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 Quatrième de couverture : Dix nouvelles de la grande romancière 
        américaine. Tout le monde prend vie en quelques secondes, et s'impose 
        à nous : tueurs évadés du bagne, un général 
        de cent quatre ans, une sourde-muette, une jeune docteur en philosophie 
        à la jambe de bois, un Polonais que la haine des paysans américains 
        accule à une mort affreuse, et, grouillant à l'arrière-plan, 
        les petits fermiers, les nègres paresseux et finauds. Quatrième de couverture : Dix nouvelles de la grande romancière 
        américaine. Tout le monde prend vie en quelques secondes, et s'impose 
        à nous : tueurs évadés du bagne, un général 
        de cent quatre ans, une sourde-muette, une jeune docteur en philosophie 
        à la jambe de bois, un Polonais que la haine des paysans américains 
        accule à une mort affreuse, et, grouillant à l'arrière-plan, 
        les petits fermiers, les nègres paresseux et finauds. | Flannery O'CONNOR (1925-1964) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||
| Nous avons lu ce recueil de 
              10 nouvelles pour le 14 avril 2023 et le nouveau groupe l'a lu pour 
              le 21 avril. | 
| Les 
              13 cotes d'amour Entre 
 | 
Laura (avis 
        transmis)
(avis 
        transmis)
        Je n'ai pas réussi à terminer le bouquin, manque de temps 
        mais aussi
 d'intérêt. J'ai pourtant bien avancé, 
        intriguée par l'ensemble, mais à "Un cercle dans le 
        feu", j'ai lâché le livre. En réalité, 
        la lecture a commencé fort pour moi, avec les deux premières 
        nouvelles notamment, qui m'ont vraiment fait beaucoup d'effet. Je les 
        ai trouvées surprenantes, étonnantes, peu communes, merveilleusement 
        morbides. C'est la première qui m'aura le plus marquée, 
        jouant sur les registres, entre le comique et le tragique - l'incompréhension 
        et la si grande naïveté de la grand-mère, corrélée 
        aux meurtres dans les bois, cachés, non-dit, étouffés, 
        sauf les cris - le ridicule, et cette constante antithèse, finalement, 
        entre la grand-mère et le reste du monde, entre ses éblouissements 
        constants et la désillusion de sa famille. Et pourtant j'ai retrouvé 
        cette naïveté, cette bonté, autant chez le personnage 
        du serveur, que chez l'assassin. Comme si la grand-mère n'avait 
        pas encore été corrompue par la vie et qu'elle dévoilait, 
        chez chaque personnage, la part de bonté encore intacte en eux. 
        Ce fut donc une grande découverte pour moi ! 
        Le seul problème, c'est que je m'attendais à enchaîner 
        ces surprises dans les nouvelles suivantes. Seulement, dès le début 
        de ma lecture de la deuxième nouvelle, accompagné du titre 
        ("Le fleuve") peu éclairant en soi, mais très 
        significatif, j'anticipais déjà la fin : donc pas de surprise, 
        même si la violence de l'histoire était encore cathartique 
        pour moi. En bref, "je m'éclatais" dans ces chutes perverses. 
        Puis il y a eu la suite - Mr Shiftlet, la grossesse, le nègre factice 
        - qui ne m'ont fait ni chaud ni froid, mise à part un peu de déception 
        : ces nouvelles ne valaient vraiment pas les deux premières à 
        mes yeux. L'erreur des personnages, leur immoralité, les surprises, 
        tout cela ne m'a pas semblé si renversant : oui, Mr Shiftlet abandonne 
        la jeune mariée, oui le grand-père renie son petit-fils 
        (je me demande d'ailleurs s'il est possible de voir dans cette scène 
        de reniement et de persécution - nombre d'inconnus entourent l'enfant 
        avec beaucoup de violence - une métaphore christique, accompagnée 
        du silencieux pardon qu'accorde l'enfant au grand-père), mais en 
        soi je n'y ai rien vu de bien dramatique - il n'y a pas mort d'homme. 
        Parmi ces trois nouvelles, seule "Un heureux évènement" 
        m'a étonnée, en fin de lecture notamment, où j'ai 
        compris que la grossesse était en réalité anticipée 
        depuis le début de la nouvelle à travers la description 
        physique du personnage. Elle n'a que 34 ans, mais déjà sa 
        "silhouette évoquait une urne funéraire" 
        (p. 75 éd. Folio). Si les nouvelles qui ont suivi ne m'ont 
        pas semblé renversantes, je ne peux dénier à Flannery 
        O'Connor une grande finesse d'écriture, qui parvient à mêler 
        l'horreur, la tristesse, la mort, à un humour et une ironie habiles. 
        La comparaison à l'urne m'a fait pouffer de rire, je l'avoue ! 
        Je ne rejette absolument pas ses écrits, et les ai sincèrement 
        appréciés, tout comme j'ai pris grand plaisir - je le souligne 
        - à lire un recueil de nouvelles : c'est une forme vraiment 
        agréable qui s'adapte bien au temps que l'on souhaite y consacrer, 
        peu ou beaucoup. Je soutiens et encourage donc d'autres lectures de ce 
        type ! J'en profite alors pour faire une proposition : la lecture 
        des nouvelles d'O'Connor m'a fait penser à une petite nouvelle 
        que j'ai lue il y a quelques années : "Once 
        upon a time" de Nadine Gordimer. Je garde le souvenir positif 
        d'un écrit étonnant, politique, renversant, peuplé 
        de peu de "braves gens"
 Sa plume est elle aussi très 
        fine, acérée et réfléchie. La nouvelle a été 
        publiée en France en 1991 dans le recueil Le safari de votre 
        vie et autres nouvelles*. Bien que Gordimer ait été 
        lue dans le groupe, en juin 2004 (il y a déjà presque 20 
        ans !), la lecture a été celle d'un roman et non de 
        nouvelles : si vous avez été déçus, il 
        est possible de lui offrir une seconde chance. Qui plus est avec Gordimer, 
        on part loin, en Afrique du Sud, en plein apartheid ; et on lit une 
        femme. C'est pas mal, non ? Pour O'Connor, j'ouvre aux ¾.
        Je  
        souhaite à tout le monde une belle soirée illuminée 
        de ces intéressantes et bien particulières nouvelles
 
        
*Nous constatons que Laura a bien vendu sa marchandise... Las, le livre épuisé est vraiment introuvable...
Danièle, un peu malade, 
        transmet juste un sms...
        Je n'ai pas fini de lire O'Connor. Je me suis demandé un moment 
        si elle n'était pas malade ou perverse
 Si ce n'était 
        l'humour qui transparaît, j'aurais refermé le livre. Peut-être 
        étais-je trop fatiguée pour me concentrer ?...
        Catherine, 
        entre  et
et
        Je ne connaissais pas Flannery O'Connor ; j'ai assez peu lu d'auteurs 
        du Sud et, comme beaucoup de français, semble-t-il, je ne suis 
        pas fan de nouvelles, mais là, j'ai adoré
        Flannery O'Connor a un vrai talent pour, en quelques phrases, planter 
        un décor, créer une ambiance. On est face à une galerie 
        de personnages improbables, le tueur évadé du bagne, le 
        faux général de 104 ans, l'unijambiste docteur en philosophie... 
        C'est très drôle et en même temps féroce, parfois 
        morbide. J'ai beaucoup aimé l'écriture. 
        J'ai été scotchée par la première nouvelle, 
        je ne m'attendais pas du tout à un dénouement pareil. Ça 
        commence assez soft et ça finit par une tuerie, précédée 
        d'un dialogue là encore totalement improbable entre la grand-mère 
        et le tueur. Ensuite on est moins surpris, on n'attend plus de happy end. 
        Certaines nouvelles sont plus insignifiantes - "Un heureux événement" 
        par exemple - ou seulement drôles - le faux général 
        qui meurt pendant la distribution des diplômes sans que personne 
        ne s'en aperçoive et qu'on transporte devant le distributeur de 
        Coca. J'ai beaucoup aimé "Braves gens de la campagne", 
        mais ma nouvelle préférée est la dernière, 
        "La Personne Déplacée" : c'est la plus féroce, 
        on est confronté au summum de la xénophobie, de la bêtise 
        et de la méchanceté. 
        Peu de personnages sont épargnés dans ces nouvelles, quelques 
        enfants, mais pas tous. La religion est omniprésente, mais il s'agit 
        plutôt d'usurpateurs, sauf peut-être le prêtre catholique 
        de "La Personne Déplacée". C'est aussi une peinture 
        du Sud "profond" des États-Unis, des rapports entre petits 
        Blancs et Noirs ; on ne sait d'ailleurs pas quelle est la position de 
        Flannery O'Connor sur le sujet. Elle décrit. 
        Une vraie découverte pour moi. J'ouvre entre ¾ et entier.
        Nathalie
        Cela aura été un livre coup de poing qui frappe en plein 
        cur quand il est lu à une époque où le mot 
        "bienveillance" perle à toutes les commissures de bouches 
        ! Et surtout en ce qui concerne les enfants.
        J'ai eu souvent la nausée, souvent envie d'abandonner parce que 
        cela me tordait les tripes quand ce qu'on pourrait considérer comme 
        du vice ou de la perversion venait du monde de l'enfance.
        Pourtant je n'avais qu'une envie, c'était de raconter tout à 
        tout le monde ! C'est un pouvoir incroyable cette possibilité de 
        raconter en quelques minutes quelque chose d'aussi complexe. 
        Les histoires sont pointues, ciselées, efficaces. 
        L'écriture est riche, souple et parfaitement rythmée. J'ai 
        adoré le procédé de la multiplication des points 
        de vue.
        Par exemple, dans la dernière nouvelle, le récit met en 
        place un faisceau de regards ! Lors de l'arrivée des déplacés 
        on a un incroyable faisceau de regards ! Tout le monde regarde quelque 
        chose : le paon regarde Mrs Shorley qui est regardée par le narrateur 
        extérieur, le soleil regarde également la scène (sic), 
        les deux travailleurs noirs regardent également, cachés 
        mais elle sait qu'ils sont là et enfin, dans un véritable 
        choix cinématographique, Mc Intyre, regarde le couple descendre 
        de la voiture : le champ de vision se rétrécit puis s'ouvre 
        pour que puisse s'y trouver inclus la femme et les deux enfants du déplacé. 
        On retrouve le même procédé plusieurs fois dans les 
        nouvelles. Il y a toujours quelqu'un, une sorte de témoin silencieux 
        qui regarde et accompagne la narration extérieure. Il me semble 
        que l'appropriation de l'espace - quel qu'il soit - est une thématique 
        récurrente du recueil. Chacun pense être à une place 
        et le hasard vient bousculer la donne.
        Le fait que les enfants soient abominables m'a beaucoup touchée. 
        Celui qui se noie va à sa propre perte par sa méchanceté 
        et son esprit obtus qui ne comprend rien. Je le trouve abominable même 
        si on peut considérer qu'il est maltraité, j'ai très 
        mal vécu son désir de faire le mal, c'est la même 
        chose chez les enfants dans le cercle de feu.
        Celui qui m'a le plus émue c'est l'enfant dans le nègre 
        factice. J'ai eu l'impression qu'il était le seul qui aurait pu 
        voir au-delà des apparences et j'ai trouvé la scène 
        de "rencontre" avec la femme noire qui lui indique le chemin 
        absolument magnifique.
        J'ai vraiment eu l'impression que malgré l'absence de jugement 
        sur ses personnages, l'écrivaine revendiquait l'humanité 
        et l'égalité des personnes noires.
        Bref, j'ouvre en grand. 
        Monique L, entre et
et
        La lecture de la première nouvelle m'a happée et m'a laissée 
        comme sidérée. Toutes les nouvelles ne m'ont pas aussi fortement 
        impressionnée, mais dans l'ensemble j'ai apprécié.
        C'est une expérience savoureuse que cette lecture. C'est un délice 
        bien que l'arrière-goût soit amer. C'est troublant et dérangeant.
        J'ai été entraînée par ces histoires, par leur 
        rythme, leur écriture.
        Flannery O'Connor porte un regard acéré, féroce et 
        lucide sur la bêtise humaine, la méchanceté des hommes, 
        l'obscurantisme religieux. Elle nous dépeint la petite classe moyenne, 
        superstitieuse, remplie de préjugés mesquins du Sud ségrégationniste 
        de l'époque. Elle ne porte pas de jugement sur les êtres, 
        elle les décrit.
        C'est une description de cette région : zones rurales abandonnées, 
        villes segmentées en quartiers et ghettos, services publics et 
        sociaux absents, indifférence des citoyens entre eux, travail partisan 
        de la police, enfance laissée en déshérence... situation 
        de subordination des Noirs par rapport aux Blancs.
        Elle 
        a l'art du portrait : l'aspect physique, la manière de se tenir, 
        la voix, le regard, les pensées
 En quelques mots, l'atmosphère 
        est donnée, pour camper les personnages et la situation.
        C'est concis, percutant, incisif, grinçant, parfois ironique ou 
        narquois.
        Mes nouvelles préférées : "Les braves gens ne 
        courent pas les rues", "Tardive rencontre avec l'ennemi", 
        "La Personne Déplacée".
        Ce qui est remarquable et rend ces récits étranges, c'est 
        leur composition : ils nous promènent et s'arrêtent de façon 
        assez abrupte. C'est très particulier.
        J'ouvre aux ¾.
        Brigitte (à 
        l'écran depuis la Normandie)
(à 
        l'écran depuis la Normandie) 
        D'un côté j'ai rapidement vu que j'avais affaire à 
        un très bon auteur et de l'autre j'ai été découragée 
        par la succession de nouvelles. Chaque fois, il faut entrer dans un nouvel 
        univers, c'est parfois difficile. Avec une tonalité grinçante, 
        chaque nouvelle met en évidence les lâchetés et faiblesses 
        des divers personnages.
        Dans la première nouvelle, je me suis identifiée avec la 
        grand-mère qui, dans ses souvenirs de jeunesse, confond les noms 
        des états américains et embarque toute sa famille dans un 
        périple tragique, car elle n'ose pas avouer son erreur.
        Je retiens "Les Temples du Saint-Esprit" qui raconte les délires 
        de deux adolescentes de quatorze ans élevées dans une école 
        catholique : elles se régalent du vocabulaire religieux, tout en 
        faisant les quatre cents coups. Un sujet que je n'avais jamais vu traiter.
        J'ai particulièrement apprécié "Le nègre 
        factice" : le voyage en train et l'excursion dans la ville voisine, 
        nous introduisent dans les profondeurs du Sud américain. Cette 
        fois-ci, c'est de miséricorde et de pardon qu'il s'agit.
        "Braves gens de la campagne", où le vendeur de bibles 
        fait la cour à Joy/Hulga en lui disant "qu'elle 
        n'est pas comme les autres", uniquement pour lui voler 
        sa prothèse de la jambe ! Joy/Hulga qui "au 
        fil des ans ressemblait de moins en moins aux autres et de plus en plus 
        à elle-même".
        Malgré une certaine lassitude, j'ai continué ma lecture 
        et j'ai bien fait, puisque la nouvelle qui m'a le plus impressionnée, 
        c'est la dernière. On y retrouve le problème du mal engendré 
        par la bêtise, la lâcheté intellectuelle qui mène 
        à l'amalgame, tel ce raisonnement : cet homme qui porte de petites 
        lunettes cerclées de métal me rappelle celles d'un Allemand 
        contre qui j'avais combattu au moment du débarquement américain 
        de la fin de la deuxième guerre mondiale, c'est donc un nazi. En 
        fait, il s'agit d'un Polonais échappé des camps dont on 
        ne comprend pas la langue, c'est trop dérangeant. En plus il travaille 
        avec efficacité dans un lieu où triomphe le laisser-aller, 
        cela dérange les habitudes. Donc on va s'en débarrasser. 
        La patronne qui a plus ou moins initié ce crime est finalement 
        abandonnée de tous sauf peut-être du prêtre et des 
        paons !
        Cette nouvelle me rappelle "Monsieur 
        Durant" de Dorothy Parker que nous avions lue 
        l'an dernier. On y retrouve les mêmes ingrédients (bêtise, 
        lâcheté, amalgame
), qui conduisent toujours à 
        des drames. J'ouvre aux ¾.
        Jacqueline, entre et
et
        Ça se lit merveilleusement bien. Je l'ai d'abord lu comme des nouvelles 
        noires, comme un polar
 puis, à la relecture de certains passages, 
        je découvrais d'autres choses, il y avait plus que cela, j'ai trouvé 
        que c'était solide. 
        J'ai beaucoup aimé les dialogues, tout en subtilité, où 
        l'on entre sans pouvoir bien situer les protagonistes
 À peu 
        près à la même époque, Hemingway faisait des 
        choses comme ça.
        Je me serais assez bien passée des descriptions de personnages, 
        précises, souvent humoristiques, mais qui ne me permettent guère 
        de les situer, faute de connaître le code, sûrement évident 
        pour les contemporains américains. De toute façon, en général, 
        dans la vie, je me souviens mieux des paroles entendues que de l'aspect 
        physique.
        Par contre, j'ai beaucoup aimé les descriptions inattendues de 
        paysage : un nuage comme un navet
 
        Cette lecture a été une évocation extraordinaire 
        d'une société et des petites gens qui la composent. La dernière 
        nouvelle "La Personne Déplacée" est ma préférée 
        ; elle a une autre résonance : je n'étais plus dans une 
        histoire noire, bien construite, mais dans une autre facette de ce que 
        je crois connaître
 
        J'ouvre ¾ +
        Jérémy 
         (présent 
        pour la première fois)
(présent 
        pour la première fois)
        Avant la lecture
        Je n'avais jamais entendu parler de l'autrice et ne connaissais même 
        pas son nom. Je n'avais donc aucun a priori la concernant. Je ne 
        suis pas lecteur de nouvelles, je préfère m'installer dans 
        le temps long du roman. La 4e de couverture mentionnant des tueurs évadés 
        du bagne et des nègres et la photo de couverture utilisée 
        dans l'édition de poche m'ont fait penser que nous nous situerions 
        dans un État du Sud des États-Unis, dans les années 
        1940-1950. Là non plus, ce n'est pas vraiment l'imaginaire de lecture 
        vers lequel je me dirige habituellement. Mais la 4e de couverture met 
        en avant un "humour implacable" et une "fantaisie grinçante", 
        ce qui aurait vraiment pu me plaire. J'ai donc abordé ce livre 
        dans un état d'esprit "mi-figue mi-raisin". 
        La lecture 
        J'ai lu ce recueil de nouvelles sans déplaisir, par petites touches, 
        certainement en raison du style aiguisé. J'ai tout de même 
        trouvé lourdes les descriptions de paysages : j'ai fini par relever 
        toutes les occurrences du mot "soleil" tant il revient ! Pour 
        autant, il n'a pas touché mon affect. Je n'ai pas été 
        ému, inspiré, agacé ou transporté. J'ai souri 
        à quelques reprises tout au plus, mais je n'ai pas du tout ri ! 
        Je suis resté assez extérieur au pessimisme de ce livre 
        mal aimable. Il s'en dégage une vision très sombre de l'humanité : 
        rien ni personne ne nous sauvera et il n'y a de toute façon rien 
        à sauver puisque nous sommes tous intrinsèquement mauvais. 
        L'autrice n'esquisse aucune porte de sortie. Il n'y a pas de lumière, 
        aucun espoir, pas d'échappatoire. Tout peindre en noir comme elle 
        le fait confine au cynisme et à la facilité. 
        Je l'ai donc lu en me demandant à chaque nouvelle où elle 
        "voulait en venir". Je n'ai parfois trouvé aucune réponse 
        à cette interrogation, comme dans "Tardive rencontre avec 
        l'ennemi" ou "Un heureux évènement". 
        Il me semble qu'un fil directeur se dégage d'un certain nombre 
        de nouvelles : une satire des personnes ayant la foi, ou tout du moins 
        des personnes qui n'ont que la religion et Dieu à la bouche mais 
        dont le cur et les actes sont bien loin des dogmes du christianisme 
        :
        - Mrs Cope dans "Un cercle dans le feu" qui manque au devoir 
        d'hospitalité, ne fait preuve d'aucune empathie et est très 
        attachée aux biens terrestres
        - le "représentant en bibles" dans "Braves gens 
        de la campagne", qui n'est qu'un Tartuffe fétichiste qui abuse 
        de la fille à la jambe de bois
        - le prédicateur orgueilleux dans "Le Fleuve"
        - le prêtre dans "La personne déplacée", 
        qui, par son déni et en faisant la sourde oreille lorsque Mrs McIntyre 
        lui dit qu'elle souhaite renvoyer le Polonais, a une part de responsabilité 
        dans sa mort.
        J'ai bien aimé la manière dont les enfants sont présentés 
        et surtout le fait qu'ils s'expriment comme des adultes et portent sur 
        ce qui les entoure un regard lucide et aiguisé. Ils sont à 
        la fois :
        - malpolis et grossiers dans "Les braves gens..."
        - cruels et sarcastiques dans "Les Temples du Saint-Esprit" 
        (la petite fille) ou superficiels (les deux adolescentes)
        - bornés et fiers dans "Le nègre factice"
        - inquiétants, ingrats et criminels dans "Un cercle dans le 
        feu"
        - un peu bêtes et morveux dans "Le fleuve".
        Alors qu'ils représentent l'avenir de l'humanité, ils sont 
        déjà, eux aussi, condamnés et il n'y a donc rien 
        à espérer d'eux non plus. 
        En définitive, ce recueil de nouvelles m'a interpellé mais 
        pas touché. Je n'aurai ni envie de le relire ni envie d'en recommander 
        la lecture ! 
        
        Renée 
        (à 
        l'écran depuis Narbonne) 
        Je n'avais pas du tout envie de lire ce livre, ayant envie d'auteurs contemporains.
        Or j'ai eu beaucoup de plaisir. Le thème est pour moi : le mal.
        La cruauté, le racisme, l'égoïsme, la méchanceté 
        gratuite, ont suscité mon intérêt. La nouvelle avec 
        les loubards est tout à fait d'actualité (on en a du même 
        type à Argelès).
        L'écriture réaliste est très forte. Avec des personnages 
        épouvantables, par exemple l'homme dans l'histoire de la mère 
        qui veut marier sa fille débile. Idem celui qui dérobe sa 
        jambe de bois à une adorable et courageuse jeune fille : c'est 
        violent.
        La dernière nouvelle "La Personne Déplacée" 
        est remarquable. Il y a deux phrases qui m'ont frappée : "Au 
        fil des ans, vivre était devenu une telle habitude que tout autre 
        état lui semblait inconcevable." et "Il 
        flottait autour de sa personne une odeur de factures".
        
Brigitte
        "manipulées" !
        Renée
        Ah oui : "tendrement manipulées".
        Je pense à Joan 
        Didion (jamais lu à Voix au chapitre !), plus "moderne". 
        Mais  
        j'ai pris plus de plaisir à lire Flannery que Didion. Elles sont 
        pessimistes toutes les deux : Didion nous décrit la décadence 
        de cette bourgeoisie des USA, l'ennui, la drogue, le sexe triste. C'est 
        davantage contemporain mais on a tellement rabâché ça 
        depuis, que j'en ai un peu marre.
        Après 
        la soirée : finalement, 
        alors que je pensais l'ouvrir aux ¾, 
        je l'ouvre en grand. J'ai relu des passages et je l'ai proposé 
        avec enthousiasme à mon groupe de Narbonne : je vous dirai les 
        réactions...
        Françoise
        Je fais partie de ceux qui n'aiment pas les nouvelles, mais j'ai bien 
        aimé au début l'écriture percutante, l'ironie mordante, 
        l'humour, mais quel pessimisme ! Pas de racisme car tout le monde, Blancs, 
        Noirs, vieux, jeunes, etc. est renvoyé dos à dos. 
        Aucune "humanité", dans le sens positif du terme. Mais 
        tout cela, mené avec brio je l'admets, m'a assez vite lassée, 
        car attendu.
        Dès que j'ai compris que chaque histoire allait être horrible 
        et mal se terminer, plus d'espoir et plus de curiosité, la lecture 
        m'est devenue pénible.
        N'étant pas enthousiaste, j'ouvre à moitié.
        Annick L
        Flannery 0'Connor est indéniablement une auteure remarquable, avec 
        un talent particulier pour écrire des nouvelles. Elle sait camper 
        en quelques images un cadre, des personnages, l'enjeu d'une histoire et 
        elle sait faire monter rapidement la tension narrative. J'ai d'ailleurs 
        été surprise par la confrontation brutale, dès la 
        première nouvelle, de cette famille très ordinaire avec 
        la folie de ce tueur psychopathe et ses comparses qui vont les achever 
        un à un. J'ai même relu une deuxième fois le dialogue 
        surréaliste entre la grand-mère et "le Désaxé" 
        pour tenter de le ramener à sa part d'humanité. Quel choc 
        ! 
        La mécanique fonctionne bien : je savais ensuite à quoi 
        m'attendre et je guettais le moment où l'irruption d'un personnage, 
        voire une situation inédite (par exemple le grand-père et 
        son petit-fils venus de leur campagne pour découvrir la grande 
        métropole et ses habitants afro-américains) allait faire 
        déraper leur existence misérable mais balisée. De 
        ce point de vue j'ai été comblée ! 
        J'ai aussi beaucoup aimé cette peinture sociale burlesque avec 
        sa galerie de personnages, handicapés (une jeune fille sourde-muette, 
        un manchot, une agrégée de philo avec sa jambe artificielle) 
        voire dégénérés (le grand-père qu'on 
        exhibe dans son fauteuil roulant, les trois jeunes voyous qui mettent 
        le feu aux champs, le faux prédicateur manipulateur et fétichiste). 
        Le Mal est partout ! Et la dernière nouvelle est particulièrement 
        tragique puisque, cette fois, l'arrivée de cette famille de Polonais 
        qui a fui les camps de la mort en Europe va servir de révélateur 
        aux pires instincts de xénophobie, de haine de l'Autre, chez ces 
        petits Blancs qui vivent dans la ferme : le Mal vient ici de l'intérieur...
        Quel pessimisme ! Il y a d'ailleurs peu de lueurs d'espérance, 
        ou de rédemption (pour utiliser un terme religieux), sauf à 
        la fin de la nouvelle "Le Nègre factice". Une sorte de 
        malédiction semble frapper ce petit monde. Du coup c'est une lecture 
        dérangeante, qui nous plonge dans les aspects les plus sombres 
        de la nature humaine.
        Une seule réserve : je me suis sentie étrangère à 
        toute la dimension spirituelle, métaphysique, qui imprègne 
        certains dialogues ou certaines histoires, comme dans "Le fleuve", 
        "Les temples du Saint-Esprit", les sermons du prêtre catholique 
        dans "La personne déplacée"
        J'ouvre aux ¾.
        Fanny
        J'avais oublié que c'étaient des nouvelles et attendais 
        la suite après un premier chapitre. Bon, mais ce ne fut pas comme 
        ce recueil de nouvelles que nous avions lu - et dont je ne retrouve plus 
        le titre et l'auteur - où je me suis fait avoir, croyant pendant 
        un bon moment être dans un roman.... 
        J'ai très vite pensé à Jim Harrison.
Françoise, fan de 
        Jim
        Tu ne peux pas dire ça !
Fanny
        Si... Pour sa manière de dresser une peinture sociale.
        Après la première nouvelle et "Le fleuve", j'ai 
        compris, bon OK, ça va mal finir. "L'heureux événement", 
        je n'ai pas trop compris, et avec "Le temple du Saint-Esprit", 
        j'ai eu un coup de mou. Le mel 
        de Claire est arrivé sur ces entrefaites, ça m'a aidée 
        à raccrocher la lecture. Contrairement à Jérémy 
        qui ne se verrait pas relire le livre, je trouve qu'il gagnerait à 
        être relu.
        On rit des chutes. Et il est difficile de s'apitoyer sur ces "affreux, 
        sales et méchants", et même sur le Polonais de la dernière 
        nouvelle, venu des camps... pas sûr qu'il ne va pas s'en mettre 
        plein les poches.
        Mon seul bémol, qui vient en fait de mon plaisir, j'aurais envie 
        de rester avec les personnages ; donc j'ouvre aux 
        ¾ en raison de cette frustration.
        Claire
        Je trouve un point commun avec notre 
        lecture précédente, La Ronde 
        : les personnages plus ou moins monstrueux ne sont pas jugés, il 
        n'y a pas de moralisation. Faut l'faire, car question péchés, 
        on cumule...
        J'ai pourtant lu le livre il y a peu, mais j'ai beaucoup oublié 
        comme d'hab : aussi ai-je relu ce jour  toutes 
        les premières phrases et toutes les dernières phrases : 
        20 phrases donc, et j'ai retrouvé tout l'univers d'un coup. 
        J'aime l'excès dans ce livre. C'est-à dire ?
        Les descriptions au couteau, qui, contrairement à toi, Jacqueline, 
        me font sauter les personnages aux yeux : "Ses 
        cheveux couleur de mûres s'entassaient autour de sa tête comme 
        des petits pains à saucisses" ou "c'était 
        une grosse femme, dont les yeux verts roulaient dans leur orbite, comme 
        s'ils avaient été huilés."
        (Je me suis demandé comment aujourd'hui paraissent les phrases 
        en anglais avec le mot "nègre".)
        J'ai aimé une sorte d'humour : "Tiens, 
        tiens ! marmonna Mrs. Cope, en lançant derrière elle une 
        grosse touffe de chiendent. Elle l'extirpait comme un fléau envoyé 
        par Satan pour détruire sa propriété". 
        Enfin, de là à éclater de rire comme certaines... 
        que je vois rejoindre la cohorte des désaxés du livre...
        Et excès bien sûr dans l'horreur des histoires : elles sont 
        toutes horribles, avec une distance, une narration sèche qui en 
        font la force et le point commun. Je remarque que soit ce point commun 
        lasse (Françoise par exemple), ou est jouissif (Annick par exemple). 
        Le clou pour moi c'est la docteure en philosophie qui se fait chourrer 
        dans une scène de séduction sa jambe de bois : TOO MUCH 
        !
        Pour ma part, je recommanderai ce livre avec circonspection, mais enthousiasme 
        mystérieux, du genre ça peut pas plaire à tout le 
        monde, sous-entendu faut en être pour aimer...
        Après j'ai découvert l'auteure, et là j'ai été 
        scotchée. Elle qui vit dans la souffrance, le mal de la maladie, 
        quel humour sur soi ! (Voir par exemple ici).
        Pour ce qui est de la religion, j'invite à lire l'introduction 
        que le traducteur a rédigée à son premier roman sur 
        les évangélistes, en partie grâce à de la doc 
        que lui a fournie Flannery : c'est vraiment croustillant.
        Etienne (à 
        l'écran depuis Rennes)
(à 
        l'écran depuis Rennes)  
        
        C'est n'est finalement qu'au bout de quelques pages de ce recueil, lu 
        il y a quelques mois, que j'ai réalisé que Flannery O'Connor 
        m'avait fait une très forte impression. Ce sentiment qu'une immense 
        écrivaine s'imposait d'emblée, une sorte d'autorité 
        qui ne fait pas de place au doute. Oui, je n'ai lu que Les Braves Gens 
        ne courent pas les rues (je suis en train d'enchaîner avec Mon 
        mal vient de plus loin), mais elle est probablement devenue mon 
        écrivaine états-unienne préférée. 
        (Etienne montre à l'écran l'énorme volume des 
        uvres 
        complètes en Quarto - plus de 1200 pages et près 
        d'un kilo...)
        Je suis depuis plusieurs années dans une quête littéraire 
        du Sud des États-Unis (rappelez-vous mes propositions Dites-leur 
        que je suis un homme, plus récemment Le 
        Brigand bien-aimé, et ce n'est peut-être pas fini
) 
        et Ms O'Connor s'est donc logiquement imposée à moi.
        Ce qui m'a donc frappé en premier fut évidemment ses personnages 
        d'une densité rarement égalée : des hommes et des 
        femmes crus, profonds, sans concession, presque palpables. Cette impression 
        de les connaitre intimement au bout de trois pages et le tout sans fioritures. 
        Il y a une impression d'incarnation que j'ai rarement rencontrée. 
        Oui, je trouve que la comparaison avec Dickens n'est pas galvaudée. 
        
        Ensuite, et il faudra quand même que je le vérifie à 
        la lecture de ses romans, j'ai trouvé la construction de chaque 
        nouvelle quasi parfaite : une accroche, une montée en tension brillante 
        et un dénouement souvent inattendu : mais quelle gifle que la nouvelle 
        inaugurale, quelle tension insoutenable, on se dit que non il doit rester 
        une once d'humanité à ce brigand, que lui aussi doit avoir 
        une mère
        Quel humour grinçant aussi, le malaise côtoie souvent le 
        rire jaune : la leçon cuisante mais malgré tout pleine d'humanité 
        du "Nègre factice", la pathétique mais hilarante 
        "Tardive rencontre avec l'ennemi". 
        Enfin le fond du livre, livre dont le titre aura rarement été 
        aussi honnête : oui les braves gens ne courent pas le rues, oui 
        l'humanité est globalement médiocre, la bassesse et l'hypocrisie 
        infusent tous nos actes. Constat simple, impitoyable mais pas si pessimiste 
        que cela, plutôt lucide car il n'y a aucun apitoiement. Un regard 
        global, sans aucune pudeur et où finalement, de temps en temps 
        la rédemption n'est pas complètement impossible (le nègre 
        factice, la personne déplacée).
        En somme une écriture touchée par la grâce... je l'ouvre 
        évidemment en grand. 
| LES LIVRES de Flannery O'Connor | 
 Romans et nouvelles 
        - La 
        sagesse dans le sang [Wise Blood, 1952], roman, trad. et préface 
        Maurice-Edgar Coindreau, 1959 ; rééd. L'Imaginaire 2012
        - Les 
        braves gens ne courent pas les rues [A Good Man is Hard to Find, 
        1955], dix nouvelles, trad. Henri Morisset, 1963 ; rééd. 
        Folio, 1981 ; Folio 
        bilingue 2018 ; deux nouvelles extraites de ce livre : Un 
        heureux événement suivi 
        de 
        La Personne Déplacée, Folio 2 €, 2005.
        - Et 
        ce sont les violents qui l'emportent [The Violent Bear It Away, 
        1960], roman, trad. Maurice-Edgar Coindreau, préface de J. M. G. 
        Le Clézio, 1965.
        - Mon 
        mal vient de plus loin [Everything That 
        Rises Must Converge], trad. et préface Henri Morisset, 1968 : ce 
        recueil de neuf nouvelles est le dernier livre qu'ait écrit Flannery 
        O'Connor, publié après sa mort.
 Autres 
        textes posthumes
        - Le 
        Mystère et les murs : écrits de circonstance, 
        trad. André Simon, 1975 ; recueil posthumes d'articles et conférences 
        regroupés selon 4 thèmes : l'écrivain et son pays, 
        l'enseignement de la littérature, la création artistique, 
        le problème du romancier catholique. Extrait 
        ici : "Deux 
        caractéristiques définissent mon uvre : je suis née 
        dans le Sud et je suis catholique".
        - Pourquoi 
        ces nations en tumulte ?, trad. Claude Fleurdorge, Michel Gresset 
        et Claude Richard, 1975 : recueil de sept nouvelles inédites de 
        Flannery O'Connor. Les cinq premières nouvelles font partie de 
        la thèse qu'elle a présentée pour son diplôme 
        de Master of Arts à l'Université d'État d'Iowa en 
        1947. La dermière nouvelle a donné son titre au recueil 
        et devait servir d'esquisse à un roman qui n'a jamais vu le jour.
        - L'habitude 
        d'être [The Habit of Being: Letters of Flannery O'Connor, 
        1979], correspondance, trad. Gabrielle Rolin, édition de Sally 
        Fitzgerald, 1985 ; rééd. L'Imaginaire, 2003.
        - Journal 
        de prière [A Prayer Journal, 2013], trad. Alain Sainte-Marie, 
        Actes Sud, 2019 ; journal intime que Flannery OConnor a tenu à 
        21 ans. 
        
  
        uvres rassemblées
        - La 
        Sagesse dans le sang - Les Braves gens ne courent pas les rues - 
        Et ce sont les violents qui l'emportent - Mon mal vient de plus loin - 
        Pourquoi ces nations en tumulte ?, préface de Roger Grenier, 
        Biblos, 1991.
        - uvres 
        complètes : romans, nouvelles, essais, correspondance, 
        préface de Guy Goffette, Quarto, 2009.
| UNE COURTE VIE STUPÉFIANTE | 
 Enfance 
        et formation
        - 1925 : naissance à Savannah en Géorgie, dans une famille 
        catholique d'origine irlandaise ; son père est agent immobilier.
        - 1930 : Flannery OConnor, raconte dans Holiday 
        magazine, qu'à 5 ans une expérience l'a marquée 
        pour la vie ; Pathé News a envoyé un photographe de New 
        York à Savannah pour photographier sa poule de Bantam qui présentait 
        la particularité de marcher à reculons ; son existence est 
        attestée par un petit film réalisé à lépoque 
        par Pathé News, Do 
        You Reverse? (1932), désopilant. Elle s'étend dans 
        cet 
        article de 1961 sur sa prédilection pour diverses espèces 
        de gallinacés, notamment pour les paons, qui se développera 
        jusqu'à la fin de sa vie, comme le montre cette photographie : 
        
        
        Revenons à l'enfance : elle fréquente les écoles 
        paroissiales de la ville. Les poules sont le sujet préféré 
        de ses dessins et bien qu'elle écrive déjà de vraies 
        histoires fort bien ficelées qui donnent naissance à de 
        petits livres pour enfants, le dessin reste son mode d'expression privilégié. 
        
        - 1938 : déménagement à Milledgeville, toujours en 
        Géorgie, dans la maison de la famille maternelle ; le père 
        les rejoint tous les week-ends. Flannery va à Peabody High School, 
        où l'éducation expérimentale y est très libre.
        - 1941 : à quinze ans, O'Connor, fille unique, 
        perd son père de 44 ans, d'un lupus érythémateux. 
        "À cette époque, il n'y avait rien à faire, 
        sinon appeler les pompes funèbres. Quand il est mort, ma mère 
        a demandé au docteur si ce mal était héréditaire 
        et l'homme de science lui a répondu qu'il n'avait jamais entendu 
        parler de deux cas dans la même famille. Dix années plus 
        tard, je lui opposais un démenti." 
        Elle choisit de rester à Milledgeville et suit un programme accéléré 
        de trois ans au Georgia State College for Women (GSCW) :
         
 
        
        - 1942-1945 : elle y sera rédactrice en chef de Corinthian, 
        le magazine littéraire de GSCW et également caricaturiste 
        : elle publie des dessins dans presque tous les numéros du journal 
        du campus, pour l'annuaire du collège, ainsi que pour les murs 
        du salon des étudiants. Fiction, essais et poèmes occasionnels 
        dans The Corinthian, démontrent très tôt son 
        penchant pour la satire et la comédie. Voir ici un article "Flannery 
        O'Connor: Cartoonist" et un de ses dessins : 
         - 1945-1947 : une bourse en journalisme la fait accéder à 
        l'Université d'État de l'Iowa, mais elle estime que le journalisme 
        ne sera pas son métier et contacte Paul 
        Engle, directeur de 1941 à 1965 du désormais célèbre 
        Writers' Workshop d'Iowa, 
        pour s'inscrire au programme de maîtrise en création littéraire 
        dont elle sera diplômée. Elle y fait la connaissance d'écrivains 
        et critiques importants qui interviennent dans le programme : ainsi, Andrew 
        Nelson Lytle Lytle, rédacteur en chef de la Sewanee 
        Review, a été l'un des premiers admirateurs de la 
        fiction d'O'Connor et publiera plus tard plusieurs de ses textes. Paul 
        Engle, qui recherchait la singularité et non le formatage, fut 
        le premier à commenter les premières ébauches de 
        ce qui allait devenir Wise Blood, son premier roman, publié 
        en 1952.
 
        - 1945-1947 : une bourse en journalisme la fait accéder à 
        l'Université d'État de l'Iowa, mais elle estime que le journalisme 
        ne sera pas son métier et contacte Paul 
        Engle, directeur de 1941 à 1965 du désormais célèbre 
        Writers' Workshop d'Iowa, 
        pour s'inscrire au programme de maîtrise en création littéraire 
        dont elle sera diplômée. Elle y fait la connaissance d'écrivains 
        et critiques importants qui interviennent dans le programme : ainsi, Andrew 
        Nelson Lytle Lytle, rédacteur en chef de la Sewanee 
        Review, a été l'un des premiers admirateurs de la 
        fiction d'O'Connor et publiera plus tard plusieurs de ses textes. Paul 
        Engle, qui recherchait la singularité et non le formatage, fut 
        le premier à commenter les premières ébauches de 
        ce qui allait devenir Wise Blood, son premier roman, publié 
        en 1952. 
        - 1948-1949 : après sa maîtise, elle obtient une résidence 
        d'artistes à Yaddo 
        où elle le travaille. Elle est accueillie par Sally (qui, amie 
        de toujours, publiera des écrits posthumes) et Robert Fitzgerald, 
        qui sera son exécuteur testamentaire, à Ridgefield au Connecticut 
        : chez eux, dans une chambre au-dessus de leur garage, elle trouve de 
        catholiques dévots qui lui fournissent un équilibre entre 
        solitude et communication nécessaire à sa créativité 
        et sa vie intellectuelle et spirituelle ; elle ne sortait que pour aller 
        à la messe quotidienne et à la boîte aux lettres.
 
        Maladie et vie d'écrivaine
        - 1950 : elle est frappée à 25 ans 
        par le lupus, maladie incurable et auto-immune qui n'était alors 
        traitée que par l'utilisation de stéroïdes ; elle survit 
        à la première attaque mettant sa vie en danger : "Mon 
        père voulait écrire, mais il manquait de temps, d'argent, 
        d'expérience, ou d'occasions de se lancer, comme j'en ai eu. Pas 
        de danger que je l'idéalise car j'ai hérité de la 
        plupart de ses défauts ainsi que de ses goûts. Physiquement 
        aussi je tiens de lui, puisque j'ai la même maladie : le lupus. 
        Quand mon père est mort, ma mère a demandé au docteur 
        si c'était héréditaire et le docteur a dit que non, 
        il n'avait jamais vu le mal sévir deux fois dans la même 
        famille. Dix ans plus tard, j'étais atteinte, mais aujourd'hui 
        la maladie peut être contrôlée, tout en restant inguérissable. 
        Quoi qu'il en soit ce que j'écris (bon ou mauvais) me procure un 
        supplément de bonheur à l'idée que je fais ce qu'il 
        aurait voulu faire..." La découverte des corticoïdes 
        et de l'hormone ACTH font espérer à Flannery qu'elle s'en 
        sortira : "Je dois mon existence et ma joie de vivre aux glandes 
        pituitaires de milliers de cochons quotidiennement égorgés 
        à Chicago. Si les cochons portaient des robes, je ne serais pas 
        digne d'en baiser l'ourlet. Depuis sept années, ils se sacrifient 
        pour moi !" 
        Elle assiste à la dégradation progressive de son corps ; 
        elle dit qu'elle devient chauve et que son visage "ressemble à 
        une pastèque". Sa voix s'altère : "On dirait 
        la voix d'une très vieille femme, le nez pris dans une pince à 
        linge et ses dents reposant à côté d'elle dans une 
        soucoupe." À l'hôpital, une infirmière la 
        fait rire : "Cette brave femme ignorait qu'elle était du 
        plus haut comique et que rire me faisait atrocement mal. Je considère 
        qu'elle a augmenté mes souffrances de 100 %." C'est une 
        rare plainte, le ton est plutôt celui-ci : "Je viens de 
        quitter l'hôpital où les chirurgiens se sont baladés 
        dans mon corps. À les en croire, cette virée fut un franc 
        succès." Elle apprend que ses hanches sont en trop mauvais 
        état pour être opérées et qu'elle devra garder 
        ses béquilles : "Et voilà la question réglée." 
        Flannery s'enorgueillissait de posséder les plus belles béquilles 
        métalliques du pays... (citations tirées d'un article horriblement 
        savoureux de Roger Grenier, Flannery 
        O'Connor ou le mystère du génie littéraire, 
        Le Monde, 12 janvier 1985).
        - De 1951 à sa mort en 1964 : elle vit à Andalusia Farm, 
        un domaine familial, juste à l'extérieur de la ville de 
        Milledgeville, avec sa mère : l'une élevait des paons, 
        cygnes, poules faisanes, oies exotiques, l'autre du gros bétail, 
        des mules, des poneys shetland. Elles sont aidées par Louise et 
        Jack Hill, un couple de métayers noirs. C'est aujourd'hui un musée :
        
        Sur la propriété, Hill 
        House est une ancienne habitation d'esclaves.
        
        Son premier roman paraît en 1952. Regina, sa mère, n'est 
        pas vraiment un soutien dans sa création : "Au début 
        de ma carrière, j'ai eu le sentiment que je creuserais la tombe 
        de ma mère en écrivant comme je le faisais, mais je n'ai 
        pas tardé à découvrir que c'était vanité 
        de ma part. Les mères sont beaucoup plus résistantes que 
        nous ne le pensons." Sa mère reste étrangère 
        à sa création : elle lui donne à lire un nouveau 
        manuscrit et la trouve profondément endormie à la page 9. 
        
Elle effectue ce qu'elle appelle des "expéditions 
        gagne-pain", pour boucler les fins de mois : conférences dont 
        certaines sur un même thème qui fait l'objet de plusieurs 
        moutures, remaniées en fonction du public : les principales ont 
        été publiées à titre posthume par Gallimard.
        C'est justement dans un Festival de littérature qu'elle fait en 
        1962 la connaissance d'une écrivaine qu'elle avait lue, Eudora 
        Welty, autre écrivaine du Sud que nous aussi  
        avons lue récemment. Elles partagent le même humour mordant 
        et la connivence est complète quand Eudora raconte une anecdote 
        que Faulkner lui a récemment rapportée : l'une de ses 
        admiratrices, coiffeuse, lui avait envoyé par courrier une scène 
        d'amour et souhaitait recueillir son avis sur sa prose ; le "maître" 
        avait répondu en ces termes : "Mon chou, je ne l'aurais 
        pas écrite exactement comme ça mais continuez, vous êtes 
        bien partie" (relate la biographe Cécilia Dutter, Flannery 
        O'Connor, Dieu et les gallinacées, éd. du Cerf, 2016). 
        
Tout au long de sa vie, elle a entretenu une énorme 
        correspondance, avec des personnes très variées, y compris 
        sa mère. Après sa mort, une sélection de ses lettres, 
        éditées par son amie Sally Fitzgerald, a été 
        publiée sous le titre L'habitude 
        d'être.
        
          Place 
        de la religion dans sa vie, dans ses textes 
        Même lorsqu'il lui est devenu de plus en plus difficile de marcher, 
        Flannery O'Connor va à la messe presque tous les jours à 
        l'église catholique à Milledgeville :
        
        
En 1958, une vieille cousine entreprend d'emmener Flannery 
        à Lourdes, ce qui provoque cette réaction : "Je 
        ne compte pas me baigner. Je fais partie de ces gens qui consentiraient 
        à mourir pour leur religion plutôt que de prendre un bain 
        pour elle." Elle précisera au retour : "J'ai prié 
        pour le roman auquel je travaillais à l'époque, pas pour 
        mes os dont je me soucie moins." 
        À Rome, elle sera bénie par le Pape Pie XII. Elle ira aussi 
        à Milan et Lisbonne. A Paris, elle rencontrera Gabrielle Rolin 
        avec laquelle elle entretient une amitié épistolaire de 
        longue date, et qui traduira ultérieurement l'ensemble de sa correspondance.
        De ce voyage elle dira : "Nous sommes allées 
        en Europe et j'ai survécu, mais mon aptitude à rester chez 
        moi a maintenant atteint un point de quasi perfection, je pense que cela 
        va m'être utile jusqu'à la fin de mes jours. Je n'ai pas 
        trop souffert des foules, mais tout était trop rapide. Les béquilles 
        ont été un atout formidable : dans tous les avions, on me 
        faisait passer en premier."
On peut être surpris par l'absence relative de 
        catholiques dans son uvre. Quand ils apparaissent, ils sont ignorants, 
        grossiers. O'Connor présente des protestants, persuadés 
        qu'ils ont "la Sagesse dans le sang", titre de son premier roman 
        : Hazel, le héros de ce roman, refuse Dieu, mais fonde la secte 
        nouvelle de "l'Église-sans-le-Christ" et, sous couvert 
        de moralisme, donne libre cours à ses instincts.
        Maurice Edgar Coindreau, son premier traducteur, qui la "découvrit" 
        pour Gallimard, est l'auteur d'une étonnante 
        introduction à son roman La 
        sagesse dans le sang, fondée sur une documentation que 
        lui a en partie fournie Flannery elle-même ; elle s'ouvre ainsi 
        : "En présentant La sagesse dans le sang au public 
        français, je ne me dissimule pas létendue de ma responsabilité 
        ni les risques auxquels jexpose Miss Flannery OConnor. Il 
        ne sagit pas, en effet, dun ouvrage où de simples innovations 
        de technique menaceraient de rebuter les lecteurs enclins à la 
        paresse. Nulles audaces ny pourraient effaroucher les prudes. Le 
        récit est nerveux, mené bon train ; lhorreur sy 
        mêle agréablement au comique, et linattendu tient sans 
        cesse lesprit en éveil. Lennui, par suite, nest 
        pas à craindre. Le danger est ailleurs, dans la nature même 
        du sujet, et le lecteur français serait dautant plus excusable 
        de se méprendre sur la signification de La sagesse dans le 
        sang quil ignore tout  ou à peu près  
        du milieu dans lequel se déroule cette étrange histoire. 
        En effet, les évangélistes, faune toujours burlesque, parfois 
        tragique et souvent dangereuse, ne figurent pas dans notre cheptel national 
        ; aussi, certains lecteurs seront-ils tentés de crier à 
        linvraisemblance et, peut-être même, de prêter 
        à Flannery OConnor des intentions sacrilèges et blasphématoires 
        quelle na pas. Car Miss OConnor est profondément 
        religieuse".
        
        Flannery O'Connor avait lu Bernanos, Léon Bloy, François 
        Mauriac, mais aussi Teilhard de Chardin.
        "J'écris comme je le fais parce que je suis catholique 
        et non bien que je le sois. C'est ainsi. Il n'y a pas à tortiller. 
        Mais je suis une catholique particulièrement concernée par 
        la conscience moderne, ce phénomène que Jung décrit 
        comme solitaire, coupable, échappant à l'histoire."
        
        Le Clezio évoque la dimension religieuse dans son article "L'univers 
        de Flannery O'Connor", La Nouvelle Revue Française, 
        n° 153, septembre 1965, qui commence par ces mots : "Pour 
        l'être religieux, il y a pire que l'athée : c'est le faux 
        prophète".
        Voyons un article dans la prestigieuse revue jésuite : "Flannery 
        O'Connor : la nouvelle comme parabole", Marie Liénard, 
        Études, n° 5, 2005, p. 657-666. 
        Ne lésons pas, au profit de Dieu, les amis des bêtes : "Le 
        cri du paon dans la gueule du dragon : les autres voix dans les nouvelles 
        de Flannery OConnor", Claudia Desblaches, Cahiers de 
        littérature orale, 2014.
        Et quand "Amen" et les paons se rejoignent... : "Pour 
        déployer sa queue, le mâle se secoue violemment jusquà 
        ce quelle souvre telle une corolle autour de lui. Puis, avant 
        même quon lait vu faire, il pivote sur lui-même 
        pour ne plus montrer que son dos. Certains croient voir là une 
        insulte, dautres une lubie. Lexplication est simple à 
        mes yeux : cest que le paon est aussi satisfait des deux côtés 
        de sa personne. Quand le paon se présente de dos, le spectateur 
        essaie souvent de le contourner pour lobserver de face, mais le 
        paon continue à pivoter, si bien que cest impossible. La 
        seule chose à faire est de ne pas bouger et attendre quil 
        se retourne de son plein gré. Quand il le veut bien, il vous fait 
        face. Alors vous pouvez voir, auréolés sous la voûte 
        vert-bronze qui lencercle, toute une constellation de soleils qui 
        dardent sur vous leurs flammes.
        'Amen ! Amen !' sest écriée un jour une vieille 
        femme noire, et jai souvent entendu des exclamations analogues à 
        cet instant où linadéquation du langage humain est 
        flagrante. Certains sifflent, dautres pour une fois se taisent. 
        Un camionneur qui conduisait un chargement de foin a lancé en voyant 
        un paon pivoter sous ses yeux au milieu de la route : 'Zyeutez-moi 
        ct enflé là !', freinant 
        si brutalement quil a failli renverser sa cargaison de foin. Un 
        paon qui fait la roue na jamais bougé dun pouce devant 
        un camion, un tracteur ou une voiture. Cest au véhicule de 
        lui céder le pas. Aucun des miens ne sest jamais fait écraser."
  
        Découvrir la personne de Flannery 
        
        Un article permet vraiment 
        de l'imaginer, tout en tissant le lien avec l'uvre : "Flannery 
        O'Connor : Un paon pour ange gardien", Marie-Claire Pasquier, 
        Les cahiers du GRIF, n°39, 1988, "Recluses 
        vagabondes", pp. 39-48.
| RADIO : des émissions qui valent la peine | 
  
        La plus longue et la plus ancienne, rediffusée 
        dans les Nuits de France Culture : "Une 
        saison en enfer avec Flannery O'Connor", 19 février 1982, 
        1h29. 
        L'émission commence par la lecture de la première nouvelle 
        que nous lisons. Le témoignage de Gabrielle 
        Rolin qui a connu Flannery est formidable, notamment le portrait qu'elle 
        en fait. Hector Bianciotti intervient également. 
        
  
        Le plaisir de la lecture de ses textes 
        : "Quand 
        Flannery O'Connor décrit le grotesque de la nature humaine", 
        Ça peut pas faire de mal, Guillaume Gallienne, France Inter, 
        26 octobre 2013, 47 min. 
        Ne pas manquer le premier texte sur les paons ! De nombreuses lectures 
        qui permettent d'élargir l'expérience de la lecture des 
        nouvelles que nous lisons.
  
        Le plaisir de découvrir Flannery 
        par deux de ses biographes passionnées : 
        "Flannery 
        O'Connor", Matthieu Garrigou-Lagrange, La Compagnie des uvres, 
        France Culture, trois émissions d'une heure, 11 au 14 septembre 
        2017 :
        - 1er épisode qui vaut la peine : "L'habitude 
        d'être" (allusion à son livre L'habitude 
        d'être), avec Cécilia Dutter, auteure une biographie 
        au titre évocateur, Flannery O'Connor, Dieu et les gallinacées, 
        éd. du Cerf, 2016. 
|  | 4e de couverture : L'Amérique. Le Sud. Les 
            Blancs, les Noirs et comme un goût d'Apocalypse. C'est dans 
            ces lieux âpres et retirés que se déroule la vie 
            de Flannery O'Connor (1925-1964), écrivain parce que catholique, 
            catholique parce qu'écrivain. Avec cette biographie littéraire, Cécilia Dutter nous fait entendre la voix d'un auteur qui disait "crier pour que les sourds entendent", et jette une lumière inédite sur cette femme qui aura lutté sans faiblir contre la maladie. Ce combat quotidien et sa foi sans faille lui feront écrire des romans et des nouvelles dont les titres en disent long sur l'existence : Les braves gens ne courent pas les rues, La sagesse dans le sang, Et ce sont les violents qui l'emportent, Mon mal vient de plus loin... | 
| Mais la grâce et le rire sont 
            là, toujours, nécessaires, mystérieux, et ce 
            sont eux qui donnent aux textes de Flannery leur singularité, 
            une grandeur qui la place à la hauteur d'un Dostoïevski 
            ou d'un Bernanos. Auteur d'une dizaine d'ouvrages, Cécilia Dutter est un écrivain qui compte. Son roman Lame de fond (Albin Michel, 2012, Prix Oulmont de la Fondation de France) et son essai sur Etty Hillesum (Robert Laffont, 2010) ont été des succès critiques et de librairie. Elle a tenu pendant deux ans une chronique très suivie dans le journal La Vie. | |
| Présentation vidéo par l'auteure du livre et de Flannery O'Connor, sur le site de l'éditeur, 5 min | |
- 2e épisode très intéressant : "Une lettre à la mère" (allusion à sa correspondance), avec Geneviève Brisac, auteure d'une biographie intimiste de Flannery O'Connor, Loin du Paradis, initialement parue chez Gallimard en 1991 et rééditée aux éditions de l'Olivier en 2002.
|  | |
| 4e de couv : "Toute sa vie elle explique 
            quelle est avant tout une catholique, exilée au milieu 
            des évangélistes sudistes, et une Sudiste, exilée 
            comme les autres, parce quils ont perdu la guerre. Double exil, 
            comme les deux droites qui forment angle de vue, double foyer optique 
            pour percevoir la réalité distordue, grotesque, baroque, 
            et magnifique des gens du Sud." Flannery OConnor (1925-1964) est considérée comme le plus grand écrivain du Sud depuis Faulkner. Son uvre brève et intense  cinq ouvrages de fiction, un recueil dessais et un volume de correspondance  est pourtant méconnue en France. | |
| En mêlant sa propre voix à celle de Flannery OConnor, Geneviève Brisac nous rend infiniment proche cette femme qui consacra sa vie à scruter le mystère de la Grâce et la folie des murs, sans jamais perdre son sens de lhumour. | |
- 3e épisode, moins intéressant : "Flannery à la folie", avec Guy Goffette, auteur de la préface à l'édition Quarto en 2009 des uvres complètes de Flannery O'Connor (2009) et Jean Rolin (dont nous avons lu deux de ses livres) qui a écrit Savannah, un voyage sur les traces de Flannery O'Connor (2015) ; il était le compagnon de la photographe Kate Barry, fille de Jane Birkin et du compositeur John Barry, et il refait après sa mort le voyage déjà fait avec elle (voir quelques photos ici et là l'expo qui lui fut consacrée, avec pour titre un des livres de Flannery, The Habit of being).
| VIDÉOS et DIAPORAMAS en anglais | 
- Une biographie 
        illustrée, 11 min.
        - Un film documentaire récent :  Flannery 
        the storied life of the writer from Georgia, de Elizabeth Coffman 
        et Mark Bosco, 2019 : en ligne, juste la 
        bande annonce ici.
        - Un documentaire en ligne : Flannery 
        O'Connor documentary, 2004, 20 min.
        - Uncommon 
        Grace: The Life of Flannery O'Connor, de Bridget Kurt, site PBS 
        (Public Broadcasting Service), 2017, 58 min.
        - La voix de Flannery O'Connor qui lit en 1959 la première nouvelle 
        de notre livre : "A 
        Good Man Is Hard to Find", 37 s. 
| QUI A DÉCOUVERT EN FRANCE Flannery O'Connor ? | 
Comment le livre de Flannery O'Connor que nous lisons, 
        publié en 1955 à New York, arriva-t-il jusqu'à nous... 
        ? 
        
        C'est grâce au grand traducteur Maurice 
        Edgar Coindreau, dont Sartre disait : "La littérature 
        américaine, c'est la littérature Coindreau."
        
        Il a alors découvert William Goyen et traduit pour Gallimard La 
        Maison d'haleine en 1954 et Le 
        Fantôme et la chair en 1956, alerte alors l'éditeur 
        : "Si cette faune vous plaît tellement, vous devriez lire 
        Flannery O'Connor : il y a des évangélistes dans tout ce 
        qu'elle écrit et les portraits qu'elle trace vous enchanterait". 
        L'éditeur acquiert aussitôt les droits de Wise Blood 
        de Flannery O'Connor, roman publié en 1952. 
        
        On est en 1956 et Coindreau se réjouit qu'un contrat ait été 
        signé pour Wise Blood et demande à Dionys 
        Mascolo (directeur du service des droits étrangers à 
        la NRF et par ailleurs mari de Marguerite Duras) de s'assurer également 
        des droits de A Good Man is Hard to Find, ce recueil où 
        l'on trouve "les meilleures nouvelles écrites ces dernières 
        années", paru aux États-Unis en 1955. Mascolo suit 
        ses recommandations et, tandis que Coindreau s'occupe personnellement 
        de la traduction de Wise Blood, Michel 
        Mohrt (en charge des traductions et du domaine anglo-saxon de Gallimard), 
        se met en quête d'un traducteur pour les nouvelles. Dès juin 
        1957, il propose en prépublication la nouvelle "A Good Man 
        is Hard to Find" ("Les Braves gens ne courent pas les rues", 
        alors traduit par "On ne peut se fier à personne") à 
        La Revue de 
        Paris. Jugée "un peu trop macabre pour les lecteurs 
        de cette estimable revue", selon les termes de Michel Morht, 
        la nouvelle est refusée. Ce qui n'entame en rien la détermination 
        de l'éditeur à publier une uvre "peut-être 
        un peu 'osée', mais assez typique d'une jeune littérature 
        américaine". Maurice Edgar Coindreau prendra cependant 
        le soin d'écrire une introduction 
        à l'édition française de Wise Blood : confiant 
        dans la qualité littéraire d'un récit où "l'horreur 
        s'y mêle agréablement au comique", il craint en 
        revanche qu'un malentendu avec le lectorat français, peu au fait 
        des particularités de la société du vieux Sud américain, 
        ne desserve à la fois le livre et son auteur.
        
        Le 31 janvier 1959, Flannery O'Connor écrit avoir "reçu 
        des nouvelles de M. Coindreau" à ce sujet (son traducteur 
        était entré en contact avec elle par l'intercession de la 
        romancière Caroline 
        Gordon, épouse du poète Allen 
        Tate rencontré à l'université de Princeton où 
        Coindreau était professeur) : "Il dit que je ne dois pas 
        m'en faire pour l'introduction. Ce qu'il lui faut, c'est une sorte d'article 
        qu'il espère écrire et publier avant la sortie du livre 
        traduit. Il s'agit de présenter les évangélistes 
        et les prêtres itinérants, de montrer le rôle qu'ils 
        jouent dans le Sud et dans la littérature américaine [
] 
        Il vient ici le 1er avril pour parler de ces questions avec moi. Je me 
        demande ce que je vais faire d'un vieux monsieur français pendant 
        quelques jours." C'est ainsi qu'en avril 1959 Coindreau se rend 
        à Andalusia, le domaine familial où Flannery vit le plus 
        souvent recluse en raison de la maladie qui l'emportera en 1964. Elle 
        lui confie à cette occasion la documentation qui lui permettra 
        d'écrire la fameuse introduction qui vaut vraiment la lecture (ici)... 
        
        "Les Français portent Erskine 
        Caldwell aux nues, peut-être m'aimeront-ils donc aussi, si la 
        traduction est assez infidèle", écrivait Flannery 
        O'Connor à ses amis Sally et Robert Fitzgerald en 1955. 
        Le roman paraît sous le titre La 
        Sagesse dans le sang en novembre 1959. Il sera non seulement bien 
        reçu, mais le succès critique en France contribuera aussi 
        à la notoriété du roman outre-Atlantique, où 
        il fut plutôt mal accueilli à sa parution en 1952 : "M. 
        Coindreau, le traducteur de La 
        Sagesse dans le sang, vient de passer quatre jours avec nous. Il 
        a apporté des comptes rendus des journaux français, une 
        pleine page dans L'Observateur, illustrée de la photo de 
        Billy Graham. 
        On y parle de mon livre et de celui de Nelson Algreen (La 
        Rue chaude) ; je m'en tire mieux que lui
" observe Flannery 
        O'Connor en 1960 (d'après un document 
        sur le site de Gallimard ; voir aussi un portrait 
        de Coindreau à sa mort ici). 
| Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme 
                au rejet : | ||||
|          | ||||
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                la folie grand ouvert | beaucoup ¾ ouvert | moyennement 
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