Clarice Lispector
Agua Viva
Nous avons lu ce livre en octobre 2012.

Jacqueline
Je m'excuse d'avoir soutenu le choix de ce livre. J'avais déjà essayé de lire la passion selon La Passion de G.H. Pourquoi on a choisi celui-là qui est un des plus difficiles ? On aurait dû choisir son livre de contes. J'ai également lu ses lettres mais ça ne m'a pas beaucoup intéressée. Elle est par exemple partie avec son mari en Italie mais ne parle pas de l'Italie mais seulement d'elle. Je trouve qu'Agua Viva n'est pas facile à lire. Il faut beaucoup s'accrocher sur ses réflexions. Je suis admirative de sa langue qui se réfère beaucoup à Woolf ou Proust. Mais j'éprouve bien plus de sensations chez Woolf. Ici il y a plus de réflexions. Mais j'ai tout de même un préjugé favorable bien que je n'aie lu qu'un quart. Je le reprendrai peut-être plus tard mais pour le moment je ne peux pas. Je regrette.

Philippe
Je me sens mauvais élève : je n'ai pas pu lire le livre en entier. C'est courageux de traduire du brésilien ce livre. Je me suis perdu dans cette lecture. C'est une lecture invertébrée. J'ai eu du mal à suivre. Mais le projet est ambitieux. L'auteur tient à un fil. Mais je ne suis pas sûr qu'elle ait persuadé le lecteur. Elle ne veut pas parler d'elle mais elle ne parle que d'elle. On sent le grand écrivain à certains moments. On sent qu'il y a une force, un sens profond de la langue. Je suis partagé sur ce qui ne m'a pas passionné.

Manuel
Je suis encore plus mauvais élève, je n'ai lu que 20 pages. Ça me tombe des mains. J'ai été gêné par les fautes de la traduction. Je suis hermétique à ce type de livre, c'est un effort énorme de compréhension. Puis j'ai fait du zapping : c'est toujours la même chose.

Annick
J'ai eu envie de le fermer au bout de trois pages. Mais je me suis mise à le lire comme on écoute de la musique contemporaine, en me forçant. La tentative de l'auteur de rendre la peinture par des mots est intéressante mais n'est pas aboutie. C'est intéressant de mettre sa peinture en mots. Elle essaye de mettre en mot le corps. C'est une mise en mots de corps intéressante. J'ai fait un effort comme pour apprécier la musique contemporaine. J'avais envie de lire en brésilien pour retrouver le plaisir des mots. Mais au bout de 100 pages je n'ai plus eu envie de continuer. Je ne pense pas qu'elle arrive à faire adhérer le lecteur.

Monique S
Pour la petite histoire, j'ai fait venir ce livre de la réserve de la bibliothèque de la ville de Paris. J'avais un problème de mise en page ! J'en ai parlé à Françoise D qui m'a dit que ce n'était pas grave : ça ne changeait rien ! Je suis quand même perplexe. Il n'y a rien à faire. Je n'ai pas aimé ce "je" omniprésent. Le thème de l'écrivain qui cherche : c'est restreint. C'est une lecture particulièrement difficile. Je suis allée jusqu'à la page 80. Ce "je", trop présent m'agaçait. Il y a quelque chose de très beau dans les dernières pages. C'est quasi mystique. Ça fait comme en écho aux textes de Saint-Jean de la Croix. Mais les textes de Saint-Jean de la Croix sont tellement beaux qu'ici c'est insupportable dans la durée. J'aurais préféré quelques pages seulement. Le "tu" à qui elle parle c'est Dieu ?

Renée
Non non non…

Monique S
Pour moi, c'est une mystique (p. 137 à p. 139). Il y a des choses qui auraient pu me plaire mais c'est un fleuve de mots, je m'ennuie. Je n'ai pas compris ce qu'était le "it".

Françoise D
Je partage l'avis de Monique et Manu. Je me suis très vite ennuyée. C'est vrai que de temps en temps, il y a des moments de poésie en prose. Mais c'est une espèce de gangue.

Monique D
J'ai eu beaucoup d'étapes. Je n'arrivais pas à la lire. Alors j'ai fait des recherches sur internet pour connaître mieux l'auteur. C'était une grande dame dans les années 70. Puis j'ai repris ma lecture... je lisais une page sur deux. J'ai essayé de lire en portugais. J'ai trouvé qu'il y avait plus de musique. Il y a beaucoup de passages sur la création. C'est comme un rhizome qui tourne mais n'a pas de fin. C'est un livre très répétitif. J'ai laissé tomber. Elle s'interroge tout le temps, c'est ce qui intéressant. Elle ne relève pas d'un genre.

Renée
Elle est la synthèse des deux sexes.

Monique D
C'est dur de s'accrocher.

Annick
Tous les mots sont comme des objets.

Claire
J'ai été effrayée pas cette écriture. J'ai fait comme toi Monique : j'ai eu une stratégie de détour. J'ai parcouru sa biographie. C'est une biographie complètement gauchie : son auteur est en admiration. Il parle de la création d'Agua Viva. Apparemment, elle était insupportable. Je me suis rendu compte que j'ai plein de livres de l'auteur. Je n'en ai aucun souvenir et je ne suis par sûre de les avoir lus.
Je trouve que dès les premières pages il y a une densité qui suscite de l'intérêt. Mais c'est trop dur. La pièce au Théâtre de la Bastille, La Femme qui tua les poissons, me semble bien donner l’ambiance, la folie, du talent, la difficulté à la suivre.

Renée
Sur la couverture, il y a un dessin de méduse. Comme la couverture, j'ai été médusée. Je l'ai connu grâce à une amie qui m'avait entortillée avec ça. J'ai lu La passion de G.H. Pour moi, c'était un séisme. C'était comme une entrée en lévitation : mais plus dure sera la chute. On entend sa voix à travers sont texte. J'ai intérêt pour des pages mais pas pour l'ensemble. J'ai adoré à l'époque où je l'ai lu. J'ai relu pour le groupe lecture : j'ai retrouvé mon admiration à travers les voix. Comme une méduse, son écriture prend des formes différentes. Je me souviens du passage des huîtres. C'est extraordinaires (p. 69). J'aime quand elle dit "je suis sans entrave". Ça m'a fait penser à Maryline Desbiolles. C'est une femme libre. Elle ose sans arrêt. C'est vrai qu'elle se plante aussi. C'est une force. Il faut isoler les pierres précieuses.

Henri
Je m'en suis tenu au livre, et comme pour tous les auteurs que je ne connais pas, en parfait ignare de leur vie et de leur œuvre, je m'en suis remis à ce seul ouvrage, que j'ai lu en trois ou quatre temps.
Sans a priori, j'ai été un peu agacé au départ par les erreurs, et la traduction qui m'a paru parfois très approximative (mais au fil de l'eau je me suis rendu compte que ce n'était pas une mince affaire que de traduire ce genre de prose). J'ai bien aimé au début le parallèle, ou plutôt la symbiose, entre peinture et écriture ; les phrases jetées comme de touches de couleurs, en aplats, sans continuité immédiate, dans l'instantanéité des impressions (et du geste "un peu à la Pollock"). J'ai adhéré à l'intention, à la spontanéité et à la prise de risque, à ce tutoiement qui me semblait adressé, à l'éventualité de perdre pied et de renoncer à la maîtrise par l'intelligibilité habituelle de ce qui se donne à lire. J'étais avec Clarice aux heures un peu avant l'aube...
Ensuite par moments, en lisant comme si je me laissais emporter par un torrent, je dois avouer que j'ai parfois décroché, me laissant charrier par le texte mais sans y trouver matière ou appui. Et puis, de temps en temps, j'ai été touché par quelques images ou associations fulgurantes, justement "au-delà de la pensée". Par exemple, pages 183 à 187, sur les modes de vie : suave orgueil, ombre légère, vie oblique, et vie de violence magique (le désaccord léger entre les choses p. 185).
J'ai aimé l'entreprise, son honnêteté, tenter de dire l'ineffable. Je sais, dit-elle "qu'après m'avoir lue c'est difficile de reproduire d'oreille ma musique, il n'est pas possible de la chanter, sans l'avoir apprise par cœur. Et comment apprendre par cœur une chose qui n'a pas d'histoire ?". Sur ce point, je me demande si le texte ne gagnerait pas à être plus court, pour être lu d'une traite et peut-être appris comme une litanie, ou déclamé à haute voix...
Bref, je ne peux pas dire que "j'ai aimé" et que j'y reviendrai avec plaisir, mais ça m'a touché... Merci pour la découverte.

Mireille
Je l’ai lue non pas comme elle le propose "rapidement comme quand on regarde... d’un avion volant à haute altitude...", mais en prenant mon temps, en explorant avec intérêt son état qui, dit-elle, est "celui d’un jardin à l’eau coulant... mûr de parfums... et ombres qu’elle invente déjà". Je me suis abandonnée à sa recherche poétique et curieuse d’elle-même, à son approfondissement de "cette chose étrange qu’est le mot... Qu’elle aime pouvoir prendre avec la main" comme si elle peignait « plus qu’un objet, son ombre".
Sa comparaison avec la peinture est originale « remplacer les couleurs par les mots... Se libérer presque du domaine des couleurs » - "s’incarner dans des phrases voluptueuses et inintelligibles qui s’emmêlent par delà les mots, des mots qui forment une intense broussaille".
S’adresser à un inconnu est adroit. Peut-être un homme qu’elle a aimé, je ne sais trop "je viens de l’enfer de l’amour mais maintenant je suis libre de toi".
Jusqu’à la page 61, je découvre "la transfiguration de sa réalité en une autre réalité rêveuse et somnambulique qui la crée... Qu’elle transmet non une histoire mais des mots qui vivent du son... Que l’obscurité féérique est son bouillon de culture... Qu’elle est un cœur battant dans le monde et qu’elle demande à celui qui la lit de l’aider à naître ... Qu’elle s’empare des recoins de son moi, que ses égarements la font suffoquer de tant de beauté".
Et puis, au fil de ma lecture, page 95, je commence à vaciller "Et je défie la mort. Je suis ma propre mort. Et personne ne va plus loin. Ce qu’il y a de barbare en moi cherche le barbare cruel hors de moi. Je vois en clairs et obscurs les visages des personnes". P. 147 à 154 sa description des fleurs ventile agréablement ma lecture. A la p. 173 je me rallie à ce qu’elle écrit "parfois me suivre est si difficile. Car c’est suivre ce qui n’est encore qu’une nébuleuse. Parfois je finis par renoncer". Je renonce à suivre les errances poétiques de son être, ça et là, même si je les trouve sacrément travaillées. Son "JE" me lasse, aucun autre personnage auquel me raccrocher. Je parcours les derniers pages superficiellement. Ses divagations littéraires ne retiennent plus mon attention.
Clarice Lispector m’a fait penser à Virginia Woolf. Avec cet écrivain, mon attention reste soutenue. Je me balade, avec elle, sans me rendre compte des dénivelés positifs ou négatifs comme en randonnée pédestre lorsque des fleurs sauvages jalonnent le sentier. Avec Virginia Wolf les fleurs sont tous ses personnages auxquels elle donne une vie réflexive et qui me permettent de suspendre et reprendre ma lecture, sans que mon intérêt ne faiblisse jusqu’à la dernière page.
Quant à la pièce de théâtre, La femme qui tua les poissons, j’ai admiré le travail du metteur en scène et de la comédienne. J’ai eu de bons moments - les histoires - intercalés par l’envie de somnoler. Je me souviendrai de la découverte du livre beaucoup moins de la pièce.


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Je veux capturer le présent qui, par sa nature même m'est interdit...