Une maison de poupée
, trad. et postface d'Eloi Recoing Babel, 2016, 160 p.

Quatrième de couverture : Nora est mariée à Torvald Helmer, avocat sur le point d'être nommé directeur de banque. Au fil des années, elle est devenue dépendante de son époux, esclave de sa condition de femme. Nora possède cependant un grand secret, avec lequel elle estime tenir son époux. Alors qu'elle a tout misé sur le compromis, elle ne supporte plus la mascarade de sa vie conjugale.
Aucune œuvre dramatique n'eut dans le monde autant d'impact sur le mouvement d'émancipation féminine qu'Une maison de poupée, pièce qui n'a rien perdu de son pouvoir de subversion.
La traduction d'Éloi Recoing, au plus près de l'original, tente de ressaisir ce que fut l'apport rythmique d'Ibsen au théâtre : une écriture laconique, économe et précise, agencée comme un théorème.

L'essentiel de l'œuvre théâtrale d'Henrik Ibsen (1828-1906), l'un des plus grands écrivains norvégiens, est disponible chez Actes Sud-Papiers.

Une maison de poupée
, trad. Eloi Recoing, Actes Sud-Papiers, 2009

Quatrième de couverture
 :Je ne peux plus me contenter de ce que les gens disent ni de ce qu’il y a dans les livres. Je dois penser par moi-même et tâcher d’y voir clair”, dit Nora, avant de prendre la porte. Celle qui semblait avoir tout misé sur le compromis tourne le dos à la mascarade de sa vie conjugale. Pour mieux renaître à elle-même, peut-être. Cette porte qui claque à la fin du drame fit scandale à l’époque et continue, aujourd’hui encore, de résonner à nos consciences.
Cette nouvelle traduction, au plus près de l’original, tente de ressaisir ce que fut l’apport rythmique d’Ibsen au théâtre : une écriture laconique, économe et précise, agencée comme un théorème.

Henrik Ibsen est né en 1828 en Norvège où il est mort en 1906. Poème dramatique écrit lors de son exil en Italie, Brand (1866) annonce Peer Gynt (1867), oeuvre éminemment philosophique. Sensibilisé aux idées féministes, Ibsen écrit, en 1879, Une maison de poupée, qui bouleverse l’Europe. Avec ces pièces et les suivantes, Ibsen contribue à donner à l’art dramatique une puissance nouvelle en dotant le drame bourgeois d’une gravité éthique et d’une profondeur psychologique.


Une maison de poupée
, trad., préface et dossier, Régis Boyer, Folio théâtre, 304 p. Feuilleter ›ici

Quatrième de couverture : En Norvège, dans "une maison confortable et de bon goût", une famille se prépare à fêter Noël. Mais le douillet et rassurant cocon se fissure quand le secret de Nora, la jeune et joyeuse épouse, menace soudain d'être dévoilé à son mari. Dès lors, toute allégresse recule, et les enfants aux joues rouges s'effacent devant des personnages qui surgissent tour à tour – amie de jeunesse, médecin, créancier –, semant le doute et l'inquiétude. En ébranlant ainsi la certitude lisse de son héroïne qui pensait avoir toujours agi comme elle le devait, Ibsen crée l'une des grandes figures du théâtre nordique, dont on continue d'interroger la volte-face et la destinée.


Une maison de poupée, traduction et présentation Régis Boyer, dossier de
Florence Fix, 304 p. Feuilleter ›ici. Traduction d'abord publiée en 1988, éd. du Porte-Glaive

Quatrième de couverture
 : Une maison de poupée met en scène la révolte d’une femme qui prend soudain conscience d’avoir été toute sa vie soumise aux hommes de son entourage. Avec cette pièce créée en 1879, Henrik Ibsen fit un coup d’éclat : d’emblée, elle provoqua âpres discussions et éreintements, éloges dithyrambiques et exaltations en tous genres ; aujourd’hui encore, de toutes les œuvres du dramaturge, c’est celle qui est la plus traduite et la plus jouée. Critique acerbe des rapports de domination au cœur du mariage bourgeois, anticipant les questions du féminisme moderne, Une maison de poupée est aussi une splendide méditation sur le droit de chacun à choisir librement son destin.
Dossier :
1. Une pièce féministe ?
2. Dépendance, soumission et servitude
3. Une difficile libération
4. Une pièce ouverte
5. À propos des mises en scène.


La maison de poupée
, introduction et traduction Marc Auchet, Livre de poche

Quatrième de couverture : Dans cette maison où la femme est et n'est qu'une poupée, les hommes sont des pantins, veules et pleutres. Sans doute Nora incarne-t-elle une sorte de moment auroral du féminisme, alors qu'être, c'est sortir, partir. Et Ibsen, grâce à ce chef-d'oeuvre, accède au panthéon de la littérature mondiale. Mais si sa poupée se met, sinon à vivre, du moins à le vouloir, au point de bousculer au passage l'alibi de l'instinct maternel, c'est qu'autour d'elle les hommes se meurent. Ibsen exalte moins Nora qu'il n'accable le mari, l'avocat Helmer, ou Krogstad par qui le chantage arrive.

Maison de poupée, trad. Terje Sinding, publiée dans le tome 1 : Les douze dernières pièces, Tome 1, Imprimerie nationale, 1991


Maison de poupée suivi de Les revenants, préface de Jean Cocteau, Livre de poche, 1964, d'abord publié par la Librairie académique Perrin, 1961 :


1934 : Maison de poupée dans le tome 11 des 16 volumes des œuvres complètes traduites et publiées à la Librairie Plon entre 1930 et 1945 par Pierre Georget La Chesnais.

Henrik Ibsen (1828-1906)
Une maison de poupée (publiée et créée en Norvège en 1879, première traduction française en 1889, créée au théâtre à Paris en 1894)

Nous avons lu ce livre pour le 23 juin 2022 en Bretagne et 24 juin à Paris.

Nos 23 cotes d'amour
bretonnes et parisiennes
Annick AAnnick L •Brigitte TCatherine •Cindy •Édith EtienneGenevièveJacquelineMarie-Thé •Sylvie Renée
Brigitte L Claire •Claude •Fanny Maëva  Monique LSéverine •Yolaine
 
ChantalLaura •Marie-Odile

C'est la première fois que nous lisons une pièce de théâtre
depuis 36 ans que le groupe existe...

Doc AUTOUR DE LA PIÈCE (voir en bas de page)
La maison de poupée au théâtre, en cinéma, en bd, et sa suite...
La maison de poupée : publication et traductions
Les premières représentations
Ibsen et Nora
La maison de poupée et le mouvement de libération des femmes
La maison de poupée, reconnaissance universelle

RÉACTIONS DU GROUPE BRETON
réuni le 23 juin
, d'abord présentés sommairement par Claire

Aucune d’entre nous ne lit spontanément du théâtre. Ah si, Sylvie se livre à ce type de lecture. Pour Claude, ancienne du groupe qui a fait un heureux come-back, est-ce vraiment un livre ? C’est du théâtre, fugitif, qui se perd, alors que le texte est là, on peut y revenir. Yolaine a écouté (et regardé) la pièce (une captation sur YouTube) - l’écoute d’un texte étant pour elle de plus en plus d’ailleurs une modalité de lecture. Marie-Odile a visionné une mise en scène aussi, avant de lire la pièce. Claire a évoqué pièce vue à Paris, film de Losey et pièce d’Elfriede Jelinek, la suite, une fois Nora partie...
Le plaisir d’avoir lu la pièce, avec facilité, a dominé parmi les réactions, plaisir même de À à Z pour Marie-Thé, avec, unanime, l’étonnement ressenti à ce qu’un homme en 1879 ait pu écrire cette fin à la pièce, cet envol de Nora suite à un retournement de situation sidérant. Les situations ont clairement semblé d’actualité. Alors qu’on est loin de l’époque d’Ibsen où les femmes étaient mineures (interdites d’emprunt seules par exemple), quel livre moderne finalement ! Le désir de devenir soi-même et d’être reconnu comme tel dépasse d’ailleurs les relations homme-femme.
Brigitte a souligné le choix du titre ; une et non la maison de poupée montre l’élargissement possible : une maison de poupée parmi d’autres...
Les propos et échanges ont plutôt concerné l’interprétation des comportements des personnages et la façon dont le lecteur découvre leur complexité.
Les différences de réactions concernent principalement Nora : elle agace ou elle fait sourire (l’alouette apparemment écervelée). Son retournement passe très bien ou pour d’autres est à la limite de la vraisemblance. Nora part pour de bon ? Qui nous dit rien qu’elle ne va pas revenir ?...
Autre exemple de différence : le plaisir des unes a été réduit par l’univers oppressant, cruel, avec ces personnages enfermés dans des mensonges, alors qu’Edith pensait à certains moments à Feydeau...
Toutes s’accordent à propos d’un entremêlement, une progression de l’action, bien menés.
Avant d’attaquer la pièce, nous fîmes bombance dans le jardin d’Edith à Pontivy, avec la chatte Momoche étalée aux pieds et à la cuisine bien sûr... François.

Les cotes d'amour de la séance bretonne
suivies de quelques individuels
Brigitte T •Cindy •ÉdithMarie-Thé •Sylvie
Claire  •Claude •Yolaine
 •Chantal •Marie-Odile

Brigitte T  
C'est avec plaisir que j'ai lu Une maison de poupée de l'auteur norvégien Ibsen, courte pièce de théâtre - genre littéraire que je lis trop peu dirais-je aujourd'hui. Le fil conducteur pour moi a été de chercher à comprendre le titre. Nous sommes fin du XIXe siècle dans un pays protestant. Nous sommes dans un milieu bourgeois et a priori conformiste. Donc, encore bien loin des mouvements féministes et des mouvements de libération des femmes.
Dans la période de Noël, fête de famille, Nora, femme fragile (?), poupée de son mari, de son père, de son ami le docteur, de ses enfants ; femme qui danse, chante, s'amuse, se déguise. Nora pourrait paraître superficielle. Mais Nora retrouve une amie d'enfance, croise à nouveau la route d'un homme qui connaît son secret. Alors elle montre une autre face de sa personnalité et s'émancipe, elle travaille (sans tout dire à son mari ce qui est contraire à la morale) et assume son acte "caché" à son mari pour le sauver quelques années auparavant. Nora, se révèle féministe et fait le choix irrévocable de quitter son mari qui ne veut pas la voir telle qu'elle est, écouter ses opinions et lui donner une place égalitaire dans leur couple. Elle dit "il y a ceux que l'on aime et ceux avec qui l'on se plaît". Et elle veut plus uniquement se plaire avec son mari. Elle décide de rompre, de rendre la liberté à son mari et à elle-même. Ainsi, elle part laissant tout après elle. Elle veut un miracle : "que notre vie commune devienne un vrai mariage". Alors je ferme le livre et je me dis… mais qu'est devenue Nora ?
À noter que j'ai lu cette pièce dans la collection Folio théâtre, traduite par Régis Royer linguiste spécialiste français des civilisations d'Europe du Nord. Après ma lecture, j'ai repris sa préface très riche qui permet d'appréhender qui est Ibsen et dans quel contexte socio-culturel il vivait lorsqu'il a écrit cette pièce fin du XIXe.
Marie-Thé
J'ai adoré ce livre, des premières pages au coup de théâtre final, atmosphère, personnages, intrigue... J'ai aimé découvrir et suivre cette famille bourgeoise norvégienne de la seconde moitié du XlXe siècle, très surprise car l'action pourrait se dérouler aujourd'hui !
Je remarque que lorsque le rideau se lève, lorsque les façades se fissurent, les personnages montrent qui ils sont réellement. J'ai beaucoup à Bergman, dans Laterna magica par exemple : toujours paraître exemplaires face au monde extérieur, mais l'envers du décor, la vie en famille, etc. était tout autre.
Si au début Nora m'a beaucoup agacée (j'ai même eu un moment l'impression que j'allais retrouver Lizzy, le personnage féminin de L'histoire de ma femme), et si ma sympathie allait plutôt à Torvald, j'ai vite changé d'avis. Avec Helmer, alias Torvald, cynique, monstrueux, égoïste, etc., le "miracle suprême " n'est pas prêt de se produire. D'ailleurs, il n'existe de miracles qu'en religion...
J'ai particulièrement aimé le basculement des situations : ceux qui avaient tout n'ont plus rien et inversement.
Je note l'importance, à mes yeux, du besoin de reconnaissance : Nora "fière" d'avoir tout fait pour sauver Torvald qu'elle aimait tant, et qui face à son mari ou à Madame Linde a pu se sentir rabaissée : pas de situation... Besoin de reconnaissance aussi de Krogstad dans une société qui l'a jugé et condamné.
Évidemment les réflexions misogynes sont nombreuses.
Je note encore cette idée d'expiation, chez le docteur Rank par exemple, lorsqu'il voit dans ses souffrances une expiation des excès du père : "Et tout ça pour expier la faute d'un autre."
Enfin, à Torvald disant "Le temps de la récréation est passé, voici maintenant le temps de l'éducation." Nora répondra : "Il faut que je veille à m'éduquer moi-même." Après beaucoup de suspense, le rideau tombe !
Édith
En fait j'ai découvert ce texte et je ne pense pas avoir déjà vu une pièce d'Ibsen.
Lecture très agréable, facile et rapide, avec les trois actes "avalés" car un suspense s'installe malgré tout et j'ai été curieuse d'en savoir la fin. La mignonne et naïve Nora toute dévouée à son mari, toute enfantine pour le bonheur de celui-ci, m'a fait sourire tout au long des dialogues : par ses dialogues mièvres dans le premier acte, d'abord mutine et "écervelée", puis affolée jusqu'au désir de disparaître, puis révoltée et déterminée dans son choix. Je ne parle pas des minauderies de Helmer son époux ! Un peu à la Feydeau…
J'ai lu l'introduction (éd. Le Livre de poche), une fois l'intrigue découverte, avec beaucoup d'intérêt, traversée par des sentiments proches des bacheliers face à leurs fiches de lecture. Mais de fait, cette documentation, qui précise différents aspects de l'œuvre, atténue largement l'écriture d'un propos personnel… je ne pourrais pas en dire mieux. Je vais donc me contenter d'écrire ces propos : j'aime les pays du nord de l'Europe et j'ai eu le plaisir de les visiter. J'aime les ambiances du siècle passé (le XIXe) ; Ibsen comme Kierkegaard, Bergman et bien d'autres m'évoquent de suite paysages, ambiances froides et lumineuses suivant les saisons, rigueur, mélancolie, folklore et analyse métaphysique. J'ai adoré le film.
Pour la pièce de d'Ibsen, Maison de Poupée, ce fut le cas : j'y ai retrouvé et apprécié l'ambiance festive (de Noël), la bigoterie, la moralité, la désuétude des modes de relation homme et femme, le rapport à l'argent, etc., d'autant que je lisais en même temps Les Buddenbrook, avec des similitudes dans l'approche des personnages féminins, l'argent, les rôles sociaux hommes-femmes, les enfants, la politique… Ce dix-neuvième siècle et ses femmes "enjuponnées", dévergondées parfois, mais le plus souvent dominées par l'ombre tutélaire de l'homme me réjouissent par leurs luttes - j'ai beaucoup lu sur le sujet.
Nora, le personnage de La maison de poupée, rompt le douillet nid de sa maison de poupée, rompt les codes, s'émancipe. Un nouveau langage s'est installé. Tout ne serait que langage mots pour le dire ? L'action suivant les mots engage.
J'ouvre en grand pour la découverte, le plaisir du texte, et j'en ai parlé autour de moi : signe du plaisir.
Chantal(empêchée de participer car le bateau quittant l'île de Groix où elle demeure était bloqué, a transmis son avis après la réunion)
Décontenancée pour commenter, évaluer, une pièce de théâtre conçue pour être VUE ! De plus, mon livre et sa traduction d'un Monsieur Prozor, datent de 1959 avec une préface de 1889 ! Première lecture difficile donc. Tout me paraissait obsolète, daté. Je mettais en cause la traduction, trop caricaturale, je voulais comparer avec vos éditions à vous.
Et, à la deuxième lecture, je me dis : tout ça est-il si dépassé en 2022 ? Pas si sûr. La société, la nôtre, veut toujours assigner une place, un rôle, aux femmes. Et l'affranchissement individuel si cher à Ibsen sont aussi difficiles de mon point de vue.
L'invraisemblance vient du fait de faire tenir sur deux jours le revirement de situation, la prise de conscience et la résolution inébranlable de Nora. Mais ça c'est la loi du théâtre ! Et du coup, toutes ces allées et venues continuelles dans un lieu restreint m'ont paru pénibles.
De même, le personnage du Dr Rank... était-il indispensable ? Peut-être, pour lui montrer qu'un autre amour serait possible hors de sa cage dorée. Peut-être l'évocation de sa mort prochaine (à Rank) vient-elle appuyer sur une vérité : la vie est brève ma belle !
Mais, ce qui est indéniable c'est le talent d'Ibsen pour nous faire sentir, 140 ans après, la condition des femmes de cette époque. Femmes pauvres contraintes de placer leurs enfants pour travailler, femmes riches formatées, bonnes épouses, bonnes mères, coquettes et frivoles et aguicheuses à l'occasion (pour leur mari exclusivement). Parfaitement exprimé par Nora : poupée-enfant pour son père, devenant poupée-femme pour son mari, et faisant elle-même trois poupées !
Tout cela et la façon de les traiter... alouette qui gazouille, écureuil qui remue, petit étourneau qui dépense tant d'argent... Pouah !
Le rôle de Mme Linde : montrer à Nora qu'on peut être seule, veuve, sans regret ? Qu'il faut cesser de croire aux balivernes religieuses sur les mères qui transmettent leurs défauts à leurs enfants ?
J'ai aimé le dernier acte, confrontation finale entre les deux époux, terrible. Le calme de Nora, l'incompréhension totale et incurable du mari.
Cette pièce, dans le public scandinave, a suscité des satires et des polémiques violentes. Le traducteur dit que sur certaines cartes d'invitation il était noté "on est prié de ne pas s'entretenir de Maison de poupée" !! Et en Allemagne pour pouvoir être joué, Ibsen dut changer la fin de la pièce, Nora revenant sur sa décision de quitter le foyer !
Voilà. Je l'ouvre ½.

Les 14 cotes d'amour parisiennes
de la soirée du lendemain 24 juin
Annick AAnnick LCatherine  
Etienne
Geneviève JacquelineRenée
Brigitte ClaireFanny Maëva 
Monique L
Séverine

 
Laura
DEUX AUTRES "LECTURES" du texte avant les échanges :
- Nous sommes allés au théâtre voir Une maison de poupée, mise en scène et adaptation de Philippe Person, à la Manufacture des Abbesses ; cette adaptation supprime des personnages (enfants, docteur, bonne) : dossier de presse ›ici.
- Nous
avons regardé le film Une maison de poupée de Joseph Losey (1972), avec Jane Fonda et Delphine Seyrig, adapté, comme la pièce vue, du texte d'Ibsen.

Annick L(avis transmis)
Je suis un peu débordée en ce moment mais je voulais quand même partager avec vous ma réception de ce texte remarquable. Remarquable car je reste sidérée par le fait qu'un auteur, vivant dans cette société bourgeoise, conformiste et patriarcale de la fin 19e, ait pu publier en 1879 cette œuvre si dérangeante par le regard porté sur le statut mineur réservé aux femmes. Je m'interroge aussi sur la capacité d'Ibsen à se mettre dans la peau de celles-ci, du moins celles qui ne supportaient plus cette forme d'oppression (une amie, une compagne ?). La dramaturgie elle-même est construite avec une rigueur formidable, avec une montée progressive de l'angoisse de la "pauvre" Nora, jusqu'au retournement dramatique, inattendu de sa part, elle qui semblait si à l'aise dans ce modèle stéréotypé de la femme enfant.
J'avais déjà vu au moins deux fois des mises en scène de cette pièce mais la confrontation au texte d'Ibsen a été une révélation. Et le travail de la troupe dont nous sommes allés voir le spectacle m'a paru rétrospectivement très fidèle.
Merci pour cette belle expérience de confrontation d'un texte de théâtre avec l'une de ses interprétations.
Maëva(avis transmis)
J’ai sillonné cette lecture (traduction d'Éloi Recoing, éd. Babel) avec envie, désireuse de comprendre où se cachait l'empreinte féministe annoncée dans la pièce. Je cherchais au fil des pages où se trouvait l’indépendance et l’égalité quand Nora s’époumone à défendre son mari, à le placer sur un piédestal et à ne parler que de lui : "penser que nous - que Torvald a une telle influence", p. 37. D’autant plus que les hommes ne se privent pas pour sortir des phrases crispantes qui renforcent un sentiment de gêne : "c’est devenu intenable ici à moins d’être une mère" p. 41, "il ne supporte pas la vue d’un dé à coudre" p. 69 ou "Vouloir, vouloir ? Ne suis-je pas ton mari ?" p. 114.
Tantôt fichée dans son rôle d’épouse, puis de mère, puis d’objet de désir exhibé aux yeux de tous, Nora montre un petit côté exaspérant à pépier des niaiseries. Elle n'existe qu'à travers les autres dans un quotidien qui valorise l'apparence. C’est pour cette raison que le retournement de situation se montre aussi salvateur. Quand Nora déclame : "nous soldons les comptes Torvald" p 128, je ne peux pas m’empêcher de penser : enfin !
Nora quitte alors sa position de personnage passif pour déserter un homme égoïste et la sécurité financière qu’il assure. Cette réaction est d’autant plus surprenante qu’on croit au suicide évoqué en filigrane dès l’acte II, même si cette voie paraît, aujourd’hui, extrême pour réparer la seule faute d’avoir emprunté de l’argent dans le dos de son mari... Néanmoins, je croyais vraiment que Nora allait se suicider et obtenir ainsi le statut de martyre, se sacrifiant ainsi jusqu’au bout pour l’être aimé, bien que la relation manque d’amour en tout point. Le fait qu’elle délaisse cette voie de dévouement pour arpenter une route controversée pour l'époque termine agréablement la pièce et donne un autre regard sur ce personnage.
Au niveau de la construction, certains passages m’ont paru un peu trop explicatifs, comme si on me tenait par la main pour que je comprenne bien que Nora, associée à un animal, était donnée en spectacle. Le passage sur la maison de poupée en fin de livre m’a également paru un peu lourd, puisque j’estime que cette image est assez claire pour qu’il n’y ait pas besoin de la souligner à outrance dans le texte, j’aurais aimé davantage de subtilité. Néanmoins, hormis ces passages un peu répétitifs, j’ai grandement apprécié la lecture et je suis restée accrochée à l’intrigue. Je regrette seulement de ne pas avoir pu découvrir cette pièce au théâtre ! Peut-être une autre fois.
J’ouvre aux ¾.
Séverine(avis transmis)
Tout d'abord, j'ai été contente de lire du théâtre car je le fais rarement. Je dois dire que je suis rentrée assez bien dans le livre avec l'envie de savoir où on allait aller avec ce couple que j'ai trouvé horriblement horripilant. Lui, à donner des noms d'oiseaux stupides à sa femme qu'il traite comme une enfant sans cervelle, et elle, sorte d'Emma Bovary dépensière (et la comparaison s'arrête là car elle n'a pas d'amant et semble au début aimer son mari…) et surtout exaspérante d'égoïsme. Mais en fait, tous les personnages sont égoïstes. Chacun ne pense qu'à lui, à ses intérêts : elle, suffisante qui étale son bonheur d'épouse et de mère comblée et ne veut que préserver sa petite vie bourgeoise avec une haute idée sur le mariage, lui, qui ne pense qu'à son poste à et à son statut social, leur ami médecin, malade imaginaire (?) qui squatte chez eux, Mme Linde qui vient voir Nora pour avoir du boulot (même si elle apparaît comme une sainte…), Korgstad, usurier pointilleux sur un contrat à être un tantinet sadique… Bref, je les ai trouvés tous plutôt gratinés… Je ne sais pas ce qu'Ibsen a voulu faire, mais si c'est dénoncer toutes ces attitudes petitement humaines… (car fait-on mieux ? pas sûr…), c'est réussi. Un bémol, j'ai du mal à croire au revirement rapide de Nora, mais cela est peut-être dû au format court de la pièce de théâtre. En cela, je n'adhère pas trop à cette note féministe, car je pense que c'est ce qu'Ibsen a voulu faire : le portrait d'une femme qui se révolte contre sa condition de "poupée", qui comprend que son mari ne l'aime pas au point d'accepter qu'elle ait contracté des dettes… même pour lui permettre de se la couler douce en Italie ! En tout cas, on peut dire que pour l'époque, mais aussi encore aujourd'hui, le fait qu'une femme renonce à ses enfants est assez osé. Rien que pour ça, j'ouvre aux trois quarts.

Catherine
(avis transmis)
Je ne pourrai pas être parmi vous ce soir pour la dernière séance du groupe lecture avant l'été.
Donc voici un avis rapide:
J'ai successivement lu puis vu la pièce, et vu le film mercredi. C'était très intéressant car ça m'a donné trois visions différentes. La mise en scène que nous avons vue avait supprimé certains personnages (le docteur Rank, les enfants) alors que le film, outre les images, rajoute des scènes qui ne figurent pas dans la pièce. Leur vision des personnages est de plus assez différente.
Si j'en reviens au livre, j'ai beaucoup aimé cette pièce que je n'avais jamais lue auparavant, j'ai aimé les personnages féminins surtout, la modernité de cette pièce, l'évolution du personnage de Nora. Le côté très écervelé qu'elle a au début (qui est d'ailleurs favorisé par son entourage, son mari avant tout qui aime ce rôle de femme-enfant charmeuse et immature) et la force qu'elle acquiert au fur et à mesure du déroulement. Il y a une peinture de la société de l'époque, du poids des conventions sociales, du rôle de la femme (le personnage du mari, et toutes ses sentences sur les femmes, au secours) très intéressante. La condition des femmes pauvres est aussi esquissée avec Hélène, obligée d'abandonner son enfant car illégitime, pour travailler et survivre. Le personnage de Christine est assez fouillé aussi, à l'opposé de celui de Nora, tout au moins au début.
Il y a des accessoires rigolos tout au long de la pièce, les macarons, la lettre qui tombe dans la boîte à lettres, et que Nora ne peut pas attraper, le costume avec le tambourin.
J'ai aimé la chute brutale et le fait que la pièce s'arrête là mais si on admire Nora pour son audace (surtout pour l'époque!), je trouve que c'est tellement brutal qu'on a un peu de mal à y croire (on en a parlé mercredi d'ailleurs). Dans le film, le personnage, joué par Jane Fonda, a d'emblée un peu d'épaisseur et rend ce dénouement plus crédible. C'est intéressant de voir la prise de conscience de Nora du gouffre qui la sépare de son mari. Elle a commis un acte répréhensible devant la loi mais dont elle est fière, pour sauver son mari, qui lui a demandé des sacrifices et son mari le lui reproche au nom de conventions sociales et de considérations morales rigides. Et donc elle le quitte et part seule sans ses enfants. L'affirmation qu'elle est un être autonome, qu'elle a des devoirs envers elle-même, de se connaître, de s'éduquer, est d'une incroyable modernité pour l'époque. C'est pour cela qu'elle renonce à ses enfants. Elle ne se sent pas capable de les élever réellement. Elle le dit très bien, ils sont ses poupées comme elle a été la poupée de son père puis de son mari. Elle veut être elle-même.
Il y a beaucoup d'autres choses à dire mais je n'ai pas beaucoup de temps et vous le ferez mieux que moi. J'ouvre en grand.
Etienne (en direct comme les suivants)
Je ne connaissais pas du tout et étais content de lire du théâtre. J'ai vu la pièce avec le groupe sans avoir lu le texte : je l'ai aimée, ses ressorts, les thèmes abordés, l'ai trouvée originale. Sur la brutalité du revirement, je rejoins ce qui a été dit : c'est bizarre, comment est-ce possible ? Est-ce que dans le texte, ça arrive aussi brutalement, me suis-je demandé (puisque la pièce vue est une adaptation). Je l'ai lu dans l'édition GF, qui a un dossier très intéressant. J'ai réalisé au fur et à mesure à quel point le texte est fabuleux. La pièce s'anémie, le texte est plus riche, car bourré d'indices. Par exemple au début de l'acte II :

NORA
Est-ce qu'ils me demandent souvent ?

LA BONNE D'ENFANTS
C'est qu'ils ont tellement l'habitude d'avoir leur maman avec eux.

NORA
Oui, Anne-Marie, mais désormais, je ne pourrai plus être avec eux aussi souvent qu'avant.

LA BONNE D'ENFANTS
Bon, les enfants s'habituent à tout.

NORA
Tu crois ? Ils oublieraient leur maman si elle s'en allait pour toujours ?

LA BONNE D'ENFANTS
Grands dieux ! Pour toujours ?

NORA
Écoute, dis-moi, Anne-Marie… Je me suis souvent demandé… Comment as-tu eu le cœur de confier ton enfant à des étrangers ?

LA BONNE D'ENFANTS
Mais il a bien fallu quand j'ai dû être la nourrice de la petite Nora.

NORA
Oui, mais comment as-tu pu le vouloir ?

LA BONNE D'ENFANTS
Alors que je pouvais trouver une si bonne place ? Une pauvre fille à qui il est arrivé malheur, elle doit s'en réjouir. Parce que ce sale bonhomme ne faisait rien pour moi, n'est-ce pas ?

NORA
Mais ta fille, alors, elle t'a sûrement oubliée ?

LA BONNE D'ENFANTS
Oh non ! sûrement pas. Elle m'a écrit pour sa confirmation, et aussi quand elle s'est mariée.

NORA, lui passant les bras autour du cou.
Ma vieille Anne-Marie, tu as été une bonne mère pour moi quand j'étais petite.

LA BONNE D'ENFANTS
Petite Nora, la pauvre, n'avait pas d'autre mère que moi, n'est-ce pas ?

NORA
Et si les petits n'en avaient pas non plus, je sais bien que tu serais… Bêtises, bêtises, bêtises. (Ouvrant le carton.) Va les voir. Maintenant, il faut que je…
Demain, tu verras comme je serai ravissante.

Il y a des interactions par rapport aux enfants et on sent que ça chemine, avec moins ce côté écervelé, ça mature.
Le rôle du Dr Rank (supprimé dans la pièce qu'on a vue) m'a semblé important : il va mourir tout seul et prend sa destinée en main. Et il y a une discussion avec Nora sur la décision.
Quant à la scène de la répétition de la danse, au théâtre elle paraît un peu grotesque, pas sensuelle, genre danse des canards. Dans le livre, c'est autre chose, une scène-clé, elle est en transe, sensuelle. J'ai donc préféré la lecture au théâtre.
J'ai aimé la portée féministe. Mais ça va au-delà : c'est un livre sur le consentement à la vie. Christine accède à l'amour, alors que Nora a une famille sans amour. Le dossier évoque le fait de "faire litière" - expression que je ne connaissais pas - aux droits de la personne humaine. Il y a une prise de hauteur plus globale. Pour être heureux, il faut s'aimer. J'ouvre en grand !
J'ajoute que dans cette pièce sur la dépendance, chaque rapport humain obéit à cette loi implicite et parfois certaines dynamiques peuvent se trouver inversées. Par exemple, Nora est dépendante matériellement de son mari, mais par le passé ce dernier s'est retrouvé dans une situation de maladie (je l'ai personnellement interprétée comme une dépression, un burn-out, je peux me tromper mais une tuberculose me paraît moins probable) et c'est là que Nora a tout pris en main : le voyage, son coût, le soutien moral (j'ai l'impression de le lire entre les lignes). Son mari s'est ainsi retrouvé infantilisé ici à tel point qu'il ne se pose pas la question du coût du voyage. L'ordre "naturel" des choses s'est évidemment renversé par la suite.
Fanny
J'ai fait le choix inverse d'Etienne : lecture puis théâtre, mais je partage assez ton point de vue. Une pièce féministe ? J'attendais… je ne voyais pas… au début j'y ai vu comme un vaudeville. Le revirement donne tout son sens, toute son ampleur à la pièce.
J'avais hâte de voir la mise en scène. J'ai aimé la pièce, mais un peu déçue : le docteur participe à la peinture sociale, et c'était dommage de le supprimer ; Krogstad jouait très bien - un cran au-dessus des autres.
J'ai lu le livre il y a trois semaines et ai oublié un peu, même si des choses reviennent en vous écoutant ; mais dans plusieurs mois, je ne me souviendrai peut-être plus que de la chute.

Monique L

C'est un plaidoyer contre les stéréotypes, contre la possessivité, pour une communication sérieuse dans un couple et pour l'émancipation de la femme. Le trait peut paraître parfois forcé, mais cela n'a rien de choquant pour moi au théâtre.
De nos jours, les rôles assignés à la femme et au mari sont certes moins caricaturaux, mais peut-on dire que ce qui est dénoncé ne correspond à aucune vérité actuelle ? Personnellement je ne le pense pas, même si les comportements évoluent. Les clichés et injonctions de la femme parfaite perdurent : bonne mère, bonne épouse, femme attirante, de bonne humeur, toujours là où on l'attend, qui sait s'oublier pour les siens, etc.

HELMER - Il n'y a personne qui offre son honneur pour l'être qu'il aime.
NORA - Des milliers de femmes l'ont fait.

Nora et Torvald forment à eux deux le parfait couple de bons bourgeois qui présente bien. Ils ne sont pas du tout conscients que leur mariage n'est qu'apparence et fausseté. Nora vit de la manière dont son mari la fantasme : femme-enfant, femme-objet, petit animal domestique, trophée à exhiber, une poupée qu'il faut protéger et guider. L'oppression que subit Nora est insidieuse ; elle est traitée comme un agrément. Torvald adore Nora, cette femme pleine de vie dont il entretient les enfantillages. Nora se montre frivole, légère, naïve et dépensière, alors qu'elle se démène pour rembourser les dettes accumulées dans le dos de son mari. Elle est moins écervelée qu'on veut le faire croire. Dans leurs échanges, Nora et Torvald n'abordent jamais de sujets personnels ou profonds. Cette absence de communication les conduit à une situation intenable : Nora doit vivre avec son lourd secret.
Nora n'a sans doute jamais eu envie de remettre en question son statut, car sa situation est confortable. Sa rébellion se produit lorsque son couple traverse une crise et qu'il devient nécessaire de redéfinir leur relation. Nora fait preuve d'un grand courage en quittant une relation correspondant à ce que la société attendait d'elle, mais aussi en abandonnant son confort et toutes ses habitudes de vie.
Une question subsiste : que devient-elle après avoir franchi définitivement le seuil de sa maison, abandonnant enfants et mari ?
Pour contraster, le couple que forment Kristine et Nils est très différent. Kristine est indépendante financièrement et psychologiquement. Elle aspire à l'amour, à partager le fruit de son travail et à élever des enfants. Je me suis posé la question si son geste était vraiment désintéressé. Je pense qu'elle fait ce choix en toute conscience, car cela répond aux besoins profonds qu'elle cherche à combler.
J'avoue ne pas avoir compris le rôle du Docteur.
J'ouvre aux ¾.
Brigitte (à l'écran)
J'ai lu une édition ancienne (1906). Dans la préface, Albert Savine, admire la façon dont Réjane avait interprété le rôle de Nora (en 1894).
Je ne connaissais pas ce texte, je l'ai découvert avec beaucoup d'intérêt.
Il s'agit donc d'une œuvre du XIXe siècle ; on a néanmoins l'impression permanente de lire un texte très moderne, si l'on fait abstraction du mode de vie de la famille Helmer. Bien qu'un peu datée, la pièce reste intemporelle. La présentation en est tout à fait classique, alors que le fond ne l'est pas du tout en 1879, ni même en 1893.
Le personnage iconique de Nora, correspondait-il à des femmes réelles vivant en Norvège à la fin du XIXe siècle ? Il trouve certainement encore sa place dans notre monde moderne. C'est le propre des chefs-d'œuvre.
Je voudrais insister sur deux points en particulier :
- on ne sait pas ce que devient Nora ; elle part seule ; elle va devoir réinventer complètement sa vie. Le lecteur (ou le spectateur) reste dans l'incertitude et le questionnement ; à lui d'imaginer la suite.
- J'admire tout à fait la façon magistrale dont Ibsen traite le personnage d'Helmer, le mari de Nora. On peut, bien sûr, y voir un homme niais qui ne comprend rien à la situation. Il apprécie sa femme ; il la trouve charmante ; elle sait rester à sa place ; elle s'occupe affectueusement de leurs deux enfants ; il lui est reconnaissant d'avoir pris très à cœur de le soigner quand il était malade… Tout va bien dans le meilleur des mondes.
Mais on peut aussi voir en lui le bourgeois moyen du XIXe siècle, qui vit dans une société où la femme est uniformément considérée comme plus faible que l'homme tant physiquement, qu'émotionnellement, intellectuellement… C'est une vérité reçue, un lieu commun, jamais remis en cause depuis des générations.
Et, voilà que brutalement, sans y avoir été préparé le moins du monde, Nora (ou plutôt Ibsen) le projette dans une situation totalement inédite. Quand il comprend la vérité de la situation, c'est pour lui un véritable séisme, tous ses repères s'effondrent, il est radicalement remis en cause ; le voilà brutalement projeté dans l'inconcevable, l'impensé. Il lui faut repartir à zéro pour survivre.
J'admire profondément cette façon qu'a l'auteur de nous confronter à une telle conjoncture. L'effet fut sans doute bien plus puissant à la fin du XIXe, où les esprits étaient certainement moins ouverts que maintenant à l'émancipation féminine.

Claire

Je n'ai jamais lu de pièce hors du projet de la voir au théâtre. J'ai lu le texte comme un roman - d'ailleurs, il y a peu de didascalies, cali, cali. Ce que je vais dire est très naïf, mais quel talent pour faire avancer la narration rien qu'avec du dialogue : il se passe plein de choses, il y a de la tension, du suspense, un entrelacement des histoires des personnages et des éléments d'information diffusés au compte-gouttes pour le lecteur et un "coup de théâtre" - expression particulièrement appropriée… Dommage, j'ai ressenti un peu d'invraisemblance au revirement de Nora qui m'a auparavant exaspérée : son discours acéré me semble celui d'une autre. Ou j'ai loupé de quoi croire à cette Nora-là. Je ne trouve pas comme Séverine les personnages entièrement égoïstes : Nora est dans la merde à cause de ce qu'elle a fait pour son mari - au fait, quelle cruche d'avoir mis la vraie date - et Madame Linden (qui va se remettre à la colle avec son ex) ne pense qu'à une chose :

MADAME LINDEN - Me voici tout à fait seule au monde, effroyablement vide et abandonnée. Il n'y a aucune joie à travailler pour soi-même, n'est-ce pas ? Krogstad, donnez-moi quelque chose et quelqu'un pour qui travailler.

J'ai ensuite vu pièce et film, tous deux des adaptations, et le fait - comme le signale Catherine - que pour la première il y a réduction (seulement 4 personnages) et au contraire développement pour la deuxième a pour moi fait partie du plaisir, du plaisir des surprises : on voit dans le film des scènes ayant eu lieu avant les faits, des scènes dans d'autres lieux (norvégiens), notamment extérieurs : ah les traîneaux tirés par les chevaux, ah le défilé des robes aux tailles très cintrées... J'ai ensuite regardé des extraits d'autres mises en scène qui rendent flagrante l'importance de la lecture de la mise en scène, aussi subjective que nos lectures respectives d'un même livre… : Yolaine en Bretagne a vu une mise en scène où le Docteur Rank tripote Nora - c'est sûr que ça change la donne…
Et enfin, j'ai lu la pièce de Jelinek, Ce qui arriva après le départ de Nora où, dans les années 20, elle est ouvrière en usine et où aux rapports de pouvoir hommes/femmes s'ajoutent ceux patrons/employés.
Je suis d'accord avec Brigitte sur l'aspect intemporel et l'actualité du thème du féminisme. Et aussi avec Etienne sur le fait qu'il s'agit de davantage : dev
enir soi-même. Je comprends que Nora ait eu un retentissement au-delà de la pièce (voir ci-dessous son rôle symbolique dans le mouvement des femmes, et dès le début du XXe siècle en Asie). J'ai été encore plus épatée de découvrir que cette pièce figure au registre international "Mémoire du monde de l'UNESCO" - je ne savais pas du tout ce que c'était.
Bref, j'ouvre aux ¾ pour le livre et grand ouvert pour l'expérience très riche partagée livre-théâtre-film. À refaire pour un autre auteur !
Geneviève
Oui, c'était une expérience très intéressante d'avoir eu les trois versions : livre, théâtre, film. Je n'avais pas lu la pièce avant d'aller au théâtre, mais je l'ai lue avant le film. J'ai découvert, comme l'a dit Catherine, que le choix de mise en scène avait été de resserrer la pièce en supprimant des personnages importants (le docteur, les enfants, la nounou).
J'ai été conquise par le film, entre autres pour des raisons un peu infantiles : les traîneaux, la neige... Le confort de vie et le détachement des réalités matérielles transparaissent bien dans le film, le côté jouets, marionnettes, que sont aussi les enfants.
J'ai eu le sentiment que Nora était fière d'avoir fait une fausse signature - sa manière à elle d'exister, de se comporter comme une adulte et de sauver sa famille. Pourtant, elle s'effondre lorsque Krogstad lui dit qu'elle peut être condamnée : la confrontation au réel constitue un point de bascule dans le récit, un pas vers la révolte. Elle qui pensait au suicide pour se sacrifier lorsqu'elle imaginait que son mari prendra toute la faute sur lui, change de perspective lorsqu'elle comprend qu'il ne se préoccupe que de son propre sort. La question de la dépendance financière de la femme est tout le temps présente dans la pièce, de manière très explicite, notamment dans la bouche de l'amie de Nora, que le veuvage a confrontée à la réalité.
J'ai adoré l'article sur le rôle de Seyrig et Fonda - qui se rebiffent et veulent réécrire le scénario ; j'ai aussi été intéressée par le fait qu'elles ont suscité notamment l'agressivité du réalisateur mais aussi de l'équipe technique, scandalisée de cette initiative féminine...
J'ouvre le livre complètement, pour sa modernité mais aussi pour la triple expérience de la pièce, du texte, et du film.
Renée
(à l'écran)
Formidable pièce de théâtre qui a pris peu de rides depuis 150 ans.
Je l'avais vue très jeune, je n'ai jamais oublié la leçon d'Ibsen : il faut trouver et suivre son propre chemin. Dans le même sens je ne sais plus qui a écrit : "deviens qui tu es".
Pendant le premier acte, on ne parle que d'argent : on comprend plus tard pourquoi Nora est heureuse par la promesse d'en avoir. Rapprochement avec notre époque où, également, on parle énormément d'argent.
Pendant le deuxième acte, Nora attendait deux miracles, d'abord que sa dette s'efface d'un seul coup, puis d'être soutenue par son mari, qu'il la comprenne et assume sa faute avec elle. On sent l'inquiétude remplacer la joie.
Le troisième acte est formidable : c'est un véritable tsunami dans la tête de Nora, sa prise de conscience est radicale. Lorsque Helmer au lieu de la soutenir, ne parle que de honte, celle qui va rejaillir sur lui et sur elle, elle passe par une période de sidération ("regard vague", air absent), qui ne dure pas : la rupture est inévitable
À ses arguments, Helmer réplique par des "je, je, je... moi moi moi". Il est méprisant sans en être conscient : lorsqu'elle lui demande une conversation "sérieuse", il répond "est-ce que c'aurait été une occupation pour toi ?", "voici maintenant le temps de l'éducation".
Je ne pense pas qu'elle se suicide comme Hedda Gabler après l'explosion de sa famille. Chez Ibsen, il y a souvent une destruction : Hedda Gabler brûle le manuscrit de son ami, puis elle se suicide. Nora détruit complètement sa vie confortable, mais c'est pour se reconstruire au contraire. Elle a un courage extraordinaire. Nora est très sympathique, au contraire d'Hedda qui est froide et hautaine.
Bien sûr, la relation homme-femme a évolué depuis, mais il reste des séquelles, tout n'est pas gagné encore, nous sommes à la merci de petits retours en arrière. Je me souviens qu'il y a 15 ou 20 ans avaient paru un peu partout des articles et des livres laissant clairement entendre que les enfants auraient moins de problèmes si les mères restaient à la maison ; je me souviens d'avoir poussé un cri d'alarme au cours d'une réunion de mon groupe de lecture : "attention à nos filles !"
J'ai adoré relire cette pièce et l'écouter en vidéo mise en scène par Stéphane Braunschveig au Théâtre de la Colline en 2009. Le texte est très fidèle à l'original. J'avais vu Hedda Gabler aux Ateliers Berthier avec Isabelle Huppert en 2005.
J'ouvre en grand car pour moi c'est un incontournable de la littérature européenne.
Annick A

J'ai vu deux fois la pièce d'Ibsen il y a plusieurs années notamment au Théâtre de la Colline en 2009 dont j'avais beaucoup aimé la mise en scène et le jeu des acteurs, tout particulièrement celui de Nora.
Concernant le texte même, je le trouve remarquable par sa position féministe audacieuse à cette époque, par son questionnement sur la place des femmes dans la société et la réflexion sur le devoir envers soi-même. C'est une construction resserrée, avec une montée en puissance de la tension dramatique, à travers laquelle le caractère des personnages se révèle peu à peu. Nora est un beau personnage en évolution. Je ne suis pas d'accord avec le constat d'invraisemblance de son retournement, considéré comme trop soudain. Car bien des indices dans la pièce nous préparent à sa décision finale. Bien sûr, l'emprunt qu'elle fait seule pour sauver son mari, mais aussi la scène où elle s'apprête à demander au docteur Rank la somme nécessaire pour mettre fin à sa dette. Rank lui révélant qu'il l'aime, elle renonce à lui demander l'argent pour ne pas lui en être redevable. Cela souligne la noblesse de son caractère soi-disant frivole et son souhait d'indépendance. Elle joue la poupée pour répondre à ce que son mari attend d'elle, parce qu'elle l'aime et l'admire, mais quand la lâcheté et l'égoïsme d'Helmer se révèlent, son emprise amoureuse tombe et lui permet de se positionner vis-à-vis d'elle-même.
J'ai vu le film, mais j'ai de beaucoup préféré la pièce. J'ouvre en entier.
Laura

J'ai fait l'erreur de ne pas lire la pièce avant d'aller au théâtre. Lorsque je l'ai lue, je n'avais plus d'imaginaire, sauf pour le docteur, supprimé dans la mise en scène. Donc j'ai eu cette étrange impression d'avoir vu la pièce deux fois (c'est une fois de trop pour moi, je l'avoue), je revoyais surtout l'acteur qui jouait le mari, et c'était plutôt épuisant. C'est à ce moment-là que je me suis dit que oui, son jeu était peut-être un peu exagéré. De fait, dans ma lecture, je n'ai apprécié que le docteur, pour lequel j'ai pu former le caractère qui me convenait, en quelque sorte. Je l'ai trouvé bien plus doux, gentil et attentionné. Même s'il tente toujours certaines avances envers Nora, je ne trouve pas cela déplacé pour autant : Nora en est pleinement consciente, et n'a pas l'air de s'en plaindre. À mes yeux, le personnage du médecin est le seul qui soit capable d'éprouver sincèrement de l'amour et de se résigner face au fait qu'il ne pourra jamais approcher Nora de plus près, mais jamais cesser de l'aimer non plus. C'est un amour qui me semble bien plus vrai que celui que peut éprouver Mme Linde : elle, j'ai surtout eu la sensation qu'elle cherchait seulement à se rendre utile, que ce soit pour l'avocat et sa famille, ou pour quelqu'un d'autre. Et, ce qui m'a le plus touchée concernant le docteur, c'est le fait que tout un chacun semble absolument et parfaitement indifférent à sa mort. En réalité, le docteur porte son propre deuil : il est remplacé par Mme Linde dans la famille, et rédige lui-même son faire-part de décès.
Quant à la misogynie, je l'ai trouvée trop surjouée au théâtre. J'ai ressenti le même effet à la lecture. Les petits noms donnés m'ont paru excessifs, et le tout bien trop voyant : j'ai trouvé que le trait était grossi, au risque de tomber dans un scénario grossier. De plus, le revirement de Nora ne m'a pas semblé naturel, elle qui pouvait simplement évoquer l'idée de suicide. Puis, je me demande comment elle a pu prendre véritablement conscience de sa situation par elle-même, alors qu'elle a toujours grandi et vécu dans un milieu semblable, empreint de paternalisme et de misogynie. D'accord, les lois sont injustes à ses yeux et devraient être réécrites. Mais cela ne fait pas tout : opter pour la résignation m'aurait semblé plus vraisemblable ; Nora n'est pas une militante bien qu'elle soit tenace (travailler pour rembourser la dette).
J'ouvre à moitié, mais mon avis est biaisé du fait d'avoir vu la pièce. Je la relirai dans quelques années.

Jacqueline
Je ne connaissais pas Ibsen, même si j'avais déjà entendu faire référence à Nora et j'étais très contente de le découvrir au théâtre.
Le départ en vaudeville, met d'autant plus en valeur le retournement final. Je ne l'ai pas trouvé invraisemblable parce qu'il est préparé par quantité de fines touches dont on ne comprend l'importance qu'après....
J'ai vu le film sans avoir encore lu le texte et découvert alors le rôle du docteur qui m'a beaucoup touchée (j'ai pensé à cette scène poignante de La Recherche où Swann proche de la mort croise les Guermantes indifférents). Ce rôle m'a paru important dans la pièce, comme témoin constant de l'histoire du couple, mais aussi par la touche d'humanité qu'il y apporte. J'ai regretté le parti pris de le retirer dans la mise en scène que nous avons vue. J'ai regretté, par contre, aussi que le film de Losey débute par l'exposition inutile de faits antérieurs...
J'ai enfin lu le texte d'Ibsen avec d'autant plus de plaisir que pièce puis film, avec leurs facettes diverses, m'en avaient fait découvrir les richesses (le film m'a paru très fidèle dans les dialogues). J'ouvre en grand.

DOC AUTOUR DE LA PIÈCE
La maison de poupée au théâtre, en cinéma, en bd, et sa suite...
La maison de poupée : publication et traductions
Les premières représentations
Ibsen et Nora
La maison de poupée et le mouvement de libération des femmes
La maison de poupée, reconnaissance universelle

LA MAISON DE POUPÉE
AU THÉÂTRE, EN CINÉMA, EN BD, ET SA SUITE…


Les personnages de la pièce
- HELMER, avocat
- NORA, son épouse
- LE DOCTEUR RANK
- MADAME LINDE
- KROGSTAD, avocat ou avoué ou homme d'affaires (selon les traductions)
- LES TROIS JEUNES ENFANTS DE HELMER
- ANNE-MARIE, bonne d'enfants chez les Helmer ou femme de chambre
- LA BONNE de la maison ou femme de chambre
- UN COMMISSIONNAIRE ou LIVREUR


La maison de poupée
au théâtre

Nous voulions lire une pièce d'Ibsen, mais avons attendu qu'une mise en scène (intéressante) soit donnée à Paris ; nous sommes donc allés voir
Une maison de poupée d'Ibsen, mise en scène et adaptation de Philippe Person, à la Manufacture des Abbesses (dossier de presse ›ici).
La pièce a été mise en scène par de nombreux metteurs en scène : Thomas Ostermeier, Stéphane Braunschweig, Jean-Louis Martinelli, etc.

La maison de poupée au cinéma
Diverses adaptations à l'écran existent. Nous avons regardé Une maison de poupée, film de Joseph Losey en 1972, avec Jane Fonda et Delphine Seyrig, adapté du texte d'Ibsen. Très édifiants furent les problèmes rencontrés sur le tournage entre les deux actrices féministes et le réalisateur ainsi que son équipe (voir ›ici des détails croustillants).

La maison de poupée en BD
Nora : maison de poupée, Cinzia Ghigliano, couleur Francesca Cantarelli, éd. Des Femmes, 1978

Une suite ?
Elfriede Jelinek a écrit en 1977 une pièce intitulée Ce qui arriva quand Nora quitta son mari : l'intrigue se situe dans les années 1920, Nora est ouvrière dans l'industrie, doublement entravée et manipulée, par les hommes et par sa condition sociale.
 
LA MAISON DE POUPÉE : PUBLICATION ET TRADUCTIONS
 

La publication de la pièce
- La première édition fut tirée à 8 000 exemplaires, chiffre considérable pour l’époque et le lieu. Il y eut deux réimpressions en trois mois. Le succès fut considérable dans toute l’Europe, sans parler de l'Asie ensuite.
- En 1880 : la pièce fut publiée au Danemark, en Allemagne et en Finlande.
- En 1882 : en Angleterre et en Pologne.
- En 1883 : en Russie.
- En 1884 : en Italie.
- En 1889 : en France.
- En 1918 : en Chine.

Les traducteurs en français
Diverses éditions de poche sont disponibles : Babel, GF, Livre de poche, Folio, correspondant à plusieurs traductions :
- 1889 (donc 10 ans après la publication en Norvège) : le comte Maurice Prozor, éd. Albert Savine ; en ligne sur Gallica et wikisource, rééd. en Livre de poche en 1964, avec une préface de Cocteau
- 1889 : Léon Vanderkindere : Nora, éd. Weissenbruch, Bruxelles
- 1906 : Albert Savine, Stock, en ligne ›ici, avec une préface du traducteur qui vaut la visite
- 1939 : Pierre Georget La Chesnais traduit Maison de poupée (tome XI) parmi les œuvres complètes publiées à la Librairie Plon, en 16 volumes...
- 1987 : Maison de poupée, Geneviève Lézy et Claude Santelli, éd. Actes Sud
- 1988 : Régis Boyer, éd. du Porte-Glaive, rééd. Flammarion GF ›ici et Folio ›ici
- 1990 : Marc Auchet, Le Livre de Poche ›ici
- 1991 : Terje Sinding, Les Douze Dernières Pièces, Imprimerie Nationale

- 2009 : Eloi Recoing, Actes Sud Babel ›ici.

 
LA MAISON DE POUPÉE : LES PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
 

- La pièce est jouée l'année de la publication à Copenhague et en Suède ; violentes querelles. La scène finale a un effet de scandale :
=> "Je me souviens, a écrit le comte Prozor qui fut l'auteur de la première traduction en français de la pièce, d’une saison où l’on voyait circuler à Stockholm des cartes d’invitation avec cette note au bas : On est prié de ne pas s’entretenir de Maison de poupée"
=> En Angleterre, la pièce fut interdite par Lord Chamberlain.
=> En Allemagne, la réception de Une Maison de Poupée pose problème dès sa création en 1880 à Berlin : Ibsen doit écrire une autre fin, qui réconcilie les époux Helmer, sur pression conjointe du directeur du théâtre Thalia de Hambourg, de l’actrice Hedwig Niemann-Raabe6 et du traducteur. Les noms sont germanisés. La représentation n’est pas un succès ; le public manifeste son impatience et sa réprobation à coup de sifflets intempestifs. Ibsen regretta par la suite d'avoir accepté cette adaptation.
- 1889 : première représentation en langue française à Bruxelles.
- 1892 : première représentation à Paris, à titre privé, dans le salon de Mme Aubernon ; on aurait aimé y être...
- 1894 : première représentation publique au théâtre du Vaudeville, avec l'actrice
Réjane dans le rôle de Nora, ce qui, chose fort rare, déchaîna l’enthousiasme d’Ibsen qui était tellement content qu’il envoya un télégramme de satisfaction à l’actrice : "Mon rêve est réalisé, Réjane a créé Nora à Paris".

 
IBSEN ET NORA
 

Ibsen, l'auteur de La maison de poupée
- Wikipedia nous renseigne sur son parcours.
- Ibsen est connu pour ses pièces : Hedda Gabler, Peer Gynt, Le canard sauvage, Un ennemi du peuple, Les revenants, Brand, mais il était aussi poète et peintre (surtout de paysages).
- Ibsen (1828-1906) a 51 ans quand il publie Une maison de poupée (1879). Il la termine en Italie où il vivra plusieurs années.
- Et les femmes ?
Alors qu'il était garçon apothicaire entre 16 et 22 ans, il aura une liaison avec une servante de la pharmacie, Else, qui a dix ans de plus que lui ; de cette relation naîtra un enfant dont les parents ne souhaitent pas se marier ; sur décision des autorités, Ibsen devra verser, durant 14 ans, une pension.
A 27 ans, il rencontre son épouse Suzanne dans le salon littéraire de sa belle-mère Magdaene Thoresen, écrivaine, dramaturge, qui joue un rôle éminent dans la vie culturelle de Bergen, qui a d'ailleurs eu un enfant illégitime avant son mariage, et qui deviendra un modèle pour de nombreux personnages féminins de la littérature norvégienne.

Nora a-t-elle existé ?
Le personnage de Nora a un modèle bien réel : l'écrivaine dano-norvégienne Laura Petersen, qui suite à une réponse à la pièce Brand d'Ibsen qu'elle écrit à 19 ans, est devenue amie d'Ibsen et de sa femme. Son mari Victor Kieler, contracte une maladie pulmonaire peu de temps après leur mariage, et comme le personnage Nora, Laura emprunte de l'argent sous de faux prétextes afin de financer un voyage en Italie pour une cure. Comme Nora, elle fera un faux. Lorsque le mari de Kieler l'apprend, il demande le divorce et cherche à interdire sa femme à leurs enfants. Laura est hospitalisée dans un asile psychiatrique. Ils se réconcilieront ensuite
. Malgré les demandes insistantes de Laura Kieler, Ibsen ne niera jamais avoir été inspiré par son histoire, ce qu'elle ne lui pardonnera pas.

 
LA MAISON DE POUPÉE
ET LE MOUVEMENT DE LIBÉRATION DES FEMMES
 

- Qu'en dit d'abord Ibsen ? Au moment de la composition d’Une maison de poupée, il rédige en 1878, Notes pour une tragédie contemporaine dont voici des extraits :
"Il existe deux sortes de lois spirituelles, deux sortes de conscience, l’une existe dans l’homme, l’autre — un tout autre esprit — dans la femme. Elles ne se comprennent pas ; mais dans la vie pratique, la femme est jugée selon la loi de l’homme.
À la fin de la pièce, l’épouse ne sait pas du tout où elle en est ; le sentiment naturel d’un côté, l’autorité de l’autre réussissent à la désorienter complètement.
Une femme ne peut pas être elle-même dans la société d’aujourd’hui, qui est une société exclusivement masculine, avec des lois rédigées par des hommes et avec des procureurs et des juges qui jugent le comportement féminin en se plaçant du point de vue de l’homme.
Elle a commis un faux, ce dont elle est fière, car elle a agi par amour pour son mari, pour lui sauver la vie. Mais ce mari, fidèle à l’honnêteté de la vie quotidienne, se tient sur le terrain de la légalité et il examine l’affaire d’un oeil masculin.
Drame intérieur. Tyrannisée et troublée par la foi en l’autorité, elle perd la foi en son droit moral et en son aptitude à éduquer ses enfants. Dans la société d’aujourd’hui, la femme s’étiole et se meurt, comme font certains insectes, une fois qu’elle a rempli son devoir pour la propagation de l’espèce.
Amour de la vie, amour de son mari et de ses enfants. De temps à autre rudement secouée par ses réflexions. Brusques poussées d’angoisse et de terreur. Elle doit tout supporter toute seule. La catastrophe s’approche inexorablement, inéluctablement. Désespoir, lutte et perdition."

- En 1911 au Japon, a lieu la première représentation de la pièce et en 1912 Seito, revue de littérature féminine, consacre un numéro spécial à Nora pour revendiquer des rapports plus égalitaires avec les hommes, contre le système patriarcal. Les Japonaises eurent du mal à se faire entendre, essuyant critiques et moqueries de la presse, notamment dans la rubrique intitulée "Femmes plaisantes et déplaisantes révélées par la littérature", le néologisme de prétendues Nora désignant de façon sarcastique les "femmes nouvelles" (voir l'article de Yoko Niimura, "Nora, Seito, Xin Qingnián", Ebisu, n° 48, 2012).

- En 1915 en Chine (voir le site de Brigitte Duzan à ce sujet d'où sont tirées les informations suivantes), la revue Xin Qingnián ("La jeunesse") considère Nora comme le symbole de l’émancipation vis-à-vis du mariage traditionnel, avec des introductions à la pensée de féministes occidentales et des traductions d’écrivaines étrangères. C’est ce journal qui lance une polémique en publiant en 1918 une traduction en chinois de la pièce Une maison de poupée. Le personnage de Nora bravant les conventions pour abandonner mari et enfants devient instantanément le sujet de toutes les discussions et l’emblème de l’émancipation de la femme.
Dans les années qui suivent, une profusion de nouvelles, d’essais, de poèmes et de pièces de théâtre mettent en scène des Nora sinisées se révoltant contre leurs familles. Mais, dès lors, le discours n’est plus monopolisé par les hommes, les femmes écrivent. Et ce qu’elles écrivent, ce sont leurs propres sentiments, leurs émotions, leurs difficultés pour s’évader du carcan de la famille et des conventions qui les empêchent de sortir et de s’exprimer : l’acte d’écrire devient un acte de rébellion et de revendication identitaire. Ces écrivaines qui émergent sur la scène littéraire de ces années 1920 sont elles-mêmes des Nora, et leurs récits, souvent autobiographiques, concernent le thème de l’émancipation de la femme, ainsi que le coût de cette émancipation. Une anecdote significative : pour son premier article publié dans la presse, dans lequel elle explique que le premier pas qu’il lui faut faire est de s’affranchir de sa famille, l’une des nouvelles écrivaines en herbe a dû demander l’autorisation de son frère aîné... Mais écrire et publier dans la presse peut justement permettre à ces jeunes écrivaines de gagner de l’argent et d’accéder à l’indépendance économique, l’autre alternative étant l’enseignement, y compris alors à l’université.
Dans une conférence célèbre en 1923, "Qu’arrive-t-il à Nora, une fois partie de chez elle ?", le célèbre écrivain Lu Xun montre à quel point, finalement, les esprits étaient restés très conservateurs quant aux possibilités d’émancipation féminine ; il dit textuellement que Nora, après avoir quitté sa maison, n’a au bout du compte que deux possibilités : revenir chez elle ou se prostituer. Et, comble de provocation, il prononce ce discours à l’Ecole normale supérieure pour femmes de Pékin.
Il évoque bien une autre option : que la femme acquière une indépendance économique. Mais l’expérience de ces écrivaines a bien montré que c’était encore un miroir aux alouettes car cela ne prenait pas en compte les contradictions vécues par les femmes entre carrière et vie personnelle. Et ces contradictions seront, malgré les apparences, toujours aussi vives pendant la période maoïste et après.

- En 1949, dans son livre fondateur, Simone de Beauvoir évoque l'héroïne d'Ibsen qui a accepté "bon gré mal gré" pendant huit ans que "l'homme pense à sa place", mais qui "comprend" que le mariage doit être "la mise en commun de deux existences autonomes, non une retraite, une annexion, une fuite, un remède". Elle ajoute : "C'est ce que comprend Nora quand elle décide qu'avant de pouvoir être une épouse et une mère, il lui faut devenir d'abord une personne" (Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe)

- En 1964, Betty Friedan, pionnière du féminisme américain, rend aussi hommage à la révolte de Nora : Ibsen a montré qu'il comprenait ce qu'était le féminisme en écrivant, en 1879, [Une] Maison de poupée où il démontrait symboliquement qu'une femme était tout simplement un être humain […] Des milliers de femmes de classe moyenne, en Europe aussi bien qu'en Amérique, se reconnurent en Nora et en 1960, près d'un siècle plus tard, des millions de ménagères américaines qui suivirent la pièce à la télévision se reconnurent aussi. (Betty Friedan, La Femme mystifiée, trad. Yvette Roudy, Gonthier, 1964)

- En 1969, on retrouve cette référence dans l'ouvrage théorique du Women's Liberation Movement, Sexual Politics de Kate Millett, qui écrit en particulier : "La Nora Helmer d'Ibsen est la véritable instigatrice de la révolution sexuelle […] Maison de poupée et Salomé [d'Oscar Wilde] sont des drames de l'affrontement […] Nora devait affronter tous les conformismes et les préjugés chevaleresques masculins, qui la réduisaient à la dimension d'un jouet d'enfant, dans l'espoir qu'elle resterait éternellement ce petit être, cet animal familier de la maison […] Lorsque Wilde eut échoué en 1895, il restait à Nora et à sa bande de révolutionnaires quelques bonnes années d'insurrection devant elles (Kate Millet, La politique du mâle, trad. Elisabeth Gille, Stock, 1971)

 
LA MAISON DE POUPÉE, RECONNAISSANCE UNIVERSELLE
La pièce est inscrite au registre international "Mémoire du monde de l'UNESCO" (voir ›la liste ici) en France, on a la Déclaration des droits de l'homme, la tapisserie de Bayeux, etc.

 



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