Trad. de l'anglais (Inde) par Claude Demanuelli

Quatrième de couverture
 : Rahel et Estha Kochamma, deux jumeaux de huit ans, vivent en Inde, entourés de leur grand-mère, Mammachi, qui fabrique des confitures trop sucrées, de l'oncle Chacko, un coureur de jupons invétéré, esprit romantique converti au marxisme pour les besoins de son portefeuille, de la grand-tante Baby Kochamma, qui nourrit un amour mystique pour un prêtre irlandais, et de leur mère Ammu, désertée par son mari, qui aime secrètement Velutha, un intouchable. Un drame va ébranler leur existence et les séparer. Comment réagir quand, à huit ans, on vous somme de savoir "qui aimer, comment et jusqu'où" ? Comment survivre quand, après un événement affreux dont on a été témoin, on vous demande de trahir la vérité pour l'amour d'une mère ?

Arundhati Roy
Le Dieu des Petits Riens

Nous avons lu ce livre en mai 2004.
Voir en bas de page documentation sur l'auteure et le roman indien.

Katell
J'hésite, parce que "livre ouvert en entier", c'est vraiment que j'adore et là je l'ai trouvé très très bien.
J'ai beaucoup aimé la construction "à la Almodovar" (La Mauvaise Education) entre le passé et le présent, la déconstruction de la chronologie. Jamais je n'étais perdue, les événements sont très bien identifiés, la construction renforcée par les répétitions (je voudrais en citer mais aucune ne me vient à l'esprit). J'ai aimé comment l'auteur a réussi à camper chacun des personnages. Tous, y compris les "seconds rôles" (Pillai, la servante...) ont une véritable épaisseur, ils s'animent devant nos yeux. Physiquement et moralement, ils sont tous impeccablement mis en scène !
J'ai aimé toutes les petites remarques, les petits détails décrits... La manière dont sont racontées les scènes (le cinéma, l'émeute, le fleuve, la maison...), l'arrière-plan politique.
Enfin, un très joli livre qui selon mes goûts renferme tout ce que j'aime dans la littérature plaisir : joli style, chouettes personnages, histoire intéressante, découverte d'un univers... Très sympa.
Monique
Je suis allée jusqu'au bout - ça m'a trop "mélangé" la tête.
On a :
- les jeux avec la chronologie de l'histoire 
- des références culturelles qui m'échappent 
- des jeux sur le langage : les mots des enfants, leurs points de vue.
Ces trois points pourraient être des qualités individuellement, mais menés ensemble, ils rendent la lecture fastidieuse. On attend sans cesse "la révélation" et quand elle arrive (enfin !) on est déçu. Je m'attendais à pire : un massacre !
Certains passages pourtant sont intéressants : toutes les notations sur le climat, la végétation, les odeurs, les insectes…, mais comme on attend toujours le nœud de l'histoire, on perd patience. Pour nous, groupe lecture, j'ai aimé le passage sur les "histoires" : avec les conteurs-danseurs-musiciens. Un genre dont j'ai oublié le nom (p. 268). Il parle des histoires : celles que l'on connaît, que l'on relit alors qu'on sait la fin, pour le plaisir des digressions : peut-être un contrat de lecture proposé pour l'auteur pour ce livre. Je ne crois pas que je conseillerais ce livre, mais il m'a donné envie de mieux connaître la culture indienne.
Françoise
J'ai une impression mitigée. Je me suis arrêtée à la p. 268 et j'ai repris p. 405 car je voulais au moins lire la fin. Il y a des passages très beaux (la relation Velutha-Ammu), émouvants (le massacre de Velutha), poétiques (le papillon posé sur Rahel), drôles (le voyage à l'aéroport) etc. Mais l'auteur use et abuse des flash-backs, on s'y perd, on a du mal à savoir qui est qui, il y a trop de digressions ; au lieu de cela j'aurais préféré en savoir plus sur le contexte politique, sur le Kerala, etc. Je reste au-dehors. C'est dommage car l'auteur est par ailleurs éminemment sympathique et j'aurais bien voulu aimer plus ce livre. Le prochain peut-être, s'il y en a un ?
Liliane
J'en suis à la page 237. Je pensais n'être pas dans une période réceptive, qui me permette de suivre et d'être captivée. C'est un auteur très recommandé, politiquement correct, écolo, anti-Bush : je m'attendais à quelque chose de plus convaincant. J'aime bien les livres construits (comme le sien), mais celui-ci ne me captive pas. Je ne comprends pas l'enjeu. Elle ressuscite l'enfance, c'est très autobiographique. A travers ce livre, elle montre les petits combats de chacun. Elle annonce ce qui devait tenir en haleine : la mort de Sophie et la liaison de la mère avec un intouchable. La construction savante disperse l'intérêt et le ressort dramatique. Je ne me réjouissais pas d'avance de retrouver ce livre le soir, tout en appréciant beaucoup de choses dans l'écriture, souvent poétique, d'une ironie placide, ce qui fait deux grandes qualités.
Brigitte
Je n'ai rien lu sur l'auteur, je n'ai lu que le livre et "Kerala" dans le dictionnaire, le rôle des protestants, du communisme. Cela m'a beaucoup plu. Pendant les 50 premières pages j'ai eu beaucoup de mal à repérer qui est qui. C'est bien fait, comme le dit Katell : ces va-et-vient sont bien faits, comme l'itération en mathématiques. L'écriture créé un univers, elle est au niveau des enfants et au niveau des adultes. C'est très fin, comme l'anecdote où la mère dit à sa fille qu'elle fait des choses pour qu'on l'aime un peu moins. J'aime ce livre parce qu'il n'est pas militant. J'aime la description de la télévision. Ce mélange de civilisation occidentale (La Mélodie du bonheur…) et orientale m'a plu et c'est très bien traduit. C'est une réussite pour un premier roman (contrairement à Zadie Smith) ; on sent qu'elle vient du cinéma : on voit les scènes. Je suis reconnaissante au groupe lecture de m'avoir fait découvrir ce livre.
Geneviève
J'ai aussi pensé à Zadie Smith (les jumeaux angélique et maléfique). Je l'avais déjà lu il y a 2-3 ans. J'ai eu du mal à relire en diagonale, c'est difficile pour un livre comme ça, mais j'y suis quand même entrée. Les personnages secondaires ont tous quelque chose d'étonnant. Le hiatus culturel entre références très anglaises et monde indien, la bascule permanente entre tragique et grotesque, tout est bâti pour arriver à la rivière, il y a un aboutissement à ce sacrifice. C'est un très bon bouquin, mais qui manque de puissance, qui n'emporte pas complètement. Je l'ai recommandé.
Claire
Moi je me situe du côté de Monique, Liliane, Françoise. Je suis séduite par l'écriture, mais parmi les personnages on s'y perd, j'ai fait un schéma pour m'y retrouver. Au début, j'ai adoré, j'étais très enthousiaste, et puis vers la page 140, le récit piétine… jusqu'au bout !
Comme pour Zadie Smith, le récit tombe, j'ai du mal à voir l'enjeu, mon intérêt a vraiment décrû ; l'auteur m'a perdue en route. Je ne le conseillerai pas. Si je me réfère aux articles que j'ai lus sur l'auteur, elle n'est pas décalée par rapport à mon impression de lecture : elle est peut-être admirable par son engagement, mais la narration ne passe pas. En revanche, j'aurais de la curiosité pour son second livre. Je regrette de ne pas avoir aimé celui-ci.
Annick
C'est pour moi la révélation de l'année. C'est ma fille - qui a 24 ans et est étudiante en anglais - qui me l'avait proposé (sans accompagnement…). J'ai adoré. On s'approche et on s'éloigne : rythme qui va avec ce qu'elle décrit ; ce mélange communisme-religion-etc. Je me suis renseignée, il y a beaucoup d'eau au Kerala, ça m'a ouvert une porte sur une région de l'Inde : sensations, torpeur, dégénérescence, roses fanées... , cela m'a fait entrer de façon sensuelle dans un monde que j'ignore. Il y a des personnages forts, les personnages négatifs sont subtils, ils sont tous prisonniers : il n'y a pas d'avenir, pas d'issue, c'est comme une tragédie, ça m'a beaucoup touchée. C'est bien de le lire jusqu'au bout, jusqu'au sacrifice (de Velutha), correspondant au consensus général (il est dénoncé par son père !). Dans le mélange des cultures, il y a l'extrême tradition (les femmes) et Oxford, la petite fille avec ses lunettes rouges, la montre qui marque 2h10 une fois pour toutes, le "vava"…
Malgré la tragédie annoncée, j'ai aimé me laisser prendre par la lenteur, l'engluement, la torpeur. L'auteur a une très grande puissance d'évocation. Le rapport à la langue est étonnant, ces enfants se protègent derrière (avec leur code), communiquant entre eux. J'ai aimé le regard des enfants sur le monde des adultes. J'ai trouvé ça extrêmement sensible, avec saveurs, etc. J'y trouve une luxuriance.
Autobiographique ou pas, je ne sais pas. Pendant sa rencontre avec des étudiants (dont ma fille…), l'auteur a dit que c'était inspiré de ce qu'elle connaissait, mais que ce n'était pas autobiographique.
Muriel (en 2019, à l’occasion d’un voyage en Inde)
J’ai aimé ce livre très original. Il y a un art de la métaphore et beaucoup d’humour même si l’histoire est archi tragique. Il y a beaucoup de jeux de mots souvent très réussie, mais trop systématiques. Il y a de toute façon du trop dans ce livre.
On se perd un peu dans la famille et dans la chronologie. Il y a des obscurités. Par exemple, 23 ans après, le retour du jumeau n’est pas clair. Il est dit : "Estha, avant d’être arrêté..." : on ne comprend pas de quoi il s’agit.
On voit bien le problème des castes, les amours impossibles, le qu’en dira-t-on, la corruption sous-entendue, les opposants marxistes, et aussi le manque de droits des femmes.
C’est un peu long, j’ai parfois sauté des pages.
J’ouvre trois quarts.


DOCUMENTATION

1. La littérature indienne : "Le fabuleux succès des romans indiens", Pierre Lepape, Le Monde diplomatique, août 2002.
2. Une critique très positive qui nous dit un peu qui est l'auteur : "Roy des Indes", Olivier Le Naire, L'Express, 16 avril 1998.
3. Notre auteur n'est pas qu'écrivainn, c'est une militante ! : "Arundathi Roy, l'écriture militante", Patrice de Beer, Le Monde, 21 décembre 2002.
4. Son discours en tant que lauréate du Grand Prix 2001 de l'Académie universelle de la culture.
5. On l'interviewe, mais pas sur la littérature : "L'Inde meurt dans ses villages", Dominique Simonnet, L'Express, 18 novembre 1999.

 

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie - beaucoup- moyennement - un peu - pas du tout
grand ouvert -
¾ ouvert - à moitié - ouvert  ¼ - fermé !

 

 

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