La Ronde, trad. Anne Longuet Marx, Folio théâtre, 2016, 272 p.

Quatrième de couverture : "De tout l'hiver je n'ai écrit qu'une suite de scènes qui est parfaitement impubliable et sans grande portée littéraire, mais qui, si on l'exhume dans quelques centaines d'années, jettera sans doute un jour singulier sur certains aspects de notre civilisation." ((lettre d'Arthur Schnitzler à Olga Waissnix du 24 février 1897).

Depuis lors, et après maintes péripéties éditoriales et scéniques, ce "jour singulier" n'a plus cessé de nous réjouir, qui éclaire non seulement une époque mais l'essence même du désir et ce qui fait le charme et le mystère de la rencontre entre deux êtres. Freud ne s'y est pas trompé qui voyait en Schnitzler son frère par l'intuition et la subtile auto-observation des profondeurs psychologiques.
De ce sentiment aigu de la confusion entre vie et comédie est née une machine théâtrale dont les rouages nous invitent à entrer sans plus tarder dans la danse spectaculaire et inépuisable du désir humain que constitue cette Ronde.

La Ronde, trad. Élise Arpentinier, l'œil du prince, 2010, 102 p.

Quatrième de couverture :
La ronde, ronde d’amour (c’est le premier titre de Schnitzler), quête de vie, lutte contre la solitude. Dis-moi si tu m’aimes ! N’est-ce pas ce cri que poussent les personnages de la ronde, qui par-delà les classes sociales interroge leur solitude. La ronde pour se donner l’illusion de ne pas être seul, l’illusion de commander à sa vie, de vivre, quoi !
La prostituée s’offre au soldat qui séduit la femme de chambre qui dépucelle le Jeune Maître, qui devient l’amant d’une honnête femme qui s’éveille les sens avec les fredaines de jeunesse de son mari, qui accoste la jeune fille suave qui le trouble au-delà de toute mesure – jeune fille suave qui se révèle muse du poète, qui veut l’actrice, qui "dépoussière" le comte, qui ressent un trouble profond face à la prostituée qui… Et la route tourne. Schnitzler passe au scalpel, met à nu chaque personnage dans sa vérité, dans sa nudité la plus crue : avant, pendant, après l’acte amoureux ou de la difficulté d’être deux. "Je ne vois pas ton visage", dit la femme de chambre – pendant l’acte amoureux – au soldat qui ricane grossièrement. "Mon visage ! Il s’agit bien de cela !…" Hommes, femmes, pouvons-nous nous comprendre ? Une ronde aussi à travers Vienne, ville natale de Schnitzler, une Vienne qui révèle les hypocrisies sociales et les non-dits. C’est aussi ce qui a contribué au scandale.


La Ronde, trad. Heinz Schwarzinger, Actes Sud-Papiers, 1987, 104 p.

Quatrième de couverture
 :
"… De tout l'hiver, je n'ai écrit qu'une suite de scènes parfaitement impubliables et sans grande prétention littéraire. Mais, si on les exhume dans quelques siècles, elles risquent d'éclairer d'un jour particulier certains aspects de notre civilisation."
Arthur Schnitzler,
"Lettre à Olga Waissnix",
20-02-1897


La ronde,
trad. Maurice Rémond, Wilhelm Bauer, révisée par Suzanne Clauser, Stock, 2002, 200 p.

Quatrième de couverture
 : La demoiselle de petite vertu, le soldat, la soubrette, le fils de famille, la femme du monde et son mari, ce mari et la grisette - le second quittant la première pour la troisième qui sourit au quatrième et ainsi de suite jusqu'au comte qui passe de la comédienne à la demoiselle de petite vertu, bouclant la boucle de la ronde - qu'est-ce qui les entraîne tous ? Les diverses nuances de ce qu'on appelle l'amour et qui n'est parfois que l'attirance des corps modulée par les règles du jeu social selon ce que l'on est, riche ou pauvre, homme ou femme, libre ou non. En dix scènes brèves La Ronde dit, avec pittoresque et acuité, l'essentiel sur cette magie du cœur ou des sens qui mène le monde.

Arthur Schnitzler est né à Vienne en 1862. Après des études de médecine, il se tourne vers le théâtre et connaît la gloire en 1895 avec Liebelei. Parallèlement à son œuvre d'auteur dramatique, il écrit de nombreux romans et recueils de nouvelles dont Berthe Garlan, Madame Béate et son fils, La Pénombre des âmes, Mourir et Vienne au crépuscule (tous publiés aux Éditions Stock) sont les plus connus.

En 1905, des bruits circulaient à Vienne sur une œuvre "licencieuse" qu'Arthur Schnitzler, l'auteur le plus à la mode, avait dans ses tiroirs. C'était La Ronde qu'aucun théâtre n'osa monter et qui fut d'abord imprimé à compte d'auteur. Il fallut attendre 1921, après le naufrage de la double monarchie, pour qu'on joue la pièce à Vienne, et le scandale fut incommensurable...


La ronde : 1708-2008 les éditions stock ont 300 ans : en ligne ici
La ronde
,
trad. M. Rémond, W. Bauer, et Suzanne Clauser, Stock, 1931


Première édition en France, 1912

Arthur Schnitzler (1862-1931)
La Ronde (pièce publiée en 1903, traduction en 1912)

Nous avons lu ce livre pour le 24 mars 2023, le groupe breton l'a lu pour le 13 avril, en ajoutant Mademoiselle Else.

           DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
Repères chronologiques

La Ronde au théâtre, au cinéma, à l'opéra
• Traduction et réception de Schnitzler en France

Livres de Schnitzer disponibles en français
Freud et Schnitzler

Nous avions lu Vienne au Crépuscule et Mademoiselle Else en 2001.
Nous avons vu une pièce et deux films (voir ci-dessous).

Nos cotes d'amour
ClaireSabine
Danièle FannyGenevièveJacquelineMonique LRozenn
Entre et BrigitteCatherineEtienne
LauraMaëvaMuriel
Annick LLisa


Les cotes d'amour du groupe breton
La Ronde
      Brigitte T  Édith
Chantal Marie-Odile

   
Yolaine
Mademoiselle Else
  Chantal Édith
D'autres avis sans cote :
Brigitte T Marie-Odile

Annick L
Lire un texte écrit pour le théâtre avant d'avoir vu une mise en scène est toujours décevant. Je regrette de ne pas avoir pu vous accompagner l'autre soir.
Concernant La Ronde de Schnitzler j'ai trouvé le dispositif scénographique original et intéressant. Le film de Max Ophüls l'exploite d'ailleurs joliment avec le jeu autour du manège. Mais la lecture des dix scènes m'a vite ennuyée : les personnages sont de purs stéréotypes sociaux (le mari, l'actrice, la grisette...), très datés. J'ai même cherché ce que recouvrait le statut de "la grisette". Et la mécanique des rencontres et du jeu de la séduction est toujours la même, avant et après les points de suspension (censure oblige !). Je veux bien croire que cette pièce a choqué le bourgeois de l'époque mais aujourd'hui ? Tout cela m'a laissée de marbre. À part une scène dont j'ai savouré le dialogue - entre les deux époux - et qui m'a fait rire (le discours du mari).
Bof ! J'ouvre un quart si la question est posée.
Mais j'étais très contente de la soirée cinéma : les actrices et acteurs (sacré casting) ont donné de la chair à ces figures abstraites.
Maëva(avis transmis du Japon)
J'ai lu la préface de La Ronde avant l'œuvre en elle-même (une pratique controversée dans le groupe), ce qui m'a permis d'avoir un peu de contexte sur la pièce, notamment sur le cloisonnement social en place à Vienne au moment de l'écriture et la censure subie.
Dans un premier temps, je n'ai pas pu refréner un soupçon de lassitude face à un schéma redondant. Au bout de la troisième rencontre, j'avais l'impression de pouvoir deviner les autres : on se tourne autour, on minaude, on passe à l'action, on exprime sa jalousie, on promet de se revoir et on passe à autre chose. Bref, la ronde tourne. Il n'y a aucune surprise, le titre vend d'ailleurs assez vite la mèche sur ce procédé sympathique.
Au fil des pages, les personnages échangent leur rôle et leurs textes. Peu importe la géographie ou la classe sociale, les dialogues se répètent en boucle : "si on sonne dehors", "cinq minutes… Non, pas plus…", "tu me rappelles quelqu'un", "viens, viens", "tu m'aimes bien ?"
Malgré tout, je n'ai pas eu envie d'arrêter la lecture que j'ai vécue comme une balade agréable sans grand frisson. J'ai trouvé les dialogues inégaux, on reste peu attaché aux personnages et on ne ressent pas d'empathie puisqu'on les quitte aussi rapidement qu'on les a rencontrés. Les déclarations passionnées d'un instant sonnent fausses, les curiosités feintes et les émois inconsistants. La fièvre du moment est balayée lorsque le désir est consommé et il ne faut pas plus d'un tiret pour que l'excitation retombe comme un soufflé.
Sur le papier, ça fonctionne, je comprends l'intérêt de la forme pour exprimer cette critique sociale, je trouve même que c'est efficace, mais cela reste du domaine du rationnel. Au niveau du ressenti, je ne parviens pas à virevolter avec cette ronde. Si je devais résumer : une lecture agréable, historiquement et socialement intéressante, mais pas transcendante. J'ouvre à moitié.
J'ai hâte de découvrir les avis du groupe sur cette pièce !
Danièle(avis transmis)
C'est une pièce de théâtre construite de manière originale, où le fond et la forme font un tout, celui d'une ronde, puisque tout au long des dix scénettes, les couples se font et se défont, un personnage laissant la place à une autre personne, qu'il - ou elle - cherche à séduire, jusqu'à revenir en boucle au premier personnage.
Ainsi résumé, on pourrait croire que c'est du théâtre de boulevard. En fait, cela est à mon avis beaucoup plus subtil, et j'ai souri tout au long de ma lecture. Dans le film de Max Ophüls, j'ai au contraire beaucoup ri, mais plutôt pour le jeu des acteurs, qui avaient des manières d'une autre époque-. C'est donc plutôt une pièce sur la séduction, dans un sens comme dans l'autre, intention d'ailleurs très bien rendue dans le film de Max Ophüls, par exemple dans la scène du jeune maître et de la femme de chambre, qui nous offre une entreprise de séduction magistrale de la part de la femme de chambre.
Dans presque chaque scénette un couple vient de se former, pour un soir, et la scène de séduction entraîne la femme, le plus souvent la jeune fille, à se donner malgré ses réticences premières. Or ce n'est pas cela qui a choqué l'opinion à l'époque, ni qui a justifié l'interdiction et le tollé à la parution de la pièce, mais son obscénité. Qui verrait aujourd'hui de l'obscénité dans cette pièce ? Toute l'ambiguïté se trouve une fois de plus dans la question du consentement : les réticences sont-elles jouées ou sincères ? Le tout apparaît plutôt comme un jeu conventionnel et frivole dont on sait à chaque fois la fin. Le style est léger, enlevé et se prête bien à une ronde, en effet. De nos jours, nous pourrions être choqués par le rôle assigné aux femmes cela pourrait paraître comme le summum de l'abus de pouvoir masculin, mais pour Schnitzler, la femme comme l'homme, peuvent abuser de leur pouvoir de séduction (voir le comte et l'actrice). Elles ont ici l'esprit de répartie, voire de l'humour, ne sont pas dupes, et le disent. Elles ne sont pas vraiment le stéréotype de la nunuche qui se laisse abuser. Schnitzler ne fait pas ici une critique sociale, mais expose plutôt une certaine philosophie de la vie sans aucune idée moralisatrice. Chacun y trouve son compte, des fois on gagne, des fois on perd…
C'est aussi une étude sur le mensonge, à la base de la séduction, mais aussi comme garant d'une certaine liberté, à prendre au second degré, ici plutôt libertinage, c'est bien la même racine ?
On a au passage des réflexions + ou - philosophiques sur le bonheur, le temps qui passe, quel sens donner à la vie, le vide de l'existence … L'importance des rideaux ouverts, fermés ou entrouverts, les lumières allumées ou éteintes, qui donne l'atmosphère propice aux jeux de l'amour. Amour ? Pas vraiment, seulement le plaisir de la rencontre. Parfois, on ne sait plus qui est qui, une même personne en rencontre d'autres dans d'autres conditions, qui lui rappellent les premières. J'ai eu une impression de ronde infernale, d'anonymat, même si on finit par savoir leur nom.
Dans le texte allemand, on trouve beaucoup de mots en français dans le texte. Mais dans un français inusité maintenant. Exemple : chambre séparée, pour cabinet particulier. C'était l'époque où la langue française bénéficiait encore d'une aura. Mais aussi les Français ont/ avaient la réputation d'être frivoles et l'emploi de mots français évoquent par leur seule présence une atmosphère frivole voire coquine.
Il y a donc plusieurs angles de lecture de cette pièce, que j'ai prise plutôt comme un divertissement à prendre au second degré.
J'ouvre aux ¾.
Sabine(avis de débordée transmis de Nîmes)
J'ai juste adoré le livre et l'adaptation d'Ophüls.

Catherine entre et (avis transmis)
Je n'ai pas été convaincue à la première lecture, j'ai eu l'impression d'un exercice de style, brillant, très bien fait mais très daté, patriarcal, avec des rôles caricaturaux surtout ceux des femmes, soumises au désir masculin dans l'ensemble. Bien sûr ça dépasse le vaudeville, il y a aussi une étude des rapports sociaux intéressante et c'était certainement transgressif pour l'époque. Il y a aussi de l'humour. La scène avec le mari et sa tirade sur les femmes honnêtes m'a fait rire, la scène entre la femme mariée et le jeune homme qui cite Stendhal pour garder la face après une panne, les deux voilettes...
J'aime beaucoup le film d'Ophüls, sa mise en scène, les costumes, les acteurs évidemment. Voir la pièce jouée a changé mon regard sur le texte. Et pour parachever l'ensemble, La (nouvelle) Ronde avec une réécriture de la pièce qui transpose notre époque et met en scène des couples de tout genre, les femmes sont libérées de la caverne où elles étaient enfermées mais la ronde se poursuit. Ça donne une vraie actualité au texte.
J'ouvre à moitié le texte, aux ¾ l'ensemble.

Monique L

C'est la forme qu'a donnée Schnitzler à la pièce qui fait son efficacité et son intérêt. Les personnages échangent leurs rôles et leurs textes constamment et cela quelle que soit leur appartenance sociale.
Les personnages reprennent en boucle, les mêmes paroles : "Je ne suis pas du genre à faire ça", "Est-ce que tu m'aimes ?", "Mais oui je t'aime.", "Tu me rappelles quelqu'un", "Revoyons-nous très bientôt", etc. Ce sont ces répétitions et ces échanges de partenaires qui font de cette pièce une critique sociale, mais elle a en partie perdu de nos jours son efficacité satirique de l'époque.
L'auteur traque les mécanismes de la séduction, de rapports de force, de domination, tout autant que ceux de la lâcheté qui permet à certains protagonistes de trouver une échappatoire une fois parvenus à leurs fins, ou du désarroi des autres qui sombrent dans le remords. Il n'est pas question d'amour mais de désir. Je me suis posé la question du consentement dans un rapport de domination, mais il me semble que ce n'est pas un sujet pour l'auteur.
Tout cela semble sans conséquence : les deux personnes ne se reverront plus (à l'exception du couple marié) et passeront à autre chose.

La géographie imposant la séparation des classes est mise à mal. Les personnages échangent leurs rôles et leurs textes constamment, tout en parcourant l'ensemble des quartiers de la ville, des plus mal famés aux plus riches : le cloisonnement social parfaitement en place à Vienne en 1896 (date d'écriture de la pièce) vole en morceaux. La scène la plus jouissive est celle du discours du mari à sa femme. Qu'est-ce qui fait courir le monde ? La réponse apparaît non loin de l'oreiller.
Bien que cette pièce ait perdu de son efficacité satirique de nos jours, elle reste une critique amusante de rapports homme-femme encore présents de nos jours. J'ouvre aux ¾.
Etienne
entre et (à l'écran depuis Rennes)
J'ai beaucoup aimé. J'ai apprécié ce très bon équilibre entre légèreté et profondeur. J'ai comparé avec La maison de poupée que nous avions lu, situé pareillement dans une époque, avec une satire de la société : c'est pour moi à mi-chemin entre théâtre de boulevard et la pièce d'Ibsen
J'ai lu avec plaisir. Ce qui est intéressant c'est que Schnitzler met en évidence, d'une scène à l'autre, des relations dominant/dominé, qui inclut une domination sociale, par exemple dans le duo mari/grisette ou Monsieur Alfred/la bonne.
La question du consentement revient de façon claire à l'heure post-#MeToo : on voit des personnages plus ou moins consentants, c'est bien mis en jeu. Et du coup, ce n'est pas si vieilli que ça car on retrouve une dynamique actuelle à l'œuvre.
J'ai bien aimé aussi le film, très drôle, avec par exemple la manivelle qui fait tourner la ronde et qui se bloque au moment de la panne.
J'ouvre entre ½ et ¾, je suis content de l'avoir lu, c'est une belle découverte.
Jacqueline

Au départ, je l'ai lu très très vite, et je n'y ai pas vu grand intérêt. J'ai eu l'impression d'une espèce de mécanique, avec des situations de séduction qui se répètent avec des partenaires différents.
Et puis, j'ai vu la pièce La (nouvelle) Ronde, que j'ai trouvée extraordinaire, et qui, du coup, ça s'est mis à me réintéresser au texte. Ce qui se répète, c'est le désir.
Et puis le film d'Ophüls que j'ai beaucoup beaucoup aimé m'a fait retrouver le texte de la pièce et ça c'était bien.
Je n'ai pas tout compris, notamment la scène avec le comte.
Au film de Vadim vu hier soir, j'ai préféré celui de Max Ophüls, avec cette mécanique grinçante grâce au maitre du jeu : ce côté très grinçant que je trouve chez Max Ophüls, chez Vadim est édulcoré. Peut-être parce que c'est plus moderne ? On est plus en phase.
J'ouvre aux ¾. Ah oui, j'ai pensé à L'éveil du printemps de Frank Wedekind, plus dramatique. Ici, on ne prend pas les personnages au sérieux.
Rozenn
(à l'écran)
J'ai été d'abord déçue par rapport au souvenir adolescent que j'en avais, de garçonnière, de voilettes.
J'ai été saisie par la domination : les femmes n'ont pas là-dedans une vie très joyeuse… Il y a quand même la femme mariée qui prend du plaisir…
Il y a plus de faux-semblants que de vrais désirs.
Et des thèmes pas abordés en général dans ce domaine : celui qui ne veut pas le matin, la panne…, ce qui donne un charme aussi.
Le thème du consentement m'a rappelé une version abominable de La Belle au bois dormant du XVIIe siècle, de Giambattista Basile où le héros ne sauve pas la belle endormie mais la viole.
Dans la pièce, je suis passée très vite sur ce qui est sordide quant à la situation des femmes.
La dernière scène est étonnante avec le comte qui a l'air de souhaiter que rien ne se soit passé : là, c'aurait été une aventure ("C'eût été beau si je n'avais fait que lui baiser les yeux. Ç'aurait presque été une aventure…").
Je pensais d'abord ouvrir au ¼…, puis ½..., j'ouvre aux ¾.
Fanny

Rozenn m'a fait penser à une autre version de La Belle au bois dormant : La Belle au bois rêvant où elle préfère se rendormir…
J'ai trouvé frustrant de ne pas voir la pièce.
Le livre se lit vite, et c'est agréable par rapport à notre lecture précédente
Je rejoins certains points de vue : par exemple, je n'ai pas ressenti d'empathie, car même si on retrouve certains personnages, on n'a pas le temps de s'y attacher. Cela me semble très voulu, et c'est l'originalité de la pièce.
Le scénario est identique, mais c'est pourtant à chaque fois différent. Il y a à la fois du commun et du singulier dans chacune des scènes.
La première histoire est terrible, les autres moins. Il y a beaucoup d'humour et une légèreté sur les rapports homme/femme. Il s'agit de désir plus que d'amour.
Toutes les femmes ne sont pas ingénues. Il y a une hypocrisie sociale qui amène à dire non. On pourrait s'y retrouver aujourd'hui.
J'ouvre ¾. Sous la légèreté, c'est subtil.
Muriel

J'ai lu très peu du livre. J'ai vu la pièce et les deux films qui m'ont plu.
Toutes ces histoires de femmes méprisées, dévalorisés, c'est un peu dur.
C'est écrit en quelle année ?

Monique
En 1903.

Muriel
Oui, c'est un peu daté…
Il y a de l'humour. Mais la condition de la femme est telle qu'à toutes les époques on couchait avec la bonne, mon père en premier, mon oncle en second...
J'ouvre ½.
Geneviève

J'ai une lecture avant et une lecture après le film.
J'ai lu facilement, sans intérêt passionné : c'était intéressant, mais il ne me restait pas grand-chose.
Voir le film d'Ophüls, très agréable, a changé ma perception : il n'y a pas d'amour, mais des rapports de force, la plus défavorisée étant la première femme, différemment de la grisette - elle n'a d'ailleurs même pas de nom. Le comte à la fin se fait écraser, incarné en plus par Gérard Philipe, on ne s'attend pas à ça ! Ce qui change les choses. De même, le mari finalement ne domine pas sa femme.
C'est vieilli ? Oui, il n'y a pas de rapports sexuels. Mais ce n'est pas le sujet. C'est qui décide. Cette question du rapport homme/femme dont il s'agit est loin d'être périmée.
Je regrette de n'avoir pas vu le deuxième film. Le rapport film texte est particulièrement intéressant, car le film m'a fait ressentir ce qui est intéressant dans le livre. Le maitre du jeu est très convaincant mais cela ne change pas du texte.

Jacqueline
Ça accentue le côté théâtral.

Geneviève
Ça renforce le fait qu'il s'agit bien de rapports de force.
J'aurais ouvert ½, mais après avoir vu le film, j'ouvre ¾.
Brigitte entre et(à l'écran)
J'avais lu Schnitzler avec le groupe, Mademoiselle Else dont j'avais beaucoup apprécié la subtilité et, d'après le
compte rendu, Vienne au crépuscule (que j'avais complètement oublié). J'étais très contente de lire à nouveau du Schnitzler.
La Ronde, c'est intéressant, mais, après cette lecture, j'ai eu la même réaction que Lisa : il est impossible de vraiment s'y intéresser si on en reste là. Cela pose le problème de la lecture d'une pièce de théâtre. La lecture seule ne suffit pas, il faut absolument voir un spectacle, avec le décor, la mise en scène, le jeu des acteurs… C'est pourquoi j'ai apprécié la proposition de Claire de voir le film de Max Ophüls (dont j'ai beaucoup aimé le casting).
Le sujet de la pièce est la séduction, le rapport de force qui s'instaure, comment il se décline en fonction de la classe sociale, avec un personnage qui change à chaque fois. Et, cela recommence indéfiniment, c'est une ronde ! Certains dialogues reviennent à chaque séquence, comme "est-ce que tu m'aimes ?", alors qu'il est rare qu'il y ait effectivement de l'amour dans ce contexte. On dit non, mais on se laisse faire, avec un jeu factice assez superficiel.
Rares sont les moments où les personnages sont vraiment sincères, j'en ai relevé deux, par exemple : "Voilà, maintenant j'ai eu une femme honnête" (selon les traductions : femme honnête, femme du monde, femme mariée), et aussi celui où le mari montre comme il est sûr que sa femme lui est fidèle, alors que nous savons qu'il se trompe tout à fait. Le statut de la femme mariée était alors un sujet tabou.
Jamais il n'est question du risque de grossesse ou de MST. Cela confirme l'idée que l'auteur veut essentiellement traiter des variations de la séduction, qui suscite des rapports de force d'une classe à l'autre et leur porosité.
J'ouvre entre ½ et ¾.
Claire
En entendant les réactions et même quand la conclusion était une cote d'amour faiblotte, je comprenais et étais à la limite de les partager, sauf une : la phrase d'Annick "Lire un texte écrit pour le théâtre avant d'avoir vu une mise en scène est toujours décevant" que je ne comprends pas. Pour ma part, je n'ai jamais lu de pièce sans la voir après (jamais lu un livre de poèmes, ni une pièce simplement pour le plaisir, comme un roman). Par contre, j'aime bien lire une pièce que je vais ensuite voir mise en scène. Notre expérience avec La maison de poupée m'avait beaucoup plu.
J'ai été énervée par le mot "daté" utilisé plusieurs fois. Roméo et Juliette aussi c'est daté… Que voulez-vous donc dire par "daté" ? C'est sûrement autre chose que "ça ne se passe pas à notre époque" !

Rozenn
Si La Ronde était actuelle, on parlerait du sida.

Muriel
Certains aspects ne s'appliquent pas à la société actuelle.

Claire
Pour moi, c'est aussi peu daté que Le Tartuffe, bien plus ancien que La Ronde. Les situations de pouvoir homme/femme et de classes sont universelles et à travers les âges. Je trouve que #MeToo et la pièce ont tout à fait à voir : droit de cuissage sur la servante, par exemple, du genre Poivre d'Arvor si tu veux pas ta carrière est foutue.
Par rapport aux impressions qui ont été ici exprimées de personnages stéréotypés, justement on les dépasse : la servante a le pouvoir de séduction et tombe le patron, qui commet l'adultère ? C'est la femme. Qui a du désir sans amour, c'est la femme ? La morale au moins est-elle sauve ? Pas du tout car pas une once de moralisation en pleine Vienne bourgeoise : d'ailleurs le scandale éclate.
Je reviens à ma découverte elle-même du texte : ce qui m'a enchantée, c'est la forme, très ludique. Schnitzler est un Oulipien avant l'heure, avec ses contraintes d'écriture : dix scènes / un homme et une femme / AB - BC - CD - DE - EF - FG - GH - HI - IJ -JA / un rapport sexuel au moins par scène sous forme de pointillés. Et ça marche du tonnerre de dieu ! Il y a de la légèreté aussi, de l'humour et du deuxième degré. Par là-dessus :
- voir à la scène une réécriture de la pièce formidable (écriture, mise en scène, jeu), avec un en plus une forme artistique inhabituelle (des marionnettes) et, non pas des représentants de classes sociales variées mais, sans pointillés et avec des actes sexuels sur scène, des sexualités variées, y compris homosexualité et échangisme, et avec pour finir un couple trans attendant un enfant...
- voir à 10 un film féérique, celui de Max Ophüls en noir et blanc, et le lendemain avec les mordues, celui de Vadim, pétant de couleurs, plus érotique tout en respectant les pointillés, scénario d'Anouilh s'il vous plaît, films qui tous deux présentent une débauche... de talents, de stars, de décors, de costumes (un vrai défilé, ne parlons pas des chapeaux, un feu d'artifice).
Quels plaisirs, n'en jetez plus ! J'ouvre en très grand, une expérience multiple unique grâce à Voix au chapitre.

Annick (après la séance)
Pour mon avis sur La Ronde ("Lire un texte écrit pour le théâtre avant d'avoir vu une mise en scène est toujours décevant."), tu as raison : tu peux enlever le "toujours" et le remplacer par "souvent"...
Laura
J'avais eu de bons retours sur La nouvelle rêvée de Schnitzler, alors je me suis lancée dans La Ronde comme à la lecture d'un grand auteur, avec beaucoup d'espoir et quelques étoiles dans les yeux. Quelle n'a pas été ma déception quand je suis tombée sur un écrit qui m'a semblé classique, pas spécialement déstabilisant, pas spécialement profond non plus (ce n'est qu'après avoir écouté tous les avis que j'ai trouvé un plus grand intérêt au livre) ! L'enchaînement des tableaux me présentaient des personnages aussi risibles les uns que les autres - surtout les hommes, toujours mal aimables après l'acte - mais plutôt touchants à partir de la situation du poète avec l'actrice. J'étais dubitative, j'ai donc lu la préface (chose que je ne fais jamais). Elle soutient l'aspect féministe de la pièce, le renversement des codes etc. Il est vrai que l'actrice réagit avec le poète et le comte un peu à la manière du soldat avec la femme de chambre ou la fille, les utilisant pour servir son plaisir et son ego, dans une sorte de répétition inversée du début de la pièce. J'y vois une sorte de revanche sur les hommes. Mais ce que je déplore, c'est que les personnages soient si clichés, et collent à leur nom censé les décrire.
Mais un passage m'a tout de même bien fait rire : lorsque le mari tente d'expliquer à sa femme ce qu'une femme adultère doit ressentir, quelle honte elle doit avoir, quel repentir elle doit exprimer etc., alors qu'elle (1) ressent tout l'inverse, et (2) en sait plus que lui sur ce sujet. Aujourd'hui on appellerait cette situation une "mecsplication" : un homme qui explique à une femme ce qu'elle sait déjà, sans même supposer qu'elle est déjà renseignée et sait mieux que lui, car c'est aussi son domaine. La situation peut être gênante, mais ici, c'est plutôt une des scènes les plus humiliante de la pièce - pour le personnage masculin - et c'était purement jouissif.
Certains ont noté l'illustration de la lutte des classes. De mon côté, j'y ai plutôt vu la tentative de mettre en avant l'intime, ce qui fonctionnait peut-être pour le début du siècle, peut-être moins aujourd'hui. Tout est tellement public que seule la vie quotidienne me semble intime. Point qui me semble tout de même légèrement "daté" aujourd'hui.
J'ouvre ½.
Lisa
(qui arrive en fin de soirée sans avoir entendu la succession des avis).
Je l'ai lu avec plaisir, mais à chaque fois, je me demandais le but et l'intérêt. "Tout ça pour ça". Mais je l'ai lu très premier degré. Je pense que je vais regarder au moins un des films et ensuite relire le livre. Il ne faut pas que j'oublie de le resituer dans son époque.
Les questions de tromperie et de désir ne sont pas nouvelles, c'est en cela que j'ai trouvé cela daté.
Je n'apprends rien.
J'ai aussi du mal avec la lecture de pièces - c'est la première que je lis (hors lectures scolaires bien entendu).
Cela ne me montre ni le désir ni l'amour. Je trouve que les relations entre les personnages ne sont pas crédibles, cela paraît froid et faux.

Claire
Un exemple ! Un exemple !

Lisa
Le mari avec sa femme.

Claire
Y a du second degré par l'excès, de l'humour.

Lisa
Je ne l'ai pas ressenti, je suis restée au premier degré.
Je ne comprends pas ce qu'il veut montrer, ce qui est drôle, ce qui intéressant.

J'ouvre ¼.

Claire (après la séance)
Je suis sûre que si Sabine avait été là, elle nous aurait placé trois figures de style correspondant à la structure de la pièce :
Scène 1 : A rencontre B
Scène 2 : B rencontre C
Scène 3 : C rencontre D

Dites avec facilité, le ton chantant : La Ronde ? Ah oui, cette pièce fondée sur la concaténation, l'anadiplose et lépanoadiplose - non ce ne sont pas des maladies de peau...

- Concaténation : figure qui consiste à enchaîner les propositions d'une période en reprenant un mot de la proposition précédente
- Anadiplose : figure par laquelle on reprend le dernier mot d'un vers (ou d'une phrase, ou d'un membre de phrase) au début du vers (ou de la phrase, ou du membre de phrase) qui suit.
- L'anadiplose est proche de l'épanadiplose dont voici un exemple poétique de Joachim du Bellay tiré des Antiquités de Rome :

Comme le champ semé en verdure foisonne,
De verdure se hausse en tuyau verdissant,
Du tuyau se hérisse en épi florissant,
D’épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne


Les cotes d'amour du groupe breton réuni le 13 avril 2023
La Ronde
      Brigitte T  Édith
Chantal Marie-Odile

   
Yolaine
Mademoiselle Else
  Chantal Édith
D'autres avis sans cote :
Brigitte T Marie-Odile
Synthèse rédigée par Yolaine
(suivie de 4 avis détaillé sur les deux livres)
 
Discussion autour de La Ronde d'Arthur Schnitzler

À ce décompte déjà mitigé (Fermé : Yolaine - ¼ : Chantal, Marie-Odile - ½ : Brigitte, Édith) pourraient s'ajouter les réticences des absents, qui n'ont pas voulu lire ce livre, ou qui comme Cindy, n'ont pas réussi à entrer dans la ronde. Cette donnée n'est certainement pas neutre.
Si les avis sont divergents, un point commun rassemble tout le monde, l'absence totale au premier abord du plaisir de lecture. Faut-il incriminer la forme ou le fond ? Celles qui ont eu la curiosité de regarder les films tirés de cette œuvre (Max Ophüls, 1950, et Roger Vadim, 1964) ont éprouvé une expérience beaucoup plus positive. Mais notre propos se concentre sur la pièce de Schnitzler, et peut-être ne faut-il pas se laisser séduire par le talent des cinéastes qui lui ont succédé. Il en est de même pour La (nouvelle) ronde créée à Lyon en 2022 en utilisant des marionnettes et en transposant les jeux de l'amour dans la société contemporaine. Est-ce que l'absence d'adhésion vient de l'inculture des lecteurs qui n'ont pas l'habitude de lire un texte en faisant abstraction de la mise en scène ? L'auteur lui-même ayant qualifié en son temps son œuvre d'insignifiante, nous n'avons pas eu de scrupule à trouver les dialogues pauvres, sans profondeur psychologique, et même absurdes avec des répliques qui ne correspondent pas.
Quelle était l'intention de l'auteur en publiant en 1903 cette comédie humaine réduite à des stéréotypes, hommes séducteurs et détenteurs du pouvoir social, femmes victimes, tous se livrant à des jeux érotiques clandestins dans une recherche effrénée du plaisir en dehors de tout jugement moral ? Dans une société déboussolée, où les femmes étaient frappées par une épidémie de cas d'hystérie, cette description théâtrale de la sexualité viennoise, avec ses mensonges et ses refoulements, fait écho aux études de Freud, contemporain, compatriote et ami de Schnitzler. Faut-il y voir une œuvre "datée" dans le contexte crépusculaire d'une Autriche d'avant la catastrophe du XXe siècle, les prémices d'un féminisme moderne revendiquant le droit au plaisir et à disposer de son corps, ou la dimension éternelle et universelle de la pulsion sexuelle, avec son lot d'incommunicabilité entre hommes et femmes ?
Le regain d'intérêt pour cette œuvre qui se prête volontiers à des transpositions actuelles témoigne de la permanence et de la pertinence de son propos, ainsi que des limites de notre modernité. Elle n'a rien d'universel, elle est datée et située au cœur de l'Europe contemporaine judéo-chrétienne. Elle révèle l'infinie tristesse de la sexualité occidentale, source profonde de la violence qui régit les relations entre les hommes et les femmes, et qui est aussi à la racine du caractère belliqueux de notre civilisation. Ni universelle, ni éternelle, ni inéluctable : l'espoir d'un monde meilleur reste toujours permis.
Brigitte(La Ronde)
J'ouvre La Ronde ½, car même si le texte est à la fois simple dans la syntaxe et la construction, j'ai eu du mal à trouver l'accroche. Mais avec du recul, je dirais "intéressant" car j'ai pris le temps de me documenter pour tenter de comprendre le choix de ce livre par Voix au chapitre alors qu'après avoir vu le film j'avais perdu mon enthousiasme pour lire la pièce de théâtre.
En effet, j'ai tout d'abord regardé le film de Roger Vadim, film sensuel mais très soft. De belles femmes ! Rappelons le grand séducteur qu'était ce cinéaste ! À la différence du livre, la femme ne m'apparaît pas systématiquement comme victime ! Tournage en 1964 sans doute provocateur avant mai 68.
Revenons au livre. Le style est simple, la pièce courte et la lecture rapide... trop facile !? Non car je trouve difficile de lire une pièce de théâtre sans en voir la mise en scène. Je n'y retrouve pas un vaudeville : il n'y a pas de rebondissements. La redondance m'ennuie. Aucune empathie pour les personnages.
Faut-il théoriser sur ces jeux de séduction sera une de mes questions avant et après la lecture de la pièce de théâtre ? Pourquoi aujourd'hui plusieurs reprises se font de la pièce ? 120 ans après la parution, le fond de la pièce interroge le spectateur sur quoi ?
Ronde, danse en duo, scènes de séduction, une femme qui s'ennuie souvent et ce jeu amoureux se termine par l'acte sexuel (suggéré). On passe de la rue, aux maisons bourgeoises, au théâtre… la femme que j'imagine plutôt jeune, mignonne, agréable à regarder. Souvent elle attend je ne sais quoi… le désir, le plaisir, la distraction avant… quoi ? Un départ ? Une autre vie ? Un remède à l'ennui ? Un élan neuf dans sa vie de couple ? Les scènes sont stéréotypées et peuvent me lasser. Quelle est la place de l'amour dans la vie sexuelle ? Quelle est la place de la pulsion sexuelle dans ces rencontres ?
L'homme éternel séducteur et la femme victime. Quel cliché ! Je me transpose autant que faire se peut début du XXe. Schnitzler : homme de culture, auteur juif (ce livre a été brûlé par les nazis), médecin ORL de formation, vivant à Vienne à la fin de l'empire austro-hongrois, ami de Freud. Intéressant à lire : l'article "Freud et Schnitzler".
Dans mes recherches je trouve juste ceci : "À chaque époque son art, et à l'art sa liberté". Cette maxime est gravée sur le fronton de la Sécession - bâtiment contemporain de Schnitzler. La Sécession est un groupement artistique à Vienne. La Ronde sera censurée un an après sa sortie en 1903… Est-ce que l'auteur veut s'affranchir de la morale et poser des questions existentialistes en se cachant derrière des scènes frivoles ?
Pas facile de faire des liens… Lors de cette lecture je me sens bien trop loin des mouvements féministes actuels, des droits de la femme, de la reconnaissance et du respect qui s'amorcent concernant les diverses identités sexuelles. Et… c'est peut-être là une réponse : la culture participe à l'évolution du droit à l'amour et au désir, au plaisir dans la différence et le respect. Sans faire de politique je souhaite que ce soit vrai et durable…
J'ai lu qu'une reprise récente de la pièce sur les scènes parisiennes s'est faite par le jeu de marionnettes. Je suis curieuse. Qui est la marionnette : l'homme ou la femme ? Ou le couple ? Qu'en penserait l'auteur ? Quelle symbolique y voir ?

Brigitte (Mademoiselle Else)
Je n'ai pas lu la nouvelle mais regardé la mise en scène au théâtre : superbe et émouvant monologue de l'actrice Alice Dufour !
Else, altière jeune fille se confie sans pudeur sur son désir refoulé, découvre sa beauté, son pouvoir de séduction mais aussi l'humiliation. L'auteur habilement retient le spectateur : le désir devient mortifère et l'idée d'un suicide passe et repasse jusqu'à… emporter Else contre sa volonté. Magique !
Chantal (La Ronde)
Je m'y suis reprise à trois fois pour, enfin, en finir avec cette lecture pénible.
Pourtant une écriture de… allez… de CE 2...
Simple, comme dit l'auteur lui-même "sans grande portée littéraire", le moins qu'on puisse dire.
Une originalité tout de même, cette ronde qui fait penser aux cercles circassiens que Marie Odile, grande danseuse bretonne, connaît bien... : on change de cavalier tout le temps… pour trouver le bon !
En mise en scène, pièce VUE et non LUE, je pense que ce doit être bien.
Ce que j'ai détesté, c'est le manque de psychologie dans ses personnages. L'important, c'est d'arriver le plus vite possible à... aux points de suspension !! Et hop, c'est fait, on va voir ailleurs.
Et ses personnages de femmes ! Eh bien ! Soumises (fille, femmes de chambre), nunuches et coupables (femme mariée adultère), gnangnan (la femme avec son mari). Quels portraits !
Une seule à "osé" se moquer de son amant pitoyable qui n'y arrive pas, et va chercher Stendhal à son secours ! Là, j'ai ri !
Mais après notre longue discussion, passionnante, je me suis dit qu'il a voulu nous montrer son monde, sa société.
Donc je lui accordé ¼ pour cette ronde.
Chantal (Mademoiselle Else)
Là, j'ai adoré cette nouvelle !
Une prouesse de l'auteur : dans un temps très très court, son personnage, jeune fille adolescente, doit prendre une décision impossible : se montrer nue devant un vieux barbon pour éviter la prison à son père escroc… - marché imposé par sa mère !
Et, en moins de 100 pages, on entre littéralement dans l'esprit d'Else : on ressent son affolement, un tourbillon de pensées l'envahit ! Le choix impossible, l'amour-haine pour son père, idem pour sa mère qu'elle juge bête et aveugle, le jeune homme "faune" qu'elle désire, son cousin Paul également, le mont Cimone si beau au coucher du soleil, ses émois, "je suis dévergondée, pas une putain", l'admiration de son propre corps si beau, son dégoût pour l'homme à qui sa mère lui demande de se vendre... tout lui passe par la tête ! Il nous embarque vraiment dans
cette torture mentale.
Et la chute ! Je n'y croyais pas, et pourtant la seule issue pour cette gamine.
Cette Mademoiselle Else, je l'ouvre en grand.
Edith (La Ronde)
Lecture très rapide du texte La Ronde, au même rythme dirait-on que les échanges entre les personnages. Pas vraiment intéressée par les dialogues et à peine je souris à certaines situations.
Et… j'arrive à la fin du texte presque essoufflée, bien que lisant avec les yeux, j'aurais pu lire à haute voix, cela m'arrive parfois. Contente d'en avoir fini avec ce texte peu engageant à la réception, ET POURTANT !
Plaisir du texte quasi nul, MAIS je reconnais que ces tableaux de rencontres du "désir" homme/femme et sous la forme choisie - celle de vifs et rapides dialogues -, appelleront des commentaires et des analyses. Il est évident que la femme actuelle (moi) et de mon époque ne peut que sourire à la forme et plus encore au fond. Manque certainement, pour en apprécier le tout, le JEU (si important) et la mise en scène du texte qui fit à son époque scandale comme précisé. (J'apprécie aussi Feydeau). C'est aussi la petite excitation de lecture qui m'a séduite dans l'imposition du choix du livre. Au premier abord, pas trop motivée par le choix, mais texte dit "scandale" cela motive ! Je vais me contenter film de Max Ophüls, film que j'avais vu dans les années de sa sortie - années 50 (!), à peine croyable, et étonnamment, je me suis souvenue du thème musical "tournent tournent mes personnages" !!!! J'en suis ébahie.
Les personnages de femmes sont un peu "datés" dans leurs fonctions assignées, sociologiquement datées (début de siècle précèdent) certes, mais je pense vraies dans les ressorts psychologiques ainsi : la fille (la putain ?), la femme de chambre (la fausse naïve ?), la jeune femme (la maitresse "prudente" ?) si peu amoureuse du jeune homme qui s'exclamant en lui-même "enfin me voilà l'amant d'une femme du monde !" comédie mondaine… comédie humaine et qui "roule" jusqu'à la fin de la pièce.
La femme rouée faussement intriguée par les "détours" de son mari épiloguant sur la femme parfaite - la sienne donc - cette dernière, faussement jalouse, pour obtenir un rapport amoureux, etc., comme une ronde, l'un des personnages donnant la main du désir à l'autre et dans une ronde sans fin. Un manège théâtral léger et sans conséquence, rien que le plaisir de l'échange superficiel dans sa forme, mais agent obligatoire pour la "conclusion" du désir évoqué… mais, si vrais quant à l'actualité des jeux sociaux et inconscients et par les mouvements du cœur des individus, quelle qu'en soit l'époque et décrits ici avec perspicacité. En tout cas pour les individus d'Europe il me faut le préciser (plus universel ? Mutations actuelles ?). La grisette nom donné aux filles "faciles" et un peu enfant. Bref tous ces portraits n'ont de légers que la forme. Une vérité de caractère s'exprime sous les scènes de "drague" comme on le dirait à présent. La femme succombe chaque fois sans vraiment être dupe du manège de l'homme, se fait prier et désirer et cède…sans plaisir ?
L'auteur est contemporain de Freud et d'après les informations il y eut une correspondance. Curiosité d'y aller voir ? Brève lecture d'un auteur à découvrir. Spectacles non vus c'est dommage. Signe d'une actualité toujours présente. Notre époque n'a plus guère de tabous et c'est tant mieux.
Edith (Mademoiselle Else)
Je commence Mademoiselle Else : plus de goût pour ce livre.
Terminé Mademoiselle Else que j'ouvre en grand. Moins daté que La ronde dans la description des personnages ; le portrait et les mouvements du psychisme de Else sont prodigieusement décrits. Ravissement de lecture.
Marie-Odile(La Ronde)
J'ouvre ¼ : je trouve que lorsqu'on connaît le sujet et la forme du texte, sa lecture n'apporte pas grand-chose. Les dialogues sont assez insignifiants et de l'avis même de l'auteur "sans grande portée littéraire".
Les scènes de "séduction" se succèdent de façon assez répétitive : l'un veut, l'autre pas, puis les pointillés du passage à l'acte, puis séparation.

Toujours l'hypocrisie, la clandestinité, le mensonge. Rien de valorisant ni pour les hommes ni pour les femmes.
J'ai remarqué quelques récurrences sans doute insignifiantes aussi :
- L'un croit voir dans l'autre quelqu'un d'autre, déjà rencontré.
- Les femmes ont souvent une obligation de retour vers la mère, le mari, la patronne, ce qui est peu fréquent chez les hommes (sauf soldat).
- Toujours la peur que la porte s'ouvre que quelqu'un vienne.
- Importance du lieu, intérieur ou extérieur. Des remarques fréquente sur l'ombre, la lumière.
- Peut-être intéressant : les passages du vouvoiement au tutoiement en fonction du moment plus que de la classe sociale, par exemple lorsque l'officier enlève son sabre. Parfois on passe du tutoiement au vouvoiement. Ces hésitations correspondent peut-être à ces relations irrégulières.

Les femmes ne sont pas bien considérées par les hommes. Le mari accuse la Grisette de dévoyer un homme marié ! Le poète dit "C'est si beau quand vous êtes bête". Il semblerait d'après la préface qu'elles évoluent cependant au cours de la pièce... Ma lecture n'a pas été assez attentive pour en juger.
Peut-être que tout cela n'a pas vraiment de sens et que ce qui en ressort c'est le dérisoire, l'absurde: "Je n'ai aucune idée du but de ma vie" dit une femme.
Cependant l'auteur semble avoir une idée du but de son œuvre qui "jettera sans doute un jour singulier sur certains aspects de notre civilisation." On peut y voir la critique d'un monde qui tourne en rond, sans perspectives, sans évolution véritable, quelque chose de fermé finalement, de bouclé. Cette critique de la bourgeoisie me semble quand même audacieuse pour l'époque en raison de la place faite à la sexualité.

Marie-Odile (Mademoiselle Else)
Je n'ai pas lu le texte. Mais j'ai beaucoup aimé l'interprétation de cette œuvre par Alice Dufour. Sa beauté, son jeu, l'expression de son visage, innocent, intrigué, perplexe, troublé, toujours subtil, m'a accrochée ainsi que les beaux costumes, les décors, et les choix musicaux. Seule la fin m'a semblé un peu longue.


           DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
Repères chronologiques

La Ronde au théâtre, au cinéma, à l'opéra

• Traduction et réception de Schnitzler en France

Livres de Schnitzer disponibles en français
Freud et Schnitzler

Repères chronologiques

- La vie (1862-1931) et l'œuvre de Schnitzler sont présentées par la traductrice de La Ronde, Anne Longuet Marx ›  ICI
Une autre présentation détaillée sur le site des éditions Sillage, à consulter › LÀ

- L'histoire de la pièce La Ronde (et de ses scandales) en Allemagne et Autriche, ainsi qu'en France, est également retracée par la traductrice de La Ronde, à lire › ICI.
Voici juste le tout début de l'histoire de la pièce :
› en 1896, Schnitzler entame la rédaction de La Ronde (Reigen)
› en 1900, il fait imprimer 200 exemplaires de La Ronde à compte d’auteur
› en 1903, La Ronde est publié à 40 000 exemplaires.

La publication de La Ronde à Vienne et à Leipzig fait scandale.
En 1904 : interdiction de La Ronde à Berlin.

Karl Zieger analyse en détail ce qui se passera ensuite à Vienne : "Reigen (La Ronde) d’Arthur Schnitzler : chronique d'un scandale… politique", intervention dans un colloque "Théâtre et scandale", 2018.

La Ronde au théâtre, au cinéma et à l'opéra

Au théâtre
- À Paris en 1922, une première représentation a lieu à la Galerie de la Licorne, probablement par une troupe d’amateurs, dans une mise en scène d’une traduction de Sidersky qui n’a pas été autorisée par Schnitzler, et ce peu après l'interdiction en 1921 de La Ronde interdite en Autriche pour trouble à l'ordre public.
- En 1932, mise en scène de Georges Pitoëff au Théâtre de l’Avenue, pour cent représentations, traduction de Rémon et Bauer revue par Suzanne Clauser. Ludmilla Pitoëff, épouse du metteur en scène, joue tous les personnages de femmes ; chacun des dix dialogues a sa musique précisée :

(tableau publié par Karl Zielger)

- Nous avons vu ensemble une adaptation contemporaine de la pièce, La (nouvelle) ronde par Johanny Bert et le Théâtre de Romette, Scène nationale de Malakoff.
- Certains ont pu voir en 2017 à la Comédie française la mise en scène d'Anne Kessler de la pièce que nous avons lue.
- Et les plus anciens d'entre nous auraient pu voir la mise en scène d'Alfredo Arias à l'Odéon en 1987.
- Aucun d'entre nous n'a (encore) vu la pièce de Werner Schwab, dramaturge autrichien, au titre intriguant : La Ravissante Ronde du ravissant Monsieur Arthur Schnitzler, L'Arche, 2000.

Au cinéma
Evoquons trois adaptations :
- Nous avons visionné La Ronde, film de Max Ophüls (1950), adapté de la pièce, avec Anton Walbrook (le meneur de jeu), Simone Signoret (Léocadie, une prostituée), Serge Reggiani (Franz, le soldat), Simone Simon (Marie, la femme de chambre), Daniel Gélin (Alfred, le jeune homme), Danielle Darrieux (Emma Breitkopf, la femme mariée), Fernand Gravey (Charles Breitkopf, le mari d'Emma), Odette Joyeux (Anna, la Grisette), Jean-Louis Barrault (Robert Kuhlenkampf, le poète), Isa Miranda (Charlotte, la comédienne), Gérard Philipe (le comte).

                  vod 2,99€

- Nous avons également visionné La Ronde, réalisé par Vadim en 1964, scénario de Jean Anouilh, avec Marie Dubois, Claude Giraud, Valérie Lagrange, Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Jane Fonda, Bernard Noël, Maurice Ronet, Jean Sorel, Catherine Spaak.

vod 2,99€

- Dans 360, réalisé en 2011 par Fernando Meirelles, réalisateur brésilien, il s'agit d'histoires d'amour entre différentes personnes dans divers pays où leurs destins se rejoignent à Vienne, Paris, Londres, dans le Colorado, à Berlin, avec notamment Anthony Hopkins.

A l'opéra
Le compositeur belge Philippe Boesmans a créé un opéra, Reigen, à partir de la pièce, sur un livret du metteur en scène suisse Luc Bondy, créé en 1993 à Bruxelles, jouée par la suite en France.

Traduction et réception de Schnitzler en France

Traducteurs

La première :
- œuvre narrative de Schnitzler traduite fut Mourir (Sterben) dès 1895, par Gaspard Vallette, puis par Alzir Hella (qui fut très proche de Zweig) et Olivier Bournac
- œuvre théâtrale sera La Compagne (Die Gefährtin) par Maurice Vaucaire, lui-même auteur dramatique : une pièce en un acte, créée à Vienne en 1899 et qui sera jouée quatre fois en 1902 au Théâtre Antoine.

Les traducteurs sont nombreux : Caroline Alexander, Wilhelm Bauer, Olivier Bournac, Henri Christophe, Robert Dumont, Philippe Forget, Pierre Gallissaires, Alzir Hella, Paule Hofer-Bury, Maurice Rémon, Gérard Rudent, Brigitte Vergne-Cain, Anne Longuet Marx...

Suzanne Clauser et Dominique Auclères méritent un traitement particulier : tout d'abord parce qu'elles ne font qu'une...
Suzanne Clauser, au moment où elle s'est présentee chez Schnitzler en 1928 (voir le récit de sa rencontre) pour lui demander le droit de traduire ses œuvres en français, n’avait aucune expérience et pour seule compét
ence le fait d’être parfaitement bilingue. C’est sans doute grâce aux relations professionnelles de son frère banquier qu’elle réussira à publier ses premières traductions de nouvelles de Schnitzler dans l’hebdomadaire à grand tirage Gringoire (huit nouvelles rien qu’en 1929 et 1930). Par la suite, elle accomplira un travail considérable pour la connaissance de l’œuvre de l’écrivain en France, même si on peut se demander dans quelle mesure ses traductions ont contribué à faire de Schnitzler un "écrivain français". Elle est aujourd’hui critiquée pour ses traductions "ciblistes" qui frôlent parfois l’adaptation, ce qui, à son époque, était fréquent (relate Karl Zieger dans "Passeurs et intermédiaires de Schnitzler en France : essai d’une typologie des agents du transfert", Germanica, n° 52, 2013). Elle fut vraiment très proche de Schnitzler et devint journaliste au Figaro.

Précisons au passage que les sourciers prennent le parti d’une traduction littérale, dans le plus total respect du texte source et original, parfois au détriment du sens dans la langue cible ; ils sont aussi définis comme étant littéralistes. Ils cherchent avant tout à coller au plus près au texte de base, sans adaptation qui pourrait aider à la compréhension. Les ciblistes, par opposition, cherchent à faire primer le sens du texte traduit, le texte cible, quitte à se démarquer légèrement d’une traduction littérale. Dans le cadre d’une traduction, les ciblistes privilégient la compréhension du texte produit plutôt que le respect à la lettre du texte source.
À l'époque de La Ronde, les traducteurs s'attachaient les services d'un native speaker qui leur fournissaient une première traduction "littérale" de l'œuvre étrangère, traduction qu'ils mettaient ensuite "en bon français". La traduction alors n'était pas une activité bien protégée, la "pure" traduction ne permettant pas d'accéder à un statut reconnu ; la conséquence en était que la compétence linguistique des traducteurs était considérée comme secondaire ; ce qui comptait, c'était "la mise en français" du texte étranger.

Enfin, la dernière traduction de La Ronde datant de 2016, a pour auteure une descendante de Karl Marx ! Anne Longuet Marx est l'arrière-arrière-petite-fille de Karl Marx. Elle est également fille d'un couple d'artistes Simone Boisecq et Karl-Jean Longuet. Dans sa préface, dédiée à son père, une note dès la première page signale la sculpture de son père, intitulée... La Ronde, de 1950. Elle est par ailleurs maîtresse de conférences à Paris 13 en littérature comparée.

Voyons la différence entre trois traductions de la première scène :

Reigen, Wiener Verlag, 1903
Die Dirne und der Soldat.
Spät abends. An der Augartenbrücke.

SOLDAT kommt pfeifend, will nach Hause.
DIRNE. Komm, mein schöner Engel.
SOLDAT wendet sich um und geht wieder weiter.
DIRNE. Willst du nicht mit mir kommen?
SOLDAT. Ah, ich bin der schöne Engel?
DIRNE. Freilich, wer denn? Geh, komm zu mir. Ich wohn gleich in der Näh.
SOLDAT. Ich hab keine Zeit. Ich muß in die Kasern!
DIRNE. In die Kasern kommst immer noch zurecht. Bei mir is besser.
La ronde, trad. Maurice Rémond, Wilhelm Bauer, révisée par Suzanne Clauser, Stock, 1931
Le soldat, la fille

LE SOLDAT, arrive en sifflant. Il rentre au quartier.
LA FILLE. Tu m'accompagnes, mon mignon ?
LE SOLDAT, se retourne et continue son chemin.
LA FILLE. Tu ne veux pas venir avec moi ?
LE SOLDAT. Ah ! C'est moi, le mignon ?
LA FILLE. Bien sûr que c'est toi !... Viens chez moi, dis, j'habite tout près.
LE SOLDAT. J'ai pas le temps. Il faut que je rentre au quartier.
LA FILLE. T'as bien le temps d'y être au quartier ! Il fait meilleur chez moi.

La Ronde, trad. Henri Christophe, Actes Sud, 1987
La prostituée et le soldat
Tard le soir. Au pont de l'Augarten.
Le soldat approche en sifflotant, va regagner ses quartiers.


LA PROSTITUÉE. Viens, mon bel ange. (Le soldat se retourne, puis passe son chemin.) Ça ne te dit pas ?
LE SOLDAT. Ah, c'est moi le bel ange ?
LA PROSTITUÉE. Qui veux-tu que ce soit ? Viens, j'habite tout près.
LE SOLDAT. Je n'ai pas le temps. Faut que je rentre à la caserne.
LA PROSTITUÉE. Tu y seras toujours assez tôt. Chez moi, c'est mieux.
La Ronde, trad. Anne Longuet Marx, Folio théâtre, 2016.
La fille et le soldat
Tard le soir. Au pont d'Augarten.


LE SOLDAT, passe en sifflant, veut rentrer chez lui.
LA FILLE. Viens, mon bel ange.
LE SOLDAT, se retourne et reprend son chemin.
LA FILLE. Tu veux pas venir avec moi ?
LE SOLDAT. Ah, c'est moi le bel ange alors ?
LA FILLE. Pour sûr, qui donc sinon ? Allez, viens chez moi. J'habite tout près d'ici.
LE SOLDAT. J'ai pas l'temps. Faut que j'rentre à la caserne !
LA FILLE T'y seras toujours assez tôt, à la caserne. Chez moi, c'est mieux.

La réception de Schnitzler en France
La diffusion de son œuvre en France a varié tout au long du XXe siècle. Karl Zieger montre dans un ouvrage (en ligne) que son image s’est fixée à des visions superficielles, voire erronées de son œuvre : il est considéré comme le représentant du mouvement littéraire et artistique "Jeune Vienne", caricaturé dans sa légèreté, ou encore comme un "maître de la petite forme", ou un illustrateur des théories de Freud : des lectures qui négligent la variété, l’universalité et la modernité de son œuvre.
Voir pour des détails, un très intéressant ouvrage en ligne : Arthur Schnitzler et la France 1894-1938 : enquête sur une réception Presses universitaires du Septentrion, 2012.

Plusieurs éléments ont rééquilibré cette image réductrice :
- une vague de (re)traductions, après la mort en 1981 de Suzanne Clauser alias Dominique Auclères, titulaire des droits exclusifs de la traduction de son œuvre de 1930 à 1981
-
le succès, en 1986, de l’exposition du Centre Pompidou "Vienne, 1880 - 1938, la naissance d'un siècle", qui suscite un enthousiasme nouveau pour cet auteur (titre du catalogue : Vienne 1880-1938 : l’apocalypse joyeuse)
- en 1999, le film Eyes Wide Shut de Kubrick, adaptation controversée de la Traumnovelle (voir Audrey Giboux, "De quelques lectures de Schnitzler dans la critique consacrée à Eyes Wide Shut", Germanica, n° 52, 2013)
- l’inscription de La Nouvelle rêvée au programme de littérature comparée "Fictions de l’intime" de l’agrégation de Lettres en 2001-2003... (mention spéciale pour Sabine).

Les livres de Schnitzler disponibles en français

Nouvelles et romans
Un texte célèbre a eu plusieurs traducteurs :
Mademoiselle Else, trad. Clara Katharina Pollaczek, Stock, 1926
Mademoiselle Else, trad. Dominique Auclères, Stock, 1980
 Mademoiselle Else, trad. Henri Christophe, préface Roland Jaccard, Livre de poche, 1993
Mademoiselle Else, trad. Jean-Jacques Pollet, Flammarion, 2011
Mademoiselle Else, Michèle Harmard, éd. bilingue, Portaparole, 2018
- Vienne au crépuscule, trad. Robert Dumont, Stock, 2000.
- Madame Béate et son fils, trad. Olivier Bournac et Alzir Hella, 1928 ; Madame Béate et son fils, Stock, 1985.
-
Thérèse, trad. Dominique Auclères, Albin Michel, 1936 ; Livre de poche, 1991.
- La Pénombre des âmes, trad. Dominique Auclères, Stock, 1929.
- Berthe Garlan, trad. Dominique Auclères, Stock, 1981.
- Mourir, trad.
Robert Dumont, Stock, 1986.
- L'étrangère, trad. Dominique Auclères, Stock, 1993 ; trad. Pierre Gallissaires, 10/18, 1988.

- Les Dernières Cartes, trad. Brice Germain, éd. Sillage, 2009.
- Le Lieutenant Gustel, trad. Dominique Auclères, Calmann-Lévy, 1983 ;
Le Sous-lieutenant Gustel, trad. Maël Renouard, éd. Sillage, 2009.
- Le Retour de Casanova, trad. Maurice Rémon, Attinger, Suisse, 1930 ; 10/18, 1987 ; Les Belles Lettres, 2013.

- Gloire tardive
, trad. Bernard Kreiss, Albin Michel, 2016 ; Livre poche, 2017.
- Traumnovelle est une nouvelle que l'on retrouve sous plusieurs formes et titres :
› elle a inspiré Kubrick pour le film Eyes Wide Shut : Eyes wide shut
Rien qu'un rêve, trad. Dominique Auclères, Pocket, 1999 : la nouvelle est suivie du scénario de Stanley Kubrick et Frédéric Raphaël
La Nouvelle rêvée, trad. Philippe Forget, Livre de poche, 2002
adaptée en roman graphique : Nouvelle de rêve, adaptation par Jakob Hinrichs, trad. Jörg Stickan, suivie du texte intégral de la nouvelle, trad. Pierre Deshusses, éd. Le Nouvel Attila, 2014.
Double rêve, trad. de Pierre Deshusses, Rivages, 2010.

Et aussi :
-
Romans et nouvelles : tome 1 (1885-1908), trad. de Maurice Rémon, Wilhelm Bauer, Suzanne Clauser, Dominique Auclères, Robert Dumont, Philippe Forget et Pierre Gallissaires, Le Livre de Poche, 1994
- Romans et nouvelles : tome 2 (1909-1931), trad. de Dominique Auclères, Henri Christophe, Philippe Forget, Pierre Gallissaires, Alzir Hella, Olivier Bournac, Paule Hofer-Bury, Maurice Rémon, Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent, Le Livre de Poche, 1996.

Pièces
- Anatole, suivi de La Compagne, trad. de Maurice Rémon et Maurice Vaucaire, Stock, 1913 (autres traductions : Dominique Auclères, in Le Théâtre d’Arthur Schnitzler, Le Livre de poche, 1975 ; Henri Christophe, Actes Sud, 1989).
- L’Appel de la vie, trad. de Frédéric Lohest, Actes Sud, 1999.
- Au perroquet vert, trad. de Marie-Louise Audiberti et Henri Christophe, Papiers, 1986.
- Le Chemin solitaire, trad. de Michel Butel, Actes Sud, 1989.
- Comédie des mots [contient L’Heure des vérités, La Grande Scène, La Fête de Bacchus], trad. de Gabriel Brennen et Henri Christophe, Actes Sud, 1989.
- La comédie des séductions, trad. de Henri Christophe, Actes Sud, 1995.
- Heures vives [contient Heures vives, La Femme au poignard, Les Derniers Masques, Littérature], trad. de Henri Christophe, Actes Sud, 1990.
- Interlude, trad. de Caroline Alexander et Henri Christophe, Actes Sud, 1991.
- Le Jeu de l’amour et du vent, trad. de Henri Christophe, Actes Sud, 2005.
- Le Jeune Médard, trad. de Michel Trémousa, Actes Sud, 1996.
- Les Journalistes, trad. de Caroline Alexander, Actes Sud, 1991.
- Liebelei, trad. de Suzanne Clauser, La Petite Illustration, n° 648, 1933 (nouvelle traduction de Jean-Louis Besson, Actes Sud, 1989).
- Marionnettes [contient Le Marionnettiste, Cassian le Téméraire, Au Grand Guignol], trad. de Henri Christophe, Actes Sud, 1992.
- Professeur Bernhardi, trad. de Henri Christophe, Actes Sud, 1994.
- Terre étrangère, trad. de Michel Butel et Luc Bondy, Nanterre, Éditions Nanterre-Amandiers, 1984.

Quatre traductions sont disponibles actuellement de La Ronde :
- La Ronde, trad. Maurice Rémond, Wilhelm Bauer, révisée par Suzanne Clauser, Stock, 2002, rééditon de
la traduction de 1912
- La Ronde, trad. Henri Christophe, Actes Sud, 1987
-
La Ronde, trad. Élise Arpentinier, l'œil du prince, 2010
- La Ronde, trad. et préface Anne Longuet Marx, Folio théâtre, 2016.

Aphorismes
- Relations et solitudes, trad. de Pierre Deshusses, Rivages, 1988.
- La Transparence impossible, trad. de Pierre Deshusses, Rivages, 1990.

Autobiographie
- Une jeunesse viennoise, , trad. de Nicole et Henri Roche, Hachette, 1987, rééd. Livre de poche
- Journal (1923-1926), trad. Philippe Ivernel, Rivages, 2009

Correspondance
- Lettres aux amis 1886-1901, trad. de Jean-Yves Masson, Rivages, 1991.
-Arthur Schnitzler, Stefan Zweig, Correspondance, trad. de Gisella Hauer et Didier Plassard, Rivages, 1991.
- Freud, Correspondance
.

Freud et Schnitzler

Ils copinent à distance
rthur Schnitzler est lui aussi de formation médicale, oto-rhino-laryngologiste comme son père, qui fut célèbre par son invention du laryngoscope et sa clientèle d'actrices et de chanteuses d'opéra .
Freud et Schnitzler, bien qu'habitant tous deux Vienne, ne se sont rencontrés que tardivement, mais ils ont lus leurs publications respectives et se sont écrits.
On connaît deux lettres écrites par Freud à Schnitzler :
- l'une de mai 1906 répond aux vœux que lui a adressés Schnitzler pour son cinquantième anniversaire : Freud exprime son admiration et son étonnement pour "la conformité profonde de [nos] conceptions" dans les problèmes psychologiques et érotiques
- dans l'autre lettre du 14 mai 1922, Freud s'adresse à Schnitzler pour son soixantième anniversaire : il avoue avoir évité de converser avec lui "par une sorte de crainte de rencontrer [mon] double"
Après cette lettre, la réponse de remerciements de Schnitzler sera suivie d'une invitation à dîner, le 16 juin 1922, dans la famille Freud. L'année précédente, Anna Freud avait été durant quelques mois la préceptrice de sa fille, Lili Schnitzler.

Passage à l'acte...
Lors de cette première rencontre, la conversation porte sur leurs expériences communes à l'hôpital et pendant le service militaire. Freud lui montre sa bibliothèque, avec ses propres livres et leurs traductions, ainsi que les essais de ses étudiants, les différents objets de sa collection d'antiquités, puis lui offre une belle édition de ses dernières conférences. En fin de soirée, il raccompagne l'écrivain chez lui, ce qui représente une bonne marche depuis la Berggasse jusqu'à l'adresse plus excentrée de Schnitzler : "Notre entretien devient plus amical et plus personnel ; sur l'âge et la vieillesse", ajoute Schnitzler dans son Journal, en précisant qu'ils évoquent ensemble une pièce d'Ibsen, Solness le constructeur.
Ils se retrouvent en août au Salzberg où les Freud passent leurs vacances. Bien que Freud soit un mycologue averti, Schnitzler refuse de goûter aux champignons cueillis, racontant avec humour dans une lettre à son fils Heini à Berlin qu'il n'a pas voulu contribuer à une anecdote littéraro-historique en s'empoisonnant dans la cuisine des Freud !
Leur rencontre suivante aura lieu à Vienne en décembre 1923 : Freud vient de subir une intervention chirurgicale sur la mâchoire et son chirurgien n'est autre que le beau-frère de Schnitzler, Marcus Hajek. Ils se revoient à d'autres reprises, et notamment en 1926 au sanatorium, où Schnitzler rend deux visites à Freud convalescent, se disant impressionné par ses souffrances.
Bien qu'il soit plus jeune de six ans, Schnitzler est mort avant Freud, en 1931.

(D'après l'article "Freud et Schnitzler" où Josiane Rolland évoque leur correspondance et leurs rencontres, Libres cahiers pour la psychanalyse, n° 25, 2012)


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