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Nous lisons pour le 21 décembre 2025

Les aventures de China Iron
de Gabriela CABEZÓN CÁMARA
   
Las aventuras de China Iron, 2017, traduit de l'espagnol (Argentine) Guillaume Contré en 2021, éd. poche 10/18 en 2022 : Les aventures de China Iron


Quelques INFOS autour du livre, avant nos réactions


L'AUTEURE

Quelques repères
Gabriela Cabezón Cámara est née en 1968 dans la province de Buenos Aires. Elle grandit dans une famille ouvrière, sans livres à la maison.
La UBA (Universidad de Buenos Aires), prestigieuse en Amérique latine, où elle fait des études de lettres, est gratuite.
Son premier texte paraît en 2006 et son premier roman en 2009, elle a 40 ans.
Ses articles ont été publiés dans divers médias : supplément SOY du journal Pagina 12 qui traite de questions LGBTQI, pages culturelles du journal Clarín...
En 2013, elle bénéficie d'une résidence d'écriture à l' Université de Californie à Berkeley. Elle dirige l'atelier d'écriture CINO, qui fait partie du programme d'écriture créative de l' Université nationale des arts de Buenos Aires.
Elle participe en 2015 à la fondation du mouvement Ni Una Menos ("Pas une de moins"), contre les féminicides en Argentine.
Sa carrière mêle journalisme, littérature et militantisme féministe.

La liste de ses romans
A
vec la date de publication en Argentine. Tous ses livres sont traduits par Guillaume Contré.
- 2009 : Pleines de grâce, éd. de L'Ogre, 2020 ; rééd. 10/18, 2021
- 2014 : Tu as vu le visage de Dieu suivi de Romance de la Noire blonde, éd. de L'Ogre, 2022
- 2017 : Les aventures de China Iron, éd. de L'Ogre, 2021 ; rééd. 10/18, 2022 ; rééd. avec une préface de Céline Minard, éd. de l'Ogre, 2025
- 2024 : Les griffes de la forêt, Grasset, 2025.

Recueils de nouvelles non traduits
- 2011 : Le viste la cara a Dios
- 2015 : Sacrificios

Romans graphiques
- 2013 : Beya, ill. Iñaki Echeverría, Eterna Cadencia,
- 2015 : Y su despojo fue una muchedumbre, ill. Iñaki Echeverría.

PRESSE ÉCRITE

À propos du roman que nous lisons
- "Gabriela Cabezón Cámara : inventer d’autres mondes possibles", critique et entretien avec Gabriela Cabezón Cámara par Jean-Philippe Cazier, Diacritik, 10 mai 2021 : un article et une interview très fouillés.
- "L'épouse du poète", Bernard Quiriny, Lire Le Magazine littéraire, mai 2021

- "Les aventures de China Iron : Gabriela Cabezón Cámara", Youness Bousenna, Télérama, 2 juin 2021
- "Pampa nouvelle", Anne-Lise Remacle, Le Vif/L'Express, 10 juin 2021
- "Femmes libres de la pampa", Ariane Singer, Le Monde des livres, 17 juillet 2021
- "La femme du gaucho", Melina Balcázar, En attendant Nadeau, 30 juillet 2021. Extrait :

"J’ai toujours été étonnée de voir que Martín Fierro, un déserteur, qui a tué un militaire, soit devenu un héros national, raconte-t-elle dans un entretien. Même si les gens n’ont jamais entendu parler de Hernández, ils connaissent par cœur au moins un vers de son poème. En le relisant, j’ai eu l’idée de raconter cette histoire du point de vue d’une femme – juste quelques vers leur sont consacrés dans le poème – à qui j’avais envie de donner une vie lumineuse. Je voulais à travers ses yeux redécouvrir le monde, comme un nouveau-né."

- "Comme un courant de joie", rencontre avec Ariane Singer, Le Monde, 17 juin 2022. Extrait :

"Les Aventures de China Iron est un roman qui prend sa source dans la plus pure tradition littéraire de mon pays, la littérature gauchesque. Jamais je n'aurais pensé qu'il serait lu en dehors de l'Argentine", confiait-elle lors d'un récent passage à Paris. De fait, ce récit hilarant, qui retrace l'épopée de La China, une adolescente mariée contre son gré à un gaucho brutal, est en fait une réécriture audacieuse et féministe d'un célèbre poème épique argentin : Martin Fierro (1872), de José Hernandez. Il pouvait être difficile à un lectorat non avisé d'en capter l'humour et les subtilités. Mais il y avait davantage, dans ce texte, qu'une simple parodie. "C'est un roman que j'ai écrit sous le signe de la lumière : depuis que j'en ai eu l'idée laquelle m'est venue comme un courant de joie dans le corps -, j'ai su que je voulais pour La China une vie très différente de celle de son ex-mari. Cette joie a déterminé la vitalité du roman. La China commence sa vie en tant que personnage au moment où elle connaît la liberté ; elle commence alors à voir le monde comme si elle le voyait pour la première fois", dit l'autrice.

Une préface d'écrivaine française
Lirelles avait programmé (en 2013) So long, Louise
de Céline Minard.
Céline Minard est l'auteure d'une préface dans la toute récente réédition des Aventures de China Iron : il ne faut pas manquer ›cette préface.

Gabriela CABEZÓN CÁMARA en vidéo

- Présentation par elle-même de son dernier livre Les Griffes de la forêt (à partir de la vie de la religieuse s'étant fait passer pour un homme, Catalina de Erauso), 9 juillet 2025, sur le site de l'éditeur Grasset (sous-titres français), 3 min 50 ›youtube.

- Entretien sur la littérature et le livre que nous lisons, Les Artisans de la fiction (sous-titres français), 11 min ›youtube. Exemples de questions : pourquoi réécrire plutôt qu'inventer avec Les aventures de China Iron ? Qu'avez-vous gardé du texte original Martin Fierro ? Comment avez-vous travaillé le personnage de China Iron ? Interview réalisée en 2022.

- Entretien avec Gabriela Cabezón Cámara à propos de La China Iron (sous-titres espagnols mais non traduits), Silvina Iñiguez, clideo.com, 24 août 2023, 9 min ›youtube

Martin Fierro

Martín Fierro est un poème épique composé en 1872 par l'écrivain et journaliste argentin José Hernández. Considéré comme l'un des ouvrages majeurs de la littérature argentine, il a été commenté par de nombreux intellectuels (par exemple Borges, auteur de El "Martin Fierro" : "Martin Fierro est sans doute le seul livre que nous puissions appeler classique dans la littérature argentine. Mais il est regrettable que nous ayons choisi pour héros un déserteur, un fugitif, un assassin") .

L'AFP, dans un article de 2022 repris dans plusieurs journaux français, montre l'importance aujourd'hui, à de nombreux points de vue, de cet ouvrage mythique.

Le gaucho, insaisissable et conflictuel emblème de "l'Argentinité"
(Photo : AFP)

San Antonio de Areco (Argentine), 21 novembre 2022 (AFP) - Il est éternel, et à la fois insaisissable, tant il a fait l'objet d'appropriations. Le gaucho, 150 ans après sa "naissance" en littérature, reste au cœur de "l'Argentinité", et bel et bien à cheval, à mi-chemin entre mythe et témoin de la façon dont le pays s'est construit et transformé.

Un tsunami de poussière enveloppe la folle cavalcade de centaines de chevaux. Au milieu, des cavaliers s'emploient, dans le chaos, à resserrer et garder dans leur croupe leur "tropilla" de 7-8 chevaux. Sans en perdre un, sans briser la course des autres, en une virtuosité de monte et de dressage.

C'est l'"entrevero de tropillas" ("désordre des troupeaux"), clou de l'annuelle "Fête de la Tradition", qui rassemble quelques milliers de personnes à San Antonio de Areco, à 120 km, mais si loin, de la moderne et cosmopolite Buenos Aires.

Ici s'anime le peuple du cheval, de la pampa (plaine), de la tradition gauchesque, du boina (large béret) jusqu'aux espadrilles, de la guitare au "facon" (poignard) porté en ceinture.

Chaque 6 décembre l'Argentine fête le "Jour national du Gaucho". Et en 2022, des expositions, lectures publiques, célèbrent le 150ème anniversaire du Martin Fierro (1872) de José Hernandez, poème épique, chanson de geste, œuvre culte un peu à l'image, ailleurs, de la Chanson de Roland ou du Poème du Cid.

"Ici je me mets à chanter
Aux accords de ma guitare
L'homme que tient éveillé
Une peine extraordinaire
Comme l'oiseau solitaire
En chantant peut se consoler (...)
Ma gloire est de rester libre
Comme un oiseau dans les airs
Je ne fais pas de nid sur une terre
Où l'on souffre tant à vivre".

Pas si blanc que ça

En 2 316 vers (plus de 7 000 avec le tome 2) répartis en sizains, Martin Fierro, traduit en près de 50 langues, conte - ou plutôt chante - l'épopée mélancolique d'un gaucho de la première moitié du 19e siècle, ballotté entre la liberté du vacher nomade de l'immense et rude pampa, et les injustices, discriminations, notamment envers son ascendance de sang-mêlé.

Rebelle, rétif à l'autorité, à l'avancée de la ville et des clôtures, chapardeur de bétail ou bagarreur à ses heures, mais aussi courageux, fidèle en amitié, "le gaucho devint un emblème populaire, une espèce de +vengeur rebelle+ dans l'imagination du bas peuple, avec des dizaines d'histoires de gauchos, dévorées par les classes populaires", retrace pour l'AFP Ezequiel Adamovsky, historien à l'Institut national de recherche Conicet.

Plus tard, sous l'impulsion d'une droite nationaliste, Martin Fierro se vit consacré "poème national" (1913), et son personnage statufié en figure patriotique, compagnon des luttes militaires de la jeune nation. Un comble pour le gaucho déserteur du poème d'Hernandez.

Rentré dans le rang, et "blanchi" au passage, à une époque - début du XXe - où "les élites de la nation proposaient la vision si saugrenue, mais qui perdure, d'une Argentine blanche et +européenne+", relève Adamovsky, auteur de Le Gaucho indomptable : l'emblème impossible d'une nation déchirée.

Tour à tour anarchistes (pour le rejet de l'autorité), communistes (pour la lutte des classes), péronistes (pour l'appui des travailleurs ruraux) et donc nationalistes, revendiquèrent au fil de l'histoire l'âme du gaucho, une lutte qui d'une certaine manière continue, rappelle l'historien.

Mais toujours avec une touche rebelle : en 2017, un roman Les Aventures de China Iron (Gabriela Cabezon Camara) revisite avec humour le mythe de Martin Fierro, du point de vue de sa femme, délaissée, et qui part à la découverte de l'immensité du pays, avec une amie qui devient son amante.

"Gauchada" toujours là

"Le gaucho, l'homme des champs, continue et continuera d'exister, et s'il utilise la voiture, beaucoup se fait encore à cheval. Notre pays est immense, avec ses reliefs et végétations. Trop d'endroits où les voitures ne pénètrent pas", souligne Victoria Sforzini, directrice du Patrimoine à San Antonio de Areco.

Qui donc est le gaucho de 2022 ? Les cavaliers des spectacles d'"estancias" pour "excursion touristique à la journée" ? Les plus de 350.000 travailleurs ruraux affiliés (3 fois plus de non-affiliés) pour lesquels le syndicat UATRE vient d'arracher 70% d'augmentation, à 100.000 modestes pesos/mois (615 dollars) ? Ou peut-être ceux, comme Julio Casaretto, fils et petit-fils de gaucho, maçon en banlieue, mais qui continue le week-end d'aller monter avec sa fillette, car "même si tous les champs reculent, même si tout se perd un peu, on a ça dans le sang".

À moins que ce soit un peu tout le monde, via l'expression de "gauchada" passée dans le langage courant, pour illustrer un geste solidaire, une aide désintéressée, un coup de main vital. Dont l'Argentine du 21e siècle, de crise en crise socio-économiques, ne saurait vraiment se passer.


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