Quatrième de couverture : Ravel fut grand comme un jockey, donc comme Faulkner. Son corps était si léger qu'en 1914, désireux de s'engager, il tenta de persuader les autorités militaires qu'un pareil poids serait justement idéal pour l'aviation. Cette incorporation lui fut refusée, d'ailleurs on l'exempta de toute obligation mais, comme il insistait, on l'affecta sans rire à la conduite des poids lourds. C'est ainsi qu'on put voir un jour, descendant les Champs-Élysées, un énorme camion militaire contenant une petite forme en capote bleue trop grande agrippée tant bien que mal à un volant trop gros.

Ce roman retrace les dix dernières années de la vie du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937).

Jean Echenoz
Ravel

Nous avons lu ce livre en juin 2006 et avons ensemble visité la maison de Ravel.
Nous avions auparavant lu Cherokee en 1990, puis Je m'en vais en 2000. Nous lirons ultérieurement Envoyée spéciale en 2018.
Le nouveau groupe parisien lira à son tour Ravel en 2018.

Annick
J'ai adoré, j'aime beaucoup Echenoz, je suis sous le charme sans savoir à quoi ça tient, c'est peut-être l'écriture. J'aime la légèreté, les commentaires, je souris, je ris. Je suis surprise par des fins de phrases inattendues. J'ai une passion globale pour l'écriture et cette distance qu'il a avec Ravel. Il n'a pas la prétention d'une biographie. La mondanité correspond bien à Ravel : il évoque quelqu'un qui va bien avec son univers. Il y a des anecdotes que j'ai beaucoup aimées comme celle des chants d'oiseaux en temps de guerre ou le rythme des machines sur le transatlantique. J'ignore si Echenoz a travaillé mais ça m'est égal car il y a de jolies idées et Echenoz doit sûrement connaître la musique. Je me suis laissé emmener en voyage même si l'auteur ne nous laisse pas dans l'illusion du réalisme comme sur le navire. J'ai beaucoup aimé l'évocation de la maladie, de quelqu'un qui est toujours sur le bord, à côté. Je n'ai pas de réserve. J'ai relu le livre pour ce soir, avec délectation, c'est un plaisir !
Françoise O
Je vais être très courte car je n'ai pas trouvé beaucoup d'intérêt à ce livre : j'avais l'impression de lire un dépliant touristique lors de la traversé sur le France ! La deuxième partie est plus attachante car Echenoz veut montrer les fêlures, le rapport de Ravel aux objets. C'est un livre purement descriptif qui n'entre jamais dans le détail. Pendant ma lecture, j'ai lu un dictionnaire de la musique : il y avait autant de détails que dans ce roman que dans la biographie de Ravel. C'est un livre un peu vain qui m'a peu apporté.
Françoise D
C'est du Echenoz : on aime ou on n'aime pas. Pour ma part, j'aime bien. C'est vrai qu'après le plaisir de la lecture, il ne reste pas grand-chose. Visiter la maison m'a beaucoup aidée à comprendre. Cela m'a intéressée de savoir qui est Ravel. On a l'impression que Echenoz reste en surface mais finalement on en apprend beaucoup. J'ai souri à des anecdotes par exemple, Wingenstein qui massacre son concerto et la lettre où Ravel répond que l'interprète est un esclave. Même si ce livre n'est pas un chef d'œuvre, j'ai été transportée : Ravel reste quand même un mystère. Ainsi que le succès de ce livre !
Monique
J'avais déjà lu plusieurs livres de Jean Echenoz dont il ne me restait rien. Et je n'avais pas envie de lire non plus celui-ci. La présentation du navire comme dans un prospectus ancien sur le France n'apporte rien sinon un coté un peu mode. Le côté chic et vide en parallèle aux tenues de Ravel tirées à 4 épingles me donne une impression de vide et non de mystère. Les phrases sont ampoulées comme les tenues sont recherchées. Il y a des termes qui m'ont paru bizarres comme p. 34 "ses yeux vont et viennent entre la considération océanique". Il y a des expressions familières qui arrivent tout à coup. Et p. 66, on passe du il au je : c'est une position de déséquilibre pour le lecteur et pour ma part je n'aime pas ça. Tout comme les interpellations au lecteur p. 68 "que vous devez sûrement connaître" : cela me met dans une position de lecteur désagréable. P. 38, je n'ai pas cru au récit de l'incorporation. L'ensemble est faussement élégant, texture sans vie, sans sang. Il y a quelques pages brillantes comme le pastiche des signatures ou lorsqu'on évoque l'ennui de Ravel. Je me suis demandé pourquoi Echenoz écrit ce livre : j'ai eu une impression d'ennui.
Pour la fin du livre, j'ai été un peu plus tenue, mais avec voyeurisme.
En conclusion, je suis restée à distance de Ravel : comme avec une longue vue, Ravel est objectivé comme un insecte et ça j'ai détesté. Pourquoi Echenoz a choisi Ravel ?
Jacqueline
J'ai envie de dire la même chose. Ça se lit très bien, je suis sous le charme mais c'est vrai que je me demandais : à quoi ça rime ? La description du France, c'est amusant, c'est touristique. Mais pour quoi ?
Il n'y a pas de musique dans ma lecture car je ne connais pas Ravel. Mais j'ai quand même un préjugé : Ravel me semble ringard et pas très moderne. Je trouve dommage que le voyage fasse à peu près la moitié du livre. Je me suis dit à la fin : je n'ai pas compris... c'est l'histoire de quelqu'un qui se dégrade ? J'ai été agacée par les adresses au lecteur. Est-ce un bon livre ? Car l'auteur reste à distance de ce personnage ainsi que le lecteur.

Marie-Jo
Ce livre a été l'occasion de découvrir Ravel que je connaissais peu. La visite de la maison m'a donné l'occasion de découvrir son intimité. En le lisant, j'ai pensé que c'était insignifiant. Pourquoi appeler ce livre "roman" ? Pourquoi pas "biographie" ? Je me souviendrai surtout de ce Ravel croqué. Ce qui peu paraître futile prend sens comme lorsqu'on mange un fruit, il reste un goût fort qu'on apprécie. C'est peut-être plus subtil que ce qu'on pense. Echenoz a su restituer ce personnage. Les dernières pages rendent un peu voyeur, mais c'est touchant, cela m'a rappelé mon père. Il y a ce contraste entre ce succès retentissant et l'interprète coincé derrière son piano.
Je me souviendrai de ce Ravel et de cet Echenoz.
Christine
J'ai découvert Ravel dans ma baignoire avec Jean Echenoz lisant le début du livre à France Musique. Il aurait fallu qu'il me le lise chaque soir dans ma baignoire. Je n'ai pas été emballée et surtout par la première partie. Les descriptions de l'ennui, des insomnies m'ont plu car je me sentais plus proche du narrateur grâce au "on". Le passage sur le Boléro m'a plu… mais je ne sais pas pourquoi ça m'a plu. Je n'ai pas vu la dégradation. La maladie arrive soudain. À son époque, il devait y avoir beaucoup de gens nantis, sans générosité, machos. Les essais pour séduire le lecteur m'ont un peu agacée (les interpellations au lecteur, des expressions qui surprennent).
Eve
Je connaissais peu Ravel et pas du tout Echenoz. J'ai beaucoup aimé. Je n'ai pas pris le livre pour une biographie mais comme un réel "roman". J'ai apprécié l'approche du personnage, en tissant un décor. J'ai admiré la manière de l'auteur de le décrire. J'ai été étonnée par la quarantaine de pages de la traversée sur le France. Tous les reproches que vous avez faits ce sont tout ce que j'ai aimé. Je n'ai pas trouvé qu'il y avait une dégradation, car il y a l'accident. Le processus de l'élaboration du Boléro est évoqué subtilement, je l'ai très bien ressenti. La fin de ce livre m'a touchée.
Manuel
Tous les détails que Monique et d'autres n'ont pas aimés, j'ai adoré ! Le côté cinématographique, avec les différents points de vue m'a plu et intéressé. La description des Etats-Unis est passionnante avec l'évocation de cette époque folle avec ses milliardaires, les trains fous : ce livre sonne vrai.

Annick
C'est presque une BD.

Manuel
Tout à fait mais BD réaliste je pense. J'ai adoré les pages sur le France avec ses détails. Le moment de l'accident est très bien rendu, très efficace, avec tous ses détails.

Eve
Comme un rapport de police.

Manuel
Oui tout à fait : l'effet est très réussi. Les différents modes de narration sont très réussis, je trouve. Toutes les petites précisons sont semblables à la maniaquerie de Ravel. Même si c'est désagréable pour elle, l'anecdote des billets de train avec Marguerite Long m'a fait sourire. Elle se fait traiter de conne ! Mais je pense qu'il n'y a rien de méchant. Le mode d'emploi pour dormir m'a rappelé Proust. Le fait que ça s'appelle "roman" ne m'a pas gêné, je pense qu'Echenoz a beaucoup inventé. La galerie de personnages est réussie. J'ai adoré ce livre !
Claire
J'ai lu ce livre il y quelque temps, avec beaucoup de plaisir... mais quand je l'ai refermé, je me suis demandé : quel est donc ce plaisir ? Un pschitt chiraquien... qu'est-ce qui reste ? J'avais tout oublié avant de visiter la maison. Je l'ai relu, et avec plaisir. Grâce à une interview dans Le Matricule des anges, j'ai eu l'impression de me glisser dans les coulisses de la création. Dans cet entretien, Echenoz donne des clefs qui expliquent en partie le plaisir. Comme j'adore le Titanic, j'en redemandais. J'aurais aimé encore plus de futilités : les pyjamas, les cravates, les chaussures... Pour faire une analogie avec l'amour, on peut ne pas aimer Echenoz, mais l'avoir dans la peau...
Dervila
Je suis du coté de Monique : je ne peux pas dire que j'ai détesté mais le voyage m'a ennuyée, les objets qui sont énumérés comme une brochure ou un reportage. J'ai été frappée par le fait que Ravel n'est jamais nommé. J'ai aimé la fin, extraordinaire, avec la grande surprise de Ravel qui s'aperçoit qu'il ne sait plus nager. Il a une dignité, il se laisse faire : c'est très poignant. Mais je n'ai pas ressenti son état comme une dégradation. Il y avait un accident ? Je l'ai raté... Enfin, je n'aime pas la description des objets.

Renée
Je n'ai pas lu le livre mais vos avis si contrastés m'intriguent et me donnent envie de lire ce livre.
Geneviève
Je n'avais rien à dire. C'est fascinant, on entend une chose et son contraire. Je suis d'accord avec tout le monde. Je lis le livre, très bien, et après ? Il ne resta pas grand-chose et pourtant ce personnage reste. Il y a une adéquation entre l'écriture si élégante et Ravel. C'est un peu le même effet avec Modiano et Woody Allen : je rentre dedans même s'il y a du bon et du moins bon. Avec Echenoz, je reste extérieure. Cette période m'intéresse : Morand, les paquebots, les trains de luxe : c'est agréable. Comme j'ai emprunté ce livre, je ne l'achèterai pas.
Florence
Echenoz est pour moi un mystère. Je ne sais pas ce qui me plaît chez lui. Déjà dans Je m’en vais, j’avais marché, sans comprendre. Dans Ravel, c’est pareil, j’étais dans le bain, si j’ose dire, dès la première page. Certes il y a quelques détails intéressants sur l’époque. Certes, Ravel est un homme digne d’intérêt. Mais ce livre n’est ni un roman historique, ni une biographie. Le style ? J’ai quand même du mal avec les phrases alambiquées comme : "Au bas de la volée de huit marches étroites, freins serrés dans la rue en pente, stationne donc la 201 au volant de quoi Hélène frissonne en pianotant sur lui du bout de ses doigts laissés à nu par des mitaines en tricot bouton d’or." Non, je ne l’ai pas inventée. Elle (la phrase) se trouve p. 10. Et j’ai failli m’arrêter là. Mais non. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi on continue et on aime ça ?
Sandrine
Mon appréciation sur ce roman est mitigée. Le lecteur embarqué dans cette traversée de l’Atlantique est vite enivré par des relents d’effluves du Titanic : hauts de forme et fracs, il ne manque plus que l’iceberg et Kate Winslet le vent en poupe pour que le tableau soit complet ! Cette longue description (la moitié du récit !) m’a semblée creuse et vaine, comme un prétexte pour le rallonger.
La deuxième partie est beaucoup plus intéressante. J’ai été émue et touchée par cette description minutieuse de l’évolution de la maladie de Ravel dans le regard de ses proches et au travers de son emploi du temps. C’est, à mon avis, cette partie qui justifie la lecture de ce roman. L’évolution de la maladie, la déchéance de l’homme conscient de sa décadence... Ici le style "minimaliste" de l’auteur sert le sujet traité pour lui donner plus de force et de résonance encore. J’en suis même venue à penser que l’auteur avait été certainement cotoyé une personne atteinte d’une longue maladie incurable et en avait été personnellement affecté pour parler avec tant de justesse de "l’acceptation" de la maladie par le malade et son entourage qui, toujours lucides, savent ne pas pouvoir éviter l’inéluctable. La justesse et la minutie quasi-chirurgicale de son analyse de cette acceptation ont résonné encore longtemps en moi après avoir refermé le livre.
Katell
Les auteurs français sont décidemment très très paresseux. Voilà un petit bouquin prometteur, assez joliment écrit et quoi, évoquer dix ans en quelques 200 pages ! C'est pauvre, hélas. Pas assez développé. Je me faisais la réflexion lors de la lecture de la description de sa traversée jusqu'à New York, assez bien relatée. Mais j'en étais déjà à la moitié alors je me suis demandé ce qu'il allait faire de l'autre moitié des pages pour torcher dix ans de la vie de Ravel !
Bon, j'ai compris à la fin, mais ce n'est guère suffisant. Ce n'est pas un bouquin désagréable, mais, ça fait déjà quinze jours que je l'ai lu et je m'en souviens à peine ! Ma plus forte impression : ça m'a donné envie de visiter la maison de Montfort l'Amaury et les photos sont assez conformes à l'idée que je m'en fais.
Mais sinon, vite lu et vite oublié, c'est dommage...

Vincent, un internaute inconnu, nous interpelle :

- À Françoise O
Vous dites : "C'est un livre un peu vain qui m'a peu apporté." Apparemment, pas la grammaire.

- À Françoise D
L'interprète est un esclave et ce livre est un chef-d’œuvre. Un interprète -amateur- de Ravel vous l'assure.

- À Monique
Vous dites : "En conclusion, je suis restée à distance de Ravel : comme avec une longue vue, Ravel est objectivé comme un insecte et ça j'ai détesté."
Écoutez donc la mélodie "Le grillon" dans les histoires naturelles, et vous comprendrez que c'est justement un procédé qui est emprunté à Ravel.
La projection qu'Echenoz a eue dans la personnalité de Ravel est exemplaire. C'est finalement comme si Ravel écrivait. C'est un peu dissonant grinçant, ça ne semble pas très "sonore" et fin de compte c'est très entêtant. C'est aussi très concis. C'est élégant mais cela se moque aussi de l'élégance.
La sécheresse de cette mort évoque d'autres morts célèbres de la littérature. (Les narrations de l'accident et de la mort comme faits-divers, m'ont rappelé la mort d'Anna Karenine)
Le regard ironique de Ravel sur sa vie qui tient dans la remarque cocasse et lucide qui précède sa trépanation sont poignantes. Cette scène est extrêmement signifiante et cela est tout sauf du voyeurisme. C'est là notre sort à tous et cette lucidité si avons la chance de la croiser sur notre chemin sera déjà une chose de prise dans tout ce chaos. C'est une entomologie telle que l'aurait aimée Ravel.
Je pense peut-être en me trompant que la mort de Ravel a fait écho aux deuils que l'auteur a vécu, qu'ils n'étaient peut-être pas très éloignés de sa rédaction, dans le temps ou dans le cœur.

Oui ce livre est plus subtil que certains sur cette page ne le pensent et les remarques d'Ève sont particulièrement fondées.

- À Manuel
Vous dites qu'Echenoz a beaucoup inventé, je pense le contraire, des détails comme l'inventaire des apparitions photographiques sont des éléments que je prends pour argent comptant. En tout cas je crois qu'il s'est très profondément pénétré de ces détails de la vie (tel la croisière) et pendant une durée suffisamment longue pour qu’ils prennent un relief considérable. Je crois que ces détails étaient importants pour Ravel.

- À Geneviève
Les livres que j'aime le plus je les donne. Et ce sont ceux dont je me souviens le mieux.

- À Sandrine
Bien des choses sont creuses et vaines. Qui vous dit que ce ne sont pas vos images futiles, stupides ou cocasses qui repasseront devant vos yeux à l'heure de votre mort ? Je suis par ailleurs tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne l'acceptation. Comme vous j'ai cru remarquer la présence par ailleurs très discrète de l'auteur dans cette approche.

- À Katell
Les fables de la Fontaine sont, prises individuellement, assez courtes en général. Elles n’en sont pas moins de grands textes de la tradition moraliste française. Leur versification est une des plus élaborée que l'on puisse rêver et pourtant leur simplicité édifie les enfants et les adultes.
Vous avez trouvé ce Echenoz trop court. Au lieu de dénoncer la flemme présumée de l'auteur vous feriez mieux de vous demander si vous ne l'avez pas lu trop vite, ou plutôt pas assez intensément.
Torchez toute chose, torchez également votre vie, résumez là en quelques lignes. Seront elles aussi dignes d'intérêt que ces quelques dizaines de pages ? La concision est une nécessité organique de ce roman, comme beaucoup d'œuvres de Ravel.
Plus long, ça ne marcherait pas. Reprenez ce livre et apprenez en quelques pages par cœur, peut-être vous rentreront-elles dans la têtoune !
Et c'est un amateur d'œuvres longues qui vous le dit.

Quelques photos de notre visite...

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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