Lirelles


Nous avons lu pour le 19 novembre 2023

La Sentence de Louise Erdrich
trad. Sarah Gurcel, Albin Michel, 2023, 448 p.


Quatrième de couverture : "Quand j’étais en prison, j’ai reçu un dictionnaire. Accompagné d’un petit mot : Voici le livre que j’emporterais sur une île déserte. Des livres, mon ancienne professeure m’en ferait parvenir d’autres, mais elle savait que celui-là s’avérerait d’un recours inépuisable. C’est le terme 'sentence' que j’y ai cherché en premier. J’avais reçu la mienne, une impossible condamnation à soixante ans d’emprisonnement, de la bouche d’un juge qui croyait en l’au-delà."
Après avoir bénéficié d’une libération conditionnelle, Tookie, une quadragénaire d’origine amérindienne, est embauchée par une petite librairie de Minneapolis. Lectrice passionnée, elle s’épanouit dans ce travail. Jusqu’à ce que l’esprit de Flora, une fidèle cliente récemment décédée, ne vienne hanter les rayonnages, mettant Tookie face à ses propres démons, dans une ville bientôt à feu et à sang après la mort de George Floyd, alors qu’une pandémie a mis le monde à l’arrêt...
On retrouve l’immense talent de conteuse d’une des plus grandes romancières américaines, prix Pulitzer 2021, dans ce roman qui se confronte aux fantômes de l’Amérique: le racisme et l’intolérance.

Découvrez NOS RÉACTIONS

après des infos autour du livre :

Repères biographiques
Livres traduits en français
Presse : articles, radio, vidéo

L'éditeur - Les traductrices
La fameuse librairie


REPÈRES BIOGRAPHIQUES

Louise Erdrich (prononcez Erdrik ou Eurdrig) est née en 1954 à Little Falls dans le Minnesota.

Son père est d'origine allemande, sa mère est une Ojibwa.

Ses parents travaillaient au Bureau des affaires indiennes.

"Ma langue tribale est l’ojibwemowin (...) ma propre tribu, la Turtle Mountain Band of Chippewa"

"Ma mère, Rita Gourneau Erdrich, a fabriqué ces mocassins pour moi, quand j'avais quatre ou cinq ans. Je les ai portés pour danser dans mon premier pow-wow. Merci M'man." (sur facebook)

Les Ojibwe (mot qui signifierait "le peuple des mocassins plissés"), également connus sous le nom de Chippewa, étaient principalement des chasseurs et des pêcheurs. Ils ont été obligés de devenir agriculteurs.

L'arrière-grand père de Louise Erdrich, qu'elle a connu, chassait le bison. Son grand-père maternel, Patrick Gourneau, a été président tribal de Turtle Mountain pendant de nombreuses années.

 

Le drapeau de Turtle Mountain

On peut lire ici des détails en anglais sur l'histoire, parfois tragique, de cette tribu, dont Louise Erdrich dit : "On est souvent passés près de tout perdre. Pourtant, malgré les privations et les pires exactions, notre peuple était farouchement déterminé à survivre et à empêcher notre identité de tomber dans l’oubli. Mon grand-père, Patrick Gourneau, avait reçu une piètre éducation dans son pensionnat indien, mais il s’est débrouillé pour sauver notre peuple de l’extinction au milieu des années 1950. Ça me donne de l’espoir."

Louise est l'aînée de sept enfants, dont deux autres sont également écrivaines : Lise Erdrich et Heid E. Erdrich. Elle a toujours aimé raconter et écrire des histoires ; son père lui donnait une pièce de 5 cents pour chaque histoire.

En 1979, elle obtient son master en arts en écriture à l'Université Johns Hopkins. Elle aura suivi les cours de Michael Dorris, anthropologue, écrivain, puis directeur du nouveau programme d'études amérindiennes. Elle l'épouse en 1981. Ils écrivent ensemble sous le pseudonyme de Milou North.

Ils ont trois enfants que Dorris avait adoptés comme parent célibataire et ont ensemble trois filles. Un des enfants adoptés meurt dans un accident de voiture, l'autre est accusé d'avoir essayé d'extorquer 15 000$ à ses parents en 1994, emprisonné ensuite pour tentative de meurtre contre sa petite amie. Louise et Michael se séparent en 1995. En 1996, une enquête pour abus sexuel sur leurs enfants est ouverte mettant en cause Michael Dorris. Il se suicide en 1997.
À 47 ans, Louise Erdrich a donné naissance à une autre fille dont le père est un Amérindien.

LIVRES TRADUITS EN FRANÇAIS

Nombreux sont les livres de Louise Erdrich traduits en français. Cependant sa poésie et ses essais ne sont pas traduits.
Les livres traduits sont listés ci-dessous dans l'ordre de leur publication aux USA. Les sept premiers sont publiés chez Robert Laffont, puis tous les autres chez Albin Michel. Les deux premiers sont retraduits et publiés sous un nouveau titre, les traductions ayant été tronquées : bizarre...

• Romans
- 1984 Love Medecine (National Book Critics Circle Award, prix le Prix des éditeurs et des critiques littéraires américains) : L'Amour sorcier, trad. tronquée Isabelle et Mimi Perrin, Robert Laffont, 1986 ; rééd. Points, 1992 ; Love Medecine, trad. intégrale Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2008 ; rééd. Le Livre de poche, 2011
- 1986 The Beet Queen : La Branche cassée, trad. tronquée Marianne Véron, Robert Laffont, 1988 ; Le Pique-nique des orphelins, trad. intégrale Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2016 ; rééd. Le Livre de Poche, 2018
- 1988 Tracks : La Forêt suspendue, trad. Mimi Perrin, Robert Laffont, 1990
- 1988 The Crown of Columbus, écrit en collaboration avec son mari Michael Dorris : La Couronne perdue, trad. Dora Pastré, Robert Laffont, 1990
- 1994 The Bingo Palace : Bingo Palace, trad. Marianne Véron, Robert Laffont, 1996 ; rééd. Pavillons poche, 2022
- 1997 The Antelope Wife : L'Épouse antilope, trad. Isabelle Reinharez, Robert Laffont, 2002
- 2001 The Last Report on the Miracles at Little No Horse : Dernier Rapport sur les miracles à Little No Horse, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2003 ; rééd. Le Livre de poche, 2009
- 2003 The Master Butcher's Singing Club : La Chorale des maîtres bouchers, Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2005 ; rééd. Le Livre de poche, 2007
- 2005 The Painted Drum : Ce qui a dévoré nos cœurs, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2007 ; rééd. Le Livre de poche, 2010
- 2008 The Plague of Doves : La Malédiction des colombes, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2010 ; rééd. Le Livre de poche, 2012
- 2010 Shadow Tag : Le Jeu des ombres, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2012 ; rééd. Le Livre de poche, 2014
- 2012 The Round House (National Book Award) : Dans le silence du vent, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2013 ; rééd. Le Livre de poche, 2015
- 2016 LaRose (obtient à nouveau le National Book Critics Circle Award) : LaRose, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2018 ; rééd. Le Livre de Poche, 2019
- 2017 Future Home of the Living God : L'Enfant de la prochaine aurore, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2021 ; rééd. Le Livre de Poche, 2022
- 2020 The Night Watchman (Prix Pulitzer) : Celui qui veille, trad. Sarah Gurcel Vermande, Albin Michel, 2022 ; rééd. Le Livre de poche, 2023
- 2021 The Sentence : La Sentence, trad. Sarah Gurcel Vermande, Albin Michel, 2023.

Recueils de nouvelles
2009 The Red Convertible: Selected and New Stories, trad. Isabelle Reinharez, en deux volumes :
- La Décapotable rouge, Albin Michel, 2012 ; rééd. Le Livre de poche, 2014
- Femme nue jouant Chopin, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2014 ; rééd. Le Livre de poche, 2017.

Jeunesse
- 1999 The Birchbark House : Omakayas, trad. Frédérique Pressman, L'École des loisirs, 2002
- 2005 The Game of Silence : Le Jeu du silence, trad. Frédérique Pressman, L'École des loisirs, 2008.

PRESSE

• Articles sur La Sentence
Les articles sont fort nombreux. Voici une sélection parmi ceux qui font autre chose que relater le contenu... cliquez pour les consulter :
- “La Sentence, de Louise Erdrich, un envoûtant conte peuplé de fantômes et de livres", Marine Landrot, Télérama, 6 septembre 2023

- "Louise Erdrich, une voix qui compte", Hubert Artus, Le Parisien, 9 septembre 2023
- "Louise Erdrich, à l’écoute de l’invisible", Florence Noiville, Le Monde, 10 septembre 2023
- "Le livre des fantômes de Louise Erdrich", Philippe Chevilley, Les Echos, 20 septembre 2023
- "Louise Erdrich, au carrefour de l’invisible", Marie Chaudey, La Vie, 5 octobre 2023, p. 66-69
- "La sentence de Louise Erdrich : une librairie contre les préjugés", Pierre Maury, Le Soir, Bruxelles, 12 octobre 2023
- "Louise Erdrich : une Indienne dans sa ville", L'univers d'un écrivain, Laëtitia Favro, Lire magazine, octobre 2023, p. 36-38
- "La Sentence de Louise Erdrich, Amérique fantôme", Frédérique Roussel, Libération, 4 novembre 2023
- "Le prix Femina étranger décerné à Louise Erdrich pour La Sentence", un roman qui s'attaque aux fantômes de l'Amérique et chante le pouvoir merveilleux des livres, Laurence Houot, France Info Rédaction Culture, 6 novembre 2023.

• Radio
- "Louise Erdrich est l’invitée des Matins du samedi", par Quentin Lafay, France Culture, 11 novembre 2023, 40 min.
- Le lendemain de notre séance :
"Débat critique : La Sentence de Louise Erdrich" avec Elise Lépine et Romain de Becdelièvre, Les Midis de Culture, par Géraldine Mosna-Savoye, France Culture, 20 novembre 2023, 15 min.

• Vidéos
- Dans La Grande Librairie, Louise Erdrich évoque un éco-système autour du livre, 8 novembre 2023, 6 min 11
- L'éditeur Albin Michel présente le livre et son auteure aux libraires, avec le directeur de collection “Terres d’Amérique” Francis Geffard et un intéressant reportage américain de PBS NewsHour sur Louise Erdrich, 12 min 56.

L'ÉDITEUR - LES TRADUCTRICES

• L'éditeur Francis Geffard
La collection “Terres d’Amérique” a été créée et est dirigée par Francis Geffard chez Albin Michel. Qui est donc Francis Geffard ?

À l’âge de vingt ans, en 1980, il abandonne ses études de droit pour ouvrir une librairie à Vincennes, ville où il a grandi, la célèbre Librairie Millepages.

En 2002, Francis Geffard créé avec Philip de la Croix (directeur de la chaîne de musique classique et jazz Mezzo) le festival America. Cet événement a lieu tous les deux ans à Vincennes et réunit des personnalités américaines dans le domaine de la littérature, mais aussi du cinéma, de la musique, de la danse et de la photographie. L’ambition symbolique de cet événement est de "jeter un pont entre deux rives de l’Atlantique, entre deux continents qui ont déjà tant partagé et qui ont encore à apprendre l’un de l’autre".

Ayant acquis une excellente connaissance de la production littéraire américaine grâce à ses nombreux voyages aux Etats-Unis, Francis Geffard rejoint les éditions Albin Michel et y met en place successivement trois collections :
- la première, "Terres indienne", créée en 1992, permet à ce passionné de littérature amérindienne de présenter en France l’histoire des Indiens d’Amérique
- avec "Terres d’Amérique", en 1996, il s’attache à mettre de jeunes auteurs américains sur le devant de la scène, certains comme Louise Erdrich devenant célèbres ; voir l'intéressante interview de Francis Geffard pour les 20 ans de la collection (5 min 15), qui publie à cette occasion 20+1 short stories
- la dernière collection "Latitudes" propose des ouvrages journalistiques sur l’exploration de régions lointaines de tous les continents.

• Les traductrices

› La traductrice de La Sentence
Sarah Vermande, est aussi comédienne. Elle traduit du théâtre, essentiellement britannique (sous son nom de scène, Sarah Vermande), de la non-fiction et surtout des romans nord-américains.
Pour la collection "Terres d’Amérique", elle a traduit, outre un autre livre de Louise Erdrich (Celui qui veille), Philipp Meyer (Le fils), Claire Vaye-Watkins (Les sables de l’Amargosa), Sana Krasikov (Les patriotes), Michael Christie (Lorsque le dernier arbre).
Voir son blog : https://www.sarahvermande.com/
Son parcours et ses traductions : ›ici.

› Les autres traductrices
Suprise ! La première traductrice de Louise Erdrich est la pianiste et chanteuse de jazz Mimi Perrin qui, après une carrière musicale (ah les Double Six !...), est devenue traductrice : elle traduit le premier livre de Salman Rushdie, Grimus, en 1975, La Couleur pourpre d'Alice Walker en 1984 sous le titre de Cher bon Dieu, des autobiographies (Dizzy Gillespie, Nina Simone), est à partir de 1989 la traductrice attitrée de John le Carré en compagnie de sa fille, Isabelle Perrin, maître de conférences à la Sorbonne. Dora Pastré traduit un livre, Marianne Véron deux romans. Les deux titres pour la jeunesse sont traduits par Frédérique Pressmann qui est traductrice, mais principalement réalisatrice.
Et Isabelle Reinharez entre en scène, traductrice depuis 1981 (246 entrées sur le site de la BNF), ayant même dirigé 10 ans la collection de littérature anglaise et américaine d'Actes Sud (son portrait en vidéo ici, 2009, 15 min). Sur une vingtaine d'années, elle a traduit 13 romans de Louise Erdrich :
- L'Épouse antilope (2002)
- Dernier Rapport sur les miracles à Little No Horse (2003)
- La Chorale des maîtres bouchers (2004)
- Ce qui a dévoré nos cœurs (2006)
- Love Medecine (2008)
- La Malédiction des colombes (2010)
- Le Jeu des ombres (2012)
- La Décapotable rouge (2012)
- Dans le silence du vent (2013)

- Femme nue jouant Chopin (2014)
- Le Pique-nique des orphelins (2016)
- LaRose (2018)
- L'Enfant de la prochaine aurore (2021).

LA FAMEUSE LIBRAIRIE

Birchbark Books, la librairie de Louise Erdrich :


La patronne devant la librairie :

La patronne dans la librairie :


Le confessionnal :

Un canot au plafond :

C'est du boulot :

Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre :

Qui a réagi ?
Les tendances
Les avis

Un prolongement


Qui a réagi ?

Ce 19 novembre 2023, nous étions 14 à exprimer nos impressions à la lecture de ce livre :
- en direct (7) : Anne, Brigitte, Claire Bi, Claire Bo, Joëlle L, Muriel, Patricia.
- en visio (6) : Agnès, Laetitia, Marie-Yasmine, Nelly, Sandra, Véronique. À noter : trois lectrices étaient en tenue sportive à l'écran, car elles arrivaient d'un relais marathon à Deauville (mens sana in corpore sano...)
- par écrit (1) : Flora.
Étaient prises ailleurs (6) : Aurore, Felina, Joëlle M, Nathalie, Sophie, Stéphanie
.

Les tendances : tout l'éventail !

Louise Erdrich a divisé, en un bel éventail...

À une extrémité, les déçues, au point de ne pas finir le livre : Flora, Sandra.

À l'opposé, les conquises : Anne, Brigitte, Claire Bi, Laetitia, Marie-Yasmine, Muriel, Patricia, Véronique.

Et entre ces irréconciliables, les positives avec réserves, les embarquées mais..., les "oui" mais pas "waouh", les mi-figue mi-raisin : Agnès, Claire Bo, Joëlle L, Nelly.

La succession des avis

Flora (souffrante, transmet son avis juste avant la séance)
Pour ce qui est du livre, je ne l'ai pas fini. Mais je peux dire que je n'ai pas plus accroché que ça.

Claire Bi (qui lit à haute voix l'avis de Flora)
Quoi ?!

Flora
Pour moi, son intérêt réside dans la situation des autochtones aux USA, comment ils sont perçus par les Américains, comment certains essaient de s'approprier leur culture. C'était très instructif.

Le mystère autour du livre, pourquoi pas...

Mais le roman manque de rythme, on s'ennuie : beaucoup de dialogues inutiles et des personnages auxquels je ne me suis pas attachée.

Joëlle L
C'est un livre que j'ai apprécié dans l'ensemble, mais pas inoubliable : je l'ai lu il y a quelque temps et j'ai déjà du mal à m'en souvenir.

Un peu trop d'intrigues, un peu trop de personnages secondaires
: J'ai eu l'impression de quelque chose de confus, avec des histoires qui partent un peu dans tous les sens et ne se rejoignent pas forcément. Les personnages sont trop nombreux à mon goût, certains à peine esquissés, on les croise et puis on ne les retrouve pas. D'ailleurs je ne m'y suis pas trop retrouvée, j'en ai perdu quelques-uns en route. Je ne sais pas qui est qui, qui fait quoi à part la narratrice, son mari, sa belle-fille, le client exigeant et la cliente fantôme. J'ai eu tendance à me recentrer sur eux. L'équipe de la librairie, j'ai lâché l'affaire.

Un livre exotique : J'ai ressenti une impression non occidentale dans la manière de mener le récit, la prolifération des intrigues et des personnages, l'étrangeté de certaines situations (vol de cadavre, drogue sous les aisselles, fantôme, loup-garou…) côtoyant des faits bien réels (covid, George Floyd).
Dans ce flot disparate, quelques temps morts, des longueurs ici ou là. Je me suis ennuyée par moments. C'est difficile d'être tout le temps intéressant en plus de 400 pages.

Un très bon moment, l'épisode pandémie : J'ai tout reconnu, c'était pareil ici et là-bas : chasse aux masques, incertitudes sur les vecteurs de contamination, défiance et parano. Cet épisode est raconté de manière très vivante, avec juste la petite dose de recul pour qu'on puisse s'en amuser.

Des références françaises pointues : Alain Badiou, le loup-garou, et la phrase de Proust sur la pluie, pas la plus connue, mais magnifique, très subtile et vivante. Il fallait savoir l'apprécier.
Pour les autres langues, je suppose que les références sont de même niveau. Mais je n'ai pas les clés. En tout cas, sa culture sans pédanterie m'a impressionnée.

Difficulté de traduction du titre : Le double sens anglais "phrase/jugement" n'est pas aussi évident en français. On pense d'abord à un jugement, un verdict, éventuellement ensuite à une sorte de maxime. On ne perçoit pas bien le thème de la phrase (celle qu'il ne faut pas lire dans le livre qui tue…). Il y a bien l'idée de la peine de prison du début du livre, mais pas le reste.

Je reste attachée à la littérature classique d'aujourd'hui : Une seule intrigue (au maximum) mais creusée, le juste nombre de personnages utiles au récit ce qui les rend bien identifiables, dans un style épuré, ça reste ma préférence.

Nelly (à l'écran, arrivant d'un marathon)
J'ai commencé le livre en anglais. D'entrée de jeu, j'ai trouvé le livre difficile, désarmant, et j'ai été presque choquée par le premier sujet la menant en prison. Puis on passe à un style de vie très différent : la librairie. J'ai repris en français afin de ne pas passer à côté d'éléments importants, mais les passages de l'un à l'autre des sujets, des chapitres, et le nombre de personnages m'ont déroutée : où est l'intrigue principale ?
Ce qui a trait au fantôme, c'est trop long, pas très crédible, trop présent et sans réelle conclusion.

La façon de décrire la vie quotidienne m'a plu. Les passages psychologiques sont également intéressants. J'ai trouvé très belle la relation de couple Tookie/Pollux, bien que les questions identitaires m'aient échappé.

À certains moments le livre me plaisait, à d'autres il m'ennuyait : mes impressions ont donc varié au cours de la lecture.

J'ai moi aussi trouvé étonnantes toutes les références à des auteurs variés.

Il me reste quelques pages, et Pollux sort d'affaire, c'est heureux.
Je n'avais plus d'énergie à la fin de la course pour terminer le livre… trop long… avec trop de sujets… mais les dernières pages m'ont quand même charmée.

Laetitia (à l'écran, arrivant elle aussi d'un marathon)
C'est une découverte absolue. Et j'ai eu la chance d'assister à la rencontre avec Louise Erdrich à la librairie Millepages à Vincennes, ouverte jadis par Francis Geffard - il était présent -, éditeur de 17 livres de Louise Erdrich dans la collection "Terres d'Amérique" qu'il a créée chez Albin Michel.
photo prise par Laetitia le 8 novembre 2023

J'ai apprécié ce livre qui m'a donné envie d'en lire d'autres, peut-être
la dystopie.
Le livre mêle des aspects fictionnels et d'autres réalistes, concrets : la pandémie, George Floyd ; ce qui a trait à la culture indienne est intéressant. Quant aux fantômes, ils concernent aussi ce qui hante l'Amérique : le racisme, les violences policières, notamment.
Le titre, polysémique, est bien choisi, commenté p. 36
À propos des masques de protection, on sourit, et - je ne l'ai pas encore mentionné - il y a beaucoup d'humour à travers l'ensemble du livre.
Par ailleurs, c'est un livre qui parle des livres, écrit par une libraire - belle mise en abyme ! Dès la dédicace, la librairie est évoquée : : "À toutes celles et tous ceux qui ont travaillé à Birchbark Books, à nos clients, à nos fantômes." Le livre s'ouvre et se referme sur le dictionnaire. Lors de la rencontre à la librairie Millepages, il a été dit que le livre était très fiable sur le métier de libraire. Il est un plaidoyer en faveur des librairies indépendantes. Et leur rôle pendant la pandémie est manifeste.
Pour ce qui est des nombreux livres et auteurs cités, Lirelles y retrouve des lectures : Toni Morrison (Sula), Jean Rhys (La Prisonnière des Sargasses), Olga Tokarczuk (Sur les ossements des morts), Daphné du Maurier (Rebecca), Margaret Atwood
(La servante écarlate), Magda Szabo (La porte) et aussi Carmen Maria Machado, Elena Ferrante, Virginia Woolf et Proust.

Et Louise, dans la librairie, m'a fait penser aux brèves apparitions de Hitchcock dans chacun de ses films : c'est Louise qui tient la librairie, c'est elle qui tient les personnages…
J'ai quelques réserves : à propos du fantôme de Flora, c'est un peu long et redondant. J'ai par ailleurs compris qu'elle a commencé à écrire le livre avant la pandémie qui est arrivée pendant l'écriture du livre, elle l'a introduite et quelque chose d'artificiel dans la construction en résulte me semble-t-il.
Bon, mais j'ai beaucoup apprécié, c'est une découverte très riche.
Encore une fois, ce livre est un très bon choix.


Claire Bi
(qui a eu la bonne idée de nous proposer cette autrice)
Après L'Enfant de la prochaine aurore (qui rappelle un peu La Servante écarlate) et Celui qui veille, c'est donc le troisième livre que je lis : certains motifs reviennent (la famille, les origines, la quête d'identité, les luttes amérindiennes), mais dans chaque livre le ton est différent. J'ai beaucoup aimé celui-là. J'adore son côté foisonnant voire chaotique, et sa temporalité étrange. Le livre est aussi hyper drôle. Ça tient entre autres au personnage de Tookie et à son humour fataliste, sa façon de prendre la vie. À vif, elle est à la fois bourrue et délicate, entière et sensible aux autres, elle ne dévoile pas facilement ce par quoi elle est passée. Je l'ai adoptée instantanément, et avec elle toute la bande de la librairie (j'ai bien ri en découvrant Louise elle-même tranquillement installée dans sa propre librairie, ou partant en tournée de promotion de Celui qui veille en plein début de pandémie).

Au départ quand le livre revient sur le covid, je n'étais pas très enthousiaste, je n'avais pas envie de repenser à cette période. Mais elle la restitue terriblement bien au fil de scènes qu'on a tous vécues, la ruée au supermarché, les consignes absurdes et contradictoires, les masques, la perte de repères etc., l'impression comme dit un personnage que c'est à la fois irréel et terriblement réel. Elle retranscrit bien aussi le temps perturbé, suspendu quand des événements surgissent, comme aussi pendant les émeutes Black lives matter auxquelles participent certains personnages. Elles font écho à ce qui s'est passé en France après le meurtre de Nahel, c'est intéressant aussi.

J'ai de nouveau appris des choses sur les cultures amérindiennes, comme la révolte des Dakotas. Je trouve très bien retranscrites - de façon souvent drôle - les différentes attitudes que les Blancs peuvent prendre avec les autochtones (Flora ou la dame aux ossements). Surtout, j'aime la façon avec laquelle différentes façons de voir et d'expliquer le monde se superposent dans ses livres. Le surnaturel a une place à part, bien sûr l'autrice en joue aussi avec ce fantôme qui froufroute dans la librairie, mais ça m'a évoqué les polars de Tony Hillerman qui se concluent souvent avec deux explications possibles, une rationnelle et une surnaturelle, aucune n'empêchant l'autre d'être vraie ; un peu comme les fantômes qui hantent Tookie et les solutions que les uns et les autres essaient de l'aider à trouver. J'ai beaucoup aimé les dialogues dont certains portent sur des sujets intimes et universels, écrits avec beaucoup de justesse, ou d'autres passages dans lesquels j'ai pu me reconnaître. Le thème de l'identité est creusé dans le livre de plein de façons, de ce qui nous hante aussi, que ce soit en nous ou dans la société dans laquelle on vit.
Et bien sûr +++ pour les titres de bouquins disséminés partout !

Agnès (à l'écran)
Mon avis ne sera pas enthousiaste. Ce roman m'a plu dans son ensemble, mais n'a pas provoqué en moi d'élans passionnés au cours de ma lecture.

J'ai aimé que le personnage central soit une femme, d'âge mûr, bisexuelle, avec une histoire chaotique, son personnage - Tookie - a suscité ma sympathie, tout comme son mari. D'ailleurs, le moment qui m'a le plus happée est l'épisode de l'hospitalisation de Pollux pour cause de covid (j'espérais qu'il guérisse).

J'ai également beaucoup aimé que l'intrigue se déroule dans une librairie, commerce essentiel aux États-Unis donc pendant la pandémie (du moins dans cet État). J'ai été amusée de constater que le confessionnal existe bien dans la réalité, qu'il se trouve dans la librairie que tient l'autrice à Minneapolis.

J'ai bien sûr été intéressée par le fait que le roman se déroule au sein d'une communauté amérindienne, par les informations historiques et sociales qu'il fournit au fil des pages. La partie que j'ai trouvée la plus intéressante est celle consacrée au meurtre de George Floyd et aux émeutes qui ont suivi. J'ai eu l'impression d'être immergée dans l'événement.

En revanche, je n'ai trouvé ni pertinent, ni original, ce que l'autrice a écrit au sujet de la pandémie.

L'histoire avec le fantôme de la cliente m'a paru trop long, pas vraiment exaltant, je me suis longtemps demandé où elle voulait en venir.

Le personnage le mieux réussi reste pour moi le bébé, j'ai trouvé qu'il était décrit, lui et les interactions de Tookie avec lui, avec beaucoup de délicatesse, de tendresse et de véracité.

Pour finir, j'ai beaucoup aimé les conseils de lecture thématiques à la fin du livre et les longs remerciements de l'autrice, qui sont toujours une source d'informations sur le travail d'écrivain-e.

En bref, ce sera un oui, mais pas un waouh.

Muriel
Ce livre m'a beaucoup plu.
J'ai trouvé le livre accrocheur.

Et j'ai aimé ces histoires de revenants, ces tribus indiennes qui sont des Américains modernes. Je me souviens d'avoir traversé une réserve d'Indiens avec des règles concernant des lieux où il était interdit d'aller parce qu'ils étaient sacrés.
J'ai trouvé intéressant aussi de découvrir un peu cette région tout au Nord des Etats-Unis, le Minnesota.
J'ai été étonnée par la peine de 60 ans de prison.


J'ai aimé les relations entre Tookie et Pollux,
avec le bébé, avec Hetta qui se met à appeler Tookie "Maman" - ce qui lui fait plaisir.

Le style est vivant. Bref, j'ai aimé.

Sandra (à l'écran)
J'étais au départ enthousiaste à l'idée de cette découverte et en voyant toutes les bonnes critiques. De plus, que le personnage principal soit une libraire, ça m'attirait.

Mais dès le début, je n'ai pas du tout accroché à l'histoire. Quant au personnage, je ne l'ai trouvé ni plaisant, ni déplaisant. Donc, pas du coup de cœur ni pour Tookie, ni pour l'intrigue.
Le passage de la prison n'est pas assez expliqué, et les sauts dans le temps sont un peu déconcertants, ils "cassent" l'intrigue.
J'ai trouvé le livre fouillis. D'habitude, je ne suis pas gênée par l'absence de date. Mais là je l'ai été, peut-être est-ce pour cela que je n'ai pas adhéré.

J'ai cependant apprécié l'univers de la librairie, les personnages, les dialogues piquants. L'écriture est fluide, plaisante.
Mais ce qui m'a plu n'a pas suffi à me faire lire la suite : j'ai arrêté à la moitié du livre.

Patricia
Je voulais lire un roman, eh bien j'ai été bien servie avec La sentence.
J'ai beaucoup aimé ce livre, facile à lire, fluide, agréable. Je ne me suis pas ennuyée une seconde. Ni trouvé long du tout les 450 pages. J'ai été captivée par l'histoire. Rien ne m'a déplu dans ce livre.
J'ai aimé l'écriture simple, mais spirituelle, le choix des mots justes (d'où le titre La sentence), le rythme, l'humour, les personnages attachants, d'un franc parler et d'une grande humanité.
J'ai trouvé fort de placer le dénouement de l'histoire dans les toutes dernières pages, ce qui a permis de nous tenir en haleine jusqu'au bout sans qu'on ne s'ennuie. Et vraiment admirable, la capacité de nous faire rentrer dans le monde de cette narratrice.


Parmi les nombreux sujets, j'ai retenu deux thèmes centraux : les livres et la culture amérindienne.
1) Les livres : En prison, la narratrice amérindienne Tookie a été sauvée par les livres et son dictionnaire. On y voit la vie d'une librairie qui est universelle. La propriétaire s'appelle Louise (un peu d'autobiographie). Il y a un nombre incalculable de livres cités, dont beaucoup traités à Lirelles. C'est une passion pour la narratrice, ça la sauve à sa sortie de prison.
Cette librairie brasse beaucoup de monde de toutes sortes surtout pendant le Covid ("à croire que tous les kindle étaient cassés"), il s'y passe beaucoup de choses, il y a notamment un fantôme d'une cliente qui hante la librairie.
2) C'est une librairie spécialisée dans la culture amérindienne. On a presque un sentiment d'anachronisme pour nous qui voyons ça de l'extérieur. Car ça nous fait rentrer dans l'histoire des Amérindiens, les différentes tribus et leurs traditions qui perdurent malgré la vie moderne d'aujourd'hui (en sortant de prison elle voyait tout le monde en train de regarder un "rectangle lumineux dans les mains").

La narratrice aspire à l'amour et à la tranquillité, elle a tout pour être heureuse, mais elle est traversée par ses démons. Le titre La sentence, a des sens multiples dans le livre, à mon avis :
1) Les mots, les phrases, les livres
2) La peine de prison purgée (60 ans, réduite à 10 ans). Mais aussi, les personnages sont poursuivis par la culpabilité, la peur et les superstitions, loup garous, fantômes, revenants, etc. ; et également par un rapport à la mort, le respect des morts, la peur de la profanation, la honte de faire partie des Blancs oppresseurs. La narratrice essaie d'enterrer tous ses démons mais ils ressortent (la drogue, son "crime", l'arrestation par son amoureux, la prison, son enfance avec sa mère...). La narratrice a dans son nom le même nom que la cliente fantôme.... Il existe un livre qui dévoile ce nom, mais il tue au moment où elles découvrent ce nom qu'elles portent toutes les deux.

Mais il y a d'autres sujets abordés :
- Le rapport à la police : il y a une sorte d'apartheid dans cet état du Minnesota.
- L'actualité, avec le covid.
- La politique, avec les manifs anti-racistes avec Georges Floyd.
- Le rapport à la famille et à l'amour : d'ailleurs la nourriture et cuisiner ont beaucoup d'importance dans la famille, ça sert à faire famille, montrer son amour, régler des conflits familiaux, éluder certains sujets. Égalementà faire communauté, notamment pour Pollux avec ses amis. Ils essaient de manger sain, mais on voit qu'ils mangent aussi beaucoup de produits industriels…
Il y a un humour ravageur, d'auto-dérision et j'ai trouvé drôle la longue liste de toutes les soupes que Tootsie a mangées, et celles de Pollux ainsi que leur recette.

Comme a dit Véronique, on se sent bien après avoir lu ce livre.

Marie-Yasmine (à l'écran, participant pour la première fois en direct à Lirelles)
Je ne connaissais pas l'auteure. Je n'avais pas lu la quatrième de couverture.
Je l'ai lu en anglais et je n'ai pas regretté.

J'ai été très emportée, notamment par le rythme. Alors qu'au début j'ai eu un peu de mal, très vite je suis entrée dans le quotidien de la narratrice. Il y a en effet une hantise dans la vie quotidienne, quelque chose qui y apparaît et qui bouleverse. J'ai aimé tout ce qui a trait au hanté : tout est hanté, y compris le pays.

Pour moi, ce qui hante la narratrice a à voir avec un trauma : le passé s'interpose dans le présent et empêche d'être paisible. Le fantôme dans le livre relève d'un trauma de Tookie, relatif à sa mère. Elle évoque le pardon et la difficulté à pardonner. Elle a de la rancœur, par rapport à son mari qui l'a arrêtée, finalement elle ne l'a pas digéré.
La phrase du fameux livre n'a un effet que sur Flora et elle-même, cette phrase ne hante qu'elles deux. Cela me fait penser à ces phénomènes paranormaux chez des personnes par exemple hantées par des extraterrestres et qui, justement, ont subi des traumas.
Hetta et Pollux, eux aussi, sont hantés. Tookie est courageuse par rapport à ses démons. Elle s'accroche dans le quotidien et y trouve de la force pour construire quelque chose de nouveau.

J'ai quant à moi bien aimé le côté que certaines trouvent fouillis. Le rythme du roman, haché, lent, fouillis, sert le livre.
En revanche, le covid qui débarque tout à coup, cela ne m'a pas trop plu, je n'avais pas envie d'être à nouveau embêtée ainsi. Mais dans le livre c'est pertinent.

J'ai envie de lire autre chose de Louise Erdrich, peut-être la dystopie.

Claire Bo
Si un roman, c'est une narration, des personnages, une écriture, une voix, j'ai trouvé que la narratrice a vraiment une voix, une voix qui me parle, qui crée de la sympathie, de la proximité. Et c'est vrai qu'il y a de l'humour (Pen "a un faible pour le genre christique aux yeux de biche").

Au début on a de l'action... policière (même si dans l'histoire du crack sous les aisselles, je n'ai pas trop compris la motivation compliquée des auteures), il y a le fil de la morte et la rencontre d'une succession de personnages qui font événement dans le récit. Ce qui est autour de Black lives matter, la pandémie et la relation avec Hetta "la fille", relancent le récit. Mais j'ai trouvé qu'il patinait et aurait gagné à être resserré. De nombreux détails notamment sur la bouffe m'ont semblé ralentir et être inutiles, du coup mon attention se mettait à flotter comme si ce que je lisais n'était pas important - ce qui fait que ce qui pour certaines apparaît important, sujet de fond, m'a échappé.


Je n'ai pas apprécié les changements de narrateur, quand tout à coup on passe à la troisième personne : j'ai trouvé ça artificiel et sans aucune efficacité, comme une maladresse. Par contre j'ai apprécié les passages d'une époque à l'autre quand on repart dans le passé, qui donnaient une profondeur au récit.

Ce qui a trait à un élément essentiel, les autochtones, j'ai trouvé ça plutôt rigolo, folklo et je n'ai pas réussi à prendre ce thème au sérieux, ce qui est gênant.
Quant au fantôme, je l'ai gobé sans problème. Mais comme mon attention se relâchait du fait des baisses de tension du récit, j'ai presque pris ça pour un jeu et j'ai complètement loupé les explications psy sur les liens avec ce fantôme.

Au passage, j'ai apprécié le naturel pour évoquer à trois reprises un couple de femmes : Tookie avec Danae ("j’avais été tellement amoureuse de Danae que j’avais volé pour elle le cadavre de son petit ami"), avec Jacinta ("Je suis tombée amoureuse d’un de ces visages flous. Jacinta. Par la suite nous avons formé un couple") et Hetta et Asema, comme le confie Hetta à sa "mère" : "– J’ai un petit faible pour Asema. – Un petit faible… tu veux dire… ? Elle a hoché la tête en détournant les yeux. –  Eh bien je dois dire que ça me fait plaisir. – Ouah ! Toi alors…, s’est exclamée Hetta. Super normale, super maternelle et tout. J’aurais jamais cru."

J'ai beaucoup aimé tout ce qui a trait aux livres et à la librairie, et aux relations entre les personnes autour du livre, c'est ce qui m'a le plus plu, avec une belle, trop belle, définition de la librairie "Plus qu’un simple endroit, c’était un noyau, une mission, une œuvre d’art, une vocation, une folie sacrée, une dose d’excentricité, un groupe en perpétuelles évolution et reconfiguration mais dont les membres, tous des gens bien, avaient profondément à cœur la même chose : les livres".

J'ai aimé découvrir le mot cliffhanger, que tous les consommateurs de séries connaissent et donc pas moi. J'ai aimé les surnoms des clients lecteurs, comme "Le Mécontentement". J'ai aimé les néologismes bravo la traductrice : intellotochtone, quelconquissime, déKindlement, indigelitistes ; "Pourquoi épouser un cérémoniant si je ne peux pas compter sur lui pour chasserémonier mes ennuis ?".

Mais c'est l'art de narrer que je mets en cause ; le récit aurait gagné pour moi à être resserré. Que fait l'éditeur ? J'ai été gênée par l'absence agaçante de table des matières (que j'ai reconstituée › ici). Que fait l'éditeur ?

Quant à l'auteure elle-même, son parcours et sa personne, ils sont attachants. J'ai aimé découvrir le rôle de Francis Geffard, créateur de la collection "Terres d'Amérique" : j'ai été frappée par l'extrait du catalogue qui figure à la fin du livre avec des dizaines de livres et d'auteurs dont je ne connais pas un seul.

Véronique (à l'écran, arrivant d'un marathon)
Ce livre est arrivé très bien pour moi, c'est de l'oxygène par rapport à ce qui se passe autour de nous. Il m'a permis de m'évader du monde réel.
J'ai lu jusqu'au 30 mai (p. 299).

J'ai bien aimé le monde de la librairie. Ceux qui y laissent des livres qu'ils ont publiés m'ont rappelé des gens autour de moi.

Le lien avec la mère apparaît dans toute son importance, même quand on n'en a pas...
C'est bien vu, c'est crédible.

Contrairement à certaines, la partie sur le covid m'a déplu, j'avais envie de lire autre chose.

Si ce n'est pas un grand livre, je l'ai apprécié sur le moment, j'ai aimé son rythme, il n'est pas difficile à lire, il distrait, il fait du bien.

Anne (participant pour la première fois à Lirelles)
Je pensais faire partie des "mi-figue, mi-raisin" au départ, mais finalement j'ai aimé ce livre.
Au début, le style parlé de l'écriture m'a fait penser que je n'allais pas m'accrocher.
Mais j'ai ensuite aimé découvrir cette femme. J'ai aimé son côté queer ainsi que le fait que ce ne soit pas le sujet du livre.
Je suis entrée dans le livre après l'épisode de la prison. J'ai apprécié le fantôme, bien que c'était un peu too much pour moi quand le fantôme entre dans Tookie !
Cette dimension mystique me parle : ça a été pour moi le fil conducteur du livre.

Je me serais bien passée de l'épisode covid, n'ayant pas forcément envie de lire des choses qui me rappellent cette période.
Par contre, l'évocation de la mort de George Floyd m'a beaucoup secouée, avec ce parallèle fait entre le racisme envers les Noirs et les Amérindiens.

Ce livre est pour moi une belle découverte. J'ai aimé découvrir des aspects de la tradition amérindienne, mélangés à d'autres aspects des personnalités pour certaines très engagées. Les personnages semblent attachés à leurs traditions et cela m'a beaucoup intéressée : Pollux qui brûle de la sauge, les descriptions des différents riz sauvages, le rapport à la nature, au végétal, à l'animal. Dans la prison, il y a un épisode avec la mouche, dieu minuscule que j'ai beaucoup aimé. Les sujets traités dans ce livre sont sensibles et très actuels. Cela m'a parlé.

Enfin, j'ai apprécié par la façon dont sont traitées les relations affectives dans le livre. L'amour de Tookie avec Pollux est émouvant. L'amour que Tookie ressent pour son petit-fils également. Le côté brut de Tookie au début me déroutait, mais cette famille de cœur qui tourne autour d'elle est très touchante. Enfin, l'amour pour les livres qui revient tout le temps est agréable à découvrir.

Le livre me donne envie d'en lire d'autres.

Brigitte
Voilà un roman qui m'a beaucoup plu.
J'avais commencé il y a quelques années à m'intéresser à l'auteure, en commençant par le début : Love Medicine. Sans ressentir de véritable coup de cœur.

Pour cette séance de Lirelles, j'ai lu - outre le roman au programme - The Night Watchman (Celui qui veille) et ce qu'on appelle sa dystopie, Future Home of the Living God (traduit L'enfant de la prochaine aurore, ce qui est assez joli). Ce dernier après The Sentence, pour mieux comprendre son écriture.

Elle a une manière bien particulière de partir de faits d'actualité ou du moins de faits réels : l'histoire de son grand-père et de la loi de 1953 d'expropriation des terres des Indiens pour The Night Watchman et une prédiction de fin du monde et de décadence du genre humain par une secte au tournant du millénaire. Mais ils sont en toile de fond, pour laisser la priorité à l'histoire des personnages.

On retrouve des thèmes récurrents, dont le principal : la quête identitaire de personnages au passé flou, hantés par ce qu'ils ne savent pas autant que ce qu'ils savent, Amérindiens adoptés par des Blancs dans deux des livres lus, et qui tentent de retrouver leurs parents biologiques et donc leurs racines.
L'actualité l'a rattrapée en cours de rédaction : l'épidémie soudaine de covid et les émeutes raciales qui ont suivi le meurtre de George Floyd à Minneapolis. Elle en a fait la toile de fond de la deuxième partie du livre.

Après des narrations linéaires, mais bien menées autour de ce thème principal, elle a choisi ici une narration par bribes, où les hantises du passé sont incarnées par un fantôme aussi réel que puisse être un fantôme. Elle a ici intégré un autre élément de son univers - la librairie avec son confessionnal qui est la sienne dans la réalité - en en faisant un refuge au milieu des émeutes, et un pivot de sa narration : la quête identitaire des personnages se fait aussi à travers les livres.

Un prolongement ? Des conseils d'une spécialiste

Plusieurs d'entre nous ont envie de découvrir un autre livre de Louise Erdrich.

Voici les conseils que nous donne la traductrice de 13 livres de cette auteure, Isabelle Reinharez, qui a, pour des raisons de santé, dû passer la main à une autre traductrice, et n'est donc pas la traductrice des deux derniers livres d'Erdrich :

"Pour moi, Louise aurait dû recevoir le Femina étranger bien plus tôt. Pour Dans le silence du vent, en 2013, ou LaRose, en 2018. Mais les jurés des prix sont toujours à la traîne*. Il a fallu que The Night Watchman (Celui qui veille) remporte le prix Pulitzer pour que la presse française s'intéresse enfin sérieusement à Louise. Et puis la parution en français de The Sentence pour qu'un roman de Louise apparaisse sur la liste d'un prix littéraire !

Si votre club de lecture ou ses lectrices décidaient de lire d'autres romans de Louise Erdrich, à part les deux que j'ai cités plus haut, j'ai adoré l'extraordinaire Dernier Rapport sur les miracles à Little No Horse. Et les deux recueils de nouvelles, aussi (La Décapotable rouge et Femme nue jouant Chopin). Ces livres-là sont pleins de folie.

*Pour les choix trop tardifs des Prix littéraires, je repense à Claudie Hunzinger, prix Femina en 2022 pour Un Chien à ma table. Autant j'avais été éblouie par La Survivance, paru en 2012 (et déjà sur la liste du Femina), autant ce titre-là m'a déçue."

Notons que dans le roman recommandé, Dernier Rapport sur les miracles à Little No Horse, le Père Damien, qui a passé sa vie dans une réserve indienne du Dakota, se révèle être une femme ; en vieillissant, il craint que sa véritable identité ne soit découverte au cours d'une maladie qui nécessiterait un examen médical approfondi. Dès 2001, Louise Erdrich avait écrit un livre sur le thème des trans !

Par goût de ce genre, plusieurs ont été tentées par la dystopie écrite par Louise Erdrich : il s'agit de L'enfant de la prochaine aurore (notons que ce n'est pas un des livres recommandés par la traductrice...). Louise Erdrich et Margaret Atwood se connaissent et s'apprécient. Cliquez pour lire ›un dialogue entre elles en 2021.


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