Quelques
mots sur l'auteure |
Ia Genberg, née en 1967, a été journaliste indépendante
et apprécie la liberté de travailler quand on veut en étant
infirmière. Elle est mariée et a trois enfants.
Elle a publié quatre livres dont trois romans et un recueil de
nouvelles, en 2012, 2013, 2019 et 2022.
Les détails, son troisième roman, a été
un best-seller suédois immédiat et a été depuis
diffusé dans 31 pays.
Presse
concernant Les détails de Ia Genberg
|
Un échantillon divers :
- Quotidiens nationaux : Libération,
20-21 janvier, Le Monde, 2 février
2024
- Hebdomadaire culturel : Télérama,
13 février 2024
- Quotidien régional : Sud-Ouest,
3 mars 2024
- Quotidien suisse : Tribune de
Genève, 27-28 janvier 2024
- Quotidien belge : Le Soir,
6-7 janvier 2024, avec un entretien
- Radio : Le
Masque et la plume, 11 février 2024
- Télévision : Louisiana
Channel, 6 mars 2025, 15 min.
Ce 15
juin 2025, nous étions 9
à réagir sur le livre
:
- présentes : Claire Bo, Marie-Yasmine, Patricia, Véronique
- par écrit : Agnès, Flora, Joëlle, Nelly, Sophie de
Paris.
Prises ailleurs : Anne, Aurore, Claire Bi, Felina, Laetitia, Mar, Sophie
de Nice, Stéphanie.
Nos
tendances concernant le livre
|
- Déceptions d'Agnès
et Flora, accompagnées d'incompréhension
: qu'a voulu donc faire l'auteure ? Marie-Yasmine
se situent également du côté... bof.
- Avis balancé, mi-figue mi-raisin, de Nelly.
- Impressions TRÈS POSITIVES de Claire,
Joëlle, Patricia,
Sophie qui donnent envie à Véronique
de continuer sa lecture...
Flora
(avis transmis)
Voici mon avis sur le livre : je ne sais pas du tout quoi en penser.
Je ne peux pas dire que je ne l'ai pas aimé car je suis allée
au bout en ayant apprécié quelques passages, notamment la
relation amoureuse avec une femme.
Pour le reste, les autres portraits ne m'ont pas intéressée.
En fait, dans sa globalité je n'ai pas trouvé d'intérêt
à ce livre et je me suis demandé jusqu'au bout où
l'autrice voulait en venir.
Pour conclure, je dirai que je reste sur ma faim.
Agnès
En refermant la dernière page de ce roman, pour comprendre ce que
j'avais lu, j'ai dû relire son résumé
sur internet et réécouter les critiques
du Masque sur France Inter. Ce livre est pour moi une
interrogation, je reste dubitative et vaguement déçue.
Pourtant, en amont de ma lecture, j'avais été attirée
par l'histoire d'amour entre deux femmes, bien sûr, que décrit
le premier chapitre, et par la construction de l'ouvrage qui permet de
découvrir la narratrice au travers de ses relations avec quatre
personnes.
Mais ce livre m'a échappé. Les histoires qu'il dépeint
n'ont pas suscité mon intérêt. Je n'ai pas compris
ce que l'autrice voulait me raconter.
Je sauve tout de même un peu le dernier chapitre, grâce à
la surprise de découvrir qu'elle parle de sa mère. Je ne
m'y attendais pas.
Pour finir, j'ai remarqué qu'elle répétait souvent
le mot "détail" au fil des pages, 20 fois précisément,
ça fait beaucoup et justifie certainement le titre
Bref, ce livre me laisse perplexe
Nelly
(avis transmis)
Je dois dire
que, bien que nous l'ayons décidé toutes ensemble la dernière
fois, le changement de programme [report d'Edna O'Brien] m'a un peu démotivée
et la reprise d'un nouveau livre m'a semblé un peu difficile.
Néanmoins je n'ai pas eu de mal à m'y plonger dès
les premières pages car l'écriture
est fluide, les personnages sont
toniques et originaux bien que "limite" parfois, et les
considérations de l'autrice autour de ce qu'elle a vécu
avec elles ou eux sont plutôt piquantes.
Le premier portait (Johanna) m'a bien accrochée
: le parallèle avec Paul Auster que j'aime beaucoup, l'intensité
de l'histoire entre les deux femmes et la chute inattendue du récit
m'ont touchée.
Dès le deuxième, j'ai commencé à douter
de la crédibilité du personnage de Niki, car trop
extrême.
Son beau musicien Alejandro, troisième héros, m'a peu
intéressée.
Quant au rapport de Ia Genberg avec Birgitte, je l'ai trouvé froid
et presque clinique.
J'aurais souhaité un lien qui permette un
suivi plus classique de l'histoire personnelle de l'autrice.
Pour conclure sur une impression générale, je suis mi-figue
mi-raisin : donc, le livre ne m'a pas déplu, mais il ne
me laissera pas un souvenir impérissable.
Joëlle (avis
transmis)
Quand il m'est arrivé de dire, autour de moi, que je lisais un
bouquin suédois, ça ne manquait pas, on me commentait d'un
"ah, tu lis un polar" et j'étais plutôt contente
de pouvoir répondre "non, pas du tout".
Je suis très contente d'avoir lu ce livre suédois qui n'était
pas un polar.
D'ailleurs, la narratrice me le confirme : "j'ai été
en couple avec des hommes et des femmes (
) qui aimaient le mauvais
genre de littérature (uniquement des polars)."
Dès le début, j'ai été bien embarquée
par le phrasé, le flux de parole comme un flux de conscience, mieux
qu'un classique monologue intérieur. J'avais l'impression que la
narratrice s'adressait à moi, directement, et me branchait sur
la progression de sa pensée.
Ça démarrait très proustien, avec des "méandres
du temps", une atmosphère de fièvre qui évoquait
l'état de demi-sommeil du début de La Recherche et
un récit pas du tout linéaire, avec des allers-retours temporels
quasi permanents. Tout cela m'a captivée.
Après, j'ai apprécié le dispositif en quatre personnages
qui ont compté dans la vie de la narratrice. Elle nous raconte
ses souvenirs liés à ces personnes, mais plus encore fait
son autoportrait en parlant des autres.
J'ai aimé que l'histoire soit parcellaire, avec de grandes ellipses.
J'aime quand un récit laisse des obscurités, des points
que je suis libre d'éclairer ou pas, sur lesquels je peux broder
ma version des faits non-dits. Cela m'a rappelé ce que faisait
Virginia Woolf, notamment dans Les
Années.
J'ai été particulièrement impressionnée par
le dernier chapitre, Birgitte. J'ai trouvé ce portrait brillant
d'intelligence et de pudeur, incroyablement puissant, bouleversant, mais
sans pathos. J'ai admiré.
Véronique
J'ai lu la première partie il y a quelque temps et n'en ai gardé
aucun souvenir. Dans la deuxième que je n'ai pas terminée,
à propos de Niki dont le côté borderline ne m'a pas
gênée plus que cela, j'ai aimé le rapport au livre
"avec un livre, je fais ce que je veux (...) nous disions que
nous allions 'chercher' des livres rue Drottninggatan, et non 'acheter',
comme si les ouvrages et leur contenu dune certaine manière
nous appartenaient déjà (...). Or, même lorsque nous
avions rapporté les livres, que nous les avions lus, commencé
à les lire ou posés quelque part pour les ouvrir ultérieurement,
nous ne considérions pas quils étaient à nous
à cent pour cent. La propriété des livres diffère
des autres types de propriétés, cela ressemble plutôt
à un prêt qui peut cesser à tout moment ou être
transféré à dautres, par exemple dès
que quelquun témoigne dun authentique intérêt
pour luvre ou lauteur en question [ainsi pour un livre
où se plonge un visiteur dans l'appartement]. Le
roman lui appartenait, je lavais senti immédiatement, cela
ne faisait aucun doute. Mon domicile navait été pour
cette uvre quune zone de transit." Ce que vous dites
me donne envie de le continuer.
Marie-Yasmine
Cette lecture a été une courte
pause, plutôt agréable, mais dont je n'ai pas emporté
grand-chose une fois la liseuse éteinte.
J'ai apprécié la découpe avec
les quatre portraits. J'ai trouvé que les deux premiers se répondaient
particulièrement, présentant d'abord une femme dans l'hyper
contrôle de ses émotions, puis une femme complètement
débordée par les siennes.
Le style n'est pas désagréable, les
histoires intéressantes, surtout la dernière qui montre
de façon particulièrement touchante, parce qu'à travers
les yeux de sa fille, les stigmates sur une vie d'un trauma.
J'ai également trouvé bien rendue,
dans la première histoire, cette sensation de ne pas concevoir
sa vie sans une personne qui ensuite devient un simple souvenir.
Je n'ai aucun reproche à formuler
à ce roman, mais je l'ai vite laissé derrière moi.
Sophie
(avis transmis)
Je suis heureuse que le programme (modifié)
de Lirelles m'ait donné l'occasion de relire ce livre que
j'avais lu pour la première fois à l'automne dernier.
À l'époque, je venais
de vivre une rupture soudaine et le premier chapitre, "Johanna",
avait résonné dans ma vie à tel point que les autres
chapitres avaient laissé dans ma mémoire un souvenir confus.
Je me souviens avoir aimé le livre mais peut-être était-ce
simplement parce que j'y avais trouvé un écho très
intime dans les 30 premières pages ?
Ces dernières semaines, en le relisant, j'ai redécouvert
l'ensemble du livre avec une attention plus homogène et je suis
"entrée" dans chacun des 4 chapitres, dans les portraits
des 4 êtres évoqués par l'autrice et aussi - et
peut-être surtout - dans le portrait de l'autrice (ou de la
narratrice si ces histoires ne sont pas autobiographiques) qui se dessine
en creux tout au long du livre.
C'est peut-être la richesse psychologique du livre qui me marque
le plus aujourd'hui : 4 parcours, 4 personnalités, et leurs interactions
avec ceux de la narratrice dont le profil subtil, complexe, apparaît
au fil des pages. Sans parler des nombreux personnages pas si secondaires
que ça comme Sally.
J'ai aimé le fond et la forme, intrinsèquement mêlés.
Nous découvrons à la fin, dans "Birgitte", le
contexte familial dans lequel elle a grandi et cette fin éclaire
a posteriori ce qui affleure dans les chapitres précédents,
ses relations, ses choix, ses attitudes, ses réactions.
La complexité et la diversité de la narratrice (autrice
?) - et la façon dont elles sont révélées
progressivement et dans le désordre chronologique - m'ont plu.
Je ne reviens pas sur ce que j'ai pensé de "Johanna",
description parfaite d'une relation éphémère, intense,
probablement toxique et brutalement interrompue. Ia Genberg décrit
parfaitement ce que vit celle qui est quittée, au moment où
ça arrive et après.
Dans "Niki", elle nous fait partager le vertige et la douleur
vécus par une personnalité borderline et par ceux qui l'aiment.
C'est le chapitre qui m'a le plus touchée, cette fois. Ce chapitre
m'a fait penser au titre du livre d'Hélène Giannecchini,
Un désir démesuré
d'amitié.
"Alejandro" est une histoire de peau, d'attraction sensuelle,
elle aussi parfaitement décrite. Un "ouragan" qui ne
s'explique pas, que l'on vit et après lequel on passe à
autre chose.
J'ai aimé la mélancolie qui se dégage de ce livre.
La nostalgie de ce qui n'est plus mais qui reste là, dans des rêves,
des pensées, des manques
et ce qu'on continue de trimballer
au fond de soi, qui nous façonne.
J'ai aimé la lucidité avec laquelle la narratrice regarde
le monde et se regarde elle-même.
Pour finir, un mot sur la traduction d'Anna Postel, très réussie,
qui garde certainement intacts le style et l'écriture de Ia Genberg.
Patricia
Inutile de vous dire que j'ai beaucoup aimé ce livre, en premier
lieu parce que j'aime particulièrement les romans psychologiques
et l'analyse psychologique, proche de l'autofiction.
J'ai envie de croire que ce livre est autobiographique, même si
l'auteure dit que tout ne l'est pas, que les personnages sont inventés.
Mais, ce livre résonne tellement en moi, il semble si réel,
que j'ai l'impression que l'auteure raconte ma vie (ou presque). Ce qui
explique, à mon avis, le succès de ce livre, chacun s'y
projette.
J'ai aimé l'écriture, la fluidité
; malgré la simplicité dans certains cas, il y a de la complexité
dans la construction notamment. J'y ai trouvé
aussi par moment des pointes d'humour.
La narratrice y dresse l'histoire de sa rencontre
avec quatre
personnages, à différentes époques, qui ont
marqué sa vie. Elle se présente sous forme de quatre
nouvelles ; on retrouve dans chaque histoire des moments heureux,
car ce sont des personnages qu'elle a beaucoup aimés, mais aussi
des moments très tristes et amers, souvent liés à
la fin de ces relations, traumatisantes car elle se fait souvent quitter
de façon brutale. Chaque personnage est intéressant psychologiquement.
On y retrouve des sentiments toujours universels, très bien décrits.
Elle y fait un parallèle avec sa carrière d'écrivaine
souvent liée aux rencontres.
La première relation est son premier grand amour. Rapidement on
apprend que c'est une relation fusionnelle à l'extrême, mais
qu'elle sera quittée ("nous nous installâmes l'une
dans l'autre", "elle était mon personnage principal"
- ce qui veut tout dire. En parallèle, c'est Johanna qui l'encourage
à écrire et à prendre l'habitude de le faire tous
les jours. La littérature est liée à elle, de même
que les livres qu'elle lui a offerts. Cette relation est déterminante
pour le reste de ses relations. Il y a une progression dans la description
de sa relation avec Johanna, avec quelques sorties de route pour expliquer
progressivement la fin de cette relation et sa suite. Elle décrit
bien le sentiment d'échec et celui de se retrouver libre après
une passion : "Jamais plus je n'aurai confiance en quelqu'un,
jamais plus je n'aurai quelqu'un à moi". Finalement, elle
s'en remet mieux qu'elle ne le pensait. Sans doute parce qu'elle savait
que la fin était inéluctable, par la froideur parfois soudaine
de Johanna. Elle apprend plus tard que Johanna n'a jamais aimé
Paul Auster, son auteur préféré. C'est la douche
froide encore une fois.
La deuxième relation, Niki, c'est l'histoire que j'ai le moins
aimée, c'est une folle, voire psychotique, à laquelle elle
s'attache, malgré les accès de colère. D'ailleurs
elle ne la comprend pas et n'aime pas son auteure suédoise préférée,
Birgitta Trotzig. C'est une relation incompréhensible, on ne sait
pas pourquoi elle s'attache à cette fille, peut-être faute
de mieux, peut-être en raison de son côté protecteur
qu'elle s'est construit avec la quatrième histoire, sa mère.
Par rapport au voyage, encore un livre où le voyage (la recherche
de Niki) lui permet de faire un point sur cette amitié toxique.
Malgré cela elle se refuse de critiquer Niki. "La disgrâce
existait dans notre relation depuis ses prémices, tout n'avait
été qu'une promenade sur une glace extrêmement fragile."
: en ce qui me concerne, je dirais une perte de temps terrible avec quelqu'un
qui vous méprise en fait.
Le profil psychologique de la narratrice
Ce qui est intéressent aussi dans ce roman, c'est qu'à travers
chaque histoire, on en apprend beaucoup sur la narratrice, sur son profil
psychologique : notamment, elle se sous-estime beaucoup par rapport à
l'écriture, et en plus, elle est tellement peu sûre d'elle-même
qu'elle sait d'avance que chaque relation ne va pas durer. Je la vois
très passive, qui se fond dans le décor, peu de personnalité
; elle pourrait se rebeller, se mettre en colère, mais elle ne
le fait pas, elle est très raisonnable ; elle est entière
et généreuse et ne veut surtout pas faire de mal ; elle
se laisse faire et elle reste dans ces relations toxiques ou étouffantes
alors qu'elle sait très bien que ça ne peut durer, qu'elles
ne lui conviennent pas ; mais elle demeure malgré tout lucide depuis
le départ, malgré tout ce n'est pas pour elle matière
à rupture, c'est comme si, elle angoissait à l'idée
de l'issue inéluctable.
Elle est capable aussi, mais très rarement, de folie, comme quitter
son compagnon avec qui elle est depuis longtemps sur un coup de foudre
pour une sorte de saltimbanque instable qui lui a fait un enfant et qui
part sans donner de nouvelles. C'est la troisième histoire du livre.
La peur de l'abandon, le fait qu'elle se mette souvent, comme elle l'indique,
à la recherche d'amis, d'amants anciens ("quête vaine
d'une chose à jamais perdue"), peuvent s'expliquer en
partie, à mon avis, par le dernier portrait, mis volontairement
à la fin, qui est celui de sa mère, névrosée
à un point extrême ; la narratrice a dû passer
son temps à vouloir épargner sa mère, la ménager,
la protéger. J'ai trouvé particulièrement émouvante
cette dernière histoire, celle de sa mère. De plus, en réaction,
la narratrice se rebellait souvent contre son père qui était
pourtant un homme bon. Je pense qu'elle n'a pas pu, ni su trouver une
stabilité affective auprès de ses parents, même si
elle a été aimée.
Le parallèle entre la carrière d'écrivaine
de la narratrice et le roman
Toutes ces rencontres ratées vont en parallèle de sa carrière
d'écrivaine ratée sur laquelle elle s'apitoie souvent, en
lien avec ses relations.
On comprend aussi pourquoi elle a eu du mal à avancer dans la vie,
l'échec de sa carrière d'écrivaine ; elle était
très influençable, j'y ai vu une sorte d'autodestruction,
avec également la drogue, l'alcool.
L'anecdote de l'atelier d'écriture où son prof lui dit qu'elle
avait "une attention mélancolique aux détails"
et "d'une précision inexacte" n'est pas un détail...
Je pense que ce commentaire, si elle ne l'a pas compris tout de suite,
a été déterminant, et donc par ce roman elle s'ouvre
enfin sur ces détails amers, en les rendant le plus précis
possibles. Le titre "Les détails" est mieux compris à
ce moment-là : chaque rencontre est un détail, mais
à chaque rencontre elle reprend des détails sans importance
apparente, mais qui marquent une vie. Elle conserve les livres qu'on lui
offre pour l'aider à se souvenir. C'est souvent au moment où
elle a de la fièvre qu'elle se remémore. Ce sont dans des
circonstances négatives, douloureuses. On ressent, fortement, une
sorte de nostalgie, mais aussi d'amertume, comme si on avait nous aussi
la fièvre. Dans la troisième histoire, le mot "détail"
est cité un nombre incalculable de fois. Peut-être cette
troisième histoire avait-elle été nécessaire
pour qu'elle trouve enfin la stabilité, et qu'elle se sorte de
tous ces échecs. Ou peut-être la naissance de sa fille a-t-elle
été le déclencheur nécessaire.
Car apparemment, elle s'en sort : bon métier, trois enfants, devenue
écrivaine, etc. Elle a enfin trouvé sa voie. Et elle a une
véritable amie Sally car dans chaque histoire, elle parle de Sally,
à qui elle se confie et qui ne la juge pas. Ce n'est pas un des
personnages principaux, mais elle est très importante tout le long
du livre.
Bref, tout ce que j'aime dans un livre.
Bouleversant. Envie de le relire, car il y a sûrement des "détails"
que je n'ai pas captés.
Le dernier paragraphe du livre est très mélancolique et
très beau, et nous fait comprendre, que seule la mélancolie
la fait écrire et lui permet de rassembler les pièces du
puzzle.
Claire
J'ai beaucoup aimé ce livre quand je l'ai découvert l'été
dernier. Je l'ai relu 10 mois plus tard : épreuve que la relecture
pour un livre... Je l'ai autant apprécié et ai mieux compris
pourquoi.
D'abord en raison d'une construction très
fluide, habile et faussement simple : j'ai aimé cette
idée de parcours non chronologique d'une vie, racontée en
se centrant sur quatre relations fortes - j'ajouterais une cinquième,
que tu évoquée Patricia : Sally (Sally 60 occurrences, Johanna
40, Niki 116, Alejandro 23, Birgitte 55). J'ai immédiatement pensé
à un film que je venais de voir cette semaine, Fragments
d'un parcours amoureux de Chloé Barreau, qui a quelque
chose de commun : le portrait de l'auteure du film est fait au travers
d'entretiens, en son absence, avec une dizaine de relations amoureuses
qui se sont égrenées au cours de sa vie ; le film que
j'ai également beaucoup aimé a en commun également
avec le livre la bisexualité. Je rapprocherai même l'image
des deux femmes... :
Chloé Ia
J'ai également aimé la balade dans le temps, l'entrelacement
des temps : dans une même page, on revient en arrière, ou
à un présent de l'écriture dont on ne sait rien et
tout à coup est signalée la présence d'un enfant.
Ce qui m'a plu à moi aussi, c'est la finesse
psychologique, l'analyse des relations à travers des situations
- sont-ce des détails ?... -,
par exemple la différence entre rester attachée et
s'attacher ou dans le système des cadeaux entre Johanna
dominatrice et la narratrice - dont, au passage, on ne connaîtra
pas le nom - on cerne bien la "violence latente des dons".
J'ai aimé le prix des mots, que ce
soit à travers l'importance de la parole
- la conversation est essentielle pour la
narratrice -, des livres - en particulier
partagés - et de l'écriture
dans la vie de la narratrice et, dans une moindre mesure, de Niki. Cette
importance a ajouté de l'intérêt au livre et aux relations
qu'ils évoquent.
(J'ai découvert,
car elle est citée plusieurs fois, l'existence de Birgitta
Trotzig, apparemment célèbre en Suède. Pour le
fun, j'ai lu qu'en 1951, une bourse permet à Birgitta et son mari
Ulf d'aller étudier à Paris où leur chambre rue Richer
est bien trop petite pour une écrivaine, un peintre et un jeune
enfant ; aussi l'utilisent-ils alternativement : les jours pairs Birgitta
promène l'enfant de l'aube au crépuscule dans les rues de
Paris pendant qu'Ulf transforme la chambre en atelier d'artiste, et les
impairs c'est au tour d'Ulf tandis que Birgitta écrit. Plus tard,
les Trotzig reviendront s'installer pour 14 ans à Villiers-le-Bel
où elle rédigera ses premières uvres).
J'ai aimé que les
relations soient très fortes,
différentes les unes des autres, constituant une série d'histoires
intenses, romanesques. S'agit-il d'un
roman ? En tout cas d'une uvre littéraire. Je le rapprocherai
d'un livre prétendument de nouvelles, jouant aussi sur les temps,
Territoire
de la lumière de Yûko Tsushima, avec le même
personnage d'une nouvelle à l'autre, convaincant qu'on penche vers
le roman.
Un autre aspect du livre lié à l'entrelacement des temps,
c'est la façon de caractériser à petites touches,
à travers les relations, les époques
(avec des détails, oui, comme l'arrivée du mobile), les
modes de vie, notamment baba-cool, dans
une certaine précarité ("Deux valises suffirent
à transporter lensemble de mes possessions") - petits
boulots, drogue, musique -, mais aussi le mari lobbyiste au parlement,
puis dans une organisation environnementale ; est évoqué
le scandale de l'inceste, le passage à l'an 2000 : on traverse
des contextes sociaux, voire politiques - j'ai
aimé l'attitude du père de la narratrice sur le communisme,
drôle.
Il y a de l'humour d'ailleurs.
Dans ma première lecture, j'ai ressenti
une légère gêne concernant la question que me posait
le texte : est-ce autobiographique ou pas ? Après la deuxième
lecture, j'ai écouté des entretiens avec l'auteure : le
point de départ est autobiographique, avec la situation de fièvre
et d'un livre retrouvé avec une dédicace, mais tout le reste
serait fiction, nourrie par des impressions vécues. Pourquoi me
semble-t-il utile de le savoir ?...
La traduction m'a semblé avoir des partis pris souvent agréables,
un peu osés, mêlant termes familiers et utilisation des passés
simples qu'on n'utilise plus ("nous nous retrouvâmes",
"discutâmes") et des subjonctifs très nombreux
qui passent très bien pour la plupart, quelques fois limite, on
aurait pu s'en passer : "J'attendais que le serveur qui m'avait
tendu les bulles me donnât un verre",
"je tressaillais, comme secouée par leur seule existence,
par le fait que ses mains fussent
là, accrochées à son corps".
Le dernier personnage et le dernier chapitre tranchent avec les précédents
: d'une part il y a une surprise en cours de chapitre, en découvrant
qu'il s'agit de la mère de la narratrice, et d'autre part le récit
est d'un autre ordre, on n'est pas en direct avec au sein de la relation,
c'est distancié, et c'est vraiment un récit, plus linéaire,
moins prenant pour moi.
Pour compléter mes réserves qui sont vraiment légères,
il y a le titre, "Les détails", qui m'a incitée
à relever toutes les occurrences du mot ; si le titre sonne bien,
je ne vois pas si clairement que ça à quoi il renvoie. Par
exemple, est évoqué "un bonheur sans nom, un tout
dans lequel les détails sont préservés, inséparables,
et pourtant distincts, comme placés les uns à côté
des autres." Ou encore : "S'attacher, pour moi,
revenait à se faire tatouer, tout perdurait, les détails
étaient préservés, toutes les personnes dont j'avais
été amoureuse ou pour qui j'avais éprouvé
de l'amitié." Et puis surtout, à propos de son
professeur : "mes textes possédaient, ce qu'il appelait
'une attention mélancolique aux détails', doublé
d''une précision inexacte'".
Pour finir - et Joëlle l'évoque - ce
qui m'a frappée avant tout, c'est la voix
dans le livre, qui narre, sa langue vraiment très présente,
très forte, très délicate en même temps. Grâce
à la traduction, que Sophie souligne aussi.
Je voudrais répondre à Agnès qui dit ne pas comprendre
ce que l'auteure a voulu raconter et à Flora qui se demande où
elle voulait en venir. Il me semble que c'est expliqué au début
du dernier chapitre : "Nous vivons tant de vies à
lintérieur de la nôtre, des vies plus petites avec
des personnes qui vont et qui viennent, des amis qui disparaissent, des
enfants qui grandissent, et je ne suis pas sûre de savoir laquelle
de mes vies est le cadre dans lequel sinscrivent toutes les autres.
Quand je suis fiévreuse ou amoureuse, tout semble évident,
mon 'moi' se retire et laisse la place à un bonheur sans nom, un
tout dans lequel les détails sont préservés, inséparables
et pourtant distincts, comme placés les uns à côté
des autres. Après coup, je me rappelle cet état comme un
état de grâce.
Cest peut-être ainsi que le tout peut être raconté,
avec des individus qui, de façon désordonnée, entrent
et sortent à travers mon visage. Ni 'début', ni 'fin'. Aucune
chronologie particulière, juste des instants et ce qui y advient."
Il me semble que le projet du livre est là.
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