change.
La littérature reflète-t-elle cette situation ?
Au Guatemala, à l'heure actuelle, on ne peut guère parler d'une littérature. La plupart des jeunes écrivains vivent en exil, réfugiés dans la poésie.
- "Miguel Angel Asturias et La flaque du mendiant", Marcel Brion de l'Académie française, Le Monde, 3 septembre 1966. Extrait :
Un grand poète maya vient d'être nommé ambassadeur à Paris. Je ne peux imaginer autrement l'auteur de la Flaque du mendiant quoique ce diplomate et ce lettré soit tout imprégné des cultures européennes, et je ne serais pas surpris de rencontrer son image, ou une image qui lui ressemble, parmi les princes guatémaltèques, graves, solennels et ardents, que l'on voit se préparer à la guerre sur les fresques du temple des tigres dans la jungle de Bonampak.
Poète, Miguel Angel Asturias l'a toujours été. Homme de haute Culture, familier des grandes universités d'Europe, il se trouve également chez lui et probablement davantage chez lui... dans les paysages démesurés et extravagants de son pays; dès son enfance il a fait amitié avec le grondement fumeux des volcans, les montagnes aux grottes labyrinthiques, l'impénétrable fouillis de la forêt vierge que percent à grand effort les rayons du soleil.
Communiant intensément avec cette nature sauvage, il s'est attaché aussi au peuple qui l'habite, à ces descendants appauvris et humiliés des Mayas d'autrefois. Il s'est donné deux tâches, aujourd'hui pleinement accomplies : dénoncer les injustices sociales et l'oppression politique dont souffrait le Guatemala, exploité par lés sociétés cultivant les immenses bananeraies qui recouvrent le pays, et cela nous a valu Monsieur le Président, le Pape vert, les Yeux des Enterrés, Week-end au Guatemala, des livres de combat, romans de l'indignation et de la colère, mais aussi de la tendresse et de la compassion. En second lieu, afin que l'Europe et le Nouveau Monde puissent se familiariser avec les croyances, les mythes et les chants sacrés de son peuple, Miguel Angel Asturias a publié, il y a quelques années, un recueil de Légendes du Guatemala, remarquable collaboration à l'histoire des religions et des mythologies.
Dans ses deux romans les plus récents. Une certaine mulâtresse et plus particulièrement dans le tout nouveau, la Flaque du mendiant, Miguel Angel Asturias abandonne la littérature de lutte sociale et le folklore légendaire. Il se laisse entraîner par sa fantaisie au-delà même des pays légendaires ; il plonge dans la pure irréalité, dans un fantastique visionnaire qui se nourrit d'images féeriques. La construction romanesque, qui gardait dans Une certaine mulâtresse une apparence de structure logique, se fond, dès que commence la Flaque du mendiant, dans un bouillonnement de formes et de couleurs brassées par une imagination heureuse de refuser toutes les limites que lui dicterait la raison si elle avait l'imprudence d'accepter ses lois. (...)
- ''De Paris à Paris : entretien autour de sept images'', Paul Morelle, Le Monde, 14 juin 1967. Extrait :
La maison meublée qu'habitait Asturias, place de la Sorbonne, voici plus de quarante années - d'où il se revoit aujourd'hui sortant il y a quatorze ans - n'a toujours pas changé. Mais le café où il tenait ses assises, tout à côté, avec Eluard, Picasso, Foujita, est devenu une librairie. Du zinc des bistrots, le surréalisme s'est sublimé dans le marbre des livres comme une mémoire retrouvée.
Devant les grilles fermées du Collège de France, où méditent des statues en toge, puis dans une des salles de cours, Asturias - il de toucan près du nez fort busqué, sur des lèvres épaisses - rêve maintenant au temps où, sous la direction du professeur Georges Raynaud, il étudiait les mythes et les religions de l'Amérique maya. C'est alors que pour compenser l'aridité des études scientifiques, retrouver l'instinct de sa terre violente et convulsive, il écrivit ces Légendes du Guatemala qui enchantèrent Valéry.
- "L'écrivain métis", un texte inédit de Miguel Angel Asturias, Le Monde, 25 octobre 1967, traduit par Raphaël Sorin :
Il existe une autre fidélité. La fidélité de l'écrivain. L'écrivain fidèle à ses racines et par là fidèle à ses origines. Poésie - ou prose - qui saute, surgit, qui ne se fabrique pas, qui naît. Sur la terre de l'Amérique centrale court cette littérature de feu, d'eau et de songe. Une sorte de lavé volcanique, de minerai précieux, de pétrole sacré. Résonance d'entrailles terrestres dans la voix humaine. Le sentiment, la dimension, la conjoncture, l'étonnement perpétuel. Parole qui va de la trille à la splendeur du verbe, du chaos au ravissement printanier, du poème dessiné, peint, colorié à l'alphabet, charpente européenne que les chantres du nouveau monde s'efforcent, non de détruire, mais d'assouplir avec toute l'humidité de l'Amérique.
Assouplir les os de l'alphabet qui, dès les aurores de la découverte, s'empara des symboles, est et a été la tâche des poètes et des écrivains métis. Aucune timidité. Aucune reculade. Ils travaillent avec les matériaux des langues précieuses - latin et castillan - et, loin d'en être les esclaves, ils tirent d'elles fa liberté verbale, fille de l'onomatopée, l'exaltation de ce qui leur est personnel.
Avec les générations, les poètes et les écrivains métis se délivrent de ces chaînes dorées, et au chant épique, à la fable, à la chronique en vers succède une littérature sans limites définies à l'avance, qui peut être chaotique et sans logique, selon le goût châtré des esthètes. Les écrivains de l'Amérique de langue espagnole, de langue portugaise ont des mains nombreuses, des bras nombreux, des yeux et des oreilles innombrables, un odorat universel, un toucher universel et, dans la mesure seulement où ils renoncent à leurs origines, à leurs racines, à leur Amérique, ils perdent tout cela et finissent par être eux-mêmes diminués.
Mais surtout, nos artistes sont les fils de la lumière, de la lumière de l'Amérique centrale, qui n'est pas une lumière directe, immédiate, aveuglante, mais une lumière de miroir et de songe comme la lumière de la Grèce.
Mers proches, les deux plus grands océans, lacs et fleuves innombrables, enferment la terre de l'Amérique centrale dans une atmosphère de lumière réfléchie, une atmosphère lumineuse qui passerait pour magique si elle ne l'était pas en fait puisque les êtres et les choses baignent perpétuellement dans une clarté de miroir pulvérisé dans l'air. Les couleurs et les lignes ne se perçoivent pas directement, ne sont pas blessantes, mais se montrent à travers des brumes, des voiles lumineux, transparents, formés par la lumière du soleil qui se reflète, rencontrant les énormes masses d'eau des océans proches, des lacs et des fleuves.
Et les poètes et les écrivains de l'Amérique métisse sont les grands ouvriers de cette lumière ; ils la font circuler dans leurs poèmes et dans leur prose, mais ils ne travaillent pas la lumière qui tombe directement du ciel, ils choisissent une lumière réfléchie qui devient la chair de leur poésie. Ce n'est pas la lumière du soleil, de la lune, des étoiles, mais une lumière aquatique, marine, lacustre, fluviale, fantasmagorique pour des peuples d'hommes qui rêvent les yeux ouverts.
Paris, octobre 1967
- "La Cloche du purgatoire", Claude Couffon, Le Monde, 1er mars 1969. Extrait :
Au début de l'année 1922, Miguel Angel Asturias publiait dans le numéro 8 de la revue Studium, organe des étudiants guatémaltèques, une courte prose, "el Toque de animas". Âgé de vingt-trois ans, le futur auteur de Monsieur le Président était alors étudiant à la faculté de droit de Guatemala. Depuis ton inscription à cette faculté, en 1917, sa vie avait été des plus actives. Militant révolutionnaire, Asturias avait participé aux luttes contre la dictature de Manuel Estrador Cabrera, luttes menées tantôt dans la revue El Estudiante et tantôt dans la rue, comme cette grève des cent jours qui entraîna la chute du dictateur, en 1920. La liberté une fois retrouvée, les étudiants se réorganisèrent en Association générale des étudiants universitaires et, en 1921, Asturias était leur délégué au congrès international de Mexico. En 1922, M. A. Asturias participait à la fondation de l'Université populaire de Guatemala, dont le but était d'apprendre à lire aux adultes et de donner une éducation civique et manuelle aux ouvriers. À la fin de l'année suivante, il parlait pour l'Europe, après avoir soutenu sa thèse sur "le Problème de l'Indien " et obtenu le litre d'avocat et de notaire. "El Toque de animas" ("la Cloche du purgatoire"), que nous traduisons aujourd'hui, est son premier texte littéraire. À l'origine, il constituait le premier chapitre d'un roman qui ne fut jamais écrit, "el Acolito Cristo" ("le Christ complice"). Le thème du livre devait être la répartition des richesses de l'Église entre les pauvres et les déshérités. Installé en Europe, d'abord à Londres, puis à Paris, M. A. Asturias renonça à son projet pour écrire les Légendes du Guatemala. Nous tenons à remercier ici M. A. Asturias qui nous a autorisé à publier ce texte retrouvé.
- "Hommage à Miguel Angel Asturias", Claude Couffon, Le Monde, 12 juillet 1974. L'article :
Un hommage solennel à Miguel Angel Asturias a été rendu le 9 juillet dans le cadre de la galerie Mazarine. En effet, le grand écrivain guatémaltèque, récemment disparu, a légué tous ses manuscrits et archives à la Bibliothèque nationale. La cérémonie était placée sous la présidence de M. Jean-Pierre Soisson, secrétaire d'État aux universités, et en présence de M. Marcel Brion, président de l'Association des amis de Miguel Angel Asturias.
Roger Caillois fit appel à ses souvenirs pour évoquer le romancier qui, en Amérique latine, "a créé plus qu'un genre, une façon de s'exprimer qu'on a appelée le réalisme magique et que je préférerais appeler le réalisme halluciné", Asturias étant "l'expression authentique d'une façon de sentir et de vivre l'univers".
C'est au président Léopold Sedar Senghor qu'il revenait de parler longuement de ce "métis" qui fut son ami intime : n'en déplaise aux racistes, les métis sont un milliard deux cents millions et représentent le tiers de la population du globe. La "civilisation de l'universel" sera "celle du métissage des civilisations différentes", et c'est aux artistes, essentiellement aux poètes, de la construire. En cela Asturias fut un admirable précurseur : son "originalité ne fut pas de chanter l'Indien dans ses poèmes, de l'avoir fait vivre, avec ses dieux, dans ses récits, mais le métis né de la rencontre torride de l'Espagnol, de l'Indienne mais aussi de l'Africaine, Ou inversement".
Dans le grand salon rouge où l'on pouvait reconnaître de nombreux romanciers, poètes, universitaires, certains venus de très loin, comme Jorge Amado, une émouvante présente : celle de Mathilde Neruda.
- "La dépouille de Miguel Angel Asturias, prix Nobel de littérature en 1967, retourne au Guatemala", France info Culture avec AFP, 10 juin 2024 et Le Monde, 10 juin 2024. Extrait :
La dépouille de lécrivain a été exhumée du cimetière du Père-Lachaise, pour être rapatriée au Guatemala en 2024 : "Nous avons pris la décision de rapatrier ses restes sous le gouvernement de Bernardo Arevalo", le nouveau président du Guatemala, a déclaré, son fils Miguel Angel Asturias Amado.
Il sagit dune décision "à forte connotation émotionnelle" et dune "décision politique que mon père et mon frère approuveraient", a affirmé M. Asturias Amado, dans son discours lors dune cérémonie marquant le 50e anniversaire de la mort de son père.
"Le recevoir sera un honneur pour le Guatemala", a commenté le président Arevalo lors de cette cérémonie au Palais national de la culture, à laquelle a également assisté la Prix Nobel de la paix (1992) guatémaltèque Rigoberta Menchu.
Jusquà présent, la famille de Miguel Angel Asturias nétait pas favorable à un retour au Guatemala de la dépouille de lécrivain. En 2014, son fils avait déploré "lindifférence totale" à légard de luvre de son père dans le pays. Il avait également affirmé que la pauvreté et lexclusion sociale persistantes y rendaient impossible le rapatriement du corps de lécrivain, fermement engagé tout au long de sa vie en faveur des indigènes et des groupes les plus marginalisés.
Mais la tombe d'Asturias demeure bien au cimetière
du Père Lachaise. Au-dessus d'une plaque funéraire en bronze
se dresse une stèle maya semblable à celles retrouvées
dans les ruines de Quiriguá, dans son pays natal. Voici la photo
tirée du site du Père Lachaise :
Et une photo prise par Claire après avoir lu le
livre le 10 mai 2025 :
Miguel Angel Asturias reçoit le prix Nobel de
littérature en 1967 pour son uvre, ainsi commentée
lors du discours de présentation du secrétaire permanent
de l'Académie suédoise. Extraits :
- Le roman Monsieur le Président :
Cette satire magnifique et tragique critique le prototype du dictateur latino-américain, apparu à plusieurs reprises au début du siècle et réapparu depuis, alimenté par le mécanisme de la tyrannie qui, pour le commun des mortels, transforme chaque jour en enfer. La vigueur passionnée avec laquelle Asturias évoque la terreur et la méfiance qui empoisonnaient le climat social de l'époque fait de son uvre un défi et un geste esthétique inestimable.
- Les influences d'Asturias :
Asturias s'est totalement libéré des techniques narratives obsolètes. Très tôt, il subit l'influence des nouvelles tendances de la littérature européenne ; son style explosif est étroitement apparenté au surréalisme français. Il faut cependant noter qu'il puise toujours son inspiration dans la vie réelle.
- Au sein et au-delà de la littérature latino-américaine, sa singularité :
L'Amérique latine peut aujourd'hui s'enorgueillir d'un groupe actif d'écrivains de renom, un chur aux voix multiples où les contributions individuelles sont difficilement discernables. L'uvre d'Asturias est néanmoins vaste, audacieuse et remarquable au point de susciter un intérêt au-delà de son propre milieu littéraire, au-delà d'une zone géographiquement limitée et éloignée de nous. L'une des légendes indiennes auxquelles Asturias fait allusion évoque la croyance selon laquelle les ancêtres défunts sont contraints d'assister, les yeux ouverts, aux luttes et aux souffrances de leurs descendants. Ce n'est que lorsque la justice sera rétablie et la terre volée restituée que les morts pourront enfin fermer les yeux et dormir paisiblement dans leurs tombeaux. C'est une croyance populaire belle et poignante, et on imagine aisément que le poète militant a souvent senti sur lui le regard de ses ancêtres et a souvent entendu l'appel silencieux et symbolique qui a touché son cur.
- En conclusion :
Monsieur l'Ambassadeur, vous venez d'un pays lointain, mais ne vous sentez pas aujourd'hui comme un étranger parmi nous. Votre uvre est connue et appréciée en Suède. Nous sommes heureux de vous accueillir comme un messager de l'Amérique latine, de son peuple, de son esprit et de son avenir. Je vous félicite au nom de l'Académie suédoise, qui rend hommage à la "vivacité de votre uvre littéraire, ancrée dans les traits nationaux et les traditions indiennes". Je vous invite maintenant à recevoir votre prix des mains de Sa Majesté le Roi. (voir le discours intégral en anglais =>ici)
Le discours de réception d'Asturias intitulé "Le roman latino-américain : témoignage d'une époque" commence ainsi :
J'aurais voulu que cette rencontre ne s'appelât point conférence, mais plutôt colloque, échange de doutes et d'affirmations sur le sujet qui nous occupe. (...)
Mais ce n'est pas une causerie, mais une véritable dissertation sur l'histoire du roman et ses caractéristiques. Extraits :
Le roman latino-américain, notre roman, pour saffirmer comme tel, ne peut trahir le grand esprit qui a informé et informe toute notre grande littérature. Si tu nécris un roman que dans le but de distraire, brûle-le, devrait-on dire évangéliquement, car si tu ne le brûles pas toi-même, il seffacera avec toi au fil du temps, il seffacera de la mémoire du peuple, lieu où tout poète ou romancier aspire à demeurer. Nombreux ceux qui par le passé écrivirent des romans pour divertir ! À toutes les époques. Et qui sen souvient à présent ? (...)
Dans nos livres, nous ne cherchons ni sensationnalisme ni truculence pour essayer de nous faire une place dans la République des Lettres. Nous sommes des êtres humains apparentés par le sang, la géographie, la vie à des centaines, des milliers, des millions d'Américains qui souffrent de misère dans notre riche et opulente Amérique. Nos romans cherchent donc à mobiliser dans le monde les forces morales qui doivent nous servir à défendre ces hommes. Le processus de métissage de nos lettres est à présent engagé (...)Toutefois, bons Américains que nous sommes, nous avons la passion des belles formes pour exprimer les choses, et chacun de nos romans est en cela une prouesse verbale. Il existe une alchimie. Nous le savons. Il n'est pas aisé de se rendre compte, dans l'uvre achevée, de l'effort et de l'obstination déployés pour obtenir les matériaux employés, des mots. Oui, c'est bien cela, des mots, mais utilisés selon des lois. Selon des règles. Ils ont été disposés telle la pulsation de mondes en formation. Ils résonnent comme des bois. Comme des métaux. L'onomatopée. Dans l'aventure de notre langage, la première chose à considérer est l'onomatopée. Combien d'échos composés ou décomposés de notre paysage, de notre nature, dans nos vocables et nos phrases. Il y a une aventure verbale du romancier, un usage instinctif du langage. Il se laisse guider par les sons. Il s'écoute. Il écoute ses personnages. Nos meilleurs romans ne semblent pas avoir été écrits mais dits. Il y a une dynamique verbale de la poésie que recèle le mot lui-même, et qui est d'abord révélée comme son, puis comme concept.
C'est pourquoi les grands romans latino-américains sont des masses musicales vibrantes prises dans la convulsion de la naissance de toutes les choses qui naissent avec elles.
L'aventure se poursuit avec la confluence des langues. De toutes les langues parlées par les hommes : outre les langues indigènes américaines qui entrent dans leur composition, il existe un mélange des langues européennes et orientales que les foules d'immigrés ont importées en Amérique.
Une autre langue va iriser les sons et les mots. La langue des images. Nos romans ne semblent pas seulement écrits avec des mots mais aussi avec des images. Nombreux sont ceux qui lorsqu'ils lisent nos romans se les représentent cinématographiquement. (...)
Au 73 rue de Courcelles, Paris 8e
Trois films ont été adaptés de Monsieur le Président. Aucun n'a eu de chance !
1. El Señor Presidente (1969), film argentin de Marcos Madanes, présenté à la Mostra de Venise. Voici un extrait de la critique assassine du Monde et la réaction d'Asturias :
Nous nous étonnions vendredi de la médiocrité générale des films figurant au programme de la "Mostra".
Cette surprise est devenue stupeur et même indignation quand nous fut projeté le film adapté par le réalisateur argentin Marcos Madanès du roman de Miguel Angel Asturias : El Signor Presidente (le Président). Avec une inconscience qui irise la provocation, Marcos Madanès a transformé une uvre pétrie de poésie, d'amour et d'humour, en une mascarade cinématographique dont la vulgarité n'a d'égale que la sottise. Tout ce qui faisait la force et le charme du livre dénonciation sur le mode dramatique, ironique et presque onirique, d'une dictature sud-américaine, appel passionné à la liberté et à la fraternité a disparu de l'écran pour faire place à un salmigondis de séquences tour à tour mélodramatiques et "surréalistes" parfaitement ridicules.
La sélection d'un tel film au Festival de Venise paraît difficilement admissible. Miguel Angel Asturias a d'ailleurs adressé à la direction de la "Mostra" un télégramme officiel dans lequel il s'élevait contre la présentation de El Signor Présidente, précisant que le film avait été tourné en dehors de tout contrat valable (ce que le réalisateur a aussitôt contesté).
Après ce sinistre faux pas, nous avons trébuché contre un film français du programme (le Cur fou et Petit à petit étaient les deux premiers) : lAlliance. ("Le Président" et "L'Alliance", Le Monde, 1er septembre 1970)
2. El Señor Presidente (1983), film de Manuel Octavio Gómez, coproduction Cuba-France-Nicaragua, avec Michel Auclair en président, Bruno Garcin. Critique aussi assassine... : réalisée en 1983 par Manuel Octavio Gómez
On n'en aurait même pas parlé s'il ne s'était agi d'une uvre d'Asturias et d'une de ces coproductions internationales comme elles se multiplient actuellement. Un projet ambitieux, prometteur, entre la SFP TF1 et Cuba et le Nicaragua. Un échec pourtant.
Un roman c'est une histoire racontée avec des mots. Pour l'adapter il faut inventer une autre langue, avec les moyens apropriés. Monsieur le président de Miguel Angel Asturias (samedi soir TF1) est l'une des plus grandes uvres latino-américaines. Ce "roman de terreur" vaut non seulement pour sa dénonciation impitoyable, pour sa radiographie précise de la dictature de Manuel Estrada Cabrera ; c'est aussi la description d'un monde réel envahi par l'irréel. Monde magique primitif, baigné par le subconscient indien auquel l'accumulation d'assonances, les métaphores oniriques, la syntaxe disloquée, les mots éclatés viennent donner une force tellurique. Manuel Octavio Gomez, grand cinéaste cubain (la Première Charge à la machette, la Terre et le Ciel) a gardé la dénonciation politique, un climat de cave, mais il ne reste rien de ce rythme qui allongeait la phrase, de la connaissance magique de la nature, des images obsessionnelles et presque surréalistes, du rythme incantatoire.
Est-ce mal joué, on ne sait pas. Ou mal doublé ?... Ç'est ça. Les mendiants, les ivrognes, cette sous-humanité saisissante chez Asturias, parlent avec la même voix que Sue Ellen ou J.R. dans Dallas, comme Startsky et Hutsch ! On l'a compris, l'uvre est réduite à néant. - C. H. ("Monsieur le président", Le Monde, 7 février 1984)
3. El Señor Presidente (2007), film vénézuélien de Rómulo Guardia. Produit par RCTV (Radio Caracas Televisión Internacional), c'était le premier film produit par cette chaîne de télévision depuis 20 ans. Le film a été tourné en secret. Lors de sa projection, le film a été immédiatement perçu comme une critique directe du gouvernement vénézuélien. L'année suivante, la licence de RCTV n'a pas été renouvelée.
Des documentaires à la télévision sur Asturias
- Pour les 2 ans d'Italiques (émission
de télévision politique et culturelle française présentée
par Marc Gilbert de 1971 à 1974), on trouve Asturias parmi une
brochette d'invités : Romain Gary, Silvia Monfort, Roger Vadim,
René Barjavel, Michel Déon, Guy Béart, Max Pol Fouchet,
Jean Lacouture, Michel Déon, François Châtelet, Abraham
Moles, Silvia Monfort, Marc Ullmann, 9 novembre 1973, INA,
56 min.
- Un film documentaire (1999) de la série Un
siècle d'écrivains : Miguel Angel Asturias (1899-1974),
réalisé par Danièle Baudrier, 41 min : c'est
sur une interview de Miguel Angel Asturias, prix Nobel de littérature
en 1967, que s'ouvre ce film, qui montre des images du Guatemala, dont
la lumière et les fleuves ont marqué lenfance de lécrivain.
Ses textes, lus par Anne Alvaro et Christina Chirouze Montenegro, alternent
avec les interviews de Claude Couffon, son traducteur en français,
Jean-Philippe Barnabé, Amos Segala, Claude Fell et Aline Jancquart.
- Miguel Ángel Asturias : Monsieur le
Président (1983), par Georges Combe, CNDP, 8 min.
- Dorita Nouhaud, co-traductrice du livre que nous lisons, fut l'autrice d'une thèse sur Asturias : Lécriture, espace de la memoire dans les fictions de Miguel Angel Asturias, thèse dEtat, Toulouse 2, Etudes latino-américaines, 1980. Elle a écrit des articles sur Asturias.
- Miguel Angel Asturias et la culture française : un parcours métis, Maximilien Kerfyser, mémoire de master en histoire, sous la direction de Pascal Ory, Panthéon Sorbonne, 2015, 132 p.
- La BNF a mis en ligne une bibliographie sélective, juin 2024.
(la suite arrive...)
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens