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a lu pour le 16 avril 2023 :
Elisabeth et son jardin allemand
d'Elizabeth von ARNIM

 

          
Elizabeth et son jardin allemand

précédé de "Souvenirs de Nassenheide" par E.M. Forster, éd. Salvy, 1989 ; rééd. 10/18
Rééditions sans le texte de Forster, Barthillat, 2011 ; rééd., 2016 ; rééd. Omnia poche, 2021

  AUTOUR DU LIVRE : quelques infos

  • Repères biographiques
  • Histoire du livre
  • Livres d'Elizabeth von Arnim

  • Articles autour du livre
  • Le traducteur et ses préfaces

Et ›NOS RÉACTIONS sur le livre..
.

D'abord QUELQUES INFOS autour du livre
Repères biographiques

La vie d'Elizabeth von Arnim (1866-1941), auteure britannique, fut mouvementée, entre l'Australie, la Poméranie, l'Angleterre, la Suisse, la France et les États-Unis.

De son vrai nom Mary "May" Annette Beauchamp, elle naît à Sydney, son père commerçant ayant fait fortune en Australie. Lorsqu'elle a trois ans, la famille qui est anglaise s'installe à Londres. Elizabeth, élève brillante, intègre le prestigieux Royal College of Music.

À la fin de ses études, elle part avec son père faire un grand tour à travers l'Europe. Notons que ce type de "Grand Tour" était plutôt un rite pour les jeunes hommes. En 1889, alors qu'ils sont en Italie, elle rencontre le comte Henning August von Arnim-Schlagenthin, (cousin germain du père de Kate Mansfield), aristocrate prussien qu'elle épouse à Londres. Ils s'installent à Berlin.

En 1895, ils emménagent dans le domaine familial du mari à Nassenheide, en Poméranie (actuelle Pologne) où Elizabeth découvre les joies de la vie à la campagne. Elizabeth met alors à profit la tranquillité de cette vie rurale pour commencer à écrire : en 1898, elle publie anonymement son premier ouvrage Elizabeth et son jardin allemand qui a un énorme succès. Ils ont cinq enfants éduqués par des précepteurs célèbres, comme les écrivains Edward Morgan Forster, ou Hugh Walpole qui lui succéda.

 

En 1908, des problèmes financiers obligent la famille à déménager à Londres où son mari meurt deux ans plus tard. En 2011, Elizabeth s'installe en Suisse où, dans son "Chalet Soleil", elle devient le centre d'une vie mondaine. Pendant trois ans, elle entretient une liaison amoureuse tapageuse avec le romancier, notamment de science-fiction, H.G. Wells.

En 1916, elle épouse le comte Francis Russell (condamné pour bigamie...) et frère aîné du philosophe Bertrand Russell (prix Nobel de littérature en 1950). Ce mariage est un désastre, ils se séparent au bout d'une année et divorcent en 1919. Elizabeth ne se prive pas de caricaturer par la suite son mari dans ses romans. Elle rejoindra aux États-Unis deux de ses filles, dont Liebet, sa future biographe.

Elizabeth continue d'écrire partageant sa vie entre l'Angleterre, la Suisse et Mougins dans le sud de la France (et sa villa, "Le Mas des Roses"). Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, elle s'installe pour de bon aux États-Unis où elle meurt à Charleston en 1941. Sa pierre tombale porte l'inscription latine parva sed apta (petite mais qui convient bien), faisant allusion à sa petite taille, et qui dénote son humour jusqu'à la tombe...

   

Histoire du livre Elizabeth et son jardin allemand

Le livre Elizabeth et son jardin allemand est publié en 1898

Ce fut sa première publication : le manuscrit d'Elizabeth et son jardin allemand, envoyé par la poste sans aucune recommandation, fut immédiatement accepté par Macmillan, la plus grande maison d’édition littéraire d’Angleterre de l’époque.

On trouve facilement le texte d'origine de 1898 en ligne en anglais :
-  en pdf sur la Bibliothèque nationale du Royaume-Uni
-  avec des photos sur Internet archive
-  sur Gutenberg
.

Le livre emporta un immense succès. L’anonymat de l’auteure renforça l’engouement pour ce livre : le Daily Mail publia une enquête très fouillée pour tenter de dévoiler l’identité de la mystérieuse comtesse anglo-allemande. Macmillan le réimprima 11 fois de novembre 1898 à novembre 1899 et - car le succès fut durable - le maintint toujours à son catalogue parallèlement aux 21 romans qui suivirent.

Le livre est le premier d'une série sur le même personnage, "Elizabeth". L'auteure a indiqué qu'elle devait rester anonyme car elle affirmait que son mari, l'aristocrate allemand le comte Henning August von Arnim-Schlagenthin, dont elle fait la satire dans le livre, aurait trouvé inacceptable que sa femme écrive de la fiction commerciale...

Un texte de l'écrivain E.M. Forster précède Elizabeth et son jardin allemand

À l'occasion de la biographie d'Elizabeth von Arnim par sa fille Liebet en 1958, publiée sous le pseudonyme Leslie de Charms, Elizabeth of the German Garden, E.M. Forster publia Souvenirs de Nassenheide.

Forster, qui appartint au groupe de Bloomsbury, fut en 1905 recruté pour enseigner l'anglais aux enfants d'Elizabeth von Arnim.

On trouve ce texte dans des éditions anglaises d'Elizabeth et son jardin allemand et dans les deux premières éditions en français, indisponibles aujourd'hui (Salvy et 10/18).

E.M. Forster (1879-1970) est l'auteur de Avec vue sur l'Arno (1908), d'Howards End (1910) adapté au cinéma par James Ivory (Retour à Howards End, 1992), qui lui fait connaître le succès. Maurice (explicitement homosexuel) sera publié après sa mort.

Voici ce texte de E.M. Forster qui précède Elizabeth et son jardin allemand :

Regardez bien cette photographie. J'y parais jeune et mince car la photographie est vieille de plus d'un demi-siècle. À côté de moi se tient un autre jeune homme, d'allure nettement plus sportive. C'est Herr Steinweg, le répétiteur d'allemand. Moi, je suis le répétiteur d'anglais. Devant nous sont assises les deux gouvernantes en blouses blanches, tabliers blancs, longues jupes d'étoffe grossière et bottines plus solides qu'élégantes. L'une est allemande - Fraulein Backe -, l'autre française - Mlle Auger de Balben. Légende de la photographie : "Le corps enseignant de Nassenheide en 1905." Nous posons dans le jardin, sous le soleil d'un été d'avant-guerre (soleil seulement d'avant la nuit, sans la moindre idée du chaos à venir). Derrière nous, Nassenheide : un Schloss, ou plutôt une charmante maison de campagne, basse et grise, au fin fond de la Poméranie. Quelque part dans la maison, à moins que ce ne soit dans le pavillon d'été, notre maîtresse la comtesse von Arnim écrit l'un de ses romans, et Dieu sait où sont allées se nicher nos trois petites élèves.
Qu'allais-je donc faire, me direz-vous, si loin de l'Angleterre ? Sachant que je souhaitais apprendre un peu d'allemand tout en gardant du temps pour écrire, l'un de mes amis de Cambridge m'avait mis en rapport avec sa tante. Elle était anglaise - pour être tout à fait exact, précisons qu'elle était née en Australie -, et avait épousé un aristocrate allemand qui possédait de vastes domaines en Poméranie. C'était, en outre, un auteur célèbre et de grand talent, qui écrivait sous le pseudonyme d'"Elizabeth". Son Elisabeth et son jardin allemand avait connu un immense succès, et les noms de ses trois filles étaient devenus des sobriquets familiers dans bien des familles anglaises. Ses livres sont injustement négligés aujourd'hui et j'espère qu'ils reviendront bientôt au tout premier plan. Je n'étais que le premier d'une longue série de répétiteurs - songez que c'est Hugh Walpole en personne qui me succéda. Ma seule rémunération consistait dans la possibilité qui m'était donnée d'apprendre de l'allemand pendant mon séjour. Au début, je craignis de ne pas obtenir le poste car je ne répondais à aucune des exigences de la comtesse. Je ne pouvais l'assurer ni que j'occuperais longtemps mes fonctions, ni que je les occuperais à plein temps, ni que j'enseignerais quoi que ce fût d'autre que la langue anglaise - en tout cas pas les mathématiques. Mais plus je soulevais d'objections, plus les lettres d'Elisabeth se faisaient chaleureuses. Elle finit par me supplier de venir, au moment et aux conditions qui me conviendraient. Après m'avoir juré ses grands dieux que Nassenheide ne m'ennuierait nullement, elle me demandait d'avoir la bonté de lui rapporter de Londres des bulbes d'iris. (Voir la suite ›ici)

Des éditeurs qui mettent en avant Elizabeth et son jardin allemand

Dans les années 70, Virago Press, maison d’édition dédiée aux femmes, fit de ce livre un pilier de sa collection et donna à l’auteure le nom sous lequel elle est maintenant connue, Elizabeth von Arnim, association du nom de son personnage et de son nom d’épouse.

Fondées en 1989, les éditions Salvy l'ont fait découvrir en France : elles s'étaient fait une spécialité de la littérature anglo-saxonne fin de siècle ou des écrivains du groupe de Bloomsbury. Les éditions Balland les ont rachetées en 1997, mais leur directeur Gérard-Julien Salvy continuera à assurer leur responsabilité éditoriale et à publier des titres. Notons que les éditions Balland diffuseront la fameuse collection "Le Rayon", la première collection littéraire française LGBT, créée par l'écrivain Guillaume Dustan.

Des adaptations qui continuent à faire vivre Elizabeth et son jardin allemand

Dans la série TV Downton Abbey, dans le deuxième épisode de la deuxième saison, Joseph Molesley, le valet de Matthew Crawley, prête une copie d'Elizabeth et de son jardin allemand à la femme de ménage en chef Anna Smith, un geste romantique...

En 2015, il a été adapté en cinq épisodes pour la série Book at Bedtime sur BBC Radio 4.

Livres d'Elizabeth von Arnim

L'ensemble des livre publiés
On peut voir la régularité de ses publications. Les titres en rouge sont ceux qui ont été traduits : sur 23 titres, 14 l'ont été, dont certains récemment.
Lorsque le livre en anglais est en ligne, un lien permet d'y accéder.

- 1898 : Elizabeth and Her German Garden (Elizabeth et son jardin allemand)
- 1899 : The Solitary Summer (L'Été solitaire)
- 1900 : Le jardin d'enfance

- 1900 : The April Baby's Book of Tunes, illustré par Kate Greenaway
- 1901 : The Benefactress (La bienfaitrice)
- 1904 : The Adventures of Elizabeth in Rügen (Les Aventures d'Elizabeth à Rügen)
- 1905 : Princess Priscilla's Fortnight (La Princesse Priscilla s'est échappée)
- 1907 : Fraulein Schmidt and Mr Anstruther
- 1909 : The Caravaners (En caravane)
- 1910 : Priscilla Runs Away (pièce de théâtre non publiée)
- 1914 : The Pastor's Wife
- 1917 : Christine (publié sous le pseudonyme Alice Cholmondeley)
- 1919 : Christopher and Columbus
(Christopher et Colombus)
- 1920 : In the Mountains
- 1921 :
Vera (Vera)
- 1922 : The Enchanted April (Avril enchanté)
- 1925 : Love (Love)
- 1926 : Introduction To Sally
- 1929 : Expiation

- 1931 : Father (Père)
- 1934 : Jasmine Farm
- 1936 : All the Dogs of My Life (Tous les chiens de ma vie)
- 1940 : Mr Skeffington (Mr Skeffington
)

Livres traduits en français et disponibles

Les éditions Bartillat ont republié toute une série d'ouvrages, traduits par François Dupuigrenet-Desroussilles (sauf un) :
- Elizabeth et son jardin allemand, 2011 ; rééd. en poche, 2016 ; rééd. 2021
- Le Jardin d'enfance, 2016
- L'Été solitaire, 2013 ; rééd. en poche, 2019 (d'abord publié aux éd. Salvy, 1991)
- En caravane, 2014 (d'abord publié sous le titre En caravane : mésaventures d'un officier prussien en Angleterre, trad. Jean d'Albray, Grasset, 1913)
- Tous les chiens de ma vie, 2019
- La Princesse Priscilla s'est échappée, trad. Clotilde Jannin, 2022.

Aux éditions Belles Lettres, tous trois traduits par Bernard Delvaille :
- Mr Skeffington, 2021 (d'abord publié par Salvy, 1993)
- Les aventures d'Elizabeth à Rügen, 2014
- Vera, 2012 (d'abord publié par Salvy, 1994).

En 10/18
- Christopher et Columbus, trad. Alain Defossé, 2001
- Avril enchanté, trad. François Dupuigrenet-Desroussilles, (d'abord publié chez Salvy, 1990).

En archipoche :
- La Bienfaitrice
, trad. Marguerite de Vaudreuil, révision Géraldine Barbe, préface Isabelle Vieville Degeorges, Archipoche, 2013.

Introuvables :
- Love, trad. Bernard Delvaille, 10/18, 1997 (d'abord publié par Salvy, 1997)
- Père (d'abord publié sous le titre Comtesse Russell. La Cage ouverte, trad. Mme Charles Daniel Mayer, Plon, 1935 ; rééd. avec le titre Père / Comtesse Russell, trad. Marguerite Goltz, Nouvelles éditions latines, 1948 ; rééd. Archipoche, préface Catherine Rihoit, 2014).

Romans adaptés au cinéma (adaptés de Mr Skeffington et Avril enchanté)

- 1935 : Avril enchanté, film américain réalisé par Harry Beaumont.

- 1944 : Femme aimée est toujours jolie (adapté de Mr Skeffington), film américain réalisé par Vincent Sherman, avec Bette Davis et Claude Rains.

- 1992 : Avril enchanté, film britannique réalisé par Mike Newell.

Une "société internationale"

L'International Elizabeth von Arnim Society a été fondée en 2015 à Cambridge, rassemble passionnés et universitaires et présente sur son site (elizabethvonarnimsociety.org), bio et bibliographie.

Presse

Articles

- "Elizabeth von Arnim : delikatessen...", Jean-Paul Mulot, Le Quotidien de Paris, 17 janvier 1990
- "Fête de la terre", Jean-Pierre Issenhuth, revue Liberté, n° 4, août 1990, p. 112–115.

Les deux articles précédents sont parus après la traduction en français aux éditions Salvy ; en voici un ap
rès la réédition par Bartillat :
-
"Le bonheur est dans le jardin", Astrid de Larmina, Le Figaro, 6 octobre 2011.

Une étude universitaire

"Les silences d'Elizabeth von Arnim dans 'son jardin allemand' (1905-1906)", Anne-Marie Brenot, Estudios de lengua y literatura francesas, Universidad de Cádiz, n°17, 2006, p. 81-98. Anne-Marie Brenot est professeur émérite de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (chaire de civilisation hispano-américaine).

Vidéos

- La chronique de Juliette Arnaud, France Inter, vidéo ou audio, 7 décembre 2022, 4 min.
- Le libraire Gérard Collard en fait une de ses chroniques, sur la chaîne youtube de la librairie La Griffe noire à Saint-Maur-des-Fossés, 10 avril 2016, 6 min.

Le traducteur et ses préfaces

Ses traductions


François Dupuigrenet-Desroussilles traduit depuis trois langues :

- l'allemand : Alexander Lernet-Holenia (Le Baron Bagge)
- l'italien : Gianni Celati, Carlo Emilio Gadda, Pétrarque
- et surtout l'anglais : Elizabeth von Arnim, Margaret Atwood (Mort en lisière), Barbara Pym (Adam et Cassandra), Elizabeth Taylor (Le rouge au front), Celia Dale (Les petites soeurs du mal), Oscar Wilde (Le Prince heureux et autres contes), Rudyard Kipling (plus d'une dizaine de ses livres), Martin Lowry, Michael Arlen, Michael Frayn, Joe Keenan, Tom Sharpe, Angus Wilson.

Un traducteur au CV inattendu

Né en 1953, François Dupuigrenet Desroussilles, élève de l'École nationale des chartes, obtient le diplôme d'archiviste paléographe ; sa thèse en 1976 est consacrée réformes dans le domaine de la culture dans la République de Venise (1517-1563)...
Il devient alors conservateur à l'Inventaire général du département des Imprimés de la BNF, tout en assurant des cours de civilisation italienne à l'université de Genève (1978-1980). Il dirige la commission de l'Afnor pour la rédaction de la norme française de catalogage des livres anciens (1983-1985), mais aussi les travaux bibliographiques sur les éditions de la Bible antérieures à 1800 conservées dans les grandes bibliothèques parisiennes. Il est commissaire de plusieurs expositions et membre du conseil scientifique de la Bibliothèque nationale. Il a été aussi directeur de l'Enssib (École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques) de 1995 à 2005, puis professeur à l'université d'État de Floride dans le département d'Histoire des religions. N'en jetez plus !
Mais si, puisqu'il est donc traducteur ! Ah oui, il a aussi dirigé plusieurs collections aux éditions du Sorbier...

Ses préfaces sont instructives

Elles développent de façon détaillée des éléments de contexte sur l'époque et sur la vie et l'œuvre d'Elizabeth. Par exemple :

- La préface d'Elizabeth et son jardin dont voici des extraits.

Le féminisme nécessaire jusqu'au jardin

Le Jardin allemand offrit un modèle de libération tranquille à bien des femmes, d’abord en montrant que concevoir un jardin, c’est-à-dire symboliquement concevoir un monde, pouvait être une tâche féminine à une époque où les grands architectes de jardin étaient tous des hommes (...)
Dans ce monde tout masculin la première "jardinière" à avoir connu la célébrité, Gertrude Jekyll (1843-1942) qui devait créer plus de quatre cents jardins Arts and Crafts en Angleterre, aux États-Unis et même en France où on peut admirer, près de Dieppe, son jardin du bois des Moutiers, rendit hommage à Elizabeth dès son premier livre Wood and Garden (1899), louant comme elle, contre la tyrannie des plates-bandes victoriennes enrégimentées, le charme des fleurs sauvages et des rosiers grimpants. Comme William Robinson et Gertrude Jekyll, Elizabeth s’inscrivait dans un mouvement général de renouveau du jardin à l’anglaise, que son succès dans toute l’Europe au cours du XIXe siècle avait figé dans des formules sans invention. Le jardin allemand d’Elizabeth n’était autre que le nouveau jardin anglais, baptisé souvent "cottage garden", que promut inlassablement à partir de 1901 la revue Country life.

Potin familial et littéraire

Bien des romancières durent aussi leur vocation au Jardin allemand. Pour n’en citer qu’une, précisément en 1898 Katherine Beauchamp, une jeune cousine d’Elizabeth qui adopta en 1903 le pseudonyme de Mansfield, venait de publier à l’âge de dix ans seulement sa première nouvelle dans le journal de son école de filles néo-zélandaise quand ses parents lui rapportèrent, d’un voyage en Angleterre, un exemplaire du livre qui était la coqueluche de Londres. Katherine le lut, le relut, et déclara dès lors à qui voulait l’entendre qu’elle serait écrivain "comme sa cousine". Toute sa vie Katherine Mansfield resta proche d’Elizabeth à qui elle écrivit en 1922 sa dernière lettre, pour la remercier de lui avoir envoyé, Avril enchanté, un de ses romans les plus fameux : "… quel livre adorable ! Qui d’autre que Mozart, ou toi, aurait pu l’écrire ? Comment réussis-tu à écrire comme cela ? Comment ? Comment ?… Adieu ma très chère cousine. Jamais je ne rencontrerai quelqu’un comme toi. Je chérirai ton souvenir jusqu’à ma mort."

- La préface de Le jardin d'enfance.

Extrait pour midinettes

En 1940, aux Etats-Unis où elle vivait, Life consacra un reportage à "Elizabeth comtesse Russell", car elle avait adopté dans la vie courante le nom de son double littéraire et, après avoir été comtesse von Arnim, était devenue comtesse Russell depuis son remariage avec lord Francis Russell, le frère aîné du philosophe Bertrand Russell. Elle y était présentée comme une des grandes figures du high life, à Londres comme sur la côte d'Azur où sa maison de Mougins était célèbre dans les années Trente pour ses réceptions fastueuses, et surtout, avec Somerset Maugham et H.G. Wells, comme l'un des auteurs les plus célèbres, et les mieux payés, de l'édition anglaise.


Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre

Lors de cette séance du 16 avril 2023, nous étions 7 :
- en chair et en os (6) : Agnès, Brigitte, Claire, Joëlle L, Muriel, Nathalie
- en visio (1) :
Patricia
Nombreuses étaient les retenues ailleurs (15) : Aurore, Felina, Flora, Joëlle M, Laetitia, Léna, Lucie, Marie-Claire, Marion, Nelly, Patricia, Sandra, Sophie, Stéphanie, Véronique.

Les tendances concernant le livre

Les conquises roseraie comprise : Agnès, Brigitte, Joëlle L
Les conquises verdure exclue : Claire, Muriel
Dépitée, Patricia n'est pas allée jusqu'au bout.

Nathalie faisait son come-back de Normandie sans avoir pu lire le livre, mais était bien là pour entendre l'habituelle diversité des réactions.
Et restent celles qui n'ont rien dit, celles que le livre n'a pas tentées et qui n'en ont rien dit ou qui l'ont laissé entendre ou à peine entrouvert l'ont refermé... Quel dommage qu'on soit privées de leur avis...

La succession des prises de parole

Agnès

Tout d'abord, je trouve que ce livre a été programmé à un moment idéal, après le changement d'heure et à l'arrivée du printemps, rien de tel pour donner des envies de nature, de jardins et de fleurs.

Je ne connaissais pas cette autrice, donc c'est déjà un plaisir de découvrir une écrivaine.

J'ai beaucoup apprécié l'humour, l'irrévérence, le politiquement incorrect et l'esprit alerte de cette narratrice, qui confie au fil des chapitres des sentiments peu avouables - sa lassitude à la présence de proches chez elle et son besoin de solitude.

On sent toutefois certains préjugés de classe, envers les domestiques, les saisonniers…

Elle semble en revanche très lucide sur la condition des femmes de son milieu : la règle selon laquelle, par exemple, elle ne peut pas jardiner elle-même ou selon laquelle elle n'a pas le droit de s'adonner à la lecture. Elle est également consciente et choquée par le sort réservé aux femmes des milieux modestes ou miséreux : par le fait que les femmes saisonnières sont moins payées que les hommes et qu'elles doivent continuer à travailler malgré un accouchement.

Sa conscience féministe et sa fantaisie m'ont le plus séduite, cette fantaisie et cet humour qui je qualifierais de britannique, pince sans rire, qui a tant de charme : voir pages 162/3 quand elle explique qu'elle échange avec son amie les mêmes cadeaux d'anniversaire d'année en année.

Brigitte

Une année de la vie d'une auto-proclamée excentrique dans un immense domaine de Poméranie où elle a son Jardin, son refuge car, si elle est toujours heureuse, elle l'est encore plus quand elle est dehors : à l'intérieur il y a "les domestiques et les meubles", et quelque part, régnant sur le tout, le "man of wrath" comme dieu dans le kingdom of heaven, son mari depuis cinq ans.

Livre englouti avec délices en trois jours, pour faire durer la lecture au-delà des deux qui auraient été nécessaires, et en le refermant sur les mots "the end" avec la tristesse inconnue d'Elizabeth dans son Jardin, n'ayant pour me consoler, devant moi, que quelques maigres fleurs de camélia abîmées par la pluie.

Excentrique certes, et jusque dans l'écriture, qui reflète ce bonheur de vivre au jardin. L'humour est là pour en témoigner, un humour bien anglais mais mêlant au passage des bribes d'allemand prussien, qui fait feu de tout bois à la moindre occasion : le jardinier qui fait de la résistance passive, les "bébés" qui se plaignent du lieber gott qui tance ses anges en pleine nuit (d'orage) au lieu de le faire le jour, le pasteur du village qui fait trimer sa femme comme les Polonaises du domaine et la voisine dans son Schloss qu'il convient de ne pas déranger car elle est occupée toute la journée, et pas dans son jardin la malheureuse. C'est cet humour qui tient en haleine. On peut se moquer des détails du jardin, on n'est pas forcément botaniste. Mais difficile de résister à l'humour. J'avoue avoir lu en riant toute seule (ou vice versa).

On dirait qu'elle écrit comme les idées lui viennent, Elizabeth. Sans doute. Mais c'est quand même bien construit, en une série de morceaux de bravoure qui dressent un tableau décapant de la société autour d'elle, en cette fin de 19e siècle, et ce surtout quand elle reçoit la visite d'une amie qui fuit l'ennui de son propre mari malade, et d'une jeune "artiste" que les deux amies se divertissent à mettre en boîte constamment.

Il y a au fil des pages :
- le pèlerinage aux racines paternelles, dans un brouillard de novembre qui lui permet de revoir le jardin de son enfance sans être remarquée des cousins qui ont investi le domaine, avec la rencontre inopinée de leur fille qui s'appelle justement … Elizabeth, effet de miroir non appuyé ;
- les travailleurs russes, ou polonais, ou les deux, et surtout leurs femmes qui font des bébés comme on respire et repartent travailler aussitôt après ;
- les diatribes contre Luther et son pasteur ;
- la joie d'aller pique-niquer au bord de la Baltique par moins quinze sous un ciel d'un bleu sans nuage, en avalant au passage la fourrure des mitaines, ce qui permet aussi de se garder les intestins au chaud ;
- la satire sur les voisines dans leur Schloss, à ne pas déranger impromptu car on pourrait tomber sur leur jour de grand lavage… une fois par mois car moins serait avouer qu'on manque de linge…

Je n'aurais jamais cru prendre autant de plaisir à ce livre quand je l'ai ouvert, dans une édition anglaise fac-similé de l'édition originale de 1898 qui ne payait pas de mine a priori.

Claire

Quand Nelly m'a dit je n'aurai pas le temps de lire le livre et je t'avoue également qu'il ne me dit rien, j'ai pensé après avoir lu quelques pages : moi non plus, ça ne me dit rien.
Quand plus tard Flora m'a dit : je ne pourrai pas être présente, mais concernant le livre, il ne m'a pas du tout intéressée ; j'ai essayé quelques pages mais le sujet du livre ne m'a pas emballée... Je lui ai dit : je suis entièrement d'accord avec toi, j'ai essayé quelques pages et le sujet du livre ne m'a pas du tout emballée, mais heureusement j'ai continué...
J'étais curieuse de découvrir ce livre qu'avait déniché Joëlle, d'une auteure dont personne n'avait jamais entendu parler, mais quand j'ai vu que ça ne parlait que de jardin, j'ai vite déchanté et ai carrément fermé le livre au bout d'un certain nombre de pages - pas que quelques pages, j'ai insisté. Au bout d'une semaine, je me suis dit, mais c'est pas possible que ces jardineries aient plu à Joëlle et je l'ai ouvert n'importe où à la moitié du livre, juste quand elle reçoit deux nanas chez elle : et là je me suis vraiment beaucoup amusée ! Quel humour ! Quelle fantaisie ! Quelle liberté par rapport aux conventions ! C'est un feu d'artifice ! La maternité même est tournée en dérision : on est en 1898 quand le livre est publié, dans une société corsetée, c'est à ne pas croire !
Là-dessus, je découvre qui est Elizabeth von Arnim et nourrit le site à ce sujet : quel parcours ! Encore une culottée !
Notre séance approchant, je me dis, je vais relire le livre, ou plutôt lire scrupuleusement à partir du début, en sachant tout ce qui m'a plu. Et là je déchante à nouveau : c'est vrai que perce très vite l'anticonformisme, les petites touches d'humour, mais petites... et il faut se tartiner le jardinage, sur un bon tiers du livre avant de pouvoir goûter au meilleur.
Ce qui m'intrigue, ce sont les raisons du succès immédiat de cette auteure alors, anonyme en plus. Pourquoi le livre a-t-il eu autant de succès immédiatement ? J'aimerais lire des critiques et réactions de l'époque.
En tout cas, très contente d'avoir découvert cette Elizabeth von Arnim !

Muriel

J'ai connu jadis deux sœurs jumelles Von Arnim qui me disaient descendre de la maîtresse de Goethe : pas mal ! Effectivement Bettina von Arnim fut aimée du poète... J'étais allée au mariage de Marina et en cherchant sur Internet j'ai lu dans le Carnet mondain du Figaro qu'elle est morte, mais avec double particule : vicomtesse Roland du Fontenoux née Marina von Arnim...
Pour en revenir au livre, j'ai trouvé le début barbant, je suis née avenue de la République et ne connais rien aux arbres et rosiers... oui, on m'a fait croire que les nouilles poussent sur des nouillers... Mais j'ai trouvé la suite beaucoup plus drôle, Homme de colère et bébés compris, et le livre m'a bien plu.

Patricia

Je penche du côté de Flora. Pourtant le sujet m'intéresse, j'aime les jardins. Au début, j'étais donc enthousiaste : un livre, en plus, de la cousine de Katherine Mansfield ! Je pensais à la maison de ma sœur en Bourgogne, je lui ai transmis le livre en PDF. Puis... j'ai commencé à m'ennuyer à cause de l'énumération botanique, que j'ai trouvée fade. Les bébés, j'ai trouvé ça pénible. L'écriture de Colette me paraît beaucoup plus fine. J'ai donc trouvé ça nul, bizarre, chiant et ai arrêté en cours de route. Donc je n'ai pas du tout vu l'humour et la fantaisie que j'aurais découverts plus loin... Je précise aussi que la préface n'a pas été non plus motivante pour moi.

Joëlle L

Je n'y con
nais rien en jardin ni en nature. Même si j'apprécie de m'y promener, de m'y installer avec un livre.
J'ai donc regardé ce livre sous un autre angle, celui du pas de côté. Le jardin est un moyen d'échapper aux contraintes et aussi d'exprimer sa personnalité, alors que normalement elle n'y aurait aucun droit dans la société et à l'époque où elle vit.
Je trouve ce livre intéressant et je pense qu'il vaut la peine d'être lu notamment pour son approche féministe et donc avant-gardiste puisqu'on est encore au XIXe siècle. C'est aussi un livre amusant, un festival de petites piques élégantes, humour et vacherie mêlées. Sauf quand il s'agit des plantations (mais les jardiniers ne sont pas épargnés).
Ce n'est pas un féminisme militant, mais un mouvement de libération personnelle, que même les femmes de son milieu social n'osaient pas. C'est aussi un féminisme misogyne de femme s'exprimant depuis une position privilégiée.

Ce qui n'empêche pas un regard compatissant sur les femmes exploitées
"Les femmes de pasteur qui sont aussi cuisinières, femmes de ménage, gouvernantes, bonnes d'enfants, s'occupent du verger et du potager, de la basse-cour et du soin du linge".
Les ouvrières agricoles russes ou polonaises qui viennent travailler sur le domaine, moins payées que les hommes, n'ayant droit à aucun repos après accouchement.

Elle critique pêle-mêle la religion luthérienne…
"J'avais mérité d'être punie pour des crimes dont je n'avais pas la première idée".
"Les vêpres qui jouent le rôle du thé dans toute l'Allemagne luthérienne".

…le mari…
Il pérore et donne des leçons sans arrêt. À sa femme, aux invitées de sa femme (voir la soirée de nouvel an).
"Qu'il est réconfortant de savoir que je peux m'abreuver à tout instant à cette inépuisable source de conseils réfléchis !"
"Cessez de tant parler des femmes. Elles font partie des sujets que vous connaissez encore mal."

… l'invitée qui lui déplaît
Minora, l'invitée gaffeuse qu'on lui a imposée. Elle est mise en boîte quasi en permanence, avec la complicité de l'autre invitée, qui est l'amie de la maîtresse de maison. Et quand elles partent en pique-nique dans la neige :
"Elle semblait craindre les effets du gel sur un nez qu'elle a fort joli, je dois le reconnaître, et qui le serait davantage encore au milieu d'une autre figure car elle ignore l'art de porter le nez avec esprit".

Pour conclure, deux citations qui en disent long
"Être femme ou n'être personne, où est la différence ?"
"La lecture est réservée aux hommes. Pour une femme ce ne saurait être qu'une perte de temps.

 

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