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 Quatrième de 
          couverture : Abe Ravelstein est un brillant professeur de l'université 
          de Chicago et un homme qui se targue d'avoir formé tous les hommes 
          qui comptent dans le monde politique. Il a vécu sur un grand 
          pied - largement au-dessus de ses moyens. Son ami Chick, le narrateur, 
          lui a suggéré d'exposer sa philosophie politique dans 
          un livre destiné au grand public. À sa propre surprise, 
          Ravelstein le fait et devient millionnaire. Durant un séjour 
          à Paris destiné à célébrer ce succès, 
          Ravelstein suggère à son tour à Chick d'écrire 
          un livre sur lui et tous deux échangent des pensées sur 
          la mort, la philosophie et l'histoire, les amours et les amis, et des 
          anecdotes du passé. L'humeur s'assombrit à leur retour 
          dans le Midwest et Ravelstein succombe au sida tandis que Chick lui-même 
          frôle la mort de peu. 
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      Saul Bellow (1915-2005)
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             Large 
              éventail des 23 cotes d'amour des deux groupes, 
          des plus vaches aux plus enthousiastes  | 
        
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| DES 
            INFOS AUTOUR DU LIVRE  Les textes de Saul Bellow  Radio et film documentaire  Articles et entretiens  Repères biographiques  | 
        
Katell
(avis 
        lu à haute voix comme les suivants)
        Mais qui a pu proposer un tel livre ? Ravelstein : la quintessence 
        du roman masculin des années 80 ? 90 ? 2000 ? Nombriliste 
        et vaniteux. Cherchez la femme...
        Complètement décousu, sans queue (ha ha !) ni tête, 
        avec des références auxquelles, si l'on n'est pas juif, 
        mâle, vieux, américain et universitaire, on ne comprend strictement 
        rien.
        Un livre, qui selon moi, tombera dans les oubliettes du temps (ou sera 
        vu comme un objet archétypal d'une certaine mentalité patriarcale 
        de la fin du XXe ou du début du XXIe...)
        Fermé.
Claire
        Katell a vraiment le sens de la nuance !
        Clarisse
(avis 
        transmis) 
        Je ne prends pas la peine d'ouvrir ce livre. 
        En effet, je n'ai pas réussi à continuer ma lecture au-delà 
        de la page 130 environ, au moment où le personnage principal revient 
        de l'hôpital. Je voulais sincèrement continuer ma lecture 
        mais cela devenait presque douloureux. Les digressions constantes, la 
        superficialité des personnages, leur étalement de culture, 
        m'en ont finalement dissuadée. J'imagine que la suite aurait suivi 
        les mêmes modalités. J'étais curieuse d'explorer davantage 
        l'amitié entre le narrateur et Ravelstein, mais tant pis. 
        J'ai été particulièrement choquée par la mauvaise 
        interprétation du discours d'Aristophane dans le Banquet 
        de Platon par le narrateur. Platon et Socrate ne soutiennent pas du tout 
        la théorie des deux moitiés qui sont incomplètes 
        l'une sans l'autre, bien au contraire, la dialectique platonicienne du 
        beau et de l'amour est bien plus profonde. Ce livre cite sans cesse des 
        auteurs, des politiciens et des philosophes sans rien en dire, je ne vois 
        pas l'intérêt ! Si ces citations futiles sont faites au second 
        degré, alors je suis passée à côté de 
        tout le roman. 
        J'ai hâte de lire les avis positifs, s'il y en a, pour mieux appréhender 
        ce livre et peut-être un jour retenter ma chance. En attendant, 
        je lis La 
        Route de McCarthy, que des membres du groupe ont chaudement recommandé. 
        
Annick L
        Je viens de terminer le roman graphique La 
        route de Manu Larcenet, adapté du roman, vraiment remarquable !
Thomas
        J'ai aussi beaucoup apprécié la tétralogie Blast, 
        ainsi que l'adaptation 
        graphique que j'avais trouvée très réussie du 
        Rapport de Brodeck de Claudel. 
        Fanny
(avis 
        transmis) 
        Voici mon avis, tronqué car je suis aux 2/3 du bouquin. 
        La sympathie du narrateur pour Ravelstein est manifeste, mais pour ma 
        part je le trouve assez horripilant, imbu de lui-même et misogyne. 
        
        Le style et la forme sont je trouve à l'unisson avec le personnage 
        : sur la forme un bloc, un monolithe sans espace, qui ne permet pas de 
        marquer des temps de pause, ni de s'accrocher à des repères 
        dans la narration. Sur le style, c'est érudit, mais je trouve que 
        cela frôle parfois le pédantisme.
        Il y a des échanges qui pourraient être intéressants 
        entre les deux protagonistes, mais ils sont noyés dans leurs propres 
        préoccupations à mon sens nombrilistes. 
        Malgré tout, je ne sais pas pourquoi mais je persévère. 
        
        J'ouvre 1/4 et, comme d'habitude, j'ai hâte de lire vos avis, surtout 
        ceux qui sont enthousiastes.
        (Plus tard, une fois le livre terminé) Je 
        l'ai lu jusqu'au bout et mon avis reste inchangé. Leurs histoires 
        et réflexions ne m'ont pas intéressée.
        Sabine 
        entre 
et 
        
(avis 
        transmis) 
        Mon (petit ) avis : j'ai lu un ou deux livres de Saul Bellow, et je n'en 
        garde pas un souvenir précis si ce n'est que je l'avais catalogué 
        dans "lectures pas faciles". 
        C'est un peu le sentiment que j'ai aujourd'hui avec Ravelstein 
        : j'ai été traversée par de forts moments d'énervement, 
        dus simplement au personnage odieux de ce "vieil homosexuel juif", 
        débordant de vanité, de suffisance, et de morgue. J'ai même 
        balancé un soir le livre par terre en me disant : "J'abandonne !". 
        Pour autant, peut-on lâcher un livre au seul motif que le personnage 
        est puant ? C'est sans doute parce qu'il m'a rappelé un vieil amant 
        roumain abject (chut !)...
        J'ai cependant apprécié l'art des dialogues et le va-et-vient 
        entre l'Amérique et la France. J'attends vos avis avec impatience. 
        J'ouvre un tiers.
        Monique 
        L
(en 
        direct comme les avis qui suivent)
        C'est une sorte de non-histoire d'un personnage érudit, philosophe, 
        riche, gay, juif... Pourquoi le narrateur est-il à ce point subjugué 
        par ce professeur égocentrique dont l'esprit ne saute pas aux yeux 
        ? C'est un vieil intello qui vit entouré d'une cour de fidèles. 
        Il est rustre, vaniteux, riche, prétentieux, élitiste, iconoclaste, 
        imprévisible, avec des goûts de luxe, mais fidèle 
        et généreux pour ses amis.
        C'est une discussion à bâtons rompus dans laquelle de nombreux 
        sujets sont abordés : la Shoah, les Juifs, les grandes institutions 
        d'enseignement, l'establishment US, Paris, les jeunes, les vieux, le sida, 
        la mort, etc.
        L'écriture fait que l'on ne s'ennuie pas, mais cela part trop dans 
        tous les sens. C'est empreint de cynisme, ce qui n'est pas déplaisant.
        J'ai eu l'impression d'un bavardage sans réelle construction.
        J'ai eu du mal à me replonger dans ma lecture après chaque 
        arrêt, car je n'arrivais pas à y trouver un intérêt.
        Ce qui aurait pu m'intéresser, c'est la culture des deux personnages 
        et leurs discours sur les uvres qu'ils ont aimées et qui 
        les ont guidés. Il y a beaucoup de références. J'ai 
        pu en suivre certaines, assez classiques comme Platon et son Banquet. 
        Mais je n'ai pas lu Anna 
        Livia Plurabelle de Joyce et n'ai aucune connaissance de Allan 
        Bloom. Je passe donc à côté d'un certain nombre 
        de références et n'ai pas cherché à les étudier.
        Malgré les dires de la 4e de couverture, je n'ai pas vu d'humour. 
        Il s'agit peut-être d'une caricature amusante pour les lecteurs 
        qui connaîtraient les célébrités représentées, 
        mais là aussi j'avoue mon ignorance, ainsi que ma méconnaissance 
        de l'idéologie néoconservatrice.
        J'ai préféré le personnage de Chick parce qu'il prend 
        un peu de distance.
        Le fil rouge de l'histoire est sans doute la mort, la lente et inéluctable 
        dégénérescence vers la fin.
        J'ouvre au ¼.
        Jacqueline![]()
        Ouf ! un roman ! Du texte !
        Au début, pas facile d'y rentrer ! Alors, je suis loin d'avoir 
        fini, je n'ai pas eu le temps ! J'avais d'autres préoccupations 
        et puis l'humour n'est pas le même pour tout le monde, c'est une 
        question de culture comme la BD ou le roman graphique
        Et là ça me dépassait un peu : Lloyd Georges qui 
        c'est ? (Pour Keynes, heureusement pour moi, Voix au chapitre 
        a consacré un 
        été à Bloomsbury !) Nietzsche, Plutarque, on 
        m'en a parlé mais je n'ai jamais lu ! L'histoire mondiale et Michael 
        Jackson, faudrait que j'arrive à m'y intéresser ! May West, 
        une actrice, mais dans quels vieux films ? Je n'en ai vu aucun
        Tout ça caractérise bien le personnage, mais ça me 
        fatigue !
        Tiens ! le poulet en croûte de sel, là je me représente 
        très bien, mais au Crillon ? Ce n'est pas exactement comme ça 
        que je m'imaginais le Crillon ! Pour retrouver une recette antique ? J'ai 
        des doutes
, c'est bizarrement incongru.
        Ensuite j'ai adoré le récit de la rupture du narrateur avec 
        sa première femme et les interventions de Ravenstein. J'ai commencé 
        à m'amuser
        Je n'en suis qu'au premier tiers et voilà le récit cocasse 
        d'une vie de panache au-dessus de ses moyens, qu'ils soient physiques 
        ou financiers. J'y trouve ce dérisoire qui fait le sel de toute 
        vie.
        Je n'ai pas terminé mais j'ai envie de le faire ! Est-ce que la 
        suite va m'amuser ?
        J'ai emprunté des nouvelles, Mémoires 
        de Mosby : ça n'a plus du tout l'air de se passer dans 
        le monde universitaire et il y a des personnages très différents 
        ; je suis curieuse !
        Comment ouvrir celui-là ? Difficile de me prononcer puisque je 
        n'ai pas terminé et que la suite me réserve sans doute des 
        surprises
        À moitié ? Pour n'avoir pas apprécié un quart 
        du quart puis aimé le quart suivant. Finalement aux trois quarts 
        pour la création littéraire !
        Ce serait intéressant aussi de comparer la forme du dialogue dans 
        ce livre avec Hemingway à peu près contemporain... J'aimerais 
        pouvoir approfondir tout comme sur la notion de "Juif américain". 
        Faudrait du temps...
        Thomas![]()
        Mon avis est mitigé, mais en entendant tant d'avis négatifs, 
        j'ai envie de défendre le livre. C'est en effet une lecture à 
        laquelle j'avais toujours envie d'y revenir. Certes, à la fin, 
        c'était surtout parce que je me réjouissais d'en arriver 
        au bout et de bientôt pouvoir passer à autre chose... Mais 
        avant cela, il y a eu un réel plaisir de lecture. Cette découverte 
        du personnage, par petites touches, où on papillonne, où 
        on voit le personnage par plein de côtés différents, 
        je l'ai trouvée très agréable. Et le personnage de 
        Ravelstein en lui-même, avec tous les défauts qu'il peut 
        avoir, m'a vraiment plu ! J'aime sa truculence, son rejet moqueur 
        des conventions sociales (notamment cette scène où il boit 
        à la canette - ou à la bouteille ? - lors de ce dîner 
        mondain un peu guindé). On a envie de le voir, ce Ravelstein, dans 
        la vraie vie (peut-être pas d'avoir affaire à lui, ceci dit, 
        mais au moins de pouvoir l'observer !). C'est un "personnage" 
        comme on dit !
        Puis, c'est vrai, on s'essouffle, le narrateur finit par se répéter 
        et nous par nous ennuyer. Il y a notamment ces retours à l'histoire 
        des deux moitiés de Platon, que j'ai trouvée fort bien raconté 
        au demeurant, mais qui perd de son intérêt au fur et à 
        mesure. Et, plus on avance, plus le récit s'éloigne de Ravelstein 
        pour se rapprocher du narrateur. Or, je n'ai pas trouvé beaucoup 
        d'intérêt, ni au récit du naufrage de son mariage 
        avec Vela, ni à celui de son empoisonnement. J'étais frustré 
        qu'après cette esquisse très réussie de Ravelstein, 
        on n'aille pas plus loin, qu'on reste assez en surface, finalement. J'ai 
        eu un court espoir au moment où le sida est mentionné, j'ai 
        pensé au film Philadelphia, 
        je me suis dit qu'on aurait peut-être quelque chose d'intéressant 
        sur la façon dont cette maladie était considérée 
        à cette époque-là, mais finalement le sujet est à 
        peine effleuré.
        Par ailleurs, j'ai parfois été gêné par cette 
        difficulté à savoir ce qui relève de la réalité 
        ou de la fiction. On sent que c'est très autobiographique, les 
        articles 
        en font état, mais parfois je me demandais comment je devais l'appréhender 
        : comme un roman inspiré de personnages réels, mais où 
        l'auteur a pris des libertés et forcé le trait, ou comme 
        un réel récit de vie où le seul artifice serait d'anonymiser 
        (relativement) les personnages ? C'est peut-être la limite de ces 
        biographies romancées. 
        Malgré tout, la lecture était agréable, j'ouvre donc 
        à moitié.
        Jérémy entre
et![]()
        Avant la lecture : J'avais 
        déjà lu du Bellow il y a longtemps, Herzog, que je 
        n'avais pas terminé. Je n'avais pas été rebuté, 
        mais pas suffisamment intéressé non plus pour aller jusqu'au 
        bout ; j'étais mitigé. Le livre m'avait fait penser 
        à du Philip Roth, dans le style humour juif new-yorkais des années 
        40-50 et je crois que j'y reste un peu extérieur. J'étais 
        malgré tout content de retrouver Bellow et de lui donner "une 
        seconde chance".
        Après la lecture : Ce n'est certes pas un grand livre, il 
        ne me ne me marquera pas profondément et je ne le relirai pas ; 
        mais je ne pense pas qu'il faille l'aborder comme tel. Ce livre, c'est 
        comme des bulles de champagne, pétillant et léger. Pas profond, 
        mais cela donne du plaisir.
        La structure n'est pas facile à suivre, avec toutes ces digressions, 
        ces flash-back, ces récits enchâssés. Lors de la révélation 
        du VIH de Ravelstein, j'ai eu du mal à cerner la chronologie et 
        à bien comprendre comment tout cela s'emboîtait entre Paris 
        et les USA : cela ne me semblait pas très vraisemblable. Mais je 
        crois que c'est un livre qu'il faut lire en acceptant de se laisser aller, 
        de se laisser glisser. Malgré ses redondances et ses répétitions, 
        je l'ai toujours repris avec plaisir, car il y a pas mal de pépites, 
        de fulgurances, d'aphorismes qui aident à vivre ou font réfléchir, 
        et c'est aussi ce que je recherche et ce que j'aime dans un livre : 
        "Celui qui veut gouverner 
        le pays doit d'abord le divertir" (p. 11) 
        : on pense à Trump, et à Reagan avant lui ! 
        À la fin d'une soirée : ''Nous 
        étions arrivés à l'estuaire de la fête et faisions 
        de nouveau face au golfe du régime ordinaire'' (p. 39), 
        c'est joli.
        Un peu plus loin : "De 
        longues années durant, il avait été un touriste, 
        un honnête adorateur de la civilisation française - mais 
        à l'ombre d'un nuage budgétaire -, rêvant de rouler 
        carrosse, mais sans le sou".
        "L'âme de l'autre 
        est une sombre forêt, comme disent les Russes." 
        (p. 125) 
        "Quatre-vingt-dix pour 
        cent de l'innocence moderne n'est guère plus que de l'indifférence 
        au vice, une résolution à ne pas se laisser affecter par 
        ce qu'on pourrait lire, entendre ou voir." (p. 158)
        "Tous les gens instruits 
        font la même erreur - ils croient que la nature et la solitude sont 
        bons pour eux. La nature et la solitude sont un poison, dit Ravelstein." 
        (p. 210) 
        J'ai aussi aimé les références à la France 
        et aux Français, qui donnent bien sûr dans le cliché 
        mais qui revêtent, comme tous les poncifs, leur part de vérité, 
        et puis il ne faut pas se prendre trop au sérieux : 
        "Ce à quoi ils 
        restaient bons étaient les arts de l'intimité. Le manger 
        continuait de bien coter (
). Et, aussi, les grands étalages 
        de lingerie. L'amour éhonté des parures de lit. 'Viens, 
        viens dans mes bras, je te donne du chocolat'" 
        (p. 51). C'est très drôle ! 
        "Les Français 
        étaient authentiquement cultivés - ou l'avaient été 
        autrefois."(p. 69) 
        Oui, il y a beaucoup de références, mais cela ne m'a pas 
        semblé envahissant. En tout cas, je ne me suis pas senti submergé 
        et le fait de ne pas toutes les avoir n'a pas entravé ma lecture. 
        Elles ne m'ont pas semblé gratuites et relever de l'étalage 
        et de la pédanterie. Je ne peux pas reprocher à un narrateur 
        d'être plus érudit et cultivé que moi et je prends 
        plutôt les références que je n'ai pas comme autant 
        de chances et de cadeaux. J'avais pensé la même chose sur 
        ce point de L'écriture 
        et la vie.
        J'ai bien aimé le personnage de Ravelstein, truculent, une sorte 
        de DSK ou de Depardieu, dans le sens du bagout, de la faconde, de l'envergure, 
        fort en gueule, qui prend de la place, qui bouffe la vie et la brûle 
        par les deux bouts, qui n'est pas dans la demi-mesure, "hors cadre" 
        en quelque sorte. Je l'ai trouvé attachant, il s'intéresse 
        profondément aux gens qui l'entourent, à ses amis, à 
        leur vie, à leurs affects, et j'ai trouvé drôle son 
        côté marieur, entremetteur, ainsi que le décalage 
        entre la haute culture qui l'anime et son côté très 
        matérialiste. Ce n'est pas un pur esprit éthéré. 
        
        Je n'ai pas trouvé le livre misogyne. Oui le personnage de Vela 
        peut faire office de repoussoir. Pour simplifier, on pourrait dire que 
        c'est une garce. Et alors ? Cela n'est-il pas possible dans la vraie vie 
        ? Les femmes sont-elles toutes des anges ? Ne doivent-elles tenir que 
        des beaux rôles ? Est-ce que le fait de dépeindre un personnage 
        féminin peu aimable suffit à taxer un livre de misogyne 
        ? Je trouve que c'est un raccourci et une facilité. Que l'on n'aime 
        pas l'image que renvoie des femmes un personnage en particulier est une 
        chose, mais que l'on tire d'un fait particulier une telle accusation générale 
        est autre chose. Et puis les romans ne sont pas là pour nous renvoyer 
        l'image aimable de nous que nous souhaiterions voir et nous complaire, 
        encore moins pour servir des causes. Dirait-on de Lolita 
        qu'il est un livre misandre ? Non, c'est un livre qui raconte l'histoire 
        d'un prédateur sexuel pédophile, c'est tout. Je trouvais 
        autrement plus dérangeantes les assertions essentialisantes de 
        Hardy dans Loin de la foule déchaînée 
        du type "Les femmes 
        sont comme ceci ou comme cela" ou "La 
        réaction de Bethsabée était bien typiquement féminine."
        Enfin, j'ai bien aimé l'humour de certains passages, comme lorsque 
        l'un des personnages se meurt et que les derniers mots qu'il prononce 
        sont : "Restons calmes 
        !" ou lorsque Ravelstein demande, à propos des 
        perroquets qui font un vacarme infernal si l'hiver ne les a pas "flingués". 
        
        J'ouvre entre ½ et ¾.
Thomas
        Et celle-ci... : "J'aime 
        à dire, quand on m'interroge sur Finnegans Wake, que je 
        me le garde pour la maison de retraite."
        Catherine![]()
        N'ayant jamais lu de livre de Saul Bellow, j'étais contente de 
        ce choix et plutôt impatiente de lire le livre. Mais je suis carrément 
        passée à côté et mes deux impressions principales 
        ont été la déception, puis l'ennui.
        J'ai assez aimé les toutes premières pages et le nigaudus 
        americanus, mais je n'ai pas réussi à m'intéresser 
        au héros principal, Ravelstein. C'est un universitaire devenu richissime 
        après avoir écrit un seul livre, qui vit aux USA et à 
        Paris dans une suite au Crillon, achète frénétiquement 
        des produits de grand luxe, a une couverture en vison sur son lit, etc. 
        C'est un trublion iconoclaste, plutôt rustre. Il se moque de toutes 
        les conventions, affiche son homosexualité à une époque 
        où ça n'était pas si facile, il assume totalement 
        ce qu'il est. Tout ça est plutôt positif, mais ça 
        n'a pas suffi à éveiller mon intérêt. Il est 
        présenté comme un grand esprit, il conseille les grands 
        de ce monde, mais je ne trouve pas que son génie soit si apparent 
        que ça dans le livre
        Je le trouvais peu crédible jusqu'à ce que je découvre 
        qu'il est très fortement inspiré d'un personnage tout à 
        fait réel, Allan Bloom, que je ne connaissais pas, honte à 
        moi. Il y a d'ailleurs, tout au long du livre, de nombreux noms qui sont 
        cités, que le lecteur est sans doute censé connaître, 
        mais ce n'était pas mon cas. C'est assez centré sur le monde 
        universitaire américain : j'ai cherché systématiquement 
        au début, puis je me suis lassée et ça ne m'intéresse 
        pas beaucoup. Il y a aussi de nombreuses références littéraires, 
        un peu trop nombreuses peut-être. Je n'ai pas réussi à 
        m'intéresser davantage au narrateur, aux quelques personnages féminins, 
        plutôt secondaires. Au passage, entre Vela et Rosamund, les femmes 
        ne sont pas très gâtées, même si Vela est une 
        femme brillante. Elles m'ont paru très caricaturales. 
        Une grande partie du livre consiste en des entretiens à bâtons 
        rompus, sans véritable fil conducteur (en tout cas, je ne l'ai 
        pas vraiment identifié), il y a des redites et des retours en arrière 
        incessants. Par-ci, par-là, il y a des phrases ou des idées 
        intéressantes, Bellow a un vrai sens de la formule, mais noyées 
        dans un foule de détails du quotidien inintéressants. De 
        nombreux thèmes - la maladie, la mort, l'amitié, la Shoah, 
        les Juifs - sont évoqués, mais plutôt effleurés 
        qu'autre chose. Quant au dernier quart du livre, centré sur la 
        maladie, puis la guérison de Chick, amoureusement veillé 
        par sa 3e femme qui doit avoir 40 ans de moins que lui, j'ai trouvé 
        ça carrément assommant.
        J'ai dû vraiment passer à côté de quelque chose, 
        même l'humour m'a échappé, à part quelques 
        exceptions. J'ai lu, après avoir fini le livre, une partie des 
        critiques, 
        presque toutes élogieuses ; je me dis que j'aurais dû 
        aimer, mais ça n'a pas vraiment été le cas. Je suis 
        intéressée par les avis positifs du groupe, il y en aura 
        sûrement et comme a dit un des critiques du Masque et la Plume récemment, 
        après avoir descendu en flammes un bouquin, c'est celui qui aime 
        qui a raison.
        Du coup, Bellow étant quand même un prix Nobel de littérature, 
        pour ne pas en rester là, j'ai commencé Herzog, 
        considéré comme un de ses chefs-d'uvre. Je l'ai trouvé 
        mieux, son héros m'a davantage intéressée, un universitaire 
        névrosé largué par sa femme, qui écrit des 
        lettres à la terre entière, ça me plaît davantage, 
        il y a beaucoup d'humour, ça m'a fait penser à Woody Allen 
        mais je n'en ai lu qu'un un tiers pour l'instant et je sens que ça 
        va me paraître long.
        Pour Ravelstein, j'ouvre un quart. Mais c'est toujours intéressant 
        malgré tout de découvrir un auteur. 
        Claire 
        entre
et![]()
        Mon avis a oscillé en quatre phases, accompagnées de la 
        discipline constante de ne pas aller aux renseignements sur le livre et 
        l'auteur avant d'avoir fermé la dernière page, car j'avais 
        très envie d'en savoir plus sur le contexte du livre et l'auteur 
        qui écrivait ça, dont je n'avais jamais lu une ligne :
        - d'abord l'étonnement, la curiosité, la surprise forte 
        : mais de quoi s'agit-il ?!
        - puis la lassitude, l'énervement : il va pas me tenir avec cette 
        logorrhée jusqu'au bout sans intrigue juste autour de ce mec !
        - il se passe des choses, un peu, et sans m'en rendre compte, me voilà 
        complètement embobinée, à un moment je me dis pas 
        question de le lâcher alors qu'on ne parle toujours que de ce mec
        - une fois aux Antilles et qu'on a le droit au menu des vacances j'ai 
        lâché. Je suis entre ½ et ¾.
        Au début, j'ai trouvé ça brillant, original, crépitant. 
        J'ai même aimé la première note du traducteur à 
        la première page et ai d'ailleurs apprécié la traduction 
        en remarquant des expressions qui faisaient tilt : chercher des crosses, 
        potasser, être en bisbille
        Le début m'a semblé très actuel, très anti 
        Trump, avec le créationnisme, le nigaudus americanus. Et 
        romanesque m'a paru ce personnage dont "l'intellect 
        avait fait de lui un millionnaire", ça change du 
        foot ou du CAC 40. J'ai apprécié le naturel pour parler 
        de l'homosexualité et j'ai beaucoup aimé la silhouette de 
        Nikki, jamais au premier plan, mais dans une relation visiblement très 
        forte avec Ravelstein : "Il 
        avait, qui plus est, le courage daffirmer son droit à être 
        exactement ce quil semblait être". Je ne partage 
        pas l'impression de misogynie et j'ai bien aimé comment vont et 
        viennent les deux figures de femmes, oui ! Et bien souri quand Ravelstein, 
        qui pourtant adore Rousseau, mais se fout de la campagne ("Il 
        mangeait la salade, mais ne voyait pas lintérêt de 
        méditer dessus"), rend visite au narrateur pour 
        lui démontrer qu'il s'est "enterré 
        au fond des bois" à tort et "fourré" 
        dans cette situation à cause de sa femme. 
        C'est l'humour que j'ai apprécié, la distance permanente, 
        l'esprit et les formules qui font mouche : "Bien 
        que dune formation supérieure  un 
        doctorat, trop fine pour se faire rouler , elle aimait son mari", 
        "À Paris, même 
        les embarras étaient haut de gamme." 
        Le fil conducteur dont l'absence a été regrettée 
        est pour moi celui-ci : le narrateur est chargé de faire une biographie 
        et le livre est l'histoire de ce projet, de cette tentative, de cette 
        biographie en train 
        de se faire, plutôt un portrait 
        d'ailleurs, par quel bout prendre le modèle, il lui tourne autour, 
        on a même 
        le modèle admiré de biographie qui est évoqué 
        (j'aimerais bien la lire) et, en cours de route, le sujet de la biographie 
        crève et le livre se finit par l'histoire du narrateur... Je vois 
        donc le livre comme une audace littéraire, expérimental, 
        le roman d'une biographie impossible à faire - un portrait car 
        on n'a pas l'histoire du personnage ou juste sa fin.
        J'ai lu un autre livre, un court roman, Une 
        affinité véritable, mais que j'ai trouvé 
        moins extraordinaire.
        Voici le 
        fameux livre qui a rendu Ravelstein-Bloom millionnaire - 
        je ne l'ai que feuilleté - mais le long avant-propos 
        de Saul Bellow est marrant : il commence ainsi "Le 
        professeur Bloom est tout le contraire d'un conformiste" 
        et on s'attend à une présentation de l'auteur ; or Bellow 
        raconte ensuite sa propre histoire, ce que j'ai trouvé rigolo comme 
        avant-propos, en pendant à notre roman.
        Ce qui est impressionnant quand le livre paraît, c'est la pléthore 
        d'articles en France, avant même d'ailleurs que le livre soit 
        traduit. Et le fait qu'aujourd'hui Bellow ne semble guère lu, à 
        part par nous... Par contre deux livres d'Allan Bloom viennent d'être 
        réédités ici 
        dont le fameux essai et son livre sur L'Amour 
        et l'Amitié dédié au vrai Nikki. Ravelstein-Bloom 
        reste d'actualité...
        Annick L
(à 
        l'écran)
        J'ai trouvé ce livre sans intérêt !
        C'est écrit à la va comme j'te pousse, plein de répétitions, 
        de retours en arrière, comme si le narrateur ressassait.
        L'évocation de ce petit monde d'intellectuels juifs fonctionne 
        comme un entre-soi, plein de références qui m'échappent. 
        Quel pédantisme ! Ravelstein est certes un personnage extra-ordinaire, 
        truculent, non conformiste, et un grand penseur qui a marqué des 
        générations entières. Mais tout cela est très 
        daté et m'a profondément ennuyée.
        Les romans de Philip Roth sont autrement denses. Et, si l'on cherche une 
        critique du monde universitaire, on peut lire la formidable trilogie du 
        britannique David 
        Lodge, pleine d'humour.
        En plus le ton général est assez cynique, et très 
        misogyne : la première épouse évoquée 
        a certes de l'étoffe (grande scientifique...), mais elle est décrite 
        comme un monstre, quant à la dernière, cette jeune femme 
        adoratrice de son mari
        Cela fait longtemps que je n'avais pas lu - en entier - un livre qui m'énerve 
        autant.
        Mais l'on peut reconnaître, vu la diversité des points de 
        vue, que c'est bien "un livre pour le groupe lecture".
        Fermé.
        Brigitte 
        entre
et
(à 
        l'écran)
        Saul Bellow a reçu le Prix Nobel de littérature, ce qu'il 
        écrit vaut donc la peine d'être lu : voilà quel était 
        mon état d'esprit quand j'ai entamé ce livre.
        Le début a été très laborieux : ce personnage 
        prétentieux qui portait une veste hors de prix, qu'il n'hésitait 
        pas à tacher en renversant sa tasse de café, ne m'intéressait 
        pas. J'ai, néanmoins, persisté dans ma lecture, parce qu'il 
        s'agissait d'un Prix Nobel !
        Mon intérêt s'est enfin éveillé à partir 
        du moment où Ravelstein commence à être malade. Je 
        parvenais à m'y retrouver au milieu des personnages et à 
        comprendre de quoi il s'agissait. Au fur et à mesure, j'entrais 
        dans cette lecture, qui présente la vie d'un groupe d'intellectuels 
        américains de milieu aisé rattrapés par le SIDA. 
        Ravelstein meurt plus jeune que ses vieux parents, que ses amis. Leurs 
        réflexions philosophiques sur le sens de la vie et de la mort deviennent 
        pour eux un sujet de préoccupation actuel et urgent.
        L'écriture sans fioritures est parfois superbe. J'ai vraiment aimé 
        tout le passage où Chick, le narrateur, raconte sa très 
        grave maladie lors d'un voyage à Saint-Martin.
        J'ouvre entre la moitié et ¾.
        Renée
(avis 
        transmis après la séance)
        Chick, le narrateur, raconte son amitié avec Ravelstein, brillant 
        professeur d'université devenu millionnaire grâce à 
        un livre de philosophie politique que l'a poussé à écrire 
        Chick.
        Il y a une trentaine d'années j'avais lu Au 
        jour le jour, puis plus récemment Les 
        aventures d'Augie March : mon souvenir, c'était que Bellow 
        est un très grand écrivain.
        J'ai adoré Ravelstein car ce livre me donne l'impression 
        que je suis intelligente. Cependant, Chick le narrateur me rappelle que 
        je ne suis, comme lui, intelligente "qu'à 
        l'occasion, par accès". En effet, grâce à 
        Ravelstein, l'intelligence et la culture irriguent ce livre. C'est un 
        esthète et un philosophe. Il est généreux avec ses 
        amis et même avec les antisémites qui ont du talent : il 
        est contre la mise à l'index juif (il refuse de renoncer à 
        Céline).
        Pourtant il est obsédé par ce qu'il appelle "le grand 
        mal" : "presque 
        tous étaient daccord que les Juifs navaient pas le 
        droit de vivre". Cependant il faut rester témoin, 
        conserver la mémoire, transmettre, donc se revendiquer juif.
        Ravelstein dénonce "des 
        élitistes déguisés en égalitaires" : 
        on en connaît un paquet !
        "Je naurais jamais 
        imaginé que la mort soit un aussi étrange aphrodisiaque" 
        : c'est connu que dans les sanatoriums le sexe occupait la première 
        place....
        "Frayez avec les personnes 
        les plus nobles que vous puissiez trouver ; lisez les meilleurs livres 
        (...) ; mais apprenez à être heureux seul."
        Bellow regrette qu'aux USA la philosophie soit méprisée 
        au profit de la technologie, au contraire de Paris. Ravelstein 
        aime s'entourer de belles choses, comme Jean Des Esseintes, le héros 
        de À 
        rebours de Huysmans, et j'adore ce genre de personnages.
        Niki explose : "Tu as 
        payé dix mille dollars pour tous ces trous et ces effilochures 
         parce que les trous sont la preuve que cest une véritable 
        antiquité ? Quest-ce quil ta raconté, 
        que cétait le tapis dans lequel ils avaient emballé 
        Cléopâtre toute nue ?"
        Il aime la musique sur des instruments originaux du 17e sauf que l'Italienne 
        à Alger de Rossini a été écrit au début 
        du 19e : donc c'est une hérésie de la jouer sur des instruments 
        anciens, je n'y crois pas... Mais aux USA tout est possible.
        Juste un peu long le rêve de Chick à la fin. Mais avec une 
        dernière phrase magnifique : "On 
        n'abandonne pas facilement un être tel que Ravelstein à la 
        mort ".
        J'ouvre ce livre en entier.
        Rozenn
(avis 
        transmis avant de découvrir nos avis) 
        Je regrette d'autant plus de ne pas être des vôtres que j'ai 
        eu un immense plaisir à lire ce livre.
        D'accord il faut accepter le principe d'un discours sur un autre 
        Et quel autre
        Aucun des deux personnages n'est follement sympathique et les personnages 
        secondaires sont falots, mais à part les longueurs quand le narrateur 
        ne parvient pas à écrire et tombe malade, je me suis régalée 
        tout du long.
        J'ai adoré cet humour.
        J'ai commencé deux autres livres du même auteur : Les 
        aventures de Augie March et 
        le Don de Humboldt et je m'ennuie !
        J'ai hâte de lire vos avis !
        Martin Amis![]()
        Ravelstein constitue à mon sens un chef-d'uvre 
        inégalé. Jamais auparavant le monde n'a entendu pareille 
        prose : une prose d'une beauté frémissante et cristallisée.
        Françoise
(après 
        la séance)
        Je suis dans la catégorie "fermés", la catégorie 
        "m'est tombé des mains"...
      
|  
             Les 
              cotes d'amour du groupe breton réuni le 30 mai   | 
        
Les Bretons aiment commencer par le pire (l'avis le plus vache) pour 
        finir en apothéose... 
        Marie-Odile![]()
        De ce roman je n'ai aimé ni le contenu, ni le style, ni la composition.
        Les personnages ne m'ont pas intéressée. J'ai remarqué 
        la grande quantité de noms propres et à chaque fois j'ai 
        eu l'impression d'entendre parler de gens que je ne connaissais pas et 
        dont le sort me laissait totalement indifférente.
        Il est très souvent question de fric et de fringues, sujets peu 
        attractifs pour moi, du moins lorsqu'ils sont présentés 
        sans originalité. Je n'ai rien perçu du génie de 
        Ravelstein, ni de son prétendu sens du comique. Impossible de me 
        faire une idée claire de son fameux livre. Je n'ai pas aimé 
        ses affirmations gratuites sur les scientifiques chez qui il n'y aurait 
        pas d'âme supérieure (second degré ?), ni sa 
        façon de s'occuper du couple du narrateur (de quoi il s'occupe ?).
        Je n'ai pas aimé le ton monocorde, l'humour que je trouve stupide, 
        un vocabulaire qui se veut peut-être drôle ? : "elle 
        a une paire d'amortisseurs", "barjo", 
        "hénaurme", 
        des phrases que personne n'oserait écrire : "ses 
        pieds étaient posés l'un à côté de l'autre" 
        (portrait de Battle).
        J'ai parfois eu l'impression d'une suite de phrases sans lien les unes 
        avec les autres. Je me suis demandé en vain ce qui régissait 
        la construction d'ensemble et où voulait en venir l'auteur.
        Bref, j'ai eu l'impression de n'apprendre rien sur rien et de m'ennuyer 
        auprès de personnages qui ne suscitaient en moi aucune émotion. 
        J'ai abdiqué à la page 194 pour me tourner vers Paul Auster 
        qui venait de mourir et j'ai trouvé chez lui ce qu'il n'y avait 
        pas chez Saul.
        Je laisse fermé.
        Jean
 
        
        Ô Nombril, mon beau nombril !
, tel pourrait être le 
        titre de cet ouvrage qui égrène les clichés de philo 
        empruntés à de mauvais manuels et passe du coq-à-l'âne 
        : de la Shoah, aux institutions d'enseignement et l'establishment américain, 
        Paris, jeunes, vieux, sida, etc. tout y passe !
        Alors pourquoi s'intéresser à ce dandy excentrique, professeur 
        américain devenu riche écrivain qui passe son temps à 
        errer dans les capitales européennes, à disserter sur Périclès 
        et les tailleurs chics ?... Bon, on ne lit pas que des livres dont on 
        aime les héros, même si Saul Bellow a reçu le Nobel 
        de littérature en 1976 pour Herzog, je n'ai pas eu beaucoup 
        de plaisir à parcourir cet ouvrage !
        L'histoire : Abe Ravenstein est un professeur de philosophie de l'Université 
        de Chicago qui demande à son ami d'écrire sa vie pour lui 
        rendre hommage après sa mort. Cet ami, Chick, est en fait un double 
        de Saul Bellow. Abe Ravenstein fera fortune grâce à sa vulgarisation 
        de la philosophie politique, tout en menant une vie flamboyante à 
        Chicago ou dans les hôtels de luxe parisiens. En fait c'est la vie 
        d'un gros riche, prétentieux, élitiste, avec des goûts 
        de luxe, qui a existé : celle d'Allan Bloom, philosophe homosexuel 
        américain.
        C'est un roman qui parle de croyances, d'influences, de politique et d'une 
        Amérique nombriliste, raciste, souveraine, celle d'un vieil intello 
        entouré de fans dont l'intelligence se mesure à l'aune de 
        l'admiration qu'ils lui manifestent, et qui s'intronise lui-même 
        comme "professeur en coaching conjugal", en spécifiant 
        à ses étudiants quel couple il devait former... : une vie
 
        par procuration ?
        Une histoire drôle... ? On peut voir dans ce dandy aristocrate, 
        exigeant et cruel, généreux et drôle, un portrait 
        sur la vieillesse, qui parfois, parfois amuse
 Mais si l'éditeur 
        promet qu'il sera "férocement drôle", je n'ai pas 
        vraiment ris ni même souri, agacé plus qu'amusé par 
        cette caricature. Si j'ai ri
 c'est "jaune" ! Ceci dit, 
        pour apprécier, et s'amuser, il faut peut-être une connaissance 
        du monde des célébrités que je n'ai pas. 
        On peut aimer... :
        - la description sans concessions de ce professeur vaniteux qui ne s'achète 
        que des vêtements de marque, mais qui les ruine rapidement par sa 
        négligence et par des éclaboussures maladroites
        - le côté fidèle et généreux de sa relation 
        avec Chick, et leurs grandes discussions sur la vie et sur la mort
        - la documentation historique sur la façon dont une pensée 
        philosophie politique distinguée de haut niveau s'est propagée 
        dans les cercles snob et les leaders d'opinion
        - les références aux philosophes antiques, aux romanciers 
        français du 19e siècle, et la liberté que l'auteur 
        s'accorde avec la chronologie des faits historiques.
        On peut ne pas aimer :
        - l'absence d'intrigue, l'arrogance caricaturale des personnages, un catalogue 
        "humaniste" plutôt qu'un roman
        - l'absence de fil conducteur dans la suite des paragraphes... sinon la 
        mort ! Une dégénérescence vers la fin inéluctable, 
        la perte de soi, la fin de l'humanité, la dépossession, 
        la disparition de l'humain
        - des propos lourds qui font que l'humour de Bellow rate sa cible
        - l'abondance des propos qui finit par tuer le roman et... le lecteur 
        : plongé cette logorrhée sans maîtrise, il n'est plus 
        à même d'apprécier les saillies vitriolées 
        de l'auteur.
        En résumé : "Il 
        n'est pas facile d'abandonner une créature telle que Ravelstein 
        à la mort" : c'est ainsi que se termine le roman 
        de Saul Bellow. On peut y voir une sorte de chronique des derniers instants 
        d'un personnage, érudit, philosophe, riche, gay, juif. Roman plutôt 
        sombre
S'il y avait de l'humour, ce n'est pas "férocement 
        drôle". Bref, pour moi, une lecture assez décevante... 
        une "non-histoire" !
        Marie-Thé![]()
        J'ouvre au ¼ ce livre que j'ai tenu à lire (péniblement) 
        jusqu'au bout : je pensais que je finirais par y trouver un quelconque 
        intérêt, j'attendais... Rien de cela, et impression de réellement 
        perdre mon temps. Pourquoi, pour qui, toutes ces pages ? Je suis restée 
        en dehors de cette histoire, me suis régulièrement demandé 
        qui avait bien pu la proposer.
        Parler de mon chemin dans le livre m'est cependant nécessaire. 
        Tout d'abord je dirai que sur la forme je n'ai vraiment pas été 
        séduite, et si j'avais aimé l'écriture mon regard 
        sur le livre aurait pu être différent. 
        Ravelstein est un personnage que je n'aime pas, son parcours sinueux, 
        cet étalage inouï de luxe, de mondanités (avec Madame 
        Glyph on se croirait chez les Verdurin). Je retiens cependant le dîner 
        incroyable, donné en remerciement à Chick pour son soutien, 
        une "célébration"... J'ai aimé les références 
        à Platon, au  Banquet", avec l'évocation du 
        mythe d'Aristophane. Je retrouve là un peu de l'esprit du livre. 
        
        Ravelstein m'est antipathique, je note encore le mépris pour la 
        société en général, de celui qui "n'avait 
        que faire de la gentillesse", même si je suis sensible 
        à ces paroles : "Aucune 
        véritable éducation n'était possible dans les universités 
        américaines, sinon pour les ingénieurs en aéronautique, 
        les informaticiens et autres." ou "La 
        philosophie était morte." Par ailleurs, la haine 
        de sa famille conduit Ravelstein à "détourner 
        ses étudiants doués de leur propre famille." 
        Ses élèves, son enseignement, la politique de l'Antiquité 
        à aujourd'hui, son train de vie, ses fréquentations, son 
        assurance, etc. : je sature. Si j'ajoute toutes ces énumérations 
        de politiques ou d'intellectuels dont (à part Max Weber) je n'ai 
        jamais entendu parler, la coupe est pleine ! 
        Au début j'aurais dû me méfier d'un Ravelstein très 
        critique : "Les intellectuels 
        de Bloomsbury (...) cirque pédé (...) ce n'étaient 
        pas des penseurs, mais des snobs."..., me méfier 
        de ses propos sur l'économiste Meynard Keynes (du groupe Bloomsbury 
        aussi) : ce dernier "avait 
        exagéré la dureté des Alliés et fait le jeu 
        des généraux allemands et, par-delà, des nazis." 
        
        D'ailleurs Ravelstein n'est pas avare de reproches. Ainsi "Les 
        médecins étaient les alliés de la bourgeoisie hantée 
        par la mort." Plus grave à mes yeux, la nature 
        pour Ravelstein : "une 
        perte de temps pour un homme supérieur" (!) 
        Des propos misogynes émergent ici et là genre : "Les 
        femmes qui portaient des vêtements de marque et du rouge à 
        lèvres flamboyant n'avaient généralement pas d'opinions 
        politiques." Interminable passage sur les déboires 
        de Vela, opportuniste et malhonnête. Ce qu'en dit Ravelstein peut 
        paraître juste : "elle 
        n'était pas prête à être vue." 
        
        Je note encore dans ces pages racisme, antisémitisme, peu de cas 
        de Ravelstein pour "les 
        perdants habituels". 
        J'ai plutôt aimé me retrouver chez Ulysse de Joyce, 
        avec Léopold et Molly Bloom, sans vraiment comprendre pourquoi 
        l'auteur nous emmenait là, idem pour Ivan Ilitch avec la métaphore 
        de la pierre, lente ascension et descente accélérée 
        : le temps de la vieillesse file à toute allure... "Notre 
        précipitation élimine les détails qui enchantent, 
        retiennent ou retardent les enfants. L'art est un moyen d'échapper 
        à cette accélération chaotique. Le mètre en 
        poésie, le tempo en musique, la forme et la couleur en peinture"... 
        : j'adore ce passage. 
        Pour revenir à l'antisémitisme, Le 
        Protocole des Sages de Sion me fait penser aux fausses informations 
        qui circulent aujourd'hui. Lorsque Chick, alias le narrateur, évoque 
        ses rencontres avec Grielescu, roumain au passé lourd, violent 
        avec les Juifs, "en 
        rapport étroit avec C. G. Jung, qui se voyait lui-même comme 
        une sorte de Christ aryen", malaise... Je n'ai pas apprécié 
        de retrouver les pamphlets antisémites de Céline. J'en ai 
        finalement eu assez d'aller d'un écrivain à l'autre, Kipling 
        contre Einstein, etc. Incroyable, j'ai cru me retrouver chez Saer avec 
        L'ancêtre, 
        du "copier-coller", ça n'en finit pas. 
        Et puis, le meilleur pour la fin, la dengue de Chick à Saint Martin 
        aux Antilles a failli me rendre dingue : ces lamentations à n'en 
        plus finir, quel intérêt ? 
        De ces divagations je retiens quelques paroles : "Je 
        suis de ceux qui croient en la capacité des travaux inachevés 
        à vous maintenir en vie." Et : "Rosamund 
        me retenait de mourir."
        "Vous pourriez réellement 
        composer un excellent portrait (...) Je vous en charge comme d'une obligation" 
        Enfin ! Espoir ! Mémoire en vue pour Chick : "On 
        n'abandonne pas facilement un être tel que Ravelstein à la 
        mort." Le roman de Saul Bellow serait "un 
        hymne à l'amitié et à la vie", je 
        n'ai pas cet avis. 
        Je terminerai par deux questions qui se posent à moi : j'aime Proust 
        dont les personnages me sont souvent insupportables, et je n'aime guère 
        ici Saul Bellow en grande partie à cause de ses personnages qui 
        me sont justement insupportables... 
        Ce livre dont la lecture m'a été pénible a fait son 
        chemin en moi et m'est devenu plutôt intéressant, du coup 
        je revois mon avis et l'ouvre à moitié.
        Suzanne![]()
        J'avais jadis lu Herzog 
        qui m'avait beaucoup plu. J'avais donc un a priori favorable.
        Ravelstein charge Chuck son ami, son aîné, de faire sa biographie. 
        En fait, ce roman nous offre une double biographie, celle de Ravelstein 
        et celle de Chick qui l'accompagne jusqu'à la mort. C'est une histoire 
        d'amitié.
        C'est le portrait d'un personnage excentrique, ce professeur apprécié 
        de ses étudiants, élitiste, qui s'intéresse seulement 
        aux plus doués d'entre eux - certains occupant ensuite des postes 
        importants dans la politique -, qui dénonce la culture américaine 
        trop axée sur les matières scientifiques, où littérature 
        et philosophie sont négligées - dénonciation qui 
        fera le succès de son livre, le rendra très riche, jalousé 
        par ses collègues universitaires.
        Ravelstein est un amoureux de la vie, ne craint pas les excès. 
        J'aime bien son côté provocateur, il se moque des convenances 
        : "la bonne conduite 
        en toutes circonstances est un très mauvais signe".
        Ce roman à clé fera scandale lors de sa parution en 2000, 
        Saul Bellow s'étant inspiré d'Allan Bloom, son collègue 
        à l'Université de Chicago.
        Le ton du roman est humoristique, tout en étant châtié 
        (valétudinaire). Très érudit, Ravelstein convoque 
        Platon, lit Thucydide, historien grec, dans le texte, Xénophon, 
        mais aussi bien Freud et Jung.
        C'est un livre plutôt léger, qui réussit à 
        rendre agaçant Ravelstein de par son côté élitiste, 
        commère, son goût du luxe, mais aussi attachant par son côté 
        bouffon, fantasque, mais non moins sérieux quand il s'agit de pensées, 
        de réflexions.
        Au cours de la narration, Chick sera confronté à sa propre 
        mort avant de se consacrer à la biographie de son ami décédé. 
        J'ai aimé le style du roman, avec le doute de Chick dans sa capacité 
        à écrire cette biographie, mêlant finalement sa propre 
        histoire à celle de celui qu'il peint.
        J'ouvre à moitié, ma moitié à moi, je n'ouvre 
        qu'exceptionnellement en grand...
        Annie![]()
        Là où j'en suis de ma lecture (une soixantaine de pages), 
        j'ouvrirais à moitié. J'ai envie de continuer, mais mon 
        avis va être un peu faussé après tout ce que j'ai 
        entendu !
        Edith entre 
et![]()
        Je n'ai pas eu le plaisir de lecture que j'espérais en voulant 
        découvrir cet écrivain et j'en suis désolée.
        Je l'ai lu en deux fois afin de me plonger dans son univers décrit 
        avec de nombreuses références littéraires et politiques. 
        Je suis allée rechercher parfois, tels Keynes et son uvre 
        d'économiste.
        Je n'ai pas été insensible à son humour (j'ai souvent 
        crayonné les passages) - humour "juif" comme on le disait 
        de Philip Roth, lu il y a quelques années lointaines.
        J'ai été étourdie et confuse de ne pouvoir goûter 
        aux références des auteurs latins et grecs dont le héros 
        Ravelstein nous entretient (surtout dans la première moitié 
        du livre), cela amenuisant considérablement l'intérêt 
        (trop peu pressant, paresseux) pour ces auteurs et leur philosophie. Dommage 
        ! Je n'ai étudié ni latin ni grec. Saul Bellow me semble 
        appartenir à ces grands lettrés, maîtrisant les idées 
        des Anciens, ce qui lui donne les éléments pour traduire 
        la philosophie (non conventionnelle) du héros Ravelstein.
        Je vois en Ravelstein un homme cultivé amoureux de littérature 
        et cultivant son originalité dans l'utilisation assumée 
        de ses idées à contrecourant de ses condisciples. Saul Bellow 
        se livre dans toute sa dimension de penseur et de philosophe. 
        J'ai bien lu la fascination et la sorte d'emprise exercée par Ravelstein 
        (bien que prônant la liberté) sur ses élèves 
        anciens et nouveaux inscrits. Son allure et ses choix de vie luxueux n'en 
        sont pas non plus étrangers
        J'ai de beaucoup préféré la deuxième partie 
        du récit : celle où il incombe à Chick de réaliser 
        la biographie de son ami de toujours, Ravelstein, après la mort 
        de ce dernier.
        Rosamund et Vela, les deux compagnes de Chick, sont drôles et bien 
        dessinées par la plume de Bellow. D'ailleurs, et à plusieurs 
        reprises, j'ai relu les descriptions morphologiques faites pour Ravelstein, 
        de Herbst (transplanté cardiaque), de Rakmiel (l'écrivain 
        à l'encre verte) : "il 
        écrivait 
        quotidiennement copieusement interminablement et sans hésitation 
        de son encre verte" (p. 183) 
        ; j'apprécie le portrait de cet homme "autrefois, 
        un rouquin, mais la rousseur avait disparu et il ne restait qu'un teint 
        rougeaud - sanguin dans la physiologie médiéval ; chaud 
        et sec. Ou, mieux encore, cholérique" ; il y avait 
        "deux éléments 
        étrangers dans son tempérament - l'un allemand, l'autre 
        britannique" ; et aussi celui de Grielescu (nazi dissimulé 
        par son érudition, antisémite Garde de fer) : "c'était 
        un fumeur de pipe fébrile qui ne cessait de curer l'objet, de le 
        bourrer, d'enfoncer de fins écouvillons dans le tuyau ou de gratter 
        la suie du fourreau" et au crâne "très 
        différent de de la calvitie blême de melon ovale de Ravelstein." 
        Quant aux différentes descriptions de Ravelstein, depuis son physique 
        de géant maigre et souffreteux (en phase terminale du sida) jusqu'aux 
        objets de son appartement ; objets de marque de luxe, ses accessoires 
        technologiques (machine à café énorme, un complexe 
        pupitre d'appareillage téléphonique, etc.), tout au long 
        des pages, la lecture par ces descriptions devient "régal". 
        Je n'oublie pas Nikki l'amant de Ravelstein et ses exigences de luxe (cf. 
        la Bmw offerte !), décrit comme "conception 
        exotique de lui-même" ; je n'oublie pas non plus 
        Berdier le restaurateur guadeloupéen et son funeste plat de vive. 
        Autant de personnages réels, contemporains (Thatcher, Hitler, Churchill) 
        que créés par l'imagination de Saul Bellow me semble-t-il 
        pour théoriser le Juif/les Juifs. 
        Par ailleurs, le réalisme des deux malades, Ravelstein puis Chick, 
        est dérangeant, avec la vérité de leur mort à 
        venir, et de véritables portraits de mourants, leur corps et leurs 
        pensées, avec des récits tranchants, sincèrement 
        cruels l'un envers l'autre, mais où l'humour n'est jamais absent. 
        
        J'ai essayé de saisir la démarche de l'auteur tout au long 
        du récit à propos des Juifs dans le monde, surtout les USA, 
        l'Europe dont Paris, avec leur présence dans le passé européen 
        et les guerres dernières, la Shoah, Dieu très souvent évoqué. 
        Trait insolent et drôle de Ravelstein quand il se dit frère 
        de Dieu, ce dernier étant représenté sur une gravure 
        avec la raie au milieu à la façon de son propre frère !
        La mort et le mystère de "l'après", la religion 
        juive et catholique, sont des thèmes récurrents ; Ravelstein 
        doit continuer à vivre de la mémoire "biographique" 
        imposée à Chick du vivant de Ravelstein et dont Chick ne 
        cesse de repousser l'écriture.
        Livre testament ? "On n'abandonne pas facilement un être 
        tel que Ravelstein à la mort" 
        En terminant, je me rends compte - car je viens de rapidement relire le 
        livre - qu'il me plaît mieux. OUVERT moitié plus.
        Brigitte![]()
        Livre grand ouvert. J'étais dans l'attente quand j'ai noté 
        dans les premières pages : "Les 
        écrivains sont censés nous faire rire ou pleurer." 
        J'ai aimé le sérieux entremêlé avec des touches 
        d'humour. Le narrateur m'a intéressée sans m'ennuyer. Beaucoup 
        de pistes de réflexion sur notre relation à la vie, à 
        autrui, à la mort dont il est difficile de parler en quelques lignes. 
        Mais je peux dire que ces idées résonnent en moi. 
        Il me faut un certain temps pour bien assimiler que Bellow fait revivre 
        au travers de Ravelstein Allan Bloom, son ami le philosophe excentrique 
        mort du sida. Un hommage à ce grand homme curieux, savant et truculent
 
        Selon ce que j'ai pu lire !
        Première impression : de l'humour dès les premières 
        lignes. Pour exemple cette vision des présidents aux USA : "Celui 
        qui veut gouverner le pays doit d'abord le divertir". 
        Toujours d'actualité avec Trump !! Puis rapidement je me dis : 
        pas facile.
        Pas facile le vocabulaire juste et riche - l'auteur est un prix Nobel 
        de littérature ! - qui me fait rechercher le sens des mots 
        parfois plusieurs fois par page : histrions, apologétique, shogun, 
        recension, scrofule, Uranien, coterie, mordacité, zélote, 
        habeas corpus, ingénuité, sybaritisme, transcendantaliste, 
        talbin, quiddité, méplat
        Pas facile les références nombreuses à la littérature 
        américaine (le poète Robert Frost), aux philosophes britanniques 
        (Whitehead et Russel), à la littérature et philosophie antique 
        (Plutarque, Platon), à la littérature anglaise (Shakespeare, 
        Hamlet), mais aussi référence à Nietzsche, à 
        Jean-Jacques Rousseau théoricien politique et réformateur 
        cité plusieurs fois (cf. p. 191 l'avis de Ravelstein sur cet 
        homme qu'il appelle un "génie 
        novateur"). Mais aussi des références à 
        la Bible, à l'art avec Picasso, avec Judith décapitant Holopherne 
        peint par Caravage, à la poésie (est-ce l'enfant dans la 
        discorde de Lawrence ?), au violoniste israélien Itzhak Perlman. 
        Je fais des découvertes. Curieuse, j'ai fait de nombreuses recherches 
        très intéressantes. À ce propos je note la phrase 
        de Bellow très juste en ce qui me concerne : "Mais 
        tout le monde a ses plates-bandes de connaissances éparses, et 
        c'est très agréable qu'on les entretienne et les arrose 
        à votre place."
        Pas facile au début de la lecture de trouver le fil conducteur 
        outre l'amitié. Je reprends deux fois la lecture des vingt premières 
        pages pour entrer dans le récit. Pourrais-je en faire un pêle-mêle 
        et le lire en désordre ? Pourrais-je faire un puzzle jusqu'à 
        voir le portrait de Ravelstein ? Les deux personnages de fiction 
        sont des amis profondément attachés. Chick, le narrateur 
        aborde Ravelstein en procédant "au coup par coup" comme 
        il le dit. C'est sans doute pourquoi certaines parties me donnent l'impression 
        d'être écrites si je peux me permettre
 dans un grand 
        désordre. Le basket se mêle au jazz, le téléphone 
        nous mène aux cérémonies de masse organisées 
        sous Hitler, son altruisme nous mène dans un court paragraphe à 
        la pose d'implants dentaires, son syndrome de Guillain-Barré à 
        sa vision des flics
 Je me dis : c'est comme dans la "vraie" 
        vie ! C'est plaisant et c'est sans doute pourquoi la lecture peut paraître 
        facile. 
        Je cherche qui est Ravelstein et pourquoi lui porter tout cet intérêt ? 
        Un Américain amoureux de Paris, "un 
        de ses plus grands plaisirs". Un homme juif très 
        complexe selon Chick : un savant, un philosophe, un enseignant qui 
        agit avec ses étudiants comme un Pygmalion, un universitaire qui 
        aurait formé les grands personnages des USA et qui se réjouit 
        d'avoir les "tuyaux de la première heure", autrement 
        dit, il est averti de décisions géopolitiques majeures. 
        C'est un éducateur non conservateur avec ses propres idées 
        sur l'économie, la politique, les questions morales. Il est financièrement 
        riche et dépensier : "l'argent 
        était un truc qu'on jetait d'un express filant à toute allure". 
        Non puritain, disciple de Rousseau et de Platon. Je comprends que l'amour 
        est important tant l'amour de soi que l'amour de la beauté ; 
        il ne prône pas réellement la fidélité à 
        son ami. Je citerais quelques phrases sur ce thème : "Au 
        cur de l'âme siège Éros." "Il voyait 
        en l'amour peut-être la plus grande bénédiction de 
        l'humanité"; "L'amour est une des plus hautes fonctions 
        de notre espèce - sa vocation." "Comme le bétail 
        a besoin de sel à lécher, j'ai parfois besoin de contacts 
        physiques". C'est un homme sensible aux belles choses 
        comme le cristal, comme les habits de grands couturiers et les montres 
        de luxe
 Par contre, il a peu de rapport avec l'hygiène et 
        néglige sa santé ; il ne se refuse pas les excès: 
        "Il traitait son corps 
        comme un véhicule - une mobylette qu'il faisait filer plein gaz 
        sur la corniche du Grand Canyon." Je ne le vois pas gastronome 
        : "Quand Ravelstein 
        mangeait, il alimentait sa chaudière et nourrissait ses idées".
        Puis dans une seconde partie du livre, j'apprends que Ravelstein se meurt 
        des complications du VIH. La mort et ses questions existentielles le rendent 
        dur et pour autant plein d'humanité. Cette phrase résume 
        bien ce que je ressens à la lecture : "Souvent 
        les mourants deviennent extrêmement durs. Nous serons toujours là 
        quand ils seront partis et il ne leur est pas facile de nous pardonner." 
        L'approche de la mort est inévitable et la fuite du temps non maîtrisable 
        : "La vie s'écoule 
        à toute vitesse. Vos jours filent plus vite que la navette du tisserand." 
        Alors, Ravelstein se plaît à parler de son amour, de son 
        homosexualité et de ses besoins sexuels. Avec son ami, ils échangent 
        sur la place de la spiritualité, la place du plaisir, l'influence 
        de son éducation et de la société libérale 
        qui infantilise selon lui. Il compose avec sa perte d'autonomie et avec 
        les changements physiques qui l'accompagnent : "Ses 
        jambes nues étaient comme des courges de concours, parce que ses 
        chevilles étaient enflées". Il pose des 
        questions. L'homme n'amène rien dans sa tombe, que deviendront 
        ces beaux objets qu'il collectionne ? Dans la mort, la propriété 
        ne veut plus rien dire. Il anticipe la transmission tant de son histoire 
        juive que du savoir. 
        Je vois Ravelstein comme un personnage qui peut se révéler 
        pour un ami comme attachant, opiniâtre, voire déstabilisant
 
        Ravelstein chemine avec son ami sur la mort et l'après. Je trouve 
        qu'il impose habilement à Chick de songer à sa propre mort. 
        Par exemple lorsqu'il lui suggère qu'il sera le premier ami à 
        le suivre de près dans l'au-delà. "Au-delà" 
        auquel il ne croirait pas. 
        Il peut me paraître agaçant et intrusif car il se mêle 
        de la vie de Chick ; il ne manque pas d'argumenter jusqu'à 
        des considérations les plus intimes. Où sont les limites 
        de l'amitié ? Il demande à Chick d'écrire son 
        portrait et le récit de sa vie : "Je 
        veux que vous me montriez tel que je suis, sans adoucissant ni assouplissant". 
        Gravement malade après la disparition de son ami, Chick refuse 
        la mort et il interroge la part du mental sur la maladie somatique. Cet 
        engagement à écrire pris avec son ami américain est-il 
        la raison a priori essentielle qui permet à Chick de survivre à 
        une étrange maladie tropicale avec atteinte neurologique, une intoxication 
        par une toxine de poisson : la cigua ? Sans oublier l'amour de sa 
        jeune femme Rosamund qui le tient "debout" comme un tuteur. 
        Enfin, j'aime bien l'idée de renvoyer la maladie et la mort à 
        leur place pour parler de la guérison. 
        Pour terminer, j'ai envie de partager le regard des deux amis sur les 
        Français : "les 
        Français étaient authentiquement cultivés - ou l'avaient 
        été autrefois
 Ils conservaient néanmoins une 
        réelle sensibilité à la beauté, aux loisirs, 
        à la lecture et à la conversation ; ils ne méprisaient 
        pas les besoins matériels - les fondamentaux de l'humain". 
        Qu'en penser une vingtaine d'années après que Bellow l'a 
        écrit ?
        Je ferme le livre contente d'avoir découvert Saul Bellow. Livre 
        à relire et à offrir.
        Cindy![]()
        Roman passionné, pétulant qui aborde des thèmes forts 
        poignants, surtout à la fin. Hymne à la vie, à la 
        mort, à l'amitié, à travers la complicité 
        des deux personnages érudits et drôles, tantôt sombre, 
        tantôt joyeux. 
        Ce livre est aussi tout en subtilité grâce au dialogue, vivant 
        spontané. Tout un art chez Saul Bellow. 
        Le personnage de Chick m'a beaucoup plu dans sa quête de "savoirs" 
        sur Ravelstein pour écrire sa biographie. Sensible, bienveillant, 
        ne se heurtant jamais devant la personnalité extravagante et singulière 
        de Ravelstein. Au contraire. 
        J'y ai vu aussi un intérêt pour comprendre sa propre vie, 
        son couple et se rapprocher de lui, qui, on le lira par la suite, sera 
        un soutien moral pour supporter sa maladie à l'hôpital et 
        cela par les nombreux souvenirs recueillis. 
        Toutes leurs discussions à bâtons rompus, sautant du coq 
        à l'âne, se placent bien dans une lecture dynamique ; et 
        les chapitres s'enchaînent, sublimés par les innombrables 
        citations. On aborde des sujets passés, culturels, brillants à 
        travers des références à de multiples intellectuels, 
        écrivains, philosophes. 
        C'est un voyage culturel ! Et difficile d'arrêter la lecture, me 
        situant comme dans une conversation de salon. C'est du "vivant" 
        ce livre ! Et dans la réalité des instants, chacun se livrant 
        tout naturellement avec toujours de la drôlerie. 
        Et par ailleurs, ces deux-là s'admirent parce qu'ils ont tous les 
        deux une intelligence humaniste et philosophique.
        Tout chez eux force l'admiration ! Ravelstein, personnalité riche 
        au sens propre et figuré dans une telle démesure, ne m'a 
        pas choquée, car c'est d'un naturel plaisant ! 
        Pour toutes ces raisons, j'ai beaucoup aimé ce dernier roman de 
        Saul Bellow, d'une grande culture et comme il est dit en première 
        page : "Étrange 
        que les bienfaiteurs de l'humanité soient des gens amusants." 
        
        Certaines citations font aussi échos à l'actualité 
        d'aujourd'hui : "Vivez 
        avec votre siècle mais ne soyez pas sa créature." 
        
        J'ai trouvé aussi de la compassion et de l'ironie.
        C'est un livre spirituel, intelligent, à travers un personnage 
        certes extravagant, mais tellement brillant et joyeux ; et dès 
        les premières pages, comme quand Ravelstein demande à Chick 
        d'écrire sa biographie : "pas 
        de vulgarisation, pas de combines intellectuelles pas, d'apologétique, 
        pas d'airs supérieurs".
        Et pourtant, on plonge dans un univers universitaire qui aurait pu rendre 
        la lecture ennuyeuse et trop sérieuse, mais rien de tout cela, 
        à mon heureuse surprise, je me suis amusée ! 
        Au cours de la lecture, on revient souvent à ce qui définit 
        le livre, cette histoire d'amitiés intellectuelles, d'admirations. 
        
        Jusqu'à la fin Chick se rapprochera et comprendra son ami "j'avais 
        rendu visite à Ravelstein (
) dans les services de réanimation 
        (
) avec la stupidité du bien portant, j'avais imaginé 
        que je pourrais un jour être la personne qui était sanglée 
        là branchée sur un respirateur artificiel." 
        Encore ici, la complicité de ces deux êtres qui poursuit 
        Chick jusque dans sa maladie.
        Saul Bellow met aussi en lumière des femmes remarquables qui sont 
        comme des piliers indispensables et le livre est donc aussi un plébiscite 
        sur les couples ; et celui de Rosamund est touchant, singulier comme le 
        personnage de Véra dont le souvenir jaillit chez Chick à 
        la fin du livre, avec le souvenir de sa rencontre et du sujet de la cryogénisation 
        : "tu te fais congeler 
        et mettre en réserve."
        Le couple Abe Ravelstein-Nikki est un modèle pour Chick : "à 
        ce stade de ma vie je n'avais plus la ressource de changer mais c'était 
        une excellente chose (
) que mes fautes et manquements fussent relevés 
        par quelqu'un qui se souciait de moi." 
        Pour finir, j'ai trouvé dans les dernières pages de l'intérêt 
        à la description de la vie d'un service hospitalier, à travers 
        le regard et l'intelligence sensible du narrateur ; cela m'a beaucoup 
        touchée.
        En conclusion c'est un livre sublime et joyeux : "sublime 
        (
) comme la musique (
) il s'aime dans une musique sublime 
        une musique dans laquelle les idées se dissolvent se reflétant 
        sous la forme de sentiments".
        Et joyeux jusqu'à la mort : "Ravelstein 
        me dévisage riant de plaisir et d'étonnement (
) on 
        n'abandonne pas facilement un être tel que Ravelstein à la 
        mort".
        Et moi je n'ai pas laissé facilement Saul Bellow : livre grand 
        grand ouvert ! (Voir l'avis complet de Cindy 
        avec d'autres citations soutenant son avis.)
        
        Chantal
        Je n'ai pas pu lire le livre, mais en vous entendant, c'est le livre de 
        Ravelstein, autrement dit d'Allan Bloom, que j'aurais envie de lire...
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| LES TEXTES de Saul BELLOW | 
Voici les romans, nouvelles et essais publiés. Et des remarques sur l'édition française des livres de Bellow, la mention des livres non traduits (quel genre donc ?), la liste de ses prix (Bellow est un cumulard, Nobel compris). Voyons aussi qui sont ses traducteurs.
 
        Romans
        Voici les romans traduits avec, en tête, la date 
        de la publication américaine, puis la date de la traduction française 
        : 
        - 1944 : L'homme 
        de Buridan, trad. Michel Déon, 1954 ; retraduit sous 
        le titre Un homme en 
        suspens, 1981 (épuisés)
        - 1947 : La 
        victime, trad. Jean Rosenthal, 1964 (épuisé)
        - 1953 : Les aventures d'Augie March, trad. Jean Rosenthal, 1959, 
        National Book Award ; Les 
        aventures d'Augie March, trad. Michel Lederer, 2014
        - 1959 : Le 
        Faiseur de pluie, trad. Jean Rosenthal, 1961
        - 1964 : Herzog, 
        trad. Jean Rosenthal, 1966, Prix international de littérature (qui 
        récompense l'année précédente Les Fruits 
        d'or de Nathalie Sarraute), National Book Award ; Herzog, 
        trad. Michel Lederer, 2012
        - 1970 : La 
        planète de M. Sammler, trad. Henri Robillot, 1972, National 
        Book Award ; La 
        planète de M. Sammler, trad. Michel Lederer, 2012 
        - 1975 : Le don de Humboldt, 
        trad. Anne Rabinovitch et Henri Robillot, 1978, Prix Pulitzer de la fiction, 
        annonce du Prix Nobel ; Le 
        don de Humboldt, trad. Michel Lederer, 2014
        - 1982 : L'hiver du doyen, 
        trad. D. Guinsbourg, 1982 (épuisé)
        - 1987 : Le 
        cur à bout de souffle, trad. Henri Robillot, 1989 
        - 1989 : Un 
        larcin (novella), trad. Claire Malroux, 1991 ; Pavillon poche, 
        2015
        - 1989 : La 
        Bellarosa Connection, trad. Robert Pépin, 1991 
        - 1997 : Une 
        affinité véritable, trad. Rémy Lambrechts, 
        1998 
        - 2000 : Ravelstein, 
        trad. Rémy Lambrechts, 2002.
 
        Nouvelles 
        
        Saul Bellow a publié des textes courts dans des revues, dont certains 
        rassemblés dans quelques recueils de nouvelles :
        - 1956 :  
        Au jour le jour, trad. Danielle Planel, 1962, cinq nouvelles ; 
        Un 
        futur père, trois nouvelles extraites de ce recueil
        - 1968 : Mémoires 
        de Mosby et autres nouvelles, trad. Jean Rosenthal, 1975 ; Les 
        manuscrits de Gonzaga, trad. David Guinsbourg, 1981 (épuisé) 
        
        - 1984 : Him With His Foot in His Mouth and Other Stories -  
        Le Gaffeur, trad. Marie-Christine Lemardeley-Cunci, bilingue, 
        1992 ; La journée 
        s'est-elle bien passée ?, trad. Henri Robillot, 1992 (épuisés)
        - 1990 :  En souvenir 
        de moi, trad. Pierre Grandjouan, 1995 (épuisé)
        
         
        Non 
        fiction (essais, conversation, 
        préface)
        - 1976 : Retour de 
        Jérusalem : une enquête, trad. Henri Robillot et 
        Anne Rabinovitch, 1977 (épuisé)
        - 1994 : Tout compte 
        fait : du passé indistinct à l'avenir incertain 
        (essais), trad. Philippe Delamare, 1995 (épuisé).
        - 1999 : Avant 
        de s'en aller : Saul Bellow, une conversation avec Norman Manea, 
        trad. de l'anglais et du roumain Marie-France Courriol et Florica Courriol, 
        La Baconnière, Suisse, 2021 (voir l'article 
        de Florence Noiville, "Avant 
        de sen aller, 
        de Saul Bellow et Norman Manea : conversation entre deux géants 
        de la littérature", Le Monde, 
        25 novembre 2021)
        - 1987 : préface à l'essai 
        qui fit date  
        L'âme désarmée : essai sur le déclin de la 
        culture générale de Allan David Bloom, Les Belles 
        lettres, 2018. Ce livre, d'abord 
        publié chez Julliard 
        en 1987 (alors amputé de la dernière partie) fut un 
        "phénoménal succès de librairie" international, 
        commentera 
        Le Monde, traduit 
        en français lannée même de sa publication.
 
         
        L'édition française des 
        livres de Saul Bellow
        Les romans de Bellow ont été 
        traduits en France dès 1954. Ils ont été publiés 
        chez Plon d'abord, ensuite chez Gallimard.
        
        Mais en 2012, les romans sont pour la plupart épuisés. Les 
        nouvelles également. Les essais itou. Qui lit Saul Bellow, à 
        part nous ? 
        
        Gallimard publie alors, en collection Quarto, 4 romans retraduits par 
        Michel Lederer, présentés par Philip Roth qui admire Saul 
        Bellow (1700 pages en deux tomes) : en 2012, Herzog 
        et La Planète de Mr. Sammler ; puis en 2014 
        : Les 
        aventures d'Augie March et Le don de Humboldt, Grand Prix 
        SGDL de la traduction (voir ici la 
        préface de Roth).
        
        De même, en 2015, Robert Laffont republie en collection Pavillon 
        poche trois textes, plus récents : Le 
        cur à bout de souffle, Un 
        larcin et La 
        Bellarosa Connection.
 
        Non traduits en français
        Saul Bellow a aussi écrit des pièces 
        de théâtre, mais le théâtre ne semble "pas 
        son genre" : Le démolisseur,  Le soufflé 
        à l'orange, Un grain de beauté et La dernière 
        analyse, jouée à Broadway et assassinée par la 
        critique.
        
        Il a également collaboré à de nombreux journaux : 
        Harper's Bazaar, The New Yorker, Esquire, Partisan Review, The New 
        York Times, Book Review, Horizon, Encounter, etc.) et fut, pendant 
        la guerre des Six-Jours en 1967, correspondant spécial de Newsday. 
        
  
        Les prix 
        L'attribution répétée de prix prestigieux font de 
        Saul Bellow une exception. Et il les a tous :
        - trois fois le National 
        Book Award : 
        en 1954 à 39 ans pour Les 
        aventures d'Augie March 
        en 1965 pour Herzog
        en 1971 pour La 
        planète de M. Sammler
        - le Prix Pulitzer en 1976 pour Le 
        don de Humboldt
        - le prix Nobel en 1976  : le comité 
        le recommanda "pour la compréhension 
        humaine et l'analyse subtile de la culture contemporaine qui se manifestent 
        dans son uvre", pour son remarquable portrait d"un 
        homme qui continue à chercher à assurer son pas en errant 
        dans un monde chancelant, qui ne peut jamais renoncer à sa foi 
        en une vie dont la valeur dépend de la dignité et non du 
        succès, qui croit que la vérité doit finalement triompher."
        Avant le prix : quand Steinbeck reçoit le Prix Nobel en 1962, il 
        envoie un exemplaire de son discours à Saul Bellow, avec la mention 
        : Youre next...
        Après le prix : alors que T.S. Eliot avait prétendu que 
        recevoir le Nobel était une invitation à son propre enterrement, 
        Saul Bellow lui répondra : "Il y a un préjugé 
        qui veut que celui qui a reçu le prix Nobel soit vidé, fini, 
        prêt à mordre la poussière, plus rien ne sortira de 
        son stylo ou de sa machine à écrire. J'ai défié 
        ce préjugé-là. Je ne l'ai pas défié 
        par goût du défi, je l'ai fait posément car je pensais 
        que c'était un non-sens."
 
        Le discours 
        du Prix Nobel
        Où le trouve-t-on ? Dans la "Bible" : Tous 
        les discours de réception des Prix Nobel de littérature, 
        Flammarion, 2013. 
        Et voici, mis en ligne pour nous, le Discours 
        de Saul Bellow lors de la remise du prix Nobel de littérature 
        le 12 décembre 1976. 
        Extrait : il définit le roman comme "une 
        sorte d'accoudoir moderne, un cabanon dans lequel l'esprit peut se réfugier. 
        Un roman est partagé entre quelques impressions vraies et la multitude 
        des impressions fausses qui forment la plus grosse part de ce que nous 
        appelons la vie. Il nous dit que pour chaque vie humaine il existe toute 
        une diversité d'existences, que l'existence individuelle elle-même 
        est en partie illusion, que toutes ces existences signifient quelque chose, 
        tendent à quelque chose, accomplissent quelque chose ; il nous 
        promet une raison d'être, une harmonie, et même une justice. 
        Ce que Conrad disait était vrai : l'art tente 
        de découvrir au sein de l'univers, aussi bien dans l'existence 
        que dans la matière, ce qui est fondamental, permanent, et essentiel."
        
        Ce discours, étonnamment, se réfère 9 fois à 
        Robbe-Grillet, à un article de 1957 retrouvé pour Voix 
        au chapitre, intitulé "Sur 
        quelques notions périmées"... très intéressant 
        !
Et Proust, s'y réfère-t-il ? Bien entendu ! Voici ici l'extrait dans le discours du Nobel et aussi une allusion gratinée dans un autre texte.
 
        Les traducteurs
        Mentionnons d'abord que Saul Bellow a été traducteur 
        d'uvres d'Isaac Bashevis Singer : ainsi, Gimpel 
        le naïf, programmé dans le groupe en... 1988, avait 
        d'abord été traduit du yiddish en anglais par Saul Bellow.
Parmi les traducteurs de Saul Bellow, on mettra en valeur les deux traducteurs "historiques", Jean Rosenthal et Henri Robillot (qui se relayèrent de 1959 à 1992), puis Michel Lederer, qui a retraduit quatre grands romans après 2010.
5 livres traduits : 
        - Jean Rosenthal : Les Aventures d'Augie March (1959), Le 
        Faiseur de pluie (1961), La 
        victime (1964), Herzog 
        (1966), Mémoires 
        de Mosby et autres nouvelles (1975)
        - Henri Robillot : La 
        planète de M. Sammler (1972), Retour 
        de Jérusalem : une enquête (avec Anne Rabinovitch, 
        1977), Le don de Humboldt 
        (avec Anne Rabinovitch, 1978), Le 
        cur à bout de souffle (1989),  La 
        journée s'est-elle bien passée ? (1992)
 4 livres traduits :
        - Michel Lederer : Herzog 
        et La Planète de Mr. Sammler (2012), Les 
        aventures d'Augie March et Le don de Humboldt (2014)
2 livres traduits : 
        - Anne Rabinovitch (avec Henri Robillot) : Retour 
        de Jérusalem : une enquête (1977), Le don de Humboldt 
        (1978)
        - David Guinsbourg : Les 
        manuscrits de Gonzaga (1981), L'hiver 
        du doyen (1982). Précisions qu'il fut le traducteur du 
        Discours du Nobel, qui fut adjoint au livre 
        Les manuscrits de Gonzaga
1 livre traduit : 
        - Michel Déon : L'homme 
        de Buridan  (1954)
        - Danielle Planel : Au 
        jour le jour (1962) 
        - Claire Malroux : Un 
        larcin (1991)
        - Robert Pépin : La 
        Bellarosa Connection (1991)
        - Marie-Christine Lemardeley-Cunci : Le 
        Gaffeur (1992)
        - Pierre Grandjouan : En 
        souvenir de moi (1995)
        - Philippe Delamare :  
        Tout compte fait (1995).
| RADIO ET FILM DOCUMENTAIRE | 
Le peu de documents 
        audio et vidéo en français sur Saul Bellow est significatif. 
        Saul Bellow n'est pas (encore) tendance, mais grâce à Voix 
        au chapitre, ça peut changer...
        
         
        France Culture 
        - Entretien avec Saul Bellow qu'on entend 
        parler (très bien) en français : Jean Montalbetti, dans 
        l'émission L'homme en jeu, a rencontré Saul Bellow 
        sur le campus de l'Université de Chicago, où il dirige le 
        Comité de Pensée sociale, France 
        Culture, 12 mai 1983 (rediffusé dans  
        Les Nuits de France Culture)
        
        Une trentaine d'années plus tard... 
        - "Bellow, 
        Yiddishkeit sur les bords du Michigan", Brice Couturier, Les 
        idées claires, 3 septembre 2015, 3 min 38
        - "Saul 
        Bellow et le renouveau de la littérature américaine", 
        Caroline Broué, La Grande Table, 3 octobre 2012 :
Geneviève Brisac : "Il a subi les effets paradoxaux de la gloire. En France, nous lisions Bellow comme un écrivain potentiellement classique et traditionnel alors quil est incroyablement contemporain, musclé, drôle, expérimental, oral et que sa façon dinventer son personnage Herzog a eu des conséquences énormes sur les écrivains des décennies suivantes."
Christophe Prochasson : "Limage de Bellow a été brouillée à cause de sa relation à Allan Bloom et de ce quil a représenté dans la culture politique américaine. Tout ceci a fait basculer Bellow du côté de la réaction et de la conservation. Mais au fond, ce sont aussi des gens extraordinairement non-conformistes, en rupture avec leur milieu dorigine, et même dune certaine façon aux appartenances politiques auxquelles ils sont renvoyés."
 
        Documentaire (en anglais, 
        sans sous-titres)
        Diffusé sur PBS, dans la série American 
        Masters, The 
        Adventures of Saul Bellow (85 min) a été tourné 
        par le  réalisateur 
        israélien Asaf Galay, entre 2016 et 2019, avec des entretiens avec 
        la famille et les amis de Saul Bellow, dont la 
        toute dernière interview de Philip Roth (qui admirait Bellow). 
        La bande annonce sur youtube.
| ARTICLES ET ENTRETIENS (avec des extraits) | 
 
        Sur Ravelstein 
        avant la publication en français
        - Pour faire le lien avec un autre auteur 
        lu dans le groupe il y a quelques mois, Martin Amis 
        : 
Ravelstein (2000) constitue à mon sens un chef-d'uvre inégalé. Jamais auparavant le monde n'a entendu partielle prose : une prose d'une beauté frémissante et cristallisée. (Martin Amis, Guerre au cliché : essais et critiques)
- Sur Ravelstein dans la critique anglo-saxonne : vous pouvez consulter des extraits traduits pour Voix au chapitre d'une dizaine de journaux à la sortie du livre : The New York Times (plusieurs articles), The Village Voice, Salon, The Guardian, le Financial Times, le Sunday Times, l'Independent on Sunday, le Mail on Sunday, The Nation : ici la revue de presse
- Roth ou Bellow ? Un article original qui chronique ensemble La tache de Philip Roth et Ravelstein de Bellow (30 avril 2000 "The Ins and Outs of Bellow and Roth". Long extrait :
Dans une interview en 1981, Philip Roth a rapidement rejeté l'idée selon laquelle lui et Saul Bellow appartenaient ensemble à n'importe quelle "école" d'écriture judéo-américaine. Leurs similitudes sont minimes, dit-il, "quand on pense à tout ce qui doit découler de nos différences d'âge, d'éducation , intérêts intellectuels, idéologies morales, antécédents littéraires et buts et ambitions artistiques".
Roth avait certainement raison : lui et Bellow ont moins de points communs en tant qu'écrivains qu'on le suppose souvent, et bien que les regrouper sur la base de leur origine religieuse puisse être sociologiquement pratique, cela ne nous approche pas d'une compréhension de leur travail..
La chose la plus intéressante que Roth et Bellow ont en commun n'a rien à voir avec l'origine juive. De manière plus convaincante que tout autre écrivain américain contemporain, les deux hommes ont transformé leur propre vie en fiction. Roth aurait pu parler au nom des deux lorsqu'il a décrit sa méthode littéraire comme "créer une fausse biographie, une fausse histoire, concocter une existence à moitié imaginaire à partir du drame réel de ma vie". À cet égard, ils sont les principaux représentants actuels d'une tradition centrale de la littérature américaine, une tradition qui remonte à la poésie de Walt Whitman et aux écrits philosophiques et autobiographiques d'Henry David Thoreau.
La fiction dans laquelle l'écrivain reste proche de lui-même court certains dangers évidents. Bellow et Roth n'ont pas toujours résisté à la tentation de donner à leurs alter ego les meilleures répliques, d'écrire des romans dans lesquels ils semblaient trop manifestement déterminés à régler leurs comptes avec d'anciens ennemis ou ex-femmes. La romancière et philosophe Iris Murdoch a écrit que "nous jugeons les grands romanciers par la qualité de leur conscience des autres... pour le romancier, c'est au plus haut niveau le test le plus crucial." Il serait difficile de dire que tous les romans de Bellow et de Roth réussissent ce test avec brio.
À cela s'ajoute - à leur réticence occasionnelle à tenter de voir au-delà de soi - l'absence relative de personnages féminins intéressants dans leur travail. Ces deux écrivains sont si doués qu'il semble parfois qu'il n'y a rien qu'ils ne peuvent faire. Il est donc étonnant qu'aucun d'eux ne nous ait donné un personnage féminin aussi mémorable que leurs protagonistes masculins. Bien que leur uvre soit remplie de femmes aux dessins saisissants, elles sont pour la plupart des personnages secondaires. Il n'y a pas d'Anna Karénine, pas d'Isabel Archers, pas d'Emma Bovary dans les romans de Bellow et Roth.
- Suivent des articles en français, avant la traduction du livre : "Requiem pour un ami", Dinitia Smith, Courrier International, n° 489, 16 au 22 mars 2000. Extrait :
Bellow a toujours intégré des éléments de sa vie dans ses romans. Il a brossé un portrait de son ami Delmore Schwartz dans Humboldt's Gift [Le Don de Humboldt, éd. Flammarion, 1978], publié en 1975. Son roman de 1964, Herzog [éd. Gallimard, 1986], est censé s'appuyer sur la liaison de la deuxième femme de Saul Bellow avec l'un de ses meilleurs amis. Ravelstein est également une sorte de traité sur l'art de la biographie. Ravelstein y pousse Chickie, le narrateur (qui ressemble à Bellow), à écrire l'histoire de sa vie.
- "États-Unis : trahison ou inspiration ?", Le Monde, 28 avril 2000
Bloom et Bellow étaient amis, Saul Bellow avait préfacé l'ouvrage de Bloom. Mais dans Ravelstein, Bellow retrace l'amitié entre deux écrivains et il est clair que c'est de son amitié avec Bloom qu'il parle. Jusque-là, rien de bien étonnant. Sauf que Ravelstein est homosexuel sans le dire et meurt du sida, alors que Bloom est mort en 1992, d'un cancer du foie. Pour beaucoup, le roman n'est pas vraiment un roman, mais des Mémoires. Ils accusent Bellow de "betrayal chic", de trahison chic. Bellow a avoué, dans un entretien accordé au New York Times, qu'il n'avait pas du tout eu l'intention de révéler quoi que ce soit sur Bloom, tout en ajoutant qu'il ne s'était pas rendu compte que parler de sida était un sujet aussi sensible et qu'il trouvait que les gens avaient une attitude digne du Moyen Âge.
- "Saul Bellow a-t-il trahi son ami ?", par Henriette Korthals Altes, Lire, 1er février 2001. Extrait :
Ravelstein (Bloom) sied parfaitement à la galerie des personnages belloviens. Brillant, drolatique et pétri de contradictions touchantes, il est une de ces figures rédemptrices au cur de l'Amérique nihiliste. L'ami magnanime est dépeint sous les traits d'un homosexuel hédoniste, d'une curiosité intellectuelle et d'une érudition gargantuesques, d'une prodigalité outrancière, qui jusqu'au seuil de la mort lance ses traits d'esprit et d'autodérision et quitte le monde avec une dignité stoïque.
Pourtant, ce portrait élégiaque n'a pas manqué de secouer la presse américaine et anglo-saxonne. Avant même la publication de Ravelstein (à paraître en 2002 chez Gallimard), Bellow avait laissé entendre à un journaliste du Washington Post que son prochain livre serait inspiré de son amitié avec le célèbre philosophe. Le Toronto Star conclut rapidement que Ravelstein serait une esquisse biographique dans laquelle le Prix Nobel révélerait la pédérastie assumée mais non déclarée de Bloom. Bellow fut accusé d'outing (révélation publique de l'homosexualité d'une personnalité) et les critiques crièrent à la trahison. Il avait depuis toujours nourri sa fiction de sa vie personnelle. Mais il avait franchi là une frontière sacrée entre l'intime et le public en s'appropriant au nom de l'art la vie de celui qui fut d'abord un collègue à l'université de Chicago, puis un ami intime.
 
        Sur Ravelstein lors de la publication 
        en français, les articles prolifèrent...
        - "Auguste 
        Bloom", Alexandre Fillon, Livres Hebdo, n° 457, 15 février 2002 
        (sortie du livre : le 5 mars 2002). Extraits : 
Alors quil se sait condamné, Ravelstein aimerait que Chick rédige sa biographie : "Vous pourriez réellement composer un excellent portrait. Ce nest pas une simple requête, ajouta-t-il. Je vous en charge comme dune obligation. Faites-le à votre manière de propos de table, quand vous avez bu quelques verres de vin, que vous êtes détendu et livrez vos remarques." Et Chick de répondre : "Il métait impossible de lui refuser cela. Il ne souhaitait manifestement pas que je parle de ses idées. Il les avait lui-même exposées dans leur ensemble et elles sont accessibles dans ses ouvrages théoriques. Je me tiens donc pour responsable de la personne et, puisque je ne peux le dépeindre sans une certaine part dimplication personnelle, ma présence marginale devra être tolérée." Sans adoucissant, ni assouplissant, Chick va sacquitter merveilleusement de sa tâche. ( )
Auteur, grâce à linsistance de Bellow, en 1987 de The Closing of American Mind (devenu en France Lâme désarmée. Essai sur le déclin de la culture générale, sorti chez Julliard en 1987 avec une préface de Bellow), brûlot contre le déclin des valeurs américaines en matière déducation qui se vendit comme des petits pains, le truculent Bloom donne à Bellow la matière dun splendide livre sur lamitié, la vie et la mort.
- "Héros 
        et Thanatos", Marc Weitzmann, Les Inrockuptibles, 
        5 mars 2002. Extrait 
        :
        
Il y a quelque chose de difficile pour un lecteur non anglophone, et plus précisément français, dans les livres de Bellow : le baroque yiddisho-sternien de la narration, si on peut l'appeler ainsi. Cette façon désordonnée, en apparence, de faire avancer le récit "au coup par coup", comme le dit l'auteur dans Ravelstein, son dernier roman. C'est-à-dire en fonction des idées et souvenirs qui lui passent par la tête : un coup pour les discussions sur Adam Smith et Trotsky dans un bar de Greenwich Village en 1930, un autre pour les parties de poker mafieuses à Chicago dans les années 70, plus quelques autres encore pour une promenade en hélicoptère au-dessus de New York avec Jack Kennedy, pour les émeutes raciales de Chicago, pour les avocats véreux croisés au gré de divorces multiples. De digression en digression, au gré des livres, chacun des alter ego de l'auteur cherche la même épiphanie moderne : une illumination poétique susceptible de "sauver l'âme" d'un narrateur (comme le dit Ravelstein) cherchant le sens des choses dans l'angoissant chaos du monde.
- "Bellow sans fin", Didier Jacob, Le Nouvel Observateur, 7 mars 2002. Extrait :
Ravelstein est une extraordinaire leçon de littérature et d'humanité, où l'intelligence le dispute à la pudeur, le désespoir à l'humour et le singulier à l'universel.
Dressant l'admirable portrait d'un homosexuel flamboyant, hédoniste, flambeur, Saul Bellow raconte aussi son propre déclin, sa maladie, sa mort annoncée. On séjourne à Paris en compagnie de Bloom-Ravelstein, on fait ses courses chez Lanvin avant d'aller chez Sulka finir d'épuiser le compte en banque, on disserte sur Joyce, Rousseau, Céline, Kojève, le déclin de la culture française, l'humour juif, le désespoir juif, Michael Jackson (un "petit singe à paillettes"), Hitler, l'homosexualité, la nature, l'écriture et la vie. "La règle avec les morts est qu'ils devraient être oubliés", écrit Saul Bellow. Cette règle comportera donc, un jour, au moins une exception.
- "Saul Bellow : l'amitié à mort", Éric Neuhoff, Le Figaro, 14 mars 2002. Extrait :
Ravelstein est le récit d'une amitié jalouse et turbulente, de rapports irrigués par des discussions quotidiennes, d'une estime réciproque et d'une rivalité partagée. Les écrivains ont du mal à supporter le succès des autres. Le narrateur en profite pour se dépeindre lui aussi, son ex-femme Vela, sa dernière épouse à la jeunesse insolente et qui a été l'élève de Ravelstein, ces restaurants de luxe où il allait avec un Roumain ayant appartenu à la Garde de fer et qui pourrait bien être Mircea Eliade. Le roman prend un ton plus grave avec ce voyage aux Caraïbes où Chick est empoisonné par un poisson et manque y passer. La mort n'est pas seulement pour les autres. Chez Bellow, l'angoisse est un bon carburant. Elle est fouettée par un humour rageur, une vitalité déconcertante. Bellow garde cette faculté d'appuyer soudain sur l'accélérateur, ce goût pour les digressions, les ruptures de rythme, les tête-à-queue. Ravelstein semble nous dire qu'on est immortel quand on a un livre à finir, un ami à honorer. Au détour d'un paragraphe, Bellow avoue qu'il se garde Finnegans Wake pour sa retraite. Visiblement, ça n'est pas demain la veille.
- "Saul Bellow descend aux enfers", Le Point, 15 mars 2002. Extraits :
Non sans impatience, on attendait la traduction de Ravelstein. Pourquoi ? Parce que ce serait là le dernier roman de Saul Bellow, le Socrate de Chicago, né en 1915, et que tout critique a le culte morbide du récit testamentaire. ( )
Nous attendions un testament, un memento mori, le cimetière de l'âme américaine par un coriace qui aime la mitraille autant que l'Al Capone de son adolescence à Chicago. Nous avions tort. Bellow refuse la mort, celle symbolique qui ferait de lui un gisant aux côtés de Bloom, celle réelle qui le contamine sur une plage paradisiaque. Sous le sable, le jugement dernier Pour ne pas mourir, semble-t-il dire, attaquons.
Il est question ici de mémoire juive, de ressentiment, de femmes trop maquillées et semeuses de divorce, d'argent qui circule en corrupteur, des morts à qui l'on survit, de ce qu'on leur doit, de la nécessaire trahison. Bellow descend aux enfers : ils ont la couleur bleu pastel et vert lagune des coraux. Ils ont la tendresse d'une couverture en vison, dans laquelle Bloom s'enroule.
Chercherait-on la morale de l'histoire qu'on la trouve dans une fidélité de l'auteur à lui-même. Bellow est un survivant. "Le malheur revigore, le confort relâche", dit-il. À 87 ans, ayant épousé en dernières noces une étudiante de feu Allan Bloom, il semble que Bellow ne se laisse guère attendrir. Tant pis pour ses amis. Tant mieux pour la littérature.
- "Une amitié platonique", Philippe Lançon, Libération, 28 mars 2002 et "Saul Bellow : Ravelstein", 10 septembre 2004. Extraits :
Bloom-Ravelstein sait qu'il va mourir. Il a demandé à Bellow-Chick d'écrire librement son portrait posthume. (...) La seule manière de saisir ce tourbillon est justement de tourbillonner, de bâtir un patchwork qui n'évite ni les répétitions, ni les contradictions.
Bellow recompose ainsi son ami mort avec la liberté qu'il lui doit : désordre apparent des thèmes, légèreté de la touche, profondeur du trait, destruction de tout lien biographique et apparemment logique. Le sens du livre circule dans des scènes parfois brèves, parfois revenant dans le livre entier, parce que la vie et l'amitié sont ainsi : un détail devient un monde et vous hante toute la vie, tandis que des années entières, des moments prétendument importants disparaissent dans un trou. Avec un grand savoir-faire et une fausse négligence, l'écrivain enchaîne les souvenirs, les réflexions, pour mieux les dynamiter : il ne veut pas écrire une biographie à l'anglo-saxonne, genre dont il a lui-même été victime. Il veut faire revivre son ami couture après couture, là, devant lui, sur la page.
Le roman est évidemment à clefs ; les utiliser n'est pas désagréable, puisqu'un lecteur est aussi une joyeuse commère qui cherche à voir sous les masques.
(Les clés du roman à clé : chaque personnage du livre serait "inspiré" d'une véritable personne ? Et alors ? Vous aimeriez savoir de qui ? Cliquez ici)
- "Saul Bellow Ravelstein", Alexandra Lemasson, Magazine littéraire, 1er avril 2002. Extrait :
Si Alan Bloom a largement inspiré cet être de papier étincelant qui se moque des chichis de de l'intelligentsia littéraire, il y a fort à parier que Saul Bellow lui-même lui a légué bon nombre de ses réflexions. Roman tour à tour désinvolte et profond, ironique et grave, cocasse et émouvant, Ravelstein tient du manifeste. Par le truchement de ce personnage d'intellectuel tout aussi familier des amuseurs comme Mel Brook ou W.C. Fields que des classiques, le romancier américain réaffirme sa croyance en la suprématie de l'humour. Une arme qu'il manie avec une dextérité jubilatoire et dont il rappelle la nécessité : "Étrange que les bienfaiteurs de l'humanité soient des amuseurs. En Amérique du moins". Sorte de credo dont il ne se départira pas au fil d'un roman peu à peu envahi par les thèmes obsessionnels de la mon et de la maladie auxquels il apporte des réponses empreintes d'humanisme. Sur un sujet grave Saul Bellow a écrit un roman profondément divertissant au sens noble et pascalien. "La mort aiguise le sens de l'humour" rappelle Ravelstein. Il faut croire les personnages de roman : ils disent souvent la vérité. Une sacrée leçon !
- "Ravelstein le magnifique", André Bleikasten, La Quinzaine littéraire, 16 avril 2002. Extrait :
Tout cela, dira-t-on, n'a qu'un intérêt anecdotique. Mais cest lorsque Chick/Bellow nous parle de sa propre vie et de sa propre mort que sa prose se met à sanimer et à séchauffer, et lune des scènes les plus troublantes du livre est celle où Vela nue vient frotter sa toison pubique contre la joue de Chick, puis lui tourne le dos et s'en va, lui signifiant ainsi son congé.
Le lecteur nentre jamais de cette manière-là dans l'intimité de Ravelstein et son portrait nous laisse au bout du compte sur notre faim. Tel quil nous apparaît à travers le regard de Chick, Ravelstein surprend, amuse, agace et parfois émeut. Mais, au rebours de ces ratés sublimes quétaient Herzog, Sammler et Humboldt, il est trop poseur, trop sûr et trop content de lui-même pour devenir attachant et lorsque Chick nous dit que "Ravelstein menait une vie intellectuelle de grande ampleur", il faut le croire sur parole.
Ravelstein est bien du Bellow, ronchonneur et vitupérant, toujours aussi fâché avec son siècle, plus que jamais en délicatesse avec lAmérique, et de temps en temps, au détour dune phrase ou dun paragraphe, on y retrouve la griffe du vieux maître. De vrais bonheurs d'écriture encore, de soudaines fulgurances et des rosseries délectables, mais plus de pâte en fusion. Du Bellow à petit feu. On est loin, dans ce treizième et peut-être dernier roman, des logorrhées fébriles et jubilantes de ses meilleurs livres.
- "A la recherche de Ravelstein", Martine Silber, Le Monde, 19 avril 2002. Extrait :
Ravelstein est une des plus belles créatures de Samuel Bellow, brillant, original, éclatant de vie, impérial, fantasque, courageux devant la maladie et la mort, un enseignant incomparable qui dirige ses étudiants "vers une vie plus élevée, pleine de variété et de diversité, régie par la rationalité". Si Platon revient souvent dans le livre, c'est que l'enseignement de Ravelstein ne peut se comparer qu'à celui de Socrate.
Les dernières pages sont éblouissantes dans une sorte de résumé qui fait revivre une dernière fois l'ami, le confident, l'observateur attentif - "On n'abandonne pas facilement un être tel que Ravelstein à la mort". On lui consacre un livre.
 
        Sur Ravelstein lors de la réédition 
        
        - "Bain 
        d'Amérique : Saul Bellow en portraitiste magistral avec la réédition 
        de Ravelstein", Florence Noiville, Le 
        Monde, 16 septembre 2004. Extraits 
        :
Pour qui voudrait, avant l'élection du 2 novembre, prendre un bain d'Amérique, cette réédition de Ravelstein tombe à pic. Son auteur, Saul Bellow - né en 1915 de parents juifs émigrés de Russie, couronné par le National Book Award pour Les Aventures d'Augie March et Prix Nobel de littérature en 1976 -, n'est pas seulement l'un des grands écrivains du XXe siècle. Il est aussi l'un des meilleurs peintres de son pays. On jugera de son actualité dès les premières lignes du roman, lorsque, dans une critique féroce du fondamentalisme religieux, Bellow stigmatise, depuis le procès Scopes - aussi célèbre outre-Atlantique que notre affaire Dreyfus -, ce qu'il appelle le "nigaudus americanus". Toute ressemblance avec des situations proches de nous étant bien sûr loin d'être fortuite (...)
Car même après sa disparition, Chick s'interroge encore sur la "persistance" de Ravelstein, sa manière de surgir obliquement en toute circonstance. La dernière phrase du livre donne la clé. "On n'abandonne pas à la mort un être tel que Ravelstein", un être qui disait : "Frayez avec les personnes les plus nobles, lisez les meilleurs livres, vivez avec les puissants, mais apprenez à être heureux seul." Un être qui restera l'un des plus beaux personnages de Bellow.
- "Présentation 
        et commentaire", André Durand, Comptoir littéraire.
        
 
        Au fait, le narrateur crache le morceau 
        dans Ravelstein
        Page 17 en Folio : 
Je peux bien lâcher le morceau : jai eu au lycée un professeur danglais du nom de Morford ("Morford le dingue", comme nous lappelions), qui nous faisait lire lessai de Macaulay sur la Vie de Samuel Johnson de Boswell. Je ne saurais dire si cétait une lubie de Morford ou un article du programme fixé par le Conseil dUniversité. Lessai de Macaulay, commande de lEncyclopedia Britannica au XIXe siècle, était publié dans une édition scolaire américaine par Riverside Press. Cette lecture me mettait en transe. Macaulay me grisait avec sa version de la Vie, avec l"anfractuosité" de lesprit de Johnson. Jai lu depuis de nombreuses critiques pondérées des excès victoriens de Macaulay. Mais je nai jamais été guéri  je nai jamais voulu être guéri de ma faiblesse pour Macaulay. Grâce à lui, je vois toujours ce pauvre Johnson convulsif effleurant tous les réverbères de la rue et mangeant de la viande avariée et des puddings rances.
Mon problème : comment my prendre pour écrire une biographie. Il y avait lexemple de Johnson lui-même, dans la notice sur son ami Richard Savage. Il y avait Plutarque, bien sûr. Quand je mentionnai Plutarque à un helléniste, il le ravala au rang de "simple littérateur". Mais, sans Plutarque, Shakespeare aurait-il pu écrire Antoine et Cléopâtre ?
Je considérai ensuite les Vies brèves dAubrey.
Mais je ne vais pas énumérer toute la liste.
Le modèle de l'entreprise biographique de Chick serait donc La vie de Samuel Johnson de Boswell, une biographie apparemment célèbre... Samuel Johnson (1740-1795) est un grand auteur britannique classique et Boswell (1709-1784) également un écrivain.
 
        Entretiens et rencontres
        - 
        Un entretien avec Saul Bellow : "La 
        culture, c'est de l'esbroufe !", Le Nouvel Observateur, 
        7 mars 2002. Extraits : 
Dans Ravelstein, vous vous êtes inspiré de la vie du sociologue américain Allan Bloom. Peut-on donc considérer votre livre comme un roman à part entière ?
Tout ce que j'écris finit par être une sorte de roman. Ce qui est important, ce n'est d'ailleurs pas le résultat, mais le processus d'écriture. Alberto Moravia m'a dit un jour : "Les romans sont toujours un morceau de la vie du romancier." J'aime bien citer cette phrase.Mais pourquoi raconter, comme Vargas Llosa dans son nouveau livre sur le dictateur Trujillo, la vie d'un homme qui a réellement existé ?
Il y a peut-être l'influence des médias sur le public, qui exigent un travail précis, vérifiable, une sorte de fiabilité technique. Pour moi, c'est autre chose. Certes j'étais ami avec Allan Bloom, il m'avait même demandé d'écrire un jour sa biographie. Mais l'essentiel était de composer un texte narratif rigoureux qui génère ensuite un personnage. Mon ambition n'était pas de dessiner une silhouette, mais, plus modestement, de créer, à partir d'éclats du monde, un univers particulier. Dans le cas d'Allan Bloom, j'ai eu beaucoup de mal à y parvenir, surtout à cause de son homosexualité. Je continue à m'en vouloir un peu de cette révélation posthume ; mais, après tout, c'était un élément de sa personnalité.Votre livre a fait scandale quand il est sorti en Amérique. Est-ce justement parce que l'homosexualité est encore un tabou ?
La société, c'est vrai, continue à réagir comme autrefois quand s'annonçait un lépreux. Cela dit, il fallait en parler, car le livre porte aussi sur ses thèses provocantes. (...)Mais Allan Bloom, votre héros, ne met-il pas justement en cause le déficit culturel de l'Amérique ?
Permettez-moi d'entrer un peu dans les détails. Pour moi, Bloom n'est pas un intellectuel engagé, il ne militait pas pour plus de Mallarmé ou moins de Sigmund Freud. Pour moi, c'est un trophée que l'on vénère. Un personnage aux innombrables facettes, qui connaissait Homère aussi bien que l'hôtel Crillon, aimait les symbolistes autant que la haute couture française, était entiché de culture comme des garçons qu'il draguait dans les rues de Paris. Une personnalité étincelante, idéale à tout point de vue pour réfuter la thèse absurde de la mort du roman. Le succès de mon livre montre d'ailleurs qu'il y a toujours un intérêt, chez le lecteur, pour des personnalités extraordinaires, et que s'il est souvent mis en jachère il ne demande qu'à être réveillé. Bloom était un homme cultivé, mais c'était avant tout un virtuose de la vie. Il détestait la vantardise, les chichis intellectuels.
- "L'ermite du Vermont", Florence Noiville, Le Monde, 8 septembre 1995, repris dans le livre Écrire c'est comme l'amour : portraits littéraires, éd. Autrement, 2016, pour lequel Voix au chapitre l'avait reçue en 2016. Elle lui rend visite chez lui, dans le Vermont. Extraits sur les auteurs et les livres :
Voilà donc le repaire de l'écrivain qui passe pour l'un des plus cultivés des Etats-Unis. Keats, Yeats, Shakespeare... Comme les cailloux du Petit Poucet, des livres, un peu partout, vous conduisent de la cuisine au saint des saints, une forêt de papier imprimé au cur des arbres. Alliance saisissante entre nature et culture : il y a, dans cette bibliothèque improbable, les nourritures préférées de Saul Bellow : Faulkner, Hemingway, Henry James... Des contemporains aussi, comme Denis Johnson, Ralph Ellison, Philip Roth. "J'aime et j'admire Philip Roth", précise Bellow, tandis que Janis, sa cinquième femme qui fut aussi l'une de ses postgraduate students, apporte du thé et des gâteaux à la cannelle.
Pétri par les livres, Bellow l'est depuis son plus jeune âge, lorsque la littérature faisait "partie intégrante de la vie". "On s'en nourrissait. Pas en connaisseur, en esthète, en amoureux des lettres. Non, c'était une chose que l'on ingérait pour qu'elle devienne notre substance même."La dérision, le sarcasme affleurent sous l'eau qui dort. Évoque-t-on ses "confrères" du voisinage, Bellow s'échauffe : "J. D. Salinger est de l'autre côté de ces collines, dans le New Hampshire. C'est un ours. Ne voit personne. Ne sort jamais. Pire que moi." Soljenitsyne ? "Il habitait là, lui aussi, avant de rentrer dans son royaume ! Il vivait en exil, comme les Stuart à Versailles après la Révolution ! Non, je plaisante. Ses romans ne sont pas très bons. Trop rigides. Mais j'aime ses 'goulag books' !"
Il se moque de bien des choses, Saul Bellow. Des attaques des autres et de son relatif isolement parmi les écrivains américains, des universitaires et des intellectuels, "ces grands prêtres corrompus de la culture" et aussi du "politically correct" qui lui hérisse le poil : "C'est la ligne du parti. Si vous vous en écartez, vous êtes excommunié." Il s'est même, il y a peu, attiré les foudres des bien-pensants qui l'accusaient de relativisme culturel. "J'aurais dit que les Papous n'avaient donné naissance à aucun Proust et qu'il n'y avait jamais eu de Tolstoï chez les Zoulous, ce qui était considéré comme une insulte envers ces deux peuples et comme une preuve que j'étais, au mieux, un être dépourvu de toute sensibilité, au pis, un élitiste, un chauvin, un réactionnaire et un raciste, en un mot un monstre." Et Bellow, de tempêter contre "la dictature du 'PC'", regrettant l'époque de Mark Twain où l'humour avait une "influence salutaire" sur le comportement du "Cretinus americanus".Il vient d'inventer le concept de reader harassment. "Voyez Norman Mailer, dit-il. Il fait beaucoup de bruit, il a des prétentions viriles et révolutionnaires qui ont mal vieilli. Mais quand il est bon, il est vraiment très bon. Ce qui est scandaleux, c'est la longueur de ses romans. Jeter tant de papier à la tête des gens en attendant qu'ils vous lisent... ! "
- "Les paysages de Saul Bellow", par Pierre Dommergues, Le Monde, 18 janvier 1982. Extrait :
- Et pour vous - personnellement - qu'est-ce que la mort ?
- La mort ? Oui, j'en ai entendu parler. Mais, en ce qui me concerne, ce ne sont que des rumeurs. Qu'en dites-vous ?...
- "Trois questions à James Atlas", biographe de Bellow, propos recueillis par Florence Noiville, Le Monde, 6 avril 2005. Extraits :
Vous êtes l'auteur d'une importante biographie de Saul Bellow (Bellow, A Biography, Random House, 2000). Qu'est-ce qui vous a frappé le plus au cours de ce travail ?
La façon dont il s'est arrangé pour être à la fois original (c'est-à-dire pour exprimer son génie) et représentatif. C'est un écrivain sorti de nulle part, qui s'est trouvé au milieu des grands événements historiques et littéraires de son temps : l'américanisation des immigrés, la grande crise, la seconde guerre mondiale, Greenwich Village dans les années 1950, les turbulences des sixties et la "culture de guerre" des années 1980, qui est fort bien évoquée dans le livre de son ami Allan Bloom, The Closing of the American Mind.On dit qu'il est celui qui a fait cesser la domination wasp (White Anglo-Saxon Protestant) sur la littérature américaine ?
Disons qu'il y a puissamment contribué, avec Bernard Malamud, Norman Mailer et plus tard Philip Roth. Voyez le paysage littéraire américain aujourd'hui : Jonathan Franzen, Jeffrey Eugenides, Richard Ford, Jamaica Kincaid. Je ne connais pas leur appartenance religieuse, ils ne se revendiquent ni comme wasp ni comme juifs. Comme Bellow d'ailleurs, qui disait toujours : "Je ne suis pas un écrivain juif : je suis un écrivain américain et il se trouve que je suis juif."
 
         
        Autres articles éclairants généraux 
        sur Saul Bellow et son uvre
        - Synthèse des caractéristiques 
        de l'auteur, André 
        Durand, Comptoir littéraire
        - "Saul Bellow, le grand écrivain 
        de l'autre Amérique, est mort", Lazare Bitoun, Le Monde, 
        6 avril 2005.
 
         
        Carrément des livres
        - Saul 
        Bellow, Pierre Dommergues, Grasset, 1967
        - Saul 
        Bellow : un regard décalé, Claude Lévy, Belin, 
        coll. "Voix américaines", 2003
        - Autour 
        de Saul Bellow, dir. Paul Lévy, Presses universitaires 
        d'Angers, 2011, douze contributions duniversitaires présentées 
        ici
| REPÈRES BIOGRAPHIQUES | 
 Biographie avec images sur le site American Masters
 
        Potins : mariages et enfants 
        (5 mariages et 4 enfants)
        - 1938 : mariage avec Anita Goshkin - un fils - séparation 1954, 
        divorce en 1956
        - 1956 : mariage avec Alexandra Tschacbasov - un fils - séparation 
        en 1959, divorce en 1960
        - 1961 : mariage avec Susan Glassman - un fils - divorce en 1966 (tiens, 
        puisqu'on est à la rubrique potins, en 1962, il est invité 
        à la Maison Blanche pour un dîner donné en l'honneur 
        d'André Malraux...)
        - 1974 : mariage avec Alexandra Ionescu Tulcea, une professeuse de mathématiques 
        théoriques à lUniversité Northwestern, née 
        en Roumanie ; divorce en 1985
        - 1989 : mariage avec Janis Freedman, qui a été étudiante 
        d'Allan Bloom ; Bellow, sur le modèle du serial-killer, se décrit 
        lui-même, à partir de ce cinquième mariage, comme 
        un serial-mari ; ils ont une fille en 1999 : il a 84 ans et fait remarquer 
        qu'il est comme "un arrière-grand-père pour mon propre 
        enfant"...
 
        Potins : les thérapies (pour les 
        connaisseurs.seuses du groupe)
        - 1951 : il entreprend une thérapie avec 
        un analyste dans la mouvance de Wilhelm 
        Reich, à la recherche d'une énergie "orgonale", 
        en quête d'épanouissement émotionnel et sexuel...
        - 1958 : il entreprend une nouvelle thérapie
        - 1960 : il se lance dans une nouvelle thérapie, la troisième, 
        avec le Dr Albert 
        Ellis, un sexologue
        - 1969 : début d'une nouvelle cure avec Heinz 
        Kohut, un psychanalyste américain d'origine viennoise en rupture 
        avec Freud sur la psychopathologie et dont la contribution à la 
        constitution du Self (le narcissisme) joue un rôle important 
        dans la théorie analytique.
 
        Voyons l'enfance...
        - Fils d'Abraham 
        Belo, un juif orthodoxe de Saint-Pétersbourg qui avait étudié 
        le Talmud, joué du violon et vendu des oignons dÉgypte 
        avant démigrer en 1913 au Canada, Saul Bellow est né 
        dans la banlieue de Montréal, à Lachine, qui se trouve de 
        lautre côté du Saint-Laurent, en face de la réserve 
        iroquoise de Kahnawake : 
"Quand j'étais enfant à Lachine, une jeune fille de Caughnawaga passait par le pont pour venir prendre soin de moi. Quand elle me faisait manger, m'a raconté ma mère, elle mâchait bien la viande avant de me la mettre dans la bouche. C'est à cause de cela que j'ai réussi dans la vie !"
Il grandit dans la tradition juive la plus stricte, corrigée cependant par la vie de la rue.
La famille vivait "dans une zone aujourd'hui entièrement portoricaine et noire, à l'ouest de Division Street. Mes parents, venus d'Europe, voulaient que je résiste aux désordres de l'entourage. Ils voulaient me donner une bonne connaissance de l'hébreu, une solide éducation religieuse, une excellente formation afin que je fasse carrière dans les affaires ou dans les professions libérales. Mais j'étais attiré par la rue. Le yiddish ? On ne le parlait qu'à la maison. Et l'hébreu au heder, l'école religieuse. J'ai commencé à apprendre l'hébreu à quatre ans. On récitait la Genèse, puis on la traduisait, phrase par phrase, en yiddish. J'ai écrit l'hébreu bien avant l'anglais. Mais j'ai appris à parler l'anglais en même temps que le yiddish. L'anglais était la langue des rues.
Il en retira entre autres la connaissance de quatre langues : le yiddish qu'il parlait à la maison (ses parents parlant le russe entre eux), l'hébreu qu'il apprenait au "heder", l'anglais et le français qu'il entendait dans la rue :
Dans la rue, il y avait l'étrangeté supplémentaire de la langue française. Je ne m'en rendais pas compte, bien sûr. Je n'avais pas de point de comparaison. Montréal était une ville européenne construite sur le modèle britannique. Mais c'était aussi une ville française, et une ville d'émigrants, au moins dans le quartier où j'habitais. Les enfants français marchaient en rang, deux par deux, en plein milieu de la rue, pour aller à l'école des surs.
D'ailleurs à Lachine sur les chantiers de la "Dominion 
        Bridge, les ouvriers étaient ukrainiens, russes, hongrois, 
        grecs, siciliens...
        Dans sa biographie, Zachary Leader (The 
        Life of Saul Bellow: To Fame and Fortune 1915-1964 (2015), raconte 
        au sujet de la mère de Bellow, que sa distraction préférée 
        :
"cétait daller voir un film en matinée, le week-end. Bellow laccompagnait parfois et se rappellerait une sorte de bourdonnement dans la salle, les chuchotements de dizaines denfants traducteurs, dont lui-même, murmurant en yiddish à leur mère."
Après la mort de son père (qui, n'étant guère habile dans les affaires, fit faillite dans toute une série de métiers, fut même "bootlegger"), la famille s'installa en 1924 à Chicago, celui d'Al Capone.
"J'avais neuf ans en arrivant à Chicago. Ce fut un choc. Tout était plus grossier, plus grand, plus bruyant. Tout était différent : les feuilles aux arbres, les brins d'herbe, le sol. Et même les molécules, c'était du moins le sentiment que j'avais. À peine étais-je devenu adolescent que j'avais pris à bras-le-corps l'idée de devenir américain. C'était une véritable libération. On échappait à l'influence de la famille, du heder, de l'orthodoxie. On se réjouissait de parler anglais. C'était une sorte de joie populaire."
En 1933, le décès de sa mère alors qu'il avait 17 ans fut pour lui un choc émotionnel très profond.
 
        Les études
        - 1933 
        : Université de Chicago, où il étudie la littérature. 
        À titre de conseil amical, le directeur du département d'anglais 
        de la faculté lui indique qu'il valait mieux pour lui renoncer 
        à tous ses projets d'études : "Aucun Juif ne peut 
        véritablement comprendre la littérature anglaise traditionnelle."
        - 1935 : son père ne pouvant plus faire face aux frais de l'Université 
        de Chicago, il intègre Northwestern University où il obtient 
        un diplôme d'anthropologie et de sociologie. 
        - 1937 : il poursuit ses études en anthropologie à lUniversité 
        du Wisconsi, commence un doctorat sur les Canadiens français, mais 
        quitte l'université avant la fin de l'année : "chaque 
        fois que j'essayais de travailler à ma thèse, je me retrouvais 
        en train d'écrire une nouvelle de plus". Il décide 
        de devenir un écrivain. De plus, il tombe amoureux dune sociologue, 
        lépouse et revient à Chicago où il enseigne 
        à temps partiel. Il bénéficie du programme Federal 
        Writers Project mis en place par Roosevelt en 1935 pour soutenir les 
        écrivains.
 
        Une carrière mêlant écriture, enseignement, journalisme
        - Débuts d'écrivain : en 1941, parution de sa première 
        nouvelle dans The 
        partisan review, Two 
        morning monologues. Alors influencé par le groupe dintellectuels 
        trotskistes qui animent cette revue, il rejette le modèle du "tough 
        guy", du "dur", les rituels de la chasse, de la pêche 
        au gros ou de la tauromachie, tel un défi direct lancé à 
        Hemingway, dont la stature écrasait depuis vingt ans, la littérature 
        américaine.
        - Guerre, divers travaux dans la presse et l'édition : il 
        enseigne à l'université du Wisconsin avant de servir dans 
        la marine durant la Seconde Guerre mondiale en 1944-45, expérience 
        qui lui inspirera son premier livre. Après sa démobilisation, 
        il s'établit à New York où, tout en travaillant pour 
        l'Encyclopædia Britannica (où 
        il rédige plusieurs monographies d'écrivains 
        célèbres en tant que responsable du secteur des "Grands 
        classiques de la littérature"), il enseigne.
        - L'enseignement : sa carrière 
        de professeur de littérature le mènera d'université 
        en université (Minnesota, New York, Princeton, Porto Rico) jusqu'en 
        1961, date à laquelle, déçu par les controverses 
        politico-intellectuelles qui agitaient New York, il revient à l'université 
        de Chicago où il exercera 30 ans.
        - Le 
        succès : son premier livre, L'homme en suspens, paraît 
        en 1944 suivi de La victime en 1947, où il analyse la relation 
        entre juif et non-juif : ces deux premiers romans de Saul Bellow reçoivent 
        un succès d'estime mais lui apportent la reconnaissance dont il 
        avait besoin de l'establishment littéraire : il en récolte 
        les fruits en 1948, sous la forme d'une bourse Guggenheim, grâce 
        à laquelle il passe deux ans à Paris, où il rencontre 
        Bataille, Merleau-Ponty, Camus..., où il écrit Les aventures 
        d'Augie March, qui lui vaut le prestigieux National Book Award en 
        1954. Herzog, paru en 1964, une biographie intellectuelle et spirituelle, 
        lui apporte une renommée internationale. La France le fait chevalier 
        des Arts et des Lettres en 1968, Le don de Humboldt (1975) est primé 
        par le prix Pulitzer et, en 1976, Saul Bellow se voit attribuer le prix 
        Nobel de littérature.
        - La réalité rejoint le roman que nous lisons : 
        en 1994, au cours d'un séjour dans les Caraïbes, Bellow, empoisonné 
        par des crustacées, a une attaque, une double pneumonie, et reste 
        trois semaines dans le coma. Il publiera Ravelstein en 2000 et 
        ne meurt qu'en 2005, à 89 ans, enterré dans le cimetière 
        juif de Brattleboro dans le Vermont. À sa mort, Philip Roth 
        déclare : "Bellow ma émancipé. Avec 
        Faulkner, il est la colonne vertébrale de notre siècle."
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               Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme 
                au rejet : 
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               un 
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