Ito OGAWA,
La papeterie Tsubak
i,
trad. du japonais
Myriam Dartois-Ako,
Picquier poche, 384 p.

Quatrième de couverture :

Hatoko a vingt-cinq ans et la voici de retour à Kamakura, dans la petite papeterie que lui a léguée sa grand-mère. Le moment est venu pour elle de faire ses premiers pas comme écrivain public, car cette grand-mère, une femme exigeante et sévère, lui a enseigné l’art difficile d’écrire pour les autres.
Le choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l’encre, l’enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre. Hatoko répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir : elle calligraphie des cartes de vœux, rédige un mot de condoléances pour le décès d’un singe, des lettres d’adieu aussi bien que d’amour. A toutes les exigences elle se plie avec bonheur, pour résoudre un conflit, apaiser un chagrin.
Et c’est ainsi que, grâce à son talent, la papeterie Tsubaki devient bientôt un lieu de partage avec les autres et le théâtre de réconciliations inattendues.

Ito Ogawa (née en 1973)
La papeterie Tsubaki (publié en 2016 au Japon, traduit en 2018)

Nous avons lu ce livre pour le 22 septembre 2023, le nouveau groupe l'a lu pour le 29 septembre, le groupe breton pour le 19 octobre et le groupe de Tenerife pour le 24 octobre.
45 lecteurs ont réagi.

DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
Quelques repères biographiques
Livres traduits en français
Interviews
La traductrice

Les 18 réactions du groupe réuni le 22 septembre
Françoise D Katell Rozenn
Annick LClaire Fanny MaëvaMonique LMuriel
Entre et Annick A Brigitte L  •Catherine
JacquelineNathalie R RichardSabine
Renée Odile

Monique L(avis transmis)
J'ai beaucoup apprécié ce roman au début de ma lecture pour le dépaysement, mais surtout pour la sophistication, le raffinement extrême dans les détails. L'atmosphère est étrange et dégage une certaine poésie. Le rythme est lent et envoûtant. Un roman décalé et enchanteur dans une ambiance feutrée, dans une atmosphère subtile et surannée. J'ai eu une sensation de légèreté, de sérénité et de bien-être.
Tout un rituel d'un extrême raffinement pour l'écriture de lettres à l'heure où il est si simple d'envoyer un mail.
Cela m'a rappelé des courriers reçus sur de jolis papiers avec parfois une fleur séchée à l'intérieur et les cartes de vœux annuelles de mes grands-parents.
Dans ce roman, beaucoup de surprises pour moi, comme l'"adieu aux lettres" qui me questionne sur tout ce que l'on entasse.
Les missives sont surprenantes : une lettre de condoléances pour ses voisins, pour la mort de leur singe, un billet doux pour son instit, un faire-part de divorce des plus courtois pour un mari cocu, une lettre écrite du paradis...
Les personnages sont attachants : Hatoko et sa bienveillance, Madame Barbara et sa joie de vivre, et surtout il y a "l'Aînée" qui hante les souvenirs et avive les regrets. Un personnage reste énigmatique : le Baron. J'ai eu l'impression de participer à la vie du quartier, de m'y balader, de goûter les mets délicats qui sont décrits.
J'ai aimé les lettres calligraphiées en japonais intercalées dans le livre.
La spiritualité prend une place importante dans ce récit : l'autel des morts, la fête des 7 sanctuaires, mais j'ai du mal à n'y voir que des rituels.
Ce que je retiendrais, c'est le raffinement, la délicatesse, l'écoute et l'attention unique aux autres. Mais ce qui m'a principalement intéressée, c'est ce qui touche à la transmission entre générations (sans doute une question d'âge ?).
Et puis, bien sûr, il y a le rôle de l'écrit : écrire pour soi ou pour les autres, des choses belles, des choses gaies, des choses tristes, se mettre dans la peau d'un ou d'une autre, de celui ou celle qui envoie, de celui ou celle qui reçoit. La force de l'écrit, la valeur de chaque mot.
Il ne se passe pas grand-chose dans ce roman, le rythme est lent, presque contemplatif, mais sa lecture m'a fait du bien par l'atmosphère qui s'en dégage.
Au fil de ma lecture, l'ambiance doucereuse m'a un peu lassée ; mais c'est une belle découverte.
J'ouvre aux ¾.

Maëva(avis transmis avec photos prises au Japon)
Le texte m'a paru délicat dans l'atmosphère qui se dessine, dans l'aspect méticuleux de la profession, dans ces petites choses qui construisent le quotidien. Il y a de la tendresse, du soin, de la nostalgie. On ressent le temps et les saisons qui passent, page après page, à mesure que la narratrice fait son deuil de l'Aînée. Ce roman me donne l'impression de me balader le long d'une rivière et de la regarder s'écouler.
J'ai eu du mal avec certaines métaphores qui, au lieu de nourrir mon imaginaire, m'ont arrêtée dans la lecture : "aussi lumineuse qu'une ampoule de cent watts" p 43 ; "on aurait dit un cygne fait femme" p. 78 ; "c'était comme caresser le dos d'un chat de race" p. 81 ; "quand elle marchait, on aurait dit une balle en caoutchouc qui rebondissait" p. 102…
Je n'ai pas été charmée par le style, en revanche j'ai apprécié l'émotion, la temporalité dans lesquelles le livre m'a plongée. Malgré le côté bon-enfant, presque à l'eau de rose, "il suffit de répéter 'brille, brille'" p. 86, "il n'y a pas de plus grand bonheur que de rencontrer l'être aimé et de vivre avec lui" p. 152, chaque fois que je retrouvais La papeterie Tsubaki j'avais l'impression de me recentrer, de retrouver du calme et de la lenteur. On sent une forme une désuétude, d'aspect poussiéreux, dans cette arrière-boutique où la beauté de l'écriture se révèle.
J'apprécie aussi de retrouver le Japon que j'ai découvert lors de mon voyage cette année. Tant d'éléments caractéristiques sautent aux yeux : la bienséance, la politesse, les traditions, les célébrations, l'omniprésence de la nature. Tous ces codes se retrouvent dans la calligraphie qui devient un reflet de la société et des interactions entre les personnes.
La préparation pour rédiger les lettres, le matériel, le papier, le timbre, l'enveloppe, la couleur de l'encre, sa dilution, le choix entre les différents alphabets (katakana, hiragana, kanji), mais aussi la préparation physique, la respiration, le sommeil ou le "ventre vide" p. 12 ont une importance. Il y a un rapport personnifié au support, organique, et j'ai apprécié cette nuance.
L'univers de la papeterie et de la calligraphie sont fascinants, ça donne presque envie de s'y mettre (enfin, pas avec la même professeure que la narratrice !).
J'ouvre aux ¾.
Sabine, ce soir fleur de lotus(avis transmis de Nîmes)
C'est un livre radicalement à l'opposé de Middlemarch : pas long, phrases ultra simples, quel changement !
Ce livre m'a un peu fait penser à L'élégance du hérisson de Muriel Barbery : une jeune fille et sa rencontre avec des personnages plus âgés, des voisins sympas, le milieu littéraire…
Je n'ai pas été emballée au début, et puis, je me suis laissé prendre à ce jeu d'écrivaine publique, qui entre dans la vie intime de ces clients. J'ai aim
é l'histoire du choix des papiers (quel grain, quelle couleur choisir), de la calligraphie, des plumes selon l'objet de la lettre. J'ai trouvé amusant que l'édition française reproduise les signes japonais.
Mais globalement, je n'ai pas été emballée plus que cela. C'est un livre dépaysant, sympathique, mais je n'ouvrirai pas au-delà de la moitié.
Fanny
(avis transmis)
J'ai été sensible à l'ambiance du roman et à la lenteur du rythme au fil des saisons. Cela m'a fait penser à un très beau roman graphique japonais Les années douces. Autre point commun entre ces deux textes, le rapport à la nourriture omniprésent et qui fait lien d'amour ou d'amitié entre les personnages.
En revanche, le fait d'avoir lu avant le roman graphique fait que les images m'ont manqué à la lecture de La papeterie Tsubaki. Les dessins en effet soulignent et renforcent l'aspect poétique.
J'ai aussi trouvé intéressant le rapport au papier et au crayon qui donnent corps/matière à l'écriture et en fait quelque chose de physique, corporel. Cependant, parfois j'ai trouvé cela un peu long et lassant pour moi qui n'évolue pas dans ce domaine.
J'ai parfois cherché le fil narratif, hormis le rapport au temps marqué par l'année au fil des saisons et j'ai trouvé intéressant d'en apprendre un peu plus sur l'histoire de l'héroïne. Qu'en est-il de sa vie intime, amicale et amoureuse ? Pas d'échange avec des gens de son âge. Son rapport au corps, à la sensualité semble s'exprimer exclusivement à travers la calligraphie et la nourriture. Excepté à la fin, mais je trouve que l'émergence de leur relation amoureuse n'est pas décrite avec sensualité mais c'est probablement lié à une pudeur japonaise ?
J'ouvre aux ¾. Hâte de vous lire.
Katell(avis transmis)
J'ai beaucoup aimé ce livre, même si à un moment j'ai ressenti une petite baisse d'intérêt.
J'ai aimé l'héroïne et son rapp
ort au monde : entre tradition et modernité (à l'image du Japon).
Son activité d'écrivaine publique est fascinante, particulièrement la partie concernant le choix du papier, du matériel d'écriture, du timbre, de l'enveloppe : c'est d'un raffinement inouï. Le contenu des lettres est également incroyable. Et quelle bonne idée de reproduire les fac-similés.
Cela donne aussi envie de découvrir la ville de Kamakura. C'est une bulle de lecture zen et poétique. La force de la vie loin du tumulte du monde. Un peu à l'image de ce film d'apprentissage sur la cérémonie du thé, Dans un jardin qu'on dirait éternel. Je l'ai pas mal offert autour de moi.
J'ouvre en grand.
Muriel(en direct comme ceux qui suivent)
Ce livre m'a beaucoup plu, autour du choix de papier et d'encre de la part de cet écrivain public, plein de charme.
Il est pour moi… FOLKLORIQUE. De quel ordre était mon plaisir ? Celui en effet de la découverte de nombreux plats japonais, de coutumes, de couleurs de noir...
Il a été publié au Japon en 2016 et j'ai du mal à penser que l'action se passe actuellement. J'avais l'impression d'être au 19e siècle.
Mon plaisir a été renouvelé au fil des découvertes et par les liens entre les gens.
Les lettres de rupture, difficiles à faire, ça m'a amusée.
Et j'ai apprécié que ça se termine bien...
J'ouvre aux ¾.

Annick A, entre et
C'est un livre qui apaise et fait du bien dans ce monde agité. La papeterie se situe à Kamakura ville, où on trouve douceur de vivre entre mer et montagne. On est introduit dans une culture très différente de la nôtre. J'ai découvert les trois types d'écriture japonaise.
Hatoko écrivain public rédige des lettres en répondant au souhait de ceux qui viennent la voir. Je suis fascinée par la méticulosité avec laquelle elle rédige ces lettres. Tout est important, le choix des mots, la qualité du papier, la calligraphie, l'encre, l'enveloppe, le timbre, choisis en fonction du message de celui qui l'envoie et de celui qui le reçoit, l'ensemble formant un tout.
Les relations entre les personnages du livre sont bienveillantes. L'auteure arrive à créer une atmosphère de détente et d'humanité. Les histoires des personnages qui consultent sont variées. J'ai aimé le personnage du Baron plutôt brusque très direct, brutal dans ses mots, mais attachant et généreux. Son mariage est assez inattendu. Madame Barbara est une femme sympathique, joyeuse, une amoureuse qui aime la vie. QP est une petite fille attachante et ouverte aux autres.
Assez étonnantes sont ces visites aux sanctuaires et les rituels, tel celui du jet de coupelles. Beaucoup de passages sur la nature et ceux sur la nourriture font saliver.
Écrire est un besoin ressenti dans le corps comme un accouchement. Je trouve belles les pages de calligraphie, mais l'écriture est assez plate et peu poétique.
J'ouvre entre la moitié et ¾.
Brigitte entre et
(à l'écran)
Je ne connaissais pas du tout Ogaw
a Ito. C'est une très bonne surprise.
La lecture de ce livre est facile, agréable, pleine de fraîcheur, parfois poétique.
Même si tout y est organisé de manière très systématique - le nombre de pages consacrées à chaque saison, l'enchaînement des travaux d'écriture, les diverses rencontres de la narratrice - le lecteur éprouve un vrai sentiment de spontanéité, tout paraît vraisemblable. Nous avons plaisir à parcourir la petite ville de Kamakura, et à découvrir ces Japonais et leur façon de vivre dans leur monde traditionnel en même temps que dans notre XXIe siècle.
À part quelques faiblesses (briquer le sol, le chevalier servant… trop souvent répétés), la traduction est tout à fait réussie.
J'ouvre entre ½ et ¾
.
Richard
Je n'ai pas trop aimé ce livre. Dans l'ensemble il décrit des situations que je qualifierais de "trite" en anglais (=banales ?).
Il m'a rappelé d'autres livres japonais, comme Le maître ou le
tournoi de go de Kawabata. J'ai eu la même impression d'attente que celle du tournoi : que va-t-il se passer ici ?
Je ne m'intéresse pas tellement aux techniques de calligraphie japonaise. (Note personnelle : j'ai fait un an de japonais, et professionnellement, dans une agence de publicité japonaise, ce qui n'était pas apprécié des Japonais, car je "trespassais" dans leur jardin secret : si les Européens ne maîtrisent pas bien la langue, qu'ils arrêtent d'essayer de la parler, considère-t-on...).
Ce que j'ai apprécié, c'est la présence d'un rapport à la nature dans toutes les actions.
Par contre, je ne comprenais pas souvent quand l'auteure essaie de donner un sens profond à un sentiment ou une action : ("je me suis concentrée pour rassembler mon énergie dans mon ventre").
J'étais content de la finale quand elle trouve son mec (comme lorsque le tournoi arrive enfin...).
J'ai apprécié, tout en n'aimant pas tellement ce genre de livre, et j'ouvre à moitié.
Claire
J'ai ressenti un vertige du temps : quand est-on donc ?
J'ai trouvé la narration bien faite avec deux volets : d'une part le passé de la narratrice (dont son mystérieux "long séjour à l'étranger") et les liens avec son initiatrice qui s'étoffent peu à peu, et d'autre part, parallèlement, à la situation professionnelle qui permet des portraits successifs et à chaque fois les histoires de ces clients et également des liens qu'elle tisse : c'est original, ce tissage, et je le trouve très bien fait. Le livre est donc fait d'une succession de fragments ; d'ailleurs parfois on s'arrête tout à coup. L'auteure fait un usage modéré de l'adresse au lecteur : "Pour tout vous avouer". Cette habileté me semble causer une partie de mon plaisir.
On retrouve la sophistication de la culture matérielle japonaise, et avec elle le plaisir que j'ai ressenti d'entrer dans l'inconnu. Un exemple : à 6 ans, la narratrice utilise un pinceau fabriqué avec ses propres mèches de bébé, gloups. Et elle nous fait vivre l'initiation, de façon bien plus légère que celle que nous avions lue pour Fabienne Verdier...
Contrairement à Maëva, j'ai apprécié les comparaisons crues, j'en cite une autre : "le manque d'inspiration, c'est un peu comme quand on est constipé"... Et contrairement à Annick A, il y a pour moi de la poésie, pas cucul : "La mer est tellement puissante que la côtoyer suffit à vous fatiguer."
J'ai manqué d'images pour apprécier, par exemple pour la tenue d'une femme : "on aurait dit l'image d'une bouteille de Calpis" ou "elle avait tout d'une poupée kokeshi" : je ne sais pas ce que c'est, si je cherche une image de cette poupée, je comprends mieux. En revanche, les pages reproduisant les lettres ne m'ont rien apporté.
Au moment même où je lisais, je me disais que j'allais tout oublier. Oui, un charme, oui une fraîcheur. Je me suis dit : est-ce donc un livre pour le groupe lecture ?... Je m'attendais à ce qu'il soit allégrement descendu. En particulier en raison de ce côté feel-good dont Ogawa Ito semble s'être fait une spécialité.
J'ai aimé penser qu'"une lettre, c’est comme l’incarnation d’une personne" ou envisager" mon moi calligraphique" ou songer que "Si l'enveloppe est un visage, le timbre est le rouge à lèvres qui donne le ton."
À cette sophistication matérielle est allié un raffinement de la formulation, un art de l'euphémisme où on dit sans dire, comme la lettre de rupture avec le maître de thé. Mais sans interdire pour le lecteur l'émotion que j'ai ressentie par exemple dans la lettre annonçant le divorce. L'humour aussi est là : "Les deux sœurs aux prénoms de gâteau et de sushi reposaient désormais en paix dans la même tombe." Et Madame Barbara, par sa fantaisie, équilibre bien la dureté de la grand-mère.
Et enfin, il y a aussi le renvoi à une culture très ancienne :
"Le livre dont je m’inspirais était le Kôyagire daisanshû, la plus ancienne copie connue du recueil de poèmes Kokinshû. Puisque d’après l’Aînée, contempler de belles choses était un moyen de progresser, je passais mes journées à le feuilleter, au lieu de lire des livres pour enfants. Même si on n’y comprend rien, ces calligraphies de la main du grand poète Ki no Tsurayuki sont d’une beauté féerique."
Tout cela fait finalement de ce livre un univers riche, et j'ouvre aux ¾.

Nathalie
Oui, ça fait du bien de lire ce livre. Je me suis laissé porter au fil de l'eau. J'avais besoin de calme et on peut dire que c'est une lecture apaisante. Je m'y suis plongée tranquillement au fil des pages. J'ai aimé les personnages qu'elle nous présente.
Concernant la calligraphie, je rejoins ce qui a été dit. C'est absolument passionnant de comprendre les choix qui sont faits en fonction des intentions. J'adore tout ce qui est matériel de bureau et de papeterie et je me suis empressée d'aller voir ce qu'était un "Roméo numéro 3". J'ai été très impressionnée par la cérémonie de l'adieu aux lettres. Je trouve cela incroyable toutes ces lettres qu'on lui confie afin de les détruire ! Je conserve toutes les lettres que j'ai reçues depuis que j'ai 7 ans (et j'ai récupéré pas mal de lettres que j'ai envoyées aussi). Personnellement je ne le ferais pas, je trouve ça abominable de faire disparaître une correspondance. Il me semble que les lettres sont un témoignage précieux de nos sociétés, de nos façons de vivre, de penser, d'interagir. Je ne peux m'empêcher de penser que les détruire c'est une forme d'orgueil. Je comprends qu'on puisse aussi vouloir garder sa vie privée, privée. De fait, j'en ai discuté avec mes propres enfants et j'aimerais que mes lettres soient transmises, non à mes enfants, mais à la génération suivante.
Dans les nombreuses affirmations qui jalonnent le roman, j'ai été touchée par l'idée de ce supplément d'âme qui correspond à l'écriture manuscrite. Elle évoque également la recherche de son moi "calligraphique". J'ai du mal à comprendre comment elle peut changer d'écriture en fonction de la personne qu'elle incarne. C'est assez "magique".
J'ai été touchée par la détresse de la femme dysorthographique. C'est un passage très bien rendu que j'ai pu rencontrer dans ma vie professionnelle.
Je passe sur le cliché "Mourir, c'était peut-être vivre éternellement"... qui m'a plutôt agacée.
Malgré tout le soin qu'elle apporte à réfléchir et à faire ses choix, j'ai été étonnée par le vide du contenu qu'elle écrit, c'est plat et sans intérêt, sauf peut-être pour le divorce. J'ai trouvé que c'était une très bonne idée que celle d'informer et de présenter des excuses parce que le couple "béni" par les amis n'a pas été un couple qui aura duré dans le temps. C'est une idée originale que je reprendrais bien à mon compte.
Le livre donne une impression hors du temps : à quelle époque est-on ? Pourtant, régulièrement, on a l'irruption de la technologie et ça rappelle une réalité mais en même temps Il n'y a pas de trivialité. On parle très peu d'argent, le réfrigérateur est quasiment vide alors qu'on parle tout le temps de nourriture et de thé et qu'elle se rend très régulièrement au restaurant (ce dont je l'envie !)
Ce n'est pas le livre du siècle, mais ça m'a fait du bien. Et je vais l'offrir, à ceux qui font de la méditation par exemple ou qui sont plutôt des contemplatifs.
Renée
(à l'écran depuis Narbonne)
J'ai été intéressée pendant un bon moment par les différentes possibilités de graphisme et d'écriture.
Cependant, la description de sa vie ordinaire est pénible : on s'en moque !!!
L'auteure écrit :"Quand la conversation roule sur ce genre de sujet anodin, le temps passe toujours à toute allure".
Bon ! PAS LA LECTURE : les dialogues et descriptions de sujets anodins ne m'intéressent pas DU TOUT.
Je me suis ennuyée.
Livre fermé.

(Claire rapporte l'échange suivant de ce jour pour conforter Renée...)
Odile de Dijon

Et tu as aimé la papeterie Machin ?
Je me souviens m'être profondément ennuyée après que ma voisine eut insisté pour me le prêter...
Jacqueline
De l'autrice, j'avais lu Le Ruban il y a trois ans et je ne me souvenais d'absolument rien, sinon que cela m'avait beaucoup touchée et pas seulement parce que c'était une amie en fin de vie qui me l'avait fait lire. En fait, Le ruban que j'avais oublié est aussi une émouvante histoire de grand-mère…
Quand j'ai commencé La papeterie Tsubaki, j'ai été séduite par les menus détails de la vie courante et leur description. Je trouvais cette lecture très apaisante…
J'ai aimé l'évocation des premiers pas de la narratrice en calligraphie. Cela m'a rap
pelé les bâtons et les boucles que m'avait montrés ma grand-mère, qui, dans ma petite enfance, a suppléé à mes parents comme celle du livre. Cela m'a rappelé aussi mes déboires avec l'encre, plus tard à l'école…
Par contre, bien que l'exotisme des traditions japonaises m'ait intéressée, j'ai eu un doute : pourquoi ces explications que l'on dirait tirées d'un guide à l'usage des étrangers dans un livre écrit a priori pour des Japonais ? Les Japonais d'aujourd'hui sont-ils si ignorants de leurs traditions ?
J'ai bien aimé l'application de l'héroïne dans la rédaction de ses lettres, le choix du papier, de l'encre et de l'instrument en fonction de l'expéditeur, le travail de l'écrivaine pour se mettre à la place de ceux qui commandent la lettre. Mais quelle déception devant les illustrations où je ne pouvais plus voir tout ce travail de personnalisation !
Ma curiosité pour les clients et leurs demandes commençait un peu à faiblir quand le paquet de lettres de la grand-mère est arrivé avec la révélation de son amour pour l'enfant et de l'univers factice qu'elle avait construit pour elle… J'étais un peu étonnée que l'héroïne n'en soit pas plus bouleversée…
Mais tout est bien qui finit bien : le baron se marie contre toute attente, l'héroïne trouve la paix dans ses sentiments et sans doute aussi le bonheur dans le mariage… J'aurais aimé que l'évocation de ses années de jeunesse et de rébellion soit un peu moins superficielle, mais j'ai pris du plaisir à cette lecture. J'ouvre à moitié...
Annick L

J'ai bien aimé ce petit roman que j'ai savouré avec grand plaisir (c'est si rare !).
D'abord pour le voyage auquel il nous invite, dans l'espace (à la découverte d'une tradition ancestrale nipponne) et dans le temps. En effet, même s'il est ancré dans le Japon contemporain, il rend hommage à des conventions sociales (par exemple le rituel de l'accueil des invités, voisins ou clients) et à des métiers qui tombent en désuétude : celui d'écrivain public et celui d'artiste calligraphe, ici dans la tradition du Kanja. À contre-courant de la communication virtuelle et des réseaux sociaux, totalement déshumanisés. Une sorte de voyage à rebours très plaisant.
J'ai aimé également cette histoire toute simple, dans un petit microcosme, au fil des saisons. Cette jeune femme, qui a repris la papeterie héritée de son aïeule, sait accorder à celles et ceux qui franchissent le seuil de sa boutique une écoute et une attention sans faille. Et elle prend ensuite tout le temps et le soin nécessaires à satisfaire leurs demandes singulières, y compris dans le choix de l'instrument qu'elle va utiliser pour calligraphier, du papier, de l'encre, etc. La description en est très précise, concrète, presque sensuelle. Et le défilé des clients, clientes, si différents est en soi intéressant, comme autant de petites tranches de vie.
J'ai apprécié enfin le choix de l'éditeur de présenter, en écho, des reproductions de ces lettres calligraphiées, difficiles à imaginer pour un lecteur européen.
J'ouvre aux ¾.

Françoise
(qui a proposé le livre)
Je ne redirai pas tout ce qui a été dit et que je rejoins sur les choix du papier, de la calligraphie, etc. sur l'impression relative au temps : on est jadis mais en même temps dans la modernité (elle va au Starbucks). Contrairement à Kawabata, au monde flottant d'Ishiguro, on est dans l'ici et maintenant, entre tradition et modernité. J'ai beaucoup aimé les différents personnages, Madame Barbara, le Baron, etc.
Je ne me suis pas ennuyée une seconde. J'ai savouré. Ce fut un moment de plénitude. Oui, c'est un feel-good, qu'on a envie de partager, qu'on offre volontiers.
J'ouvre en grand ! Même si ce n'est pas le livre du siècle, mais un petit livre sympa car je tiens compte dans ma "note" du plaisir de lecture.
Catherine, entre et

C'est un joli livre sympa que j'ai lu avec beaucoup de plaisir. J'ai aimé particulièrement tout ce qui concerne la calligraphie et le métier d'écrivain public, tous les détails qui ont déjà été relevés (le choix des papiers, du type d'alphabet, des pinceaux ou des stylos, des timbres pour chaque lettre, choisis en fonction de la lettre et de l'auteur, la fabrication de l'encre avec le bâton à encre...). C'est sympa à une époque où l'écriture perd du terrain. Ceci dit, j'ai été déçue d'apprendre que le métier d'écrivain public tel qu'il est décrit n'existe pas au Japon ; c'est un roman, je sais bien, mais du coup j'ai eu l'impression que c'était un peu fabriqué pour plaire au lecteur toute cette histoire. J'ai aimé le rythme lent ; une année s'écoule en compagnie de Poppo ; c'est serein, dépaysant ; il ne se passe pas grand-chose, à part des choses très simples, des repas au restaurant et des visites de temples. Ça donne envie d'aller voir Kamukura qui semble être hors du temps alors qu'elle est assez proche de Tokyo. On découvre une galerie de personnages attachants à travers les lettres. Certaines lettres sont inattendues : lettre de divorce, lettre écrite par un mort. Il y a beaucoup de détails sympas. J'ai aimé que les personnages restent assez énigmatiques ; on ne sait finalement pas grand-chose d'eux : le Baron, la grand-mère, le séjour à l'étranger de Poppo, madame Barbara avec tous ses amants. Ça finit bien avec deux mariages, un peu trop bien d'ailleurs.
La nourriture est omniprésente, comme souvent dans les livres asiatiques, et ça j'adore.
J'ai lu 2 autres livres de Ogawa Ito (on m'en a offert 3 !) : le dernier, Le goûter du lion, c'est bof : sur la fin de vie, la belle mort ; un peu "mourir c'est vivre éternellement" : trop de bons sentiments et encore plus feel-good que celui-là. Le Restaurant de l'amour retrouvé, mieux et on parle beaucoup de cuisine. Mais c'est La papeterie que je préfère et à mon avis, un seul livre suffit ! J'ouvrirai ½ à ¾.

Rozenn

Après coup... Merci au groupe !!!
Dans la semaine, quelqu'un m'a demandé ce que je lisais : j'ai répondu un livre très bien, très agréable.
Et je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit de positif. J'ai des papiers..., des crayons..., je me suis commandé un H14... À un moment de ma vie, il y a très longtemps, j'ai failli être écrivain public, mais j'ai compris que je n'aurais pas de commandes comme les siennes, plutôt du courrier administratif, comme celui pour lequel j'ai moi-même besoin d'aide…
Mais en venant, à l'idée d'en parler, je me suis sentie en colère. En colère contre le livre. En colère contre le plaisir que j'ai eu. Je me suis fait piéger. Oui en colère contre l'auteure qui m'a eue.
L'héroïne est passive, passive, sans prise en main sur sa vie. Sans confiance en elle. Elle n'est que ce que sa grand-mère a voulu pour elle. Et pourtant, à une époque elle s'est révoltée, elle a existé par elle-même. Mais nous n'en saurons rien, sauf qu'elle en a honte.
Moi aussi, j'aurais voulu de l'action : qu'elle cherche - et trouve - ce qu'on lui a caché ; est-ce que la vieille voisine ne serait pas sa mère - je lis en même temps Un portrait de femme de Henry James !
En venant, dans l'autobus, je me suis mise à feuilleter le livre à l'envers. La fin : tout le monde se marie, ça m'a mise encore en colère. Non la fin des histoires, ce n'est pas "ils se marièrent vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" !!! mais à la fin, ils meurent (La sale vérité sur les contes par Lou Lubie). OK, je réagis comme une midinette féministe.
Et puis, p. 384, le père de la petite fille lui dit : "Sans doute votre grand-mère n'avait-elle que sa sévérité pour vous exprimer son amour." Cette phrase justifie pour moi tout le bouquin et change complètement mon point de vue. Ma colère est alors un peu tombée.
L'essentiel était voilé par l'exotisme, les rituels, les politesses, la nourriture, la nature… c'est moi qui ai mal lu. L'essentiel est le thème de la transmission.
Et je change d'avis, j'ouvre en grand !!! Après tout ils ne se marient peut-être pas… Claire nous dit qu'il y a une suite à ce livre (La République du bonheur)…


Les 11 cotes d'amour du nouveau groupe
réuni le 29 septembre
KatherineMonique 
Lahcem
AnneAnne-MarieJean-PaulLaureNathalie B •Romain
Antoine
Christine
•Françoise était présente mais n'avait pas lu le livre.

Romain
Je vais l'ouvrir au minimum. L'histoire, avec cette culture, c'est intéressant, on apprend plein de choses. Mais la narration était insupportable, niaise, d'une gamine. La manière dont l'auteure raconte sa vie est moralisante, un peu facile. Le style est insuffisant pour que je continue à lire. Est-ce la traduction ? Les personnages ne sont pas intéressants, il n'y a pas de suspense. À quoi bon ces personnages ? J'ouvre à un quart.
Anne
Je suis un peu du même avis. Autrefois, si je n'aimais pas un livre, je le lisais pour dire pourquoi. Là je n'ai pas pu avancer. Pourtant il y a quelque chose de joli autour de cette papeterie, ces relations de voisinage. Je ne veux plus prendre du temps pour un livre dans lequel je n'entre pas. C'est un livre féminin, il y a de jolies choses. J'ai vu qu'il ne se passait rien de plus à la fin. La jeune femme qui correspond avec l'Aînée est un épisode intéressant, la relation est ambivalente.
Monique M
Ce livre est délicieux, c'est une plongée dans la vie quotidienne au Japon ; exotique à nos yeux d'Occidentaux, mais universelle par l'humanité qui se dégage des situations vécues. Il y a en effet beaucoup de chaleur humaine dans les relations et un accent mis sur l'importance des choses de la vie. C'est également plein de messages, de symboles, de signes, qui s'adressent aux vivants et à ceux de l'au-delà. Le livre a beaucoup de charme, il se lit vite, présente un étonnant contraste entre la modernité des objets dont disposent les personnages (iphone, mails, internet …) et le maintien des traditions (rituels de passage des saisons, autel des ancêtres, offrandes dans les temples… et bien sûr calligraphie). La vie quotidienne est omniprésente, les nourritures, tempuras, pâtés à la pistache, aux haricots blancs, pains à la purée d'azuki… On voit les paysages avec ses collines, ses fleurs, beaucoup d'hortensias, des oiseaux… ; l'écriture est limpide, reflète l'oralité du langage quotidien, avec un regard poétique sur la nature, les fleurs, le ciel, les bourrasques d'automne qui viennent par intermittence s'écraser sur la boutique… Bien que très simples, les mots traduisent de façon très juste chaque moment vécu. Il y a une volupté dans la façon de vivre, la relation aux autres, à la nourriture, à la vie, aux papiers sur lesquels elle trace ses calligraphies (la saveur douce d'une boisson au kudzu se déploie sur son palais ; elle a envie de plaquer la carte sur sa joue, de l'y frotter, c'était comme caresser le dos d'un chat de race, la matière était somptueuse). Le personnage d'Hatoko est très sympathique, c'est une jeune femme pleine de vie, une âme accueillante, généreuse, très investie dans son métier, dans la poursuite de la tradition familiale ; elle est écrivain public, experte en calligraphie, perpétue une tradition millénaire avec une conscience, une expertise, un dévouement qui vont très au-delà de son métier, elle fait corps avec, elle devient celui ou celle pour lesquels elle calligraphie ; le choix du papier, la plume, l'encre, le moment, jusqu'à l'état corporel et mental dans lesquels elle se trouve au moment de prendre la plume, doivent incarner de façon absolue l'auteur de la missive ; c'est hallucinant de précision, de détails qui contribuent au succès de son entreprise. On sent là tout le raffinement et l'esthétisme de la culture japonaise. "Une lettre c'est comme l'incarnation d'une personne" dit-elle. Les demandes de lettres sont surprenantes, notamment celle écrite du paradis par le mari défunt à son épouse. La découverte de la correspondance entre l'Aînée et sa correspondante italienne font basculer l'image de l'Aînée dans l'esprit d'Hatoko : trop tard comme souvent dans la vie. Quelques phrase poétiques : Le grillon avait fait venir l'automne / Une brise fraiche soufflait de nulle part / Le ciel était comme un grand drap bleu sans nuage/ Les oiseaux bavardaient gaiement comme s'ils picoraient les vestiges de la nuit… Et puis la beauté, la tendresse de la fin du livre, cette relation qui se noue entre le père de QP et Hatoko ; la visite au temple où il la prend sur son dos et où elle revit ce qu'enfant elle a vécu avec l'Ainée ; le retour à la papeterie et la lettre déposée sur l'autel des ancêtres à l'Aînée et à la tante, comme un rituel de passage à la vie de femme adulte. C'est magnifique, j'ai beaucoup aimé ce livre.
Antoine
Le livre explique les différentes calligraphies : j'ai cru que ça allait m'intéresser, mais non, rien ne m'a intéressé dans ce livre. C'est "cucul la praline". Elle donne des surnoms niais aux personnages. On voit tous les clichés sur le Japon, on dirait presque un livre fabriqué exprès pour des Occidentaux. Ce livre est d'ailleurs plus connu en Europe qu'au Japon ! (Voir critique dithyrambiques de Babelio). La maison d'édition est spécialisée dans l'Orient. Je ne comprends pas pourquoi l'éditeur a fait traduire ce livre. J'en ai lu un tiers, je suis allé voir à la fin s'il se passait quelque chose. Mais non. Ce livre m'a un peu exaspéré, proportionnellement à ma déception. Je le ferme.
Nathalie B
C'est rare que je n'arrive pas à trouver de qualité à un livre. Je trouve le style chiant (il n'y a pas d'autre mot). J'ai continué ma lecture et j'ai eu un petit frémissement p. 76 : l'investissement dans le travail, comment elle choisit ses pinceaux, son papier, la manière de présenter le texte pour qu'il corresponde au caractère de la personne. Mais autrement, pas de style, et c'est vrai qu'on dirait que ce livre a été écrit pour des occidentaux.
Lahcem(nouveau à Voix au chapitre)
Moi je l'ai lu en entier, mais je l'ai trouvé très niaiseux. Oui c'est un livre féminin, mais un livre très lent. Le personnage principal est très désuet. Il y a une succession de scènes assez innocentes. Les personnages sont sans épaisseur. Quelques petites émotions (l'homme qui fait écrire au nom de son père défunt pour réconforter sa mère). C'est explicatif, d'une écriture simple.

Françoise
Je n'ai pas lu le livre.
Jean-Paul
Ce n'est pas ma tasse de yuzu ! Au début je me suis laissé un peu prendre mais de saison en saison, chaque fois c'est la même chose. On apprend des trucs sur la poste japonaise. La lettre pour un singe mort m'a parue débile. Au début du livre, on pense qu'il va se passer quelque chose, mais non. C'est répétitif, c'est banal. Ce n'est pas poétique car trop simple.
Katherine
J'ai beaucoup apprécié l'histoire de cette jeune écrivain public qui reprend la papeterie tenue par sa grand-mère. Le style reflète admirablement la personnalité d'Hatoko : facile, d'une beauté simple, avec une pointe de naïveté. Elle nous raconte d'un ton paisible sa jeunesse, sa relation avec sa grand-mère, sa longue formation d'écrivain public à ses côtés, sa relation avec sa voisine âgée, Madame Barbara, ses missions d'écrivain et sa philosophie du métier… On a le sentiment qu'elle vit dans une sorte de cocon, où il ne se passe pas grand-chose, mais où elle se sent apaisée et heureuse. Car en effet, hormis le récit de ses consultations d'écrivain public et la description de sa démarche de rédaction et d'écriture, il se passe assez peu de chose dans ce romain. Elle brique son parquet, dîne seule au restaurant, visite les temples, fréquente à l'occasion Madame Barbara, sa seule amie… Or, on ne sent ni ennui, ni solitude, seulement l'appréciation sincère des choses simples. Et je trouve que l'autrice a su transmettre, en filigrane, cette approche de la vie au lecteur. Comme je l'ai évoqué lors de la séance, je pense qu'il faut être dans un certain état d'esprit pour apprécier cette œuvre. Ce n'est pas un roman "divertissant", un style qui suscite l'admiration, les personnages demeurent des ébauches. Il faut lire ce livre comme on contemple un lever de soleil, les étoiles, la mer… Cette lecture a eu sur moi l'effet d'une méditation sur la beauté du quotidien.
Anne-Marie
J'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'un livre "feel good", destiné à faire plaisir au lecteur, une sorte d'ambiance positive pour développement personnel. D'ailleurs si on regarde les titres des autres livres de l'auteur (Le Restaurant de l'Amour Retrouvé, la République du bonheur, le Jardin arc-en-ciel) on peut se poser la question… !
J'ai lu le livre jusqu'au bout, mais je n'ai pas spécialement réussi à me sentir bien. Mises à part les pages sur la calligraphie qui m'ont surprise et intéressée par leur précision, la suite du livre est très plate, les personnages à peine ébauchés. On ne comprend pas vraiment pourquoi elle n'a pas connu sa mère, on ne visualise pas vraiment sa période rebelle, un peu plaquée sur le récit pour tenter de rendre l'héroïne intéressante. On ne croit pas non plus à l'idylle avec le père de la petite fille : elle est annoncée comme un fait, mais pas du tout mise en scène, c'est vraiment insuffisant comme narration.
J'ouvre au ¼, pour l'épisode sur la calligraphie.
Christine(avis transmis)
En quelques mots : je n'ai pas apprécié ce livre que je trouve inintéressant. Je ne l'ai pas terminé... Il y a peut-être un trop grand fossé, voire abîme, entre notre civilisation occidentale et la civilisation japonaise. Comment une Française peut-elle imaginer qu'à l'époque de l'internet, des personnes fassent appel à un écrivain public pour des courriers en nombre ou des courriers privés ? Les choix de la calligraphie, du type de caractère, du papier, de l'enveloppe et du timbre sont d'un autre temps. C'est "poétique" mais hors de notre époque. Comment ce livre est-il perçu au Japon ?
Je le ferme complètement.
Laure (avis transmis)
Je partage l'avis de Christine. J'ai lu un tiers. Je n'ai pas réussi à me motiver pour le terminer. Jolie découverte cependant.


Les 10 cotes d'amour du groupe breton
réuni le 19 octobre

AnnieCindy SoazSylvie
Brigitte T Marie-Thé
 Chantal  ÉdithSuzanne
Entreet Marie-Odile


Annie avait apporté ceci :
Tout le groupe breton, outre ses agapes habituelles gustatives - ici japonaises - s'est livré à des activités calligraphiques.

Marie-Odile entre et
J'aime tout ce qui touche à l'épistolaire. Je me réjouissais donc de lire ce roman.
Quelques éléments m'ont paru intéressants : les motifs des lettres et du recours à un écrivant tiers, le rituel de la stèle épistolaire, le souci de choisir avec délicatesse, un par un, les éléments en accord avec le contenu (support, stylo, encre etc.) et même au début le mélange de tradition et de modernité, de passé et de présent, de signifiant et d'insignifiant.
La description de la calligraphie a réveillé en moi des sensations éprouvées lors de mes très lointains débuts dans l'écriture : le plaisir physique de former des lettres plaisir qu'on ne retrouve plus jamais lorsque cela est devenu un automatisme.
MAIS très vite ce roman m'a profondément ennuyée. L'accumulation incessante de détails insignifiants, que je ne me donne pas la peine de citer ici, m'a agacée. Le texte est saturé de nourriture de toute sorte, de larmes à tout propos, de dialogues inutiles d'une banalité déconcertante, de détails qui m'ont paru ridicules comme le fait de dire bonne nuit à la pâte à pain !
Et ce n'est pas le style qui peut compenser quoi que ce soit. Je veux bien que la traduction soit maladroite, je veux bien que l'auteur qui a écrit pour des enfants garde une certaine naïveté, mais il y a des limites. Quelques exemples : "une visite à de la famille", "le pain était trop bon", le pipi du chien "m'a donné encore plus froid" "c'était parce que ces traits c'était elle" etc., etc.
Grosse déception donc.
J'ouvre 1/8 ce roman "feel good" vite lu et vite oublié.

Brigitte
Livre ¾ ouvert. Je partage avec plaisir et émotion le quotidien d'une jeune femme japonaise, Poppo ou Hatoko, talentueuse calligraphe, mes sens éveillés par les descriptions pittoresques des paysages et de la végétation, par les parfums des plats de la cuisine japonaise. Des délices fins et variés, aux saveurs sucrées et pimentées que j'apprécie.
Les saisons se succèdent tout en douceur et la végétation guide le cœur des hommes.
Un roman que je pourrais trouver banal : en effet, pas de surprises réelles dans les destinées des personnages ou dans les relations amicales et amoureuses. Pas de réponse sur sa fuite du Japon : c'est sans doute pour ces remarques qu'il manque ¼ à mon avis !
Mais ce roman m'a interpellée par sa douceur qui fait du bien, par son effet magique autour de l'art de coucher des mots sur le papier, par la part du spirituel dans le quotidien japonais. Je suis sensible à l'empathie, l'écoute et le respect de l'autre quelle que soit sa demande. Le style est simple, les phrases sont courtes. Surprenant la qualité papier de ce livre de poche !
Son histoire personnelle est évoquée avec pudeur par des flashbacks sur la relation de Poppo avec son Aînée, sa grand-mère. Ça me renvoie à l'importance de la transmission intergénérationnelle, tant dans le savoir-faire que le savoir-être.
Écrivain public, Poppo veut apporter du bonheur aux gens et je suis surprise des demandes qui lui sont faites, comme celle de la petite fille et la lettre à l'instituteur, celle du mari et le faire-part de divorce, de Karen handicapée par une dysgraphie et son mot à sa belle-mère qui lui dit que si son "écriture est moche, c'est parce que son cœur est laid".
À l'heure où le clavier numérique s'impose, cette lecture me ramène à mon enfance et au plaisir d'écrire, plaisir de recevoir une lettre - j'en ai gardé… Je découvre des rites japonais comme le rituel annuel de l'adieu aux lettres confiées à la stèle épistolaire. Je ne me sens pas prête à en faire autant… Écrire au stylo ou à la plume : une habitude que j'ai quasiment perdue. Pourtant c'est si beau, c'est une douceur à partager, une offrande à l'autre.
Écrire : c'est comme une recette de vie et de bonheur que Poppo nous propose. Il faut, dit-elle, selon le courrier, choisir les mots - "une lettre, tout en exprimant avec exactitude la pensée de l'expéditeur, doit aussi éviter celui d'indisposer celui qui la reçoit". Il faut "polir le texte" sans oublier le choix de l'encre et sa couleur, le choix du timbre - le rouge à lèvres -, le choix de l'enveloppe - le visage -, du format - portrait ou paysage. Il faut être exigeant et cette exigence va au-delà du choix des mots : "je voulais faire preuve d'exigence non seulement pour le contenu, mais aussi pour le papier et l'enveloppe, sans oublier le stylo avec lequel j'écrivais". C'est comme se faire belle et se maquiller pour honorer celui que l'on reçoit ou qu'on va rencontrer.
Ce roman me fait passer un bon moment, me fait me poser loin de situations violentes, racistes, angoissantes véhiculées au quotidien. Il pourrait me rendre nostalgique. En fermant ce livre, j'ai envie de découvrir d'autres romans japonais.
Chantal
Lire ce livre juste après Middlemarch, dur, dur... Les premières pages me sidèrent : tout ce que je n'aime pas, vocabulaire trivial, pauvre, dialogues basiques..., sûrement un "roman à la mode", facile à lire, qui doit très bien se vendre.
L'héroïne se nomme Popo pour les intimes !! Et des phrases du même tonneau : "qu'est-ce qu'il fait lourd ce matin ! A Kamakura l'humidité est terrible" ou "après avoir étendu le linge, j'ai sorti les poubelles"… : réalisme japonais ?
Puis, tout de même, j'ai aimé tout ce qui concerne la calligraphie, les outils, les techniques (hiragana pour les mots japonais, katakana pour les mots étrangers).
La description des coutumes, des rituels, m'a intéressée, consultations internet à l'appui : Torii, Obon, Kika..., l'exotisme m'a fait oublier le reste.
J'ai donc avancé jusqu'au milieu du livre, et là... pof ! Plus envie de continuer. Dans mon esprit s'est dessiné le "montage", le canevas suivi par l'auteure : les quatre saisons. Et, à l'intérieur de chacune, toujours le même schéma : les lettres à écrire, elle est écrivaine publique, la voisine Mme Barbara, inévitablement la nourriture (repas, pique-niques), la référence à l'Aînée, les visites aux temples et les rituels, les arbres... Quelques personnages supplémentaires pour remplir la trame fixée. Là je me suis dit : bon, je ne ferai plus de grandes découvertes. Et j'ai laissé le livre pendant plusieurs jours.
Puis, VAC oblige, je l'ai repris, sans beaucoup de plaisir, sans déplaisir non plus, plat. J'ai continué ces petites histoires, QP, la lettre invraisemblable de l'amie italienne de l'Aînée, le baron original, etc., etc., l'évolution des sentiments de Popo (je ne m'y fais pas... Popo !) envers l 'Aînée, jusqu'à la fin du roman sentimentalo-mélo.
Et ces derniers passages m'ont fait du bien malgré tout, mon esprit plombé par tout le contexte ambiant que je ne détaille pas. En effet, ce roman un tantinet sirupeux, arrosé de saké et de bière japonaise, accompagné de délicieux doriakis, et cette Popo perchée sur le dos de M. Morikage, eh bien c'est "gentil", pour reprendre l'adjectif employé par plusieurs d'entre nous.
Alors, comme dirait Mme Barbara, si vous vous sentez tristes et accablés par tout ce qui nous tombe dessus, appliquez la formule magique : "BRILLE, BRILLE". Ça marche !
J'ouvre donc le livre ½.
Et, bien sûr la formule pour chaque lettre, je vous l'adresse : Kika, bonne vie !
Sylvie
C'est avec enthousiasme que j'ai lu ce livre et que je l'ouvre en grand aujourd'hui. J'attendais impatiemment mon rendez-vous quotidien de lecture, pour la pause apaisante que m'offrait cette lecture au milieu de ma journée galopante.
Avec l'histoire d'Hatoko, on rentre dans un univers calme, un peu vide, très ritualisé, où les gestes quotidiens ont beaucoup d'importance et balisent la journée. Le temps de nettoyage du sol, la préparation des repas, tout est fait en conscience, corps et âme, ce qui confère à chacun de ces gestes une valeur respectable qui honore le quotidien. De sorte que tous ces soins donnés avec cœur à ses besoins "primaires" deviennent des soins pour elle-même, pour tout son être existant dans son environnement proche et indirectement à tous ceux qui l'entourent et franchissent le seuil de sa boutique. Cette harmonie entre son corps, son âme et son lieu, lui permet d'accueillir ses clients avec beaucoup de respect et une grande sérénité.
J'en tire une leçon pour moi-même, car dans ce livre, on touche à une dimension psychologique. Il nous convie à une réflexion intérieure mais toute en pudeur. Ce quotidien décrit à la vitesse du quotidien, avec la lenteur, avec le labeur, la répétition, avec peu de mouvement dans l'espace, met Hatoko en phase constante avec le présent. Avec elle, nous sommes dans le geste et peu dans la pensée. Ainsi l'angoisse d'un passé difficile ou d'un avenir trop abstrait a peu de prise sur Hatoko. Elle est "dans ses mains", dans le "faire". Et c'est avec une grande pudeur que se dévoilent les difficultés de son passé, de sa relation avec "l'Aînée", sa grand-mère si exigeante et dure, et avec son avenir, ses doutes et ses craintes. La sincérité avec laquelle elle exerce toutes ses activités permettent à Hatoko de vivre au plus près de ses émotions, de les accepter comme un chemin et non comme un effondrement. Tout cela est très riche d'enseignement.
Et c'est avec la même sincérité que Hatoko nous emmène dans sa papeterie où elle est "écrivain public". Elle y accueille avec le plus grand soin chaque client. Elle l'installe et le met à l'aise en lui offrant une boisson à chaque fois adaptée. Elle écoute, elle se met en disponibilité pour comprendre au mieux la demande. Elle écoute en empathie en intégrant toute l'histoire, tout ce qu'elle perçoit de celui qui est assis en face d'elle. Elle aura à retranscrire dans le courrier qu'elle va créer pour cette personne, toute la dimension de ce qu'elle doit dire avec le ton et les mots de celui pour qui elle porte la plume, son histoire, sa sensibilité, sa démarche. Pour être au plus proche de la force de son courrier, elle choisira avec soin (toujours le soin), son papier, son encre, la texture, la couleur, son écriture, sa forme, les kenjis, les hiraganas, les pinceaux. Elle est entièrement à ce qu'elle fait, elle est dans son art. Avec Hatoko, on découvre l'atelier du calligraphe, on le ressent, on peut même l'imaginer. On sent les encres et le vieux bois, on voit les papiers, les textures, les couleurs, les formats, les rangements. On voit son bureau, le poêle, la lumière en demi-teinte, le silence et la vie immobiles des objets.
Car dans ce livre, on est entre le conte et le réel. Avec le plan de départ pour suivre ses pérégrinations dans la ville, on peut tout avoir en tête, mettre des images sur chaque lieu. D'ailleurs Kamakura, la ville existe-elle vraiment ? Ai-je envie de le savoir d'ailleurs ? Car on a très envie de la découvrir, riche d'histoire, de traditions et de savoir-vivre entre ses monuments et ses restaurants, elle est l'écrin de l'histoire d'Hatoko avec le même amour de la vie, le même respect du passé et des rituels qui la composent.
Au-delà du contexte, toute l'histoire d'Hatoko se tisse en construction, en avançant par petites touches dans ce chemin qu'elle suit à petits pas comme le tour des temples de la ville qu'elle entreprend avec ses amis. Elle fait des rencontres, se fait des amis, va au restaurant, marche, toujours en écoute attentive. Elle rencontre cette petite fille qu'elle prend sous son aile, comme elle aurait sans doute aimé qu'on soit avec elle. Elle donne de l'amour, guidée par la voix de sa voisine qu'elle entend de l'autre côté de cloison, comme une petite voix intérieure, sa voisine une source de joie de vivre. Elle découvre tout doucement son histoire et que ce qu'elle en a perçu n'est peut-être pas ce qui s'est vraiment passé. Elle comprend les souffrances, tout le meilleur qu'on a pensé pour elle. Elle pardonne. Elle peut commencer à vivre... Tout cela avec humour, légèreté, c'était un bonheur de lire ce livre.
Suzanne (par téléphone)
Ce livre m'a plu pour la découverte des détails de la calligraphie, pour l'atmosphère apaisante japonaise, les échos des lectures et films. Le vide et la calligraphie ont un aspect méditatif, c'est vraiment une autre culture.
Je ne pense pas que cette lecture laissera un souvenir aussi inoubliable pour moi que Printemps, été, automne, hiver… et printemps où la répétition du geste trouve une dimension méditative et rédemptrice.
Cindy
Petit livre mais qui rayonne de petites histoires touchantes et émouvantes, dans un Japon moderne aux traditions ancestrales, comme avec la calligraphie.
À travers le personnage clé du roman, Hatoko, dans sa papeterie si singulière, et tous les récits touchants de vies des visiteurs aux demandes inattendues (qui souvent m'ont fait sourire), j'ai aimé dès les premières pages ce roman très humain !
Je ne l'ai pas lâché. C'est doux, délicat, profond, savoureux grâce aussi à sa construction originale : avec tout d'abord un plan de la ville qui permet de suivre Hatoko en symbiose avec son cadre de vie et ses déambulations entre sanctuaires, expositions, restaurants… : "le soir je mange presque toujours dehors (…) Après avoir savouré mon premier plat de hiyashi chûka (...) j'ai fait un petit détour par le sanctuaire Kamakura-gû". (p. 21-22)
Puis des chapitres liés aux saisons : "Mange amer au printemps, vinaigré l'été, piquant l'automne, gras l'hiver" (p. 135)
"l'année commence avec l'été j'en suis intimement convaincue (…) j'ai bu le saké (…) et les tensions qui m'habitaient se sont dénouées". (p. 35)
Comme si le temps et l'environnent avaient son importance sur le caractère des gens, leurs demandes et surtout sur les réactions d'Hatoko, ses émotions, ses envies d'écrire, de trouver les mots justes… : "j'écris tout ce qu'on me demande ...mais c'est pour venir en aide aux gens qui en ont besoin. Pace ce que je veux leur apporter du bonheur" (p. 150). L'exemple de la carte écrite pour Karen en est un exemple : "De la carte émanait cette modestie délicate qui nimbait Karen".
Le roman aux phrases courtes limpides naturelles m'a offert une lecture récréative, mais profonde, pleine de sensibilité, d'empathie, d'écoute… : et aussi de belles descriptions culinaires : "C’était de la bagna cauda à la laitance de crabe (...) servis (...) avec des anchois frits (...) copieusement arrosés de citron." (p. 158)
On découvre des traditions avec les précisions de la calligraphie (encre et toutes les techniques, p. 73) et on approche ainsi la culture japonaise. Les descriptions sont souvent imagées et j'ai ressenti des sensations à la lecture : "les faire-part (…) étaient d'une telle beauté qu'on avait envie d'y frotter sa joue" (p. 79) ; "je me suis concentrée pour rassembler mon énergie dans mon ventre" ; "c'est avec le corps qu'on écrit" (p. 184).
Trois autres personnages clés ont apporté intrigues et curiosités à ma lecture, dans une narration différente, ajoutant des détails et éléments de compréhension dans l'histoire personnelle d'Hatoko et de son caractère : Mme Barbara, légère et inspirante. L'Aînée, enseignante sévère, exigeante "qui depuis le ciel tire des fils invisibles" (p. 298), le Baron, austère et protecteur.
Il y a aussi des phrases philosophiques aux bons endroits comme "le bonheur est dans l'instant présent" (p. 297). Il y a aussi des sentiments et pensées transmis par le biais de ces lettres et cartes, qui sont venus résonner dans mes propres pensées, m'apportant des messages. Je me suis mise à la place de l'écrivaine public, en observant moi aussi les visiteurs, en attente pour donner à chacun ce qu'il souhaite et qui va les délivrer de maux par les mots justes et appropriés.
L'écriture c'est le reflet d'une vie… : "mais alors que cela aurait dû être une commande facile, je n’arrivais pas à trouver l’écriture que je souhaitais. (...) Bref, l’écriture, c’est comme une réaction physiologique." (p. 183)
On avance dans la lecture avec de belles parenthèses en suivant Hatoko dans ces moments de liberté : "Derrière les vastes baies vitrées s'étendaient l'étang aux nénuphars recouverts d'un voile de bruine. Venir ici me faisait toujours le même effet : comme perdu au fond d'un labyrinthe, je ne savais plus à quelle époque je vivais" (p. 249) ; "J'ai senti quelque chose bruire en moi (…) le remue- ménage n'était pas dans mon ventre mais dans mon cœur (…) J'avais envie d'écrire." (p. 250)
La fin est poétique et lumineuse avec le rêve d'Hatoko où sont rassemblés ses proches.
J'ouvre en grand car j'aurais été baignée le temps d'une lecture de 402 pages dans l'univers de Ito Ogawa que je ne connaissais pas et d'un Japon à la fois moderne et imprégné de traditions ancestrales... Avec ce qui caractérise le Japon : la délicatesse.
J'ai aimé l'écriture "imagée" tout en descriptions fines et surtout les personnages humains, attachants avec cette beauté singulière et typique de petits détails du quotidien... J'ai aussi voyagé poétiquement au Japon !
Et j'aurais aussi retenu une formule secrète du bonheur :"Eh bien, il faut se dire à l’intérieur : 'Brille, brille.' Tu fermes les yeux et tu répètes 'Brille, brille' (...), des étoiles se mettent à briller les unes après les autres dans les ténèbres qui t’habitent, et un beau ciel étoilé se déploie." (p. 196)
Merci Ito !
Marie-Thé
De ce livre que j'ouvre aux ¾, j'ai aimé la délicatesse, le raffinement, l'atmosphère, paisible et apaisante (même si certaines histoires sont plutôt sombres), les personnages, le cheminement, l'attention portée à tous, les rites (offrande du thé, etc.), l'importance du souffle...
Ce sont des pages qui mettent les sens en éveil : goût, odorat, vue (portraits et environnement pittoresques, couleur de l'encre variant avec la signification de la lettre), toucher (délicatesse dans la description du papier, son grain...), quant à l'ouïe (si on veut), j'aime que soit écoutée et entendue chaque personne, et le silence entre les mots.
Avec ce livre qui fait du bien, il m'a plu d'avancer au rythme des saisons, de découvrir en été ce qu'ont été pour Hatoko l'enfance et l'apprentissage de la perfection. Torpeur au dehors et au dedans, la mer toute proche. C'est en été qu'a été rédigé le faire-part de divorce, beau et émouvant.
En automne (j'ai besoin de suivre les saisons), j'ai été admirative de la gentillesse et de la délicatesse de Monsieur Sonoda, c'est cristallin, pour lui ce sera la plume de verre... Alors que pour l'écriture de la lettre du baron ce sera le Montblanc (quand même !). J'ai adoré la savoureuse et délicieuse escapade en compagnie de ce dernier, de l'entrée au dessert, trois restaurants et des signes en chemin. Apparence bourrue du baron, mets raffinés (mais raffiné). Avec délicatesse, furtivement, allusions à l'Aînée, à la nourrice, au pédiatre autrefois visité en ces lieux (dernier restaurant). Attitude paternelle ? "J'ai remercié tous ceux qui m'avaient donné la vie, protégée et élevée."
Je retiens encore ceci : "si mon écriture est moche, c'est parce que mon cœur est laid". Ou encore la lettre postée par erreur, j'ai pensé à La petite Roque de Maupassant, mais le sujet et le dénouement ne sont pas les mêmes, loin de là.
En hiver j'ai aimé "l'adieu aux lettres", des mots comme ceci : la lettre manuscrite "garde la trace vivace de l'esprit et du temps de celui qui l'a rédigée." Très surprise et déçue par la révélation du secret de l'Aînée : point de lignée de calligraphes et, côté famille, lignée rompue. Madame Barbara éclaire ces pages : "Quel bonheur d'être en vie !"
Au printemps, la lettre à l'Aînée est bouleversante : "si nous nous étions dit adieu comme il faut..." Tout comme est bouleversante la voix de Monsieur Morikage : "aller de l'avant, dans un monde privé de l'Aînée." Apaisement, et... fin heureuse !
Si je ferme ¼, c'est parce que j'ai eu du mal à comprendre qu'Hatoko ne fasse pas lire les lettres écrites avant de les expédier, tout simplement.
Ce livre m'a parfois fait penser à Karlfried Graf Dürckheim, que je lisais et relisais il y a quelques années.
Soaz
Ce roman m'a avant tout fait du bien. Il souffle un vent de douceur, de poésie, de bienveillance et de simplicité.
Le récit nous plonge dans une atmosphère feutrée, à l'écoute de l'instant présent, en contemplation avec la nature, au fur et à mesure des saisons, en relation avec l'autre.
Il peut paraître lent, il est vrai qu'il ne se passe pas grand-chose, mais c'est le quotidien, tel que nous pouvons le vivre, au rythme des saisons, d'un travail, de loisirs, de rencontres. Les protagonistes sont des gens simples, optimistes.
Moi je l'ai pris comme un bonbon, plutôt comme une sucette : lorsqu'on arrive au bâton on en redemande.
Hatoko, par son empathie, son écoute, son attention, sa disponibilité, offre du bonheur. La considération d'Hatoko apportée aux différents intervenants par le choix de la calligraphie, des outils, des papiers, des enveloppes, des timbres, et également des boissons, des senteurs, spécifiques à chacun, prouve combien elle est attachée à faire plaisir, à rendre service : l'art d'écrivain public est une offrande. On a l'impression d'être baignés dans le Japon ancien, tout en étant dans un Japon moderne, on passe de l'un alors, c'est troublant et déstabilisant.
J'ai apprécié les personnages, leur tempérament, leur caractère, leurs relations, leurs histoires plus ou moins originales.
Ce roman nous transmet son lot d'informations sur l'art de vivre à la japonaise : traditions, rituels, codes de politesse, spiritualité, savoir-vivre, la cuisine qui prend une grande place donc prend une grande place et la boisson. La calligraphie est un supplément d'âme, une offrande, un souffle, un cheminement.
Pendant un an, quatre saisons, on participe à l'épanouissement d'Hatoko. La transmission par l'Aînée (même très dure) de l'art de la calligraphie est un véritable cadeau. Comme toutes transmissions de la part des anciens, elles coûtent lorsqu'on est jeune, elles sont un véritable bienfait lorsqu'on vieillit. Les pages de calligraphie sont de véritables tableaux, les hiragana ou les kanji se métamorphosent en nuée de fleurs ou d'oiseaux.
Cet ouvrage est une ode à la douceur. Je ferais bien un petit tour à Kamakura. L'art de vivre à la japonaise nous offre quelques leçons de courtoisie, de bienveillance, de respect, tout à l'air si beau et tranquille.
Le métier d'écrivain public, l'écoute et le partage, le faire plaisir !!!
Edith
Ce livre m'avait été offert il y a 4 ans : une lecture très agréable et une découverte du thème du roman que je n'aurais pas choisi par moi-même ; une première lecture facile et étonnement pour moi de ressentir un plaisir de lecture malgré le si peu d'action et d'enjeux apparent.
J'avais apprécié "le Japon" de l'auteure Ogawa Ito, celui plus particulier et préservé de la ville de Kamakura et le récit (un peu répétitif certes) tout simplement jour après jour de Poppo, Madame Barbara et le vieux monsieur…
Cela s'étire sur les quatre saisons, avec une couverture du livre très colorée, naïve, avec les illustrations de calligraphie qui scandent le récit en italiques, ainsi que la reproduction des courriers. Les recettes de cuisine, la nature toujours évoquée…, les menus détails (vêtements, coiffure, maquillage) m'évoquaient un regard féminin.
Bref un très bon moment dans mon souvenir, d'une lecture reposante et heureuse de découvrir un roman japonais (un autre dans notre histoire Voix au chapitre). Peu de relief dans le style car la traduction "coule", pas plus de heurts dans l'action que dans le style d'ailleurs. Je pouvais imaginer l'héroïne en habit traditionnel et la voix retenue ! Agréables images sinon folkloriques !
Des bons sentiments, de la grâce et de la délicatesse dans les relations du voisinage, de la retenue des émotions, toujours la volonté chez Poppo de rendre service, en s'oubliant afin de rentrer dans la demande d'écrivain public.
J'ai été très intéressée par l'intérêt porté sur le choix du papier, la "cérémonie" de la fabrication de l'encre, le choix de la plume, de la calligraphie, etc., d'autant plus que je redécouvre pour ma part le grand plaisir de la correspondance amicale.

Je viens de relire ce roman pour participer au groupe de lecture : je me suis ennuyée et j'ai relu ce roman par obligation de me remémorer, mais sans l'étonnement et le plaisir de la première fois.
Nous avions déjà lu des courts romans japonais voir la liste VAC… je me souviens de la lenteur de l'action, de la force des détails, je les avais appréciés.
La deuxième lecture a détruit mon premier plaisir. Découverte des "mondes" de Poppo, cela n'a marché qu'une fois pour moi.
Style sans relief, personnages qui m'apparaissent à la deuxième lecture un peu niais ! Trop idyllique, trop "gentil" mais…
J'ouvre le roman à la moitié, en me souvenant du premier moment de lecture. J'ajoute que j'avais offert ce livre à la suite de ma lecture première !!!
Annie
Un livre pour reprendre sa respiration, pour se poser et regarder les nuages passer !
Un livre rempli d'odeurs, de textures et de couleurs : de papiers, d'encres, de thé, etc.
Et puis il donne envie de s'appliquer, de (re)prendre une plume, un pinceau, un joli crayon, une belle enveloppe et un beau timbre.
Car là commence le message, le cadeau, l'attention ! Apprendre à choisir en fonction du message à délivrer et du destinataire. Il y a là toute une galerie de personnages plus ou moins pittoresques. La porte s'ouvre sur le tintement d'une clochette et la rencontre commence, presque l'aventure.
Qui est-il ? Que veut-il ? On découvre et on se met à la place de Hatoko qui se demande de quoi sa journée va être faite.
On y voit aussi l'importance de l'écrivain public pour pallier les différentes situations. Des liens intergénérationnels se tissent avec des voisins, des habitués… On vit au rythme de la jeune fille et peut-être comme elle, on s'ennuie un peu parfois, le temps est long et il ne se passe pas grand-chose.
On aurait envie de lui donner rendez-vous dans 30 ans pour savoir si elle est restée, si la papeterie a survécu.
J'ai trouvé ce livre poétique, reposant, contemplatif, un peu terne parfois. Et je vais retenir : "brille, brille, brille" !!


Les 6 réactions du groupe de Tenerife
réuni le 24 octobre

avec les avis de •José LuisManuela Nieves


Nieves donne la note d'ambiance.
Nous les femmes avons beaucoup aimé La papeterie.
Ce n'est pas le cas de José Luis, comme vous allez le constater...
Je crois qu'on a surtout aimé l'atmosphère en contraste avec la lecture précédente (Le hussard sur le toit de Giono).
Manuela, qui a visité le Japon au mois de juin, nous a dit qu'elle avait été à Kamakura et nous a montré quelques photos en nous offrant en même temps des Kit-kats japonais
Ana qui fait toujours des commentaires très pointus nous a dit avoir beaucoup rigolé avec la "cérémonie amoureuse" de Hatoko et le papa de QP.
Lourdes n'a pas beaucoup parlé ce jour-là, car il est vrai qu'on nous a changé de salle de réunion et il y avait pas mal de bruit...
Clara est arrivée en retard pour nous transmettre qu'elle aussi avait beaucoup aimé La papeterie.
Maruca était malade. Rosa avait du boulot au lycée. Brigitte ne nous a pas fait signe ; on ne sait pas si elle est à Tenerife ou en France (Manuela, Ana Bello, Lourdes, José Luis et Nieves sont les assidus, tandis que Claire, Brigitte, Maruca et Rosa ne viennent pas à toutes les réunions).
On a toutes trouvé une certaine sensiblerie, c'est vrai, mais à mon avis on avait besoin d'un peu de repos et de calme après le roman de Giono...

José Luis
Petit roman, à mon avis, sans ambition sinon celle de mettre en commun, avec les compatriotes de l'autrice - et peut-être aussi avec les hypothétiques lecteurs des traductions possibles - quelques éléments de la culture japonaise, notamment celle de l'écriture et des différentes pratiques s'y rapportant. L'écriture d'Ogawa Ito est toujours d'une grande simplicité, et simples sont aussi, sauf exception, les personnages qui peuplent le récit et les rapports décrits entre eux. Je ne connais pas le Japon et je ne peux donc juger de la pertinence de ces personnages, ni des actions ou des situations qui construisent la trame du roman, mais en lisant le livre je me suis trouvé imbu d'une atmosphère vitale (dont les éléments rationnels, lexicaux, rythmiques, sentimentaux, donnent l'impression d'être imbriqués étroitement les uns dans les autres comme faisant partie d'une même réalité expérientielle), très éloignée de celle à laquelle je suis habitué, et je pourrais parier que cela est valable aussi pour tout lecteur européen ayant une trajectoire semblable à la mienne et, comme moi, ignorant "une certaine" essence de la culture japonaise, malgré les lectures ou le visionnage de films issus de celle-ci qu'on ait pu avoir faits par le passé. La rationalité, en tant que telle, on la dirait absente ou seulement abordée de biais, par l'intermédiaire du lexique et du rythme qui se centrent dans le surgissement, voilé mais, paradoxalement, bien explicite, des sentiments.
S'il fallait que je résume, avec un peu plus de précision, mon expérience de lecture, je dirais deux choses :
a) je n'ai pas été emballé par la lecture du roman, bien au contraire, j'ai eu des difficultés pour avancer à travers lui, l'ayant trouvé trop simple, un peu mièvre, souvent même enfantin ;
b) une exception pourtant, qui concerne l'ensemble du texte : tout ce qui se rapporte au thème de l'écriture - depuis ses aspects purement matériels (confection de l'encre, choix des pinceaux, du papier, etc.) jusqu'aux réflexions aussi bien sur le contenu des lettres que sur les personnalités des commanditaires et des destinataires, qui déterminaient dans chaque cas le choix des matériaux et du type d'écriture elle-même - je l'ai beaucoup apprécié, peut-être parce que cela m'a rappelé l'époque, bien lointaine, où j'ai eu un maître d'écriture chinoise. Mais je l'aurais beaucoup plus aimé, ce livre, si les situations d'écriture de lettres proposées avaient été moins nombreuses et, donc, moins répétitives.
Bref, ai-je aimé ce livre ? Non ! Écourté à la moitié j'aurais pu l'apprécier.

Manuela
J'ai bien aimé La papeterie Tsubaki, après les horreurs que nous vivons actuellement et la lecture du Hussard sur le toit (que je n'ai pas beaucoup apprécié ; je sais qu'il s'agit d'une lecture importante, mais je n'ai pas su tirer l'excellence du langage par laquelle elle est connue, et je suis restée plutôt sur son aspect morbide et désagréable).
Même si le livre de Ogawa Ito ne se prête pas à de grandes réflexions, ne serait-ce que pour les heures agréables que j'ai passées à le lire, il vaut la peine. Tel qu'elle le raconte, cet univers de papiers, encres, écritures et gâteaux secs est un vrai délice.
Il semble que les Japonais adorent les traditions, mais ne sont pas très pratiquants de leur religion ; par contre on reconnaît l'influence du shintoïsme qui les pousse à faire les choses toujours mieux sans se soucier du temps employé, et qui prône le respect et le soin des autres.
De plus, je connais Kamakura et donc, j'ai eu l'impression de reconnaître certaines choses.
Et puis il y a la petite histoire de cette jeune fille solitaire qui retourne à ses origines et petit à petit tisse un entourage d'amitié, et qui même découvre l'amour. Bien que pour être honnête, monter sur le dos du garçon dans le premier rendez-vous, ce n'est pas très romantique... Elle me rappelle un peu Amélie Poulain à la japonaise. C'est curieux que les hommes n'apprécient pas et les femmes oui : une écriture féminine ? Des restes du patriarcat ?...

Nieves
Vraiment ce récit de Ito Ogawa a été pour moi comme un petit cadeau après le roman de Giono. On y trouve toute la délicatesse, le raffinement, la jouissance paisible et les bonnes manières qu'on attribue fréquemment à la culture japonaise. Tout est apparemment bien à sa place, c'est comme un tableau où chaque chose et chacun ont un rôle et, en le jouant, tout s'avère bien encadré.
Hatoko, héritière de la papeterie Tsubaki, devient la maîtresse du lieu à la mort de sa grand-mère, surnommée l'Aînée. Celle-ci lui avait appris le métier d'écrivaine publique dans son enfance, avec des méthodes un peu trop strictes qui vont mener Hatoko à tout quitter dans son adolescence. Plus tard, quand elle est revenue à Kamakura, l'Aînée n'était plus là et elle a essayé de récupérer petit à petit ce beau métier que, finalement, elle lui avait très bien appris.
C'est donc ce procès d'encrage progressif dans ce boulot qu'elle décrit au long du récit. C'est vraiment un plaisir de voir la préparation du rituel de cette précieuse activité, en choisissant tout d'abord le système d'écriture, le papier, la couleur du papier, l'encre, l'enveloppe, le timbre et puis le choix du texte en fonction du besoin du client, selon il s'agit d'une lettre de condoléances, une lettre gentille pour un prof, un faire part de divorce… ou des cartes de vœux de toute sorte.
D'autre part, il y a aussi un rapport très particulier de l'écrivaine avec le client : un accueil toujours chaleureux, dont la première rencontre s'accompagne toujours d'une tasse de thé et d'une conversation paisible afin de connaître la motivation de l'écrit sollicité. Et, pour clore le récit, il fallait un hanami, une fête réunissant les clients de Hatoko devenus amis, autour d'un cerisier du jardin de Madame Barbara, sa grande amie et voisine.
Tout au long du roman, l'atmosphère est lente, calme, délicate, même dans les temps forts comme la crise adolescente de Hatoko, ou la mort de la maman de la petite QP "poignardée dans le dos en pleine rue, alors qu'elle était partie faire des courses avec sa fille". Il ne faut pas croire tout de même que la société japonaise est un havre de paix ; or les moments dramatiques du récit sont seulement suggérés au passage. On peut imaginer, par exemple, que Madame Barbara, le Baron ou Panty ont eu bien sûr des moments difficiles dans leurs vies, mais il s'agit maintenant de jouir les petits épisodes quotidiens : "chaque journée est une aventure, avec son lot d'événements passionnants"
Ceci dit, comme lectrice occidentale, je me suis sentie captivée par ce climat si reposant. Je me suis à nouveau persuadée que les écrans, le stress et la vitesse de nos vies quotidiennes ne sont pas indispensables. En effet, ce climat m'a rendu plus plaisante cette lecture.


DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
Quelques repères biographiques
Livres traduits en français
Interviews
La traductrice


Intérieur d'un ancien magasin japonais d'articles de papeterie
au Musée d'architecture en plein air d'Edo-Tokyo

REPÈRES BIOGRAPHIQUES succincts d'Ito Ogawa
Ne pas confondre Ito Ogawa avec avec Yoko Ogawa dont nous avions lu des récits.
- Ito Ogawa est née en 1973 à Yamagata.
- Etudes de japonais classique à l'université de Tokyo.
- Elle écrit d'abord des poèmes et des chansons pour le groupe musical "Fairlife" sous le pseudonyme de Shunran.
- En 2008, succès avec son premier roman, Le restaurant de l'amour retrouvé, adapté au cinéma par Mai Tominaga en 2010 sous le titre Rinco's Restaurant, publié en 2013 aux Éditions Philippe Picquier, suivi d'une série de romans qui connaissent également le succès.

LIVRES TRADUITS en français

Ses livres sont tous publiés chez Picquier, tous traduits par Myriam Dartois-Ako, sauf le dernier. Les voici dans l'ordre de publication au Japon :
- 2008 : Le Restaurant de l'amour retrouvé,
2013 ; poche 2015 ; collector 2020
- 2013 : Le Jardin arc-en-ciel, 2016 ; poche 2018
- 2013 : Le Ruban, 2014 ; poche 2016
- 2016 : La papeterie Tsubaki, 2018 ; poche 2021
- 2017 : La République du bonheur 2020 ; poche 2023
- 2019 : Le goûter du lion, 2022, trad. Déborah Pierret-Watanabe.

INTERVIEWS en 2018, année de la sortie de la Papeterie

La papeterie Tsubaki semble autant l'histoire de Poppo qu'un hommage à la ville de Kamakura. Est-ce le cas ?
En effet. Kamakura est une ville relativement proche de Tôkyô, et c'est une ville où la nature règne en maître, avec à la fois la mer, la montagne, et aussi une certaine douceur de vivre. J'ai pensé à tout un tas de lieux où situer la papeterie Tsubaki. Puis je me suis décidée pour Kamakura. Et je pense avoir réussi à restituer l'atmosphère qui y règne.

Le roman évoque des traditions ancrées dans le quotidien. Est-ce un Japon fantasmé ou encore bien réel ?
Ce Japon existe encore. Une minorité de personnes vit ainsi, mais il demeure des gens qui préfèrent vivre à l'ancienne, c'est un effort qu'ils aiment faire. À Kamakura, on croise des messieurs en kimono, à l'image du personnage du Baron dans le roman. On constate que de plus en plus de jeunes reviennent aussi à ce vêlement traditionnel, toutefois ils le portent de manière informelle, comme ils le feraient avec d'autres habits. C'est plutôt une mode, une nouvelle forme d'élégance.

Pourquoi avoir souhaité faire de votre héroïne un écrivain public ?
Au départ, mon idée était d'écrire sur l'activité épistolaire, puis finalement j'ai trouvé intéressant d'orienter mon sujet sur quelqu'un qui écrirait pour les autres, pour tous ceux qui n'arrivent pas à écrire. C'est une sorte d'idéal car en réalité ce métier n'existe pas au Japon, tout du moins pas de cette manière. Les écrivains publics ne rédigent pas le contenu de la lettre à votre place.

Peut-on y voir un lien avec votre métier d'écrivain ?

Oui, je pense qu'il y a des points communs entre ces deux activités. En tant qu'écrivain, j'écris en quelque sorte de longues lettres destinées à mes lecteurs. On retrouve cette possibilité d'exprimer ses sentiments, ses pensées par le biais de l'écriture.

Dans vos romans, revient l'importance de trouver l'âme sœur. Pourquoi ce thème vous est-il si cher ?

Le lien entre les gens, c'est ce qui me tient à cœur. Et dès l'instant qu'on vit en société, on ne peut y échapper. La chaleur humaine est essentielle, on ne peut pas vivre relié à un ordinateur, dans un monde virtuel. C'est le contact humain qui compte.

Trouver l'amour, est-ce une vraie difficulté dans le Japon actuel ?

Ce n'est pas si compliqué de trouver l'amour, malgré tout il y a une vraie difficulté, je crois, à établir des liens concrets, opposés aux liens virtuels de plus en plus prégnants. On note une difficulté à communiquer, à établir un lien de personne à personne. C'est un problème que les jeunes rencontrent de plus en plus. J'ai le sentiment qu'avec la multiplication des outils de communication, réseaux sociaux, etc., il y a justement une dispersion de la communication. On échange avec beaucoup de personnes, mais de façon superficielle. D'autre part, les Japonais ont tendance à s'adapter au rythme du groupe, à faire comme les autres, regarder autour d'eux et marcher du même pas. Cela renforce cette tendance à la superficialité.

Votre écriture installe une atmosphère paisible, enveloppante. Avez-vous ce souci plus pour vos personnages ou pour le lecteur ?

Un peu les deux... Mais, à la réflexion, peut-être plus pour le lecteur. Quand vous écrivez et que les gens vous lisent, vous monopolisez leur temps, donc il faut souhaiter qu'ils en retirent quelque chose de positif. Ce bénéfice, c'est un moment de détente, plonger quelques heures dans un univers doux, et qui reste une fois la lecture terminée.

("Rencontre avec Ito Ogawa", Planète Japon, n° 41, 2018)

 

Comment trouvez-vous l’élément principal autour duquel va se construire votre livre ? Un oiseau pour le Ruban, un restaurant pour Le restaurant de l’amour retrouvé, une maison d’hôtes dans Le jardin arc-en-ciel, une papeterie dans La papeterie Tsubaki. Est-ce que ce sont des lieux que vous avez fréquentés, des personnes que vous avez croisées qui vous inspirent ?
Pour les lieux, j'imagine des lieux qui me plairaient, pour les personnes des gens que j'aimerais rencontrer. Ce sont des lieux et des gens idéaux, dans mon imaginaire. Je choisis des lieux et des gens qui, s'ils existaient, seraient importants pour les gens, pourraient les aider.

Les petites filles que l'on croise dans vos livres sont toujours sages et très matures pour leur âge (dans Le Ruban ou La papeterie Tsubaki par exemple). Quelle petite fille étiez-vous ?
Je vivais dans la nature, avec laquelle je communiquais, j'aimais cela. J'étais souvent seule aussi ; les amies de ma grand-mère étaient aussi mes amies.

Les personnes âgées sont bienveillantes et "sages" (la grand-mère du Ruban, la voisine Madame Barbara dans la Papeterie Tsubaki, qui conseille à l'héroïne de se répéter "Brille, brille" en fermant les yeux pour voir apparaître les étoiles à l'intérieur de son corps). Avez-vous un modèle pour créer ces vieilles dames inspirantes ?

Je ne mets pas en scène une personne précise, mais je m'inspire des gens dans mon entourage, en me demandant ce que ces personnes feraient ou comment elles agiraient dans telle ou telle situation.

Quelle est la place des anciens dans la société japonaise actuelle ?
Autrefois, les grands-parents vivaient la plupart du temps avec leur famille, mais aujourd'hui on trouve de plus en plus de familles nucléaires. Les grands-parents vivent loin, seuls, et ils voient leurs petits-enfants quelques jours de temps à autre. La sagesse, les expériences qu'ils ont accumulées sont moins facilement transmissibles, ce qui me semble dommage.

Les hommes ont des rôles secondaires dans vos livres. Est-ce plus difficile d'écrire sur les hommes que sur les femmes ?
Les hommes vivent des expériences beaucoup plus stéréotypées dans beaucoup de cas. La vie des femmes est plus libre, plus souple ; elles sont davantage en mesure de vivre comme elles l'entendent. De ce point de vue, il m'est plus facile d'écrire sur les femmes.

Vous avez une passion pour la cuisine. D'où vous vient-elle ? Est-ce que cuisiner c'est transmettre de l'amour ? J'ai l'impression que cette transmission d'amour par la nourriture est très forte au Japon : les mamans qui préparent les bento de leurs enfants, les cadeaux (Omiyage) qu'on rapporte d'un voyage sont essentiellement culinaires.

Pour transmettre ses sentiments, on peut bien sûr les dire ou écrire une lettre, il existe différentes façons de le faire. Mais cuisiner c'est offrir à quelqu'un quelque chose qu'il va ingérer, qui va nourrir directement son existence. Je trouve plus facile de transmettre mes sentiments de cette façon. Par exemple, un enfant qui mange tous les jours des plats tout prêts et un enfant qui mange des plats cuisinés pour lui, je pense que, sur le long terme, l'amour ainsi transmis est différent.

Dans La papeterie Tsubaki, vous écrivez qu'une lettre est l'incarnation d'une personne. Pensez-vous qu'un plat préparé par une personne puisse aussi incarner cette personne ? Quel plat vous "représenterait" le mieux ?
Cuisiner, pour moi, c'est effectivement donner un peu de moi à celui qui mangera ce que j'ai préparé. Quand j'ai des invités, je prépare des onigiris ; ils disparaissent toujours très vite. Ces onigiris faits à la main, en serrant le riz entre mes paumes, transmettent sans doute toute ma chaleur, ils sont un peu de moi-même.

Vos livres mettent en avant l'importance de l'écoute, du partage, de la consolation. Est-ce que cela manque dans nos sociétés modernes ?

Je pense en effet que ces qualités manquent à nos sociétés modernes, beaucoup de gens manquent d'amour. Ils sont souvent irritables, ils souffrent d'un manque, sont tristes. Il me semble que beaucoup de gens vivent avec ce manque en eux.

Vos descriptions font souvent appel à la cuisine (la grand-mère du Ruban qui a des joues comme des manju, la comparaison dans ce même livre entre l'homme et un daifuku à la fraise). Aurons-nous bientôt la chance de lire un de vos ouvrages qui se déroulerait dans une pâtisserie ?

Les pâtisseries sont encore différentes de la nourriture en général ; elles ne sont pas indispensables à la vie, mais les sucreries nous aident à surmonter la tristesse et les moments difficiles. Je crois qu'elles recèlent bien des possibilités littéraires, bien des histoires.

Je trouve que vos livres et la sensibilité dont ils regorgent sont les frères de ceux de la regrettée Mayumi Inaba. La péninsule aux 24 saisons et Le restaurant de l'amour retrouvé ont tous deux des pages magnifiques sur la nature. Vous sentez-vous proche de cette auteure ? Quelle est votre relation quotidienne à la nature ?

Je n'ai pas lu Mayumi Inaba, il m'est donc difficile de vous répondre. Le temps s'écoule plus vite de nos jours, me semble-t-il, mais l'humain est lui aussi un élément qui fait partie de la nature. Vivre en accord avec les rythmes naturels me semble naturel. Je m'efforce de me coucher et de me lever avec le soleil.

("Ito OGAWA : la douceur du quotidien", par Alice Monard, Journal du Japon, 4 juin 2018)


LA TRADUCTRICE de 5 de ses 6 livres traduits en français

Sa présentation personnelle
Née en 1972, Myriam Dartois-Ako a grandi en Seine-Saint-Denis, qui n'était pas encore le 9-3. Elle bénit aujourd'hui encore son professeur d'anglais du collège qui lui donnait des versions supplémentaires à faire parce qu'elle aimait ça. Après l'allemand et le latin, qui lui ont donné des boutons, elle a plongé avec délices dans le japonais, langue qui la mènera à l'aéroport de Roissy avec un billet pour Tokyo en poche et un séjour de dix-huit mois à la clé. Autant d'années plus tard, elle n'est toujours pas rentrée au bercail. L'amour du roman noir a sauté une génération dans la famille (elle ne cesse de remercier son papy pour ses Conan Doyle) et se décline maintenant en japonais, avec la traduction de Rendez-vous dans le noir (Otsuichi, Karasu), Le Diable chuchotait (Miyabe Miyuki, Picquier) et Pickpocket (Nakamura Fuminori, Picquier). Sombre aussi, mais pas pour les mêmes raisons : Lettres d'Iwojima (Kakebayashi Kumiko, Les Arènes). Et Myriam aime bien faire des incursions dans d'autres domaines, comme l'anime (Dans le studio Ghibli, Suzuki Toshio, Kana) ou le bouddhisme (Ikkyû, l'impertinence au service de la foi, Yamada Sôshô, AnimaViva multilingue).
(Présentation extraite de bedetheque.com)
Ses responsabilités

Myriam Dartois-Ako a fondé le site nouvellesdujapon.com, destiné à ouvrir la littérature japonaise à un large public, faire découvrir de nouveaux auteurs et tisser une communauté de traducteurs du japonais vers le français.

Depuis 2021, elle dirige le Bureau des Copyrights Français au Japon, agence littéraire spécialisée dans les échanges entre la France et le Japon.

 
• Ses traductions
Ito Ogawa

2013 Le Restaurant de l'amour retrouvé
2014 Le Ruban
2016 Le Jardin arc-en-ciel
2018 La papeterie Tsubaki
2020 La République du bonheur

Durian Sukegawa

2007 L'Enfant et l'oiseau
2013 Les Délices de Tokyo
2014 Le Rêve de Ryôsuke

Fuminori Nakamura

2003 Revolver
2009 Pickpocket
2013 L'hiver dernier, je me suis séparé de toi

Mato Kusayama

2018 L'Expédition Doecuru, tome 1
2021 La maisonnée du père kazé, tome 2

Ryûnosuke Koike

2017 Éloge du peu
2017 L'Art de la consolation

Shinsuke Yoshitake

2017 La librairie de tous les possibles
2021 Pour toute la vie... et même après

Yukiko Motoya

2013 Comment apprendre à s'aimer
2016 Mariage contre nature

Hideko Ise

2017 La chambre du peintre

Yutaka Sado

2018 Mon premier concert

Keisuke Hada

2015 La Vie du bon côté

Kirin Hayashi

2017 Douce lumière

Kosuke Mukai

2018 Les Chats ne rient pas

Kumiko Kakehashi

2011 Lettres d'Iwo Jima

Makoto Shinkai

2013 Elle et son chat

Mari Kasai

2019 Encore un peu petite

Miyuki Miyabe

1989 Le Diable chuchotait

Nanae Aoyama

2017 La lune s'ennuie

Otsuichi

2002 Rendez-vous dans le noir

Kaho Nashiki

2014 Le peintre

Ruriko Kishida

2008 Requiem à huis clos

Satorino Fuchigami

2016 Rady, un chat aux petits soins

Shun Medoruma

1999 L'âme de Kôtarô contemplait la mer

Toshio Suzuki

2008 Dans le Studio Ghibli - Travailler en s'amusant

Yôko Hiramatsu

2011 Un sandwich à Ginza

• Un lien entre Myriam Dartois-Ako et René de Ceccatty ?

René de Ceccatty est venu l'année dernière dans le groupe autour du livre japonais Vagabonde de Fumiko Hayashi qu'il a traduit.

Oui ! Il existe un lien : René de Ceccatty a écrit la postface d'un livre que Myriam Dartois-Ako a traduit : Penser le nucléaire : autopsie d'une illusion de Hiroaki Koidé (quatre ans après la catastrophe de Fukushima, un physicien spécialiste des réacteurs nucléaires rédige un réquisitoire contre cette ressource énergétique). Pas très rigolo, c'est sûr...


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
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beaucoup
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