Lirelles

Nous avons lu pour le 12 février 2023 :

Wittig d'Émilie NOTÉRIS
éd. Les Pérégrines, 2022, 172 p.

On peut feuilleter le début du livre ›ici
Cliquez pour lire ›NOS RÉACTIONS sur le livre

          AUTOUR DU LIVRE : quelques infos
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Textes de Monique Wittig
: romans, pièces, essais, traductions
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Événements, groupes et revues
"historiques"
Pour les groupies

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Textes de Monique Wittig

LIRELLES avait programmé L'Opoponax en février 2009.

théâtrale :
- Le Voyage sans fin
, revue Vlasta, n°4, supplément, 1985 ; rééd. Le Voyage sans fin, préfaces de Laure Murat et Wendy Delorme, Gallimard, "L'Imaginaire", 2022.

radiophoniques (non publiées) :
- L'Amant vert, 1967
- Le Grand-Cric-Jules, Radio Stuttgart, 1972
- Récréation, Radio Stuttgart, 1972
- Dialogue pour les deux frères et la sœur, Radio Stuttgart, 1972

  • Scénario
    - The Girl, d'après une histoire de Monique Wittig, scénario Monique Wittig et Sande Zeig, sa compagne, réalisation Sande Zeig, 2000 ; voir bande annonce et autres films de Sande Zeig sur son site : sandezeig.com
Articles et études en ligne sur Monique Wittig

Entretiens avec Monique Wittig

Articles suite au décès de Monique Wittig

Articles récents

Études, thèses

Des sites à propos de Monique Wittig

  • Site Monique Wittig géré par sa compagne américaine Sande Zeig.
  • Études wittigiennes : ce site renvoie à l'association (loi 1901) des Ami.es de Monique Wittig créée en 2014, à l’occasion des 50 ans de la parution de L’Opoponax, Suzette Robichon y étant très active.
  • Le site des Jaseuses y consacre une place importante.
  • La bibliothèque de livres rares et de manuscrits de l'Université de Yale dans le Connecticut, "Beinecke Library", dispose des archives de Monique Wittig ; voir son site ›ici et ›là.
Sur le livre que nous lisons et son auteure
Des personnalités mentionnées dans la biographie

présentées sur wikipédia : il y aurait beaucoup à dire sur chacune....

Événements, groupes et revues "historiques"

  • 1970 : Dépôt de gerbe à la femme du Soldat inconnu à l'Arc de Triomphe     
         
  • 1970 : numéro spécial de Partisans, créé en 1961 par l'éditeur François Maspero, sous-titré "Libération des femmes année zéro".
                                                                                          
  • 1970 : publication dans L'Idiot international créé en 1969, d'un manifeste intitulé "Combat pour la libération de la femme", signé par Monique Wittig, Gille Wittig, Marcia Rothenburg et Margaret Stephenson ; la rédaction du journal change le "des femmes" du titre original, en "la femme"
                                                   
  • 1970 : création de Le torchon brûle
  • 1971 : Manifeste des 343 pour le droit à l'avortement, publié par le Nouvel Observateur
                                                   
  • 1971 : Le FHAR (Front homosexuel d'action révolutionnaire) est fondé suite à un rapprochement entre des féministes lesbiennes et des activistes gays.
  • 1971 : Les Gouines rouges se séparent du FHAR ; voir l'article "Le gai activisme des Gouines rouges", M Le Magazine du Monde, série d'été série d'été "Les révolutions lesbiennes", 13 août 2022, p. 32-37
  • 1971 : L'hymne du MLF, toujours vivant : voir un manifeste pour manifs
  • 1971 : émission de Ménie Grégoire du 10 mars 1971 en public salle Pleyel sur le thème "L'homosexualité, ce douloureux problème" ; décryptage ›ici
  • 1977 : Simone de Beauvoir, Christine Delphy, etc. fondent Questions féministes
  • 1977 : Femmes en mouvements, lancé par le groupe Psych et po
  • 1979 : Antoinette Fouque après avoir enregistré une association MLF loi de 1901 dont elle est présidente, dépose la marque et le sigle MLF à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), ce qui déclenche une polémique importante et entraîne la scission définitive entre la tendance Psychépo (MLF déposé) et les autres groupes du MLF.
  • 1981 : Nouvelles Questions Féministes
  • 1982 : Lesbia Magazine, revue mensuelle lesbiennes, publiée jusqu'à 2012.

Pour les recherches :

  • La bibliothèque Marguerite Durand : en 1931, la Ville de Paris accepte le don des collections réunies par Marguerite Durand depuis 1897, date de la fondation de son journal La Fronde et créait ainsi la première bibliothèque officielle de documentation féministe, accueillie alors à la Mairie du 5° arrondissement, Place du Panthéon. Depuis 1989, elle est installée dans le 13° arrondissement, dans un édifice moderne qui abrite également la Médiathèque Jean-Pierre Melville.
  • Archives Recherches Cultures Lesbienne (ARCL) : Archives lesbiennes et du féminisme à la Maison des femmes de Paris, 163 rue de Charenton, Paris 12e.
  • Bobines féministes sur facebook : plateforme pour partager et valoriser les archives du MLF.
  • Re-belles 50 : 50 ans de mouvement de libération des femmes.
Pour les groupies


Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre


Pour ce 12 février 2023, nous étions 10 à nous exprimer autour de Monique Wittig :
- en chair et en os (5) : Agnès, Brigitte, Claire, Joëlle L, Léna
- en visio (2) :
Joëlle M, Sandra
- par écrit (3) : Flora, Lucie,
Marion.
N'étaient pas avec nous (10) : Aurore, Felina, Laetitia, Marie-Claire, Muriel, Nathalie, Nelly, Patricia, Sophie, Stéphanie, Véronique.

Les tendances concernant le livre Wittig d'Émilie Notéris

Les très intéressées : Agnès proche de l'extase..., Claire, Léna, Lucie, Sandra.
Les très critiques qui n'ont pas apprécié le parti-pris de "brouillon de biographie" : Flora,
Brigitte, Joëlle M.
Mal partie mais finalement fort bien arrivée : Joëlle L.
Et une participation sur Wittig de Marion, décalée dans le temps.

Les livres de Monique Wittig

Les familières ou nouvellement séduites : Agnès, Joëlle et Marion avaient lu Wittig. Brigitte l'a découverte avec enthousiasme.
Certaines avaient essayé de la lire sans succès : Claire, Léna, Lucie
.
Même si elles ont aimé la biographie, elles n'ont pas pour autant envie de lire Monique Wittig : Claire, Sandra. Et celles qui n'ont pas aimé non plus : Flora, Joëlle M. Dommage...

La succession des prises de parole

Lucie (avis transmis lu à haute voix)
J'ai aimé cette biographie pas comme les autres, où le mélange des genres fait honneur à l'œuvre hétéroclite et protéiforme de l'autrice à qui l'hommage est rendu.
J'avais commencé à lire Le Corps lesbien il y a quelques années, puis laissé le livre en cours de route. Cette biographie m'a donné envie de m'accrocher.
Je vous conseille l'épisode Sexy Wittig, de Camille pour Binge Audio ; comme quoi, Wittig parle à toutes les générations, et la mienne n'est pas en reste.

Flora (avis transmis)
Je ne pensais pas qu'il fallait prendre au mot l'autrice quand elle parlait d'un "brouillon" de biographie. En effet, j'ai trouvé que ce livre était très fouillis.
Ça a plutôt mal commencé avec ce premier chapitre de retranscription d'une interview de Wittig avec un journaliste (?) où le dialogue avait la forme de : "Monique Wittig a dit que, il lui répond, elle ceci, lui cela". C'était indigeste, j'ai sauté le chapitre en espérant que ça ne se reproduise pas...
En fait, j'ai été surprise par cette forme de biographie où l'autrice raconte son parcours d'écriture. Pourquoi pas, ça change puis la construction des chapitres pour découvrir Wittig était bien pensée mais ce n'était que sur le papier.
Je n'ai pas adhéré à l'écriture de l'autrice : comme je disais, trop fouillis, trop d'informations inutiles, d'explications sur des concepts qui viennent alourdir la pensée de Wittig déjà complexe. Elle ne m'a rien appris de plus sur Wittig que ce que vous m'avez apprise à LIRELLES. L'essentiel pourrait tenir en quelques phrases.
Ne parlons même pas de la police d'écriture qui rendait la lecture encore plus pénible !!
Je vais quand même finir sur une note positive en disant que j'ai apprécié la fin du livre avec les trois mêmes questions posées à trois autrices différentes. L'un des seuls moments (avec le chapitre sur sa relation amoureuse) où l'écriture était simple, agréable, limpide sans froncement de sourcils de ma part.

Joëlle M
Je me situe dans la lignée de Flora, dans le sens où j'
ai d'emblée trouvé le livre brouillon et compliqué à suivre, en termes de construction.
Aussi suis-je allée directement à la fin lire la "Tentative de biographie linéaire", qui, cette fois claire, m'a intéressée et du coup je suis revenue aux différents chapitres, de façon intermittente, et pas spécialement dans l'ordre.
Je ne suis pas convaincue par l'autrice du livre que nous avons lu, à propos de la vie intéressante de Monique Wittig et j'attends ma bio...
Par ailleurs, j'avais vu un film fait avec sa compagne, The Girl, dont le côté intimiste ne m'avait guère plu.

Sandra
Je n'adhère pas aux collectifs et ne connaissais Wittig que de nom, sans avoir donc d'avis. C'était pour moi l'occasion de découvrir cette femme et ses combats féministes. J'ai bien aimé la phrase d'introduction d'Émilie Notéris indiquant que ce n'était pas une biographie mais une enquête, j'ai aimé ce concept de "brouillon pour une biographie".
Elle fournit des éléments de sa vie, de son combat, à travers une écriture qui m'a permis de rentrer dans l'ouvrage - écriture qui ne m'a ni plu, ni déplu.
J'ai bien aimé les courts chapitres et leurs titres particuliers, sous forme de verbes - c'était judicieux.
Et j'ai aimé cette enquête.
Le livre est certes court, mais dense.
On accède à la vie de Monique Wittig, à son écriture, elle est aussi traductrice d'ailleurs, à son style, sa pensée, son combat, son entourage... principaux éléments qui m'ont paru suffisants.
Elle décrit bien son importance. Mais cela ne m'a pas donné envie de la connaître davantage. Je salue son importance, ses combats, mais sa littérature ne m'attire pas, je pense que ses livres ne me plairont pas.

Léna
J'ai pour ma part apprécié la forme très dynamique, recourant à plusieurs médiums : témoignages, reportages, archives, émissions...
Mais cette pluralité m'a parfois perdue.
Je n'ai pas compris l'intérêt des titres, des scissions.
J'ai apprécié l'intention de l'autrice, de rendre sa subjectivité à Monique Wittig. Étant de plus en plus connue car de plus en plus médiatisée, on efface parfois la femme en elle-même au profit d'un personnage politique plus commercialisable.
J'ai trouvé la comparaison avec les esclaves maronnes choquante. J'ai apprécié qu'Émilie Notéris se soit tournée vers Françoise Vergès, dont j'admire beaucoup le travail, pour recueillir son point de vue d'experte sur le sujet.
Grâce à ce livre j'ai appris beaucoup.
J'avais seulement commencé
La Pensée straight. J'ai envie de lire Les Guérillères.

Joëlle L
Pour moi, il y a deux sujets :
- le livre d'Émilie Notéris
- la personne et la production de Monique Wittig, présentées dans le livre.
Émilie Notéris
Je n'en avais jamais entendu parler, j'ai cherché à me documenter. Ce que j'ai trouvé ne m'a pas rassurée. La présentation de son site commence comme ça : "Émilie Notéris développe dans ses projets littéraires une langue multiple, imbriquant une stylistique nourrie de vocabulaires spécifiques et techniques."
Puis j'ai lu la critique de son livre dans Libé et mon inquiétude a grandi.
J'ai ensuite ouvert le livre et l'ai feuilleté rapidement. J'ai immédiatement eu une sensation d'étouffement avec cette maquette très dense, les blancs tournants réduits au minimum, un premier chapitre sans paragraphes et les suivants peu aérés à vue d'œil.
Toujours en survolant le livre, j'ai été agacée par la légende de la photo page 14, qui ne colle pas avec l'image : "dédicace de L'Opoponax à Pierre Dumayet" alors qu'on voit
Les Guérillères.
Quand j'ai lu l'intro, ça ne s'est pas arrangé : dès la première ligne, les slashs que je redoutais sont arrivés. J'ai néanmoins persévéré et finalement lu le livre intégralement (ou à peu près).
Le premier chapitre m'a bien encouragée. J'ai aimé sa façon d'entrer dans le sujet et surtout de décrire son travail. Cette première impression s'est confirmée au fil du livre et les préventions que je pouvais avoir après son texte de présentation se sont dissipées.
Ce qui m'a plu dans ce livre, c'est le méta-livre, le côté "work in progress". J'ai trouvé ça original et intelligent. L'autrice nous emmène dans une quête, on suit des pistes qui aboutissent ou non, ouvrent d'autres portes ou pas. On voit la difficulté du travail et aussi le sérieux.
Monique Wittig
J'avais lu L'Opoponax à sa parution et j'avais beaucoup aimé ce livre dont le ton m'avait semblé très neuf. J'ai perdu ce livre, mais j'ai toujours chez moi
Les Guérillères et Brouillon pour un dictionnaire des amantes.
Tels que situés et cités dans le livre d'Émilie Notéris, ses écrits m'ont semblé lourdingues, bourrés de tics d'époque, influences Derrida. Une pensée froide. Quand il y a des citations, je suis perdue dans des termes techniques bien abstraits, des déconstructions de mots, des astuces lacaniennes : en fait je n'y comprends rien.
Dans mon souvenir ce n'était pas si opaque. Alors, j'ai relu au hasard quelques extraits de Brouillon pour un Dictionnaire des Amantes, et j'ai trouvé ça plutôt rigolo, même si un peu trop intello pour mon goût d'aujourd'hui. Donc ça me semble mieux en vrai que dans la bio.
Je m'étonne de l'insistance à souligner que Monique Wittig était une personne gentille et douce. Quel est le non-dit ? Les lesbiennes sont des monstres cruels ?
Mais je bute toujours sur l'idée que "les lesbiennes ne sont pas des femmes". Je partage plutôt le point de vue de Jill Johnston (p.134) : "toutes les femmes sont des lesbiennes, sauf celles qui ne le savent pas encore, naturellement". Pour moi, "être lesbienne", c'est une sensualité + une sociabilité + une culture. Pas une théorie ou un geste politique.
Pour en revenir au livre d'Émilie Notéris, mon sentiment est qu'elle la tire du côté glacial et théorique de la pensée féministe, ce qui ne rend pas justice à Monique Wittig, qui vaut mieux que ça.

Brigitte
On
peut se féliciter de l'existence même de ce livre qui vient combler un vide et bien des attentes. Mais, ce qui m'a gênée, très vite, c'est l'aspect brouillon, annoncée par l'auteure elle-même (p. 11). Brouillon qu'elle a tenté de faire apparaître structuré avec des titres accrocheurs en forme d'infinitifs marquant un processus en action : un travail d'enquête dont elle nous livre les étapes, pas à pas. Le livre aurait dû s'intituler : Wittig, une enquête, ou Wittig, rapport d'enquête.
Le récit avance au fil des interviews, et finit par devenir un catalogue décousu de personnalités rencontrées, catalogue qui commence par Pierre Dumayet dont elle nous livre la transcription de l'entretien avec Wittig lors de l'émission Lecture pour tous d'octobre 1964. Elle transcrit dans un style imitant celui de Wittig dans L'Opoponax : Monique Wittig dit, Pierre Dumayet demande, Monique Wittig sourit à Pierre Dumayet…, si bien que les citations de L'Opoponax sont parfaitement intégrées dans les questions-réponses. Ce premier chapitre assez réussi laissait augurer un "brouillon" intéressant.
Malheureusement, Notéris continue dans le même style : Lindon m'a dit, dans Libération Monique Wittig raconte, j'écris à Irène Lindon, elle me répond, elle me dit, Julie Le Men me précise… Un choix stylistique qui colle mieux à la description des événements, ceux de 68 et les autres, qu'à celle des livres : impression d'une geste (au sens d'histoire glorifiante, Cnrtl) dont nous sont donnés le détail de la genèse et les efforts pour arriver à en trouver les principaux témoins, cités par le menu. Cela finit par devenir un peu lourd, d'autant que le texte n'est pas aéré.
Il m'en reste une impression de grande confusion, d'autant que certains éléments biographiques se répètent, forcément puisqu'ils sont évoqués par différentes personnes et que les entretiens sont rapportés quasiment in extenso, par ordre chronologique. Le fil semblait être au départ les écrits de Wittig, mais cela se perd vite dans l'événement, le fil étant en fait la suite des entretiens.
Notéris ne peut éviter de gloser sur les liens de Wittig avec Nathalie Sarraute, mais on reste ici aussi au niveau du factuel, avec même une citation de près de deux pages de la superbe biographie d'Ann Jefferson, mais concernant un événement, justement : les souvenirs d'un colloque dans l'Arizona. Or, cette biographie est constellée de passages formidables sur l'étroite amitié entre les deux femmes et leurs influences réciproques : Ann Jefferson dessine en creux un portrait de Wittig extrêmement vivant et chaleureux, tout en finesse, un portrait de l'intérieur que l'on cherche vainement dans le personnage froid et quasiment désincarné qui ressort du texte de Notéris. On a en particulier dans la bio d'Ann Jefferson un développement inédit sur l'influence qu'a pu exercer Wittig sur Sarraute, à travers l'adoption par cette dernière d'une "neutralité de genre" (p. 426). Voilà qui aurait peut-être mérité d'être cité, plutôt que les deux pages in extenso sur le colloque de Tucson.
On aurait pu penser que le livre de Notéris aurait au moins l'intérêt d'amener ses lecteurs et a priori plutôt ses lectrices à lire - voire relire - les écrits littéraires de Wittig, à commencer par L'Opoponax et Les Guérillères. Or il semble que ce ne soit même pas le cas. C'est peut-être bien là ce que je trouve le plus dommage.

Claire
Je fais nettement partie de celles qui ont apprécié : j'ai trouvé le livre vraiment original et j'ai suivi pas à pas l'enquêtrice. J'ai fait les rencontres avec elle, j'ai apprécié les nombreuses citations qui rendent vivants les points de vue et les découvertes. J'ai été étonnée par le scoop : Monique Wittig a eu une relation amoureuse forte avec un homme et ce Jean-Pierre Sergent m'a paru très intéressant, ayant été le compagnon de Marceline Loridan (la copine de camps de Simone Weil) et ayant tourné avec elle, dans Alger tout juste libérée, un documentaire
Algérie année zéro) : c'est lui qui conseilla à Monique Wittig - raconte Emilie Notéris - d'organiser des réunions non mixtes...
Comme Léna, je n'ai pas été emballée par les titres, j'ai eu l'impression qu'ils remplaçaient une structure que l'enquête empêche d'avoir comme une biographie classique. J'ai vraiment déploré l'absence d'index. C'est vrai que les pages étaient peu aérées comme a remarqué Joëlle L, un peu étouffantes, mais d'un autre côté ce petit livre souple est très agréable dans la main. J'ai aimé les photos qui arrivent tout à coup dans le texte comme une surprise.
J'ai trouvé enrichissants ses liens avec d'autres domaines, concernant
des créateurs - Nan Goldin par exemple (p. 42) - ou des théoriciens - le linguiste Benvéniste par exemple concernant les pronoms.
J'ai apprécié aussi l'honnêteté que peut laisser supposer par exemple la rectification d'un emprunt de Wittig à Michelet pour mettre en avant “Les femmes sont un peuple dans le peuple”. Même si je suis persuadée de l'admiration d'Emilie Notéris pour Monique Wittig, à laquelle elle a consacré de longs mois de travail, elle fait preuve de distance. Concernant les dissensions entre les féministes, elle garde la tête froide.
Elle termine par trois rencontres, trois interviews bien choisies et qui permettent de s'approcher un peu de cette résurrection de Monique Wittig.
Je fais partie des "anciennes" qui ont partagé ou suivi de près l'histoire du MLF, alors que certaines du groupe n'étaient pas encore nées, loin de là... J'ai aimé rencontrer des noms de femmes que j'ai croisées "pour de vrai" : Marie-Jo Bonnet, venue dans cet appartement même pour récupérer un 45 tours introuvable des chansons du MLF qu'elle chantait elle-même, Audrey Lasserre qui a fait une très belle thèse citée dans le livre et qui est venue ici avec une valise pour emporter de la documentation féministe dont je me débarrassais, Christine Delphy dont la sœur Françoise est venue ici lorsque nous avons lu à LIRELLES sa biographie d'Emily Dickinson, Dominique Samson-Wittig, nièce de Monique, et sa mère Gille Wittig, rencontrées dans un stage lesbien de théâtre, Ann Jefferson, amie de Wittig, venue ici pour un autre club de lecture et dont la biographie de Sarraute est passionnante...
J'arrête ces potins - j'en ai d'autres, dont un croustillant - pour en venir à l'écriture elle-même : je n'avais jamais rien lu de Monique Wittig avant de participer à LIRELLES où j'ai lu L'Opoponax qui m'a beaucoup ennuyée. Découvrant dans le livre d'E. Notéris que Paris-la-politique
évoquait les années de militantisme féministe parisien qui l'avaient détruite, j'ai voulu voir : j'ai trouvé l'écriture belle mais inaccessible si on n'a pas les clés de la réalité évoquée. Je me suis plongée dans Les Guérillères et dans Le Corps lesbien : j'ai retrouvé l'ennui. J'ai enfin traversé Le Voyage sans fin que j'ai trouvé rigolo - mettre Don Quichotte, ce monument de la littérature mondiale, au féminin - mais pas plus qu'une pochade. J'ai lu les deux articles historiques "La pensée straight" et "On ne naît pas femme", parus dans Questions féministes, en 1980 : on voit en effet comme elle était pionnière pour élaborer la notion de genre qui n'avait pas cours.
Bref, je suis très contente que nous ayons programmé dans le groupe Wittig et non Monique Wittig.

Agnès
J'avais très envie que nous programmions ce livre au sein de notre groupe, sans l'avoir lu au préalable, contrairement au précédent (Monsieur Vénus de Rachilde), pour les mêmes raisons que celles exprimées lors de notre dernière séance : un désir de découverte et l'intérêt pour notre matrimoine, pour ces ouvrages et autrices incontournables qui forment le socle de notre culture lesbienne.
J'ai donc découvert ce livre en même temps que vous. Le recommander sans en avoir pris connaissance était un risque, mais j'ai pensé qu'aborder Wittig par sa biographie pourrait être plus accessible que par son œuvre.
Pour ma part, je dois avouer que cet ouvrage m'a fait atteindre un degré d'extase intellectuelle proche des 90 % (je réserve 10 points pour d'éventuelles mirobolantes surprises à venir) ! Ce livre m'a rendue heureuse et a provoqué chez moi une véritable fièvre wittigienne qui m'a poussée à entreprendre des recherches et des lectures annexes sur Monique Wittig, ses livres, Les Gouines Rouges, etc.
J'avais lu au tout début des années 1990 plusieurs livres de Monique Wittig : j'avais aimé L'Opoponax, que j'avais trouvé abordable, Les Guérillères qui m'avait semblé assez hermétique à l'époque, et Le Corps lesbien qui m'avait laissé une sensation de dégoût (à cause du vocabulaire autour des sécrétions et des muqueuses...). Je ne suis pas certaine d'avoir lu Brouillon pour un dictionnaire des amantes, qui est pourtant dans ma bibliothèque.
J'ai donc laissé passer du temps avant de m'intéresser à nouveau à Wittig et à son œuvre, jusqu'à ce que j'assiste, comme certaines d'entre vous, sur la scène de la Maison de la poésie, à une représentation des Guérillères interprétée par, entre autres, Virginie Despentes et Anne Garréta. J'ai adoré ce spectacle et en particulier le final. Il en est d'ailleurs question dans le livre d'Émilie Notéris, page 142.
L'intérêt pour la pensée et les combats de Wittig, par les jeunes féministes depuis #MeeToo, par des personnalités telles que Virginie Despentes et Adèle Haenel, a suscité à nouveau ma curiosité. En bref, j'ai trouvé ce livre passionnant, il va bien au-delà d'une simple biographie, il s'agit également d'une enquête littéraire, quelquefois assez exigeante d'ailleurs intellectuellement, et qui est menée en direct (la lectrice découvre les découvertes de l'autrice au fur et à mesure comme si elle nous faisait participer à ses recherches, cela donne un rythme très vivant).
Par ailleurs, cet ouvrage ne fait pas l'impasse sur les critiques que l'on pourrait opposer à la pensée de Wittig, en particulier en regard des recherches intersectionnelles actuelles (par exemple, la comparaison entre la condition des femmes et l'esclavagisme).
Ce livre m'a également permis de mieux comprendre ce que je n'avais pas compris à l'époque de mes premières lectures, à savoir ce que signifiait "les lesbiennes ne sont pas des femmes" et l'usage d'un vocabulaire "anatomique et humoral" dans Le corps lesbien pour le débarrasser des "métaphores pornographiques, sensuelles et masculinistes" (p. 100).
Ce livre restera un ouvrage important pour moi, car il m'a permis de faire une relecture de Wittig éclairante. Ce fut une véritable révélation.

Claire, puis Marion
Marion n'a pas donné signe de vie, loin de nous à Montpellier, et pas toujours en forme. C'est avec elle que j'ai créé LIRELLES il y a exactement 15 ans (c'est aujourd'hui notre 153e séance...) et c'est elle qui nous avait fait programmer Monique Wittig dans les toutes premières séances après Violette Leduc, Annie Ernaux, Benoîte Groult, Virginia Woolf, Marguerite Radclyffe Hall - pas mal hein, ces tout premiers choix ! Nous avions donc lu L'Opoponax qui avait fait un flop unanime... Marion n'avait pas pu venir à cette séance et nous avait alors envoyé son avis sur le livre, qui, lui, forcément, était positif. Le voici, pieusement conservé... :

Marion
J'aime la littérature, et j'aime l'aventure en général, et l'aventure littéraire en particulier. Pour moi Monique Wittig, et d'autres comme Nicole Brossard ou Michèle Causse, ont dans leurs livres une finalité esthétique nouvelle au service d'un contenu nouveau : qu'est-ce ça veut dire être lesbienne, vivre lesbienne ?
Et d'abord comment ça se passe, quand on découvre qu'on aime les femmes, qu'on ressent pour elles cette si forte attirance ? Une piste est explorée dans L'Opoponax, celle de l'enfance et l'adolescence des petites filles. L'enfance des petites filles m'a toujours passionnée.
“L'Opoponax n'emploie ni le langage des adultes ni celui des enfants ; ce n'est ni un romancier, ni un narrateur. Confrontant, dans un 'on' mouvant, le 'il' et le 'je', il semble bien les avoir annulés l'un par l'autre : cette voix qui parle au présent de choses très concrètes, qui s'affermit et se découvre elle-même peu à peu...” (présentation du livre par les Éditions de Minuit), ce pouvait être la mienne... Cette tentative très intéressante au niveau du langage m'a beaucoup intéressée.
“L'Opoponax c'est vraiment la constitution d'une identité, d'un moi. C'est un problème philosophique finalement. Je pensais que c'était intéressant de le voir d'un point de vue de petite fille, féministe et lesbienne. Comment ça s'est constitué ? Sous le nom d'Opoponax justement. (…) Elle dit : 'Je suis L'Opoponax', 'Je suis le sujet principal' (…) C'est l'histoire d'un amour entre deux petites filles (…)
Et la dernière phrase, c'est la seule où "on" dit "je" et où "on" le dit au passé, (…) je voulais faire passer, à travers l'enfance, une enfance de petite fille recréée, active et pas passive, donc c'était bien un projet politique.
” (Entretien de Josy Thibaut avec Monique Wittig, fin des années 70)
Ce projet à la fois littéraire, philosophique et politique m'a interpellée et je me suis donné les moyens de le comprendre, je me sentais concernée en tant que lesbienne réfléchissant au fonctionnement du monde.
Littérairement, j'ai eu envie d'écrire mon propre Opoponax, vécu à l'École normale quand j'avais 17 ans. Et je l'ai écrit à la façon de Wittig, tellement cela correspondait si bien à ce que je ressentais à l'époque (texte cité page 76 à 83 du Belvédère).
Si cela vous intéresse je peux venir à Paris faire pour le groupe (il faut au moins 2 participantes) un de mes ateliers "A la rencontre de Monique Wittig", dont le but est d'apprivoiser l'œuvre de Wittig et en donner les clés.
Certaines copines m'ayant dit qu'elles préféraient la lecture de ses articles politiques, je vais vous envoyer le plus célèbre, "La pensée straight". Il est écrit, lui, en style normal.