Rivages 1993, puis poche, 1996

trad. de l'espagnol par Alain et Anne-Marie Keruzoré

Quatrième de couverture :
Juan vient d'épouser Luisa, traductrice et interprète comme lui.
Depuis son mariage, il éprouve un certain malaise. vient-il des propos ambigus que lui a tenus son père après la cérémonie ? d'une scène surprise à la havane pendant son voyage de noces, d'un séjour professionnel à new york, ou tout simplement d'une histoire familiale gardée jusqu'alors secrète ?
Le roman s'ouvre sur un suicide magistralement conté et se referme sur une révélation en coups de théâtre successifs, selon les jeux subtils du mensonge et de la vérité, des secrets et des soupçons.

L'Homme sentimental a reçu le Prix Herralde du roman en 1986, Un coeur si blanc le Prix international de littérature Impac Dublin en 1997, et Demain dans la bataille pense à moi le Prix international du roman Ramulo Gallegos et le Prix Femina étranger en 1996



Folio
, 2008

Quatrième de couverture : Juan vient d'épouser Luisa, traductrice et interprète comme lui. Jeune homme sans histoires, il a tout pour être heureux. Il a toutefois, au retour de son voyage de noces, le sentiment que quelque chose va se produire, et éprouve un certain malaise. Vient-il des propos ambigus que lui a tenus son père après la cérémonie, d'une scène surprise à La Havane pendant le voyage, ou tout simplement d'une histoire familiale gardée jusqu'alors secrète?
Le roman de Javier Marías s'ouvre sur un suicide magistralement conté et se referme sur une révélation en coups de théâtre successifs selon les jeux subtils du mensonge et de la vérité, des secrets et des soupçons. Usant tour à tour de l'ironie, du drame, de la farce, du tableau de mœurs, Marías invente une forme neuve pour rendre compte d'un cheminement intellectuel inédit.


Quelques articles

- Un grand article de Florence Noiville sur Javier Marias dans la rubrique Mots de passe du Monde des livres (3 février 2017)

- Revue Traduire, n° 226, 2012 :
Christine Cross, "Quand le héros est traducteur-interprète…"
Anne-Marie Cervera, "L’interprète au quotidien : littérature, mythe et réalité"

Javier Marías (né en 1951)
Un cœur si blanc (1992, traduit en 1993)

Nous avons lu ce livre en février 1999.
Le nouveau groupe l'a lu en mai 2021.

Lecture du message de Sabine, toujours à Ouagadougou
Je me rangerai du côté des enthousiastes (s'il y en a). Les premières pages m'ont pourtant laissé sceptique : phrases sans fin, destinées à explorer tous les possibles : "et… ou… ou bien…. mais… et j'en passe !" Bref, cela sentait le procédé, sans que je comprenne trop les effets recherchés. Puis, le personnage-narrateur m'a intriguée, l'histoire a pris corps à travers des personnages particulièrement bien dessinés et des situations très "kundériennes". Car ce livre me semble en effet très proche de l'univers de Kundera : chaque personnage présente une, voire plusieurs facettes d'une question existentielle (ouhlala !). Ces personnages sont très typés, ils sont véritablement l'incarnation de réflexions, de sentiments ; ils ne sont ni sympathiques, ni antipathiques ; mais ils existent. Il y a, bien sûr, des moments drôles (Miriam qui poireaute sous le balcon), des moments cruels (le suicide). Le personnage du narrateur est passionnant : il établit des liens, soit qui existent, soit qu'il invente, entre les autres personnages. C'est un voyeur, qui donne à voir. À la fin, la "boucle est bouclée" ; c'est là peut-être, là, que je trouve que cela fait fabriqué : une explication aux différents morts n'était, me semble-t-il, pas nécessaire. En tout cas, ce n'est pas cela qui m'a tenue en haleine (j'avais par contre très envie de savoir comment la soirée de Berta s'était déroulée : ????). Le cosmopolitisme est aussi très kundérien. J'ai beaucoup ri aux traductions bidon du narrateur, lorsqu'il rencontre Luisa. En bref, c'est un livre intelligent (avec ça, j'ai tout dit, et surtout rien dit !) et j'ai hâte de lire un autre roman de Marias. J'embrasse tous eux qui auront aimé le livre… !

Lecture du message de Françoise Delphy
J'ai beaucoup aimé Un cœur si blanc. On est tout de suite accroché par cette intrigue ténue et pourtant obsédante du crime qui va peut-être être commis, du crime qui a sans doute été commis. La présence de Macbeth que je connais par cœur (je l'ai enseigné huit ans) n'a pas manqué de me satisfaire. Les problèmes de traduction m'ont intéressée. Et puis l'analyse des sens est très subtile. On voit sans entendre, on entend sans voir, le partiel aussi : on entend des bribes, on ne voit qu'une partie d'un corps, pas l'individu tout entier et on reconstruit. On reconstruit l'individu, sa vie, sa personnalité. On invente inévitablement. Au lieu de traduire, on ajoute son grain de sel, on s'immisce dans la réalité d'autrui. Il y a un mélange d'intensité et de détachement très séduisant. On partage le même oreiller même si on en a un chacun. Tout ça m'a beaucoup plu. On est tous un peu voyeurs.

Lecture du message d'Odile, de Dijon
J'étais persuadée de me joindre à un concert de louanges ; j'ai peine à imaginer qu'on ne soit pas enthousiaste en découvrant Javier Marias, mais le cas de Claire d'après ce que je sais me laisse perplexe…
J'ai lu il y a quelques années plusieurs livres de Javier Marias et je n'ai pas relu Un cœur si blanc à l'occasion du groupe lecture. Voici donc les impressions qu'il en reste : d'abord, il y a le titre, toujours décalé, un peu énigmatique sur lequel on peut rêver ou s'interroger un moment (selon les tempéraments) : Un cœur si blanc, L'homme sentimental, Demain dans la bataille pense à moi… (ça ne marche pas pour Le roman d'Oxford).
Ensuite il y a "la situation" qui va être explorée pendant tout le livre. Elle est dite, avec une phrase qui reviendra et qui est, souvent, une phrase longue, qui introduit avec ses méandres et ses retenues, déjà, un premier sentiment de la complexité de la situation. Puis, il y a toutes les variations, les retours, les approfondissements, les questions…
Quand je pense aux personnages, j'ai la sensation que ce ne sont pas Juan ou Luisa, mais l'homme, la femme, le père, le mari, l'amant…
Avec sa manière d'écrire - ces longues phrases qui nécessitent de l'attention - et avec le choix des thèmes de ses livres - situations complexes, troubles, difficiles - Javier Marias crée une lecture particulière qui concerne à la fois notre intelligence et notre sensibilité.
De ce fait, plus on en lit, plus on souhaite en lire.
Ce qui est rare.

Claire
Je ne l'ai pas lu en entier, c'est trop long ! J'ai lu par bribes. Chaque bribe était savoureuse. J'ai moins aimé quand j'ai lu un grand morceau à la suite. Je trouve qu'il n'y a pas de narration. Je me suis arrêtée à la discussion avec Custardoy. Je finirai peut-être le livre.

Jean-Pierre
Je n'ai pas le souffle pour lire quelque chose d'aussi dense, d'aussi long. Le début, la séquence du suicide, c'est superbe. C'est intéressant sur le plan de la technique d'écriture. J'ai beaucoup aimé le travail du traducteur avec filet. J'ai eu du mal à aller jusqu'au bout, j'ai sauté quelques pages. C'est un univers que j'ai du mal à supporter. J'ai trop tendance à m'identifier. Il est difficile de "s'embarquer" dans le personnage du narrateur. Je suis fasciné par le narrateur qui a tant d'aisance à passer d'une langue à l'autre. C'est un personnage qui a du mal à traduire dans sa vie. Tout ceci m'a mis mal à l'aise, et je n'ai pas réussi à dépasser cet état.

Liliane
J'avais déjà lu une nouvelle de Marias dans Le Monde de l'été. J'ai eu du mal dans la lecture d'Un cœur si blanc. J'ai beaucoup aimé tout ce qui est observation, annotations visuelles, bruits, odeurs… Il y a une très grande puissance de description des personnages, de leurs gestes, les plis des vêtements, les objets que l'on déplace, qu'il décrit avec la signification qu'ils apportent. De même pour Madrid sous la pluie, New York. J'ai été gênée par le côté psychologique. J'ai beaucoup aimé l'épisode new-yorkais chez Berta. Je n'aime pas quand il joue l'antihéros. Et ses obsessions dont il ne sait pas d'où elles viennent, les leitmotivs qui reviennent de façon insistante, cela m'a fait décrocher, il y en a trop. Nathalie Sarraute est beaucoup plus convaincante dans ses tâtonnements et dans ses recherches du conscient/inconscient. La difficulté de dire la vérité, de la transmettre, paraît parfois artificielle.

Monique
J'ai beaucoup aimé le livre. C'est un livre heureux, il n'y en a pas beaucoup. J'ai aimé la vision proposée des relations humaines et des relations du couple. Dans les premières pages, le suicide, c'est génial ; à l'hôtel c'est un peu long. J'ai beaucoup aimé la façon dont les êtres sont présents les uns aux autres, avec sa femme, avec Berta (vidéo). J'ai aimé le fait qu'un mot prononcé quelque part a des conséquences sur des gens très lointains dans l'espace ou le temps. J'ai aimé l'humour dans le passage sur les traducteurs, pour le gardien de musée, la réflexion intéressante sur le récit (le mariage est une institution narrative), sur l'amitié… Les digressions ne m'ont pas gêné. Les différentes parties sont très différentes sans que le lien soit fait directement. J'ai aimé les retours en volutes. La main sur l'épaule, la phrase de Shakespeare, l'importance de la comptine, des chansons d'enfants.

Christine
J'ai beaucoup aimé. Ce n'est pas pour moi un livre heureux, mais triste ; on peut le lire pour le plaisir de la lecture, c'est bien construit. Ce n'est que très tard qu'on sait "qui" qui raconte la première scène. Le livre donne énormément de sujets de réflexion. Tout est oral, on ne parle que des mots qui sont entendus. Les oreilles n'ont pas de paupières. Il n'a pas voulu savoir, c'est son père qui lui a envoyé Custardoy, Villa-Lobos. Parfois on dit des choses qu'on n'a pas envie de savoir. Le fonctionnement se fait par deux : Juan-Luisa, Miriam-Guillermo, Juan et son père… Des personnages se confondent. Bill est-il Guillermo ? La séquence à Cuba où il est question de la femme malade renvoie à l'histoire de Ranz. Juan est très passif sauf quand il traduit pour les chefs d'État. J'ai bien aimé ce qu'il dit sur la vie commune, sur l'avenir concret et l'avenir abstrait.
Au début elle paraît très falote et petit à petit elle prend une grande place. Il y a souvent des moments d'angoisse quand il est dans la rue avant de monter chez Berta. La dernière scène où il dort dans la chambre et écoute la conversation entre Luisa et Ranz. Il y a tout un jeu sur ce qu'on veut et ce qu'on ne veut pas entendre. La réflexion sur les secrets de famille, l'enfant est trop jeune pour les comprendre, puis c'est trop tard, du fait de la lenteur des enfants à s'intéresser au passé de leurs parents. Le duo père-fils est très intéressant.

José
Demain dans la bataille pense à moi est construit de la même façon. J'aime beaucoup Marias. Il reçoit beaucoup de prix littéraires et a eu lui-même des prix de traduction. J'aime beaucoup le côté fragmentaire. Tout peut cependant se relier. Ce qui peut sembler un peu artificiel est trop psychologique, me plaît, c'est dit avec finesse. C'est très hypothétique. Quand il voit Custardoy le Jeune, l'auteur ne continue pas. Ce sont des variations, les traducteurs d'un peu de tout. La traduction me semble bonne, l'auteur lui-même il a travaillé. Il y a beaucoup de petites phrases qui m'ont plu. La nuit appartient à la journée antérieure ; il n'y a pas d'accord entre la montre et la réalité à minuit, c'est encore la veille. Et les héroïnomanes avec leur sac en plastique, j'ai beaucoup aimé le passage à New York (vidéo). On peut s'identifier à presque tous les personnages. Il y a une subtilité. Marias a été professeur de littérature à New York.

Brigitte
Je voudrais en savoir plus sur Ranz. Ce n'est pas un prénom, ce n'est pas espagnol. Je suis admirative de la première page. Puis j'ai vu Festen. Je suis comme Juan, j'ai envie de comprendre, y compris à l'étranger. À la fin j'étais un peu déçue. Il y a beaucoup de savoir-faire. Mais comme Liliane, je pense que Sarraute est meilleure pour l'intériorité. La vie est faite de hasard, d'accord. Il y a beaucoup de procédés dans la fabrication. Mais il y a beaucoup d'aisance. Il ne raconte pas des choses importantes (en couple). Ranz est toujours léger. On apprend le nom du narrateur très tard. Mentir de bonne foi, disait Tapie… Avec le tableau, on ne sait pas où est le vrai : même chose avec l'anglais traduit. Il y a quelque chose de lors de l'exercice de style.


AVIS DU NOUVEAU GROUPE PARISIEN
qui a lu le livre pour le 9 mai 2021

Depuis 1999, nous avons adopté des cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

Nathalie B (avis transmis)
J'ai découvert Javier Marias avec ce roman. Je suis vraiment enchantée d'avoir rencontré cet auteur espagnol. Certes, son écriture très digressive bourrée de parenthèses surprend un peu au départ, mais assez vite je me suis laissé prendre. Au début, je me suis dit qu'il entrait vraiment trop dans les détails et que ce n'aurait pas été grave si ces informations n'avaient pas été délivrées à la lectrice que je suis. Mais peu à peu je les ai totalement adoptées, sans doute plus facilement que d'autres car lorsque je raconte moi-même une histoire, j'ai une nette tendance à surutiliser ce procédé (ce qui a le don d'impatienter prodigieusement ma fille d'ailleurs). Le contenu des parenthèses apporte des précisions souvent dôles d'ailleurs, ou alors des informations qui finalement n'en sont pas, ou encore tout ce qui se pense mais ne se dit pas. Marias pratique l'ironie avec brio. L'auteur prend son temps pour décrire soit des personnes (pas forcément toutes ; ainsi il ne me semble pas que le personnage de Luisa, sa femme, soit décrit avec précision comme si faisant partie de lui, la description était inutile ou trop difficile), soit des lieux, soit des attitudes... Belle description des yeux du père, avec luxe de détails sur plus d'une page. Le secret que son personnage va finalement découvrir, introduit en début de roman, et dont nous saurons le fin mot de l'histoire en fin du récit, ne me paraît être qu'un prétexte pour discourir sur bien d'autres sujets : le mariage, la traduction, la trahison, mais aussi tout ce qui ne se dit pas. Je trouve qu'il parle très bien du mariage, notamment de sa première année, de ce "changement d'état" qu'il implique,, des changements d'habitude, comme ouvrir ou fermer la fenêtre la nuit, rideaux ouverts ou fermés, les horaires du coucher... J'ai trouvé passionnants les passages sur tout ce qui était relatif à l'interprétariat, notamment au sein des assemblées internationales. J'ai beaucoup ri à la lecture de l'anecdote de l'orateur australien indigné de ne pas bénéficier d'un traducteur pour un public anglophone ! Le sujet de la trahison, du soupçon serait un thème récurrent de Marias qui aurait été marqué par la trahison que son père a subi de la part d'un ami du temps de la guerre d'Espagne. Ce que j'ai le plus admiré, ce sont ses longues phrases dans lesquelles il parvient à enchevêtrer passé sur plusieurs périodes et présent. Mais là où l'auteur excelle, c'est pour exprimer tout ce qu'on ne dit pas, voire ce qu'on ne se dit pas. J'ouvre en grand.
Ana-Cristina
J'ai beaucoup aimé, je n'attendais rien. La première scène. Le suicide de Téréza. La découverte de son corps dans la salle de bain. La description est très réussie. C'est fou comme l'auteur a réussi à rendre cette scène vivante : le "père, attablé dans la salle à manger avec une partie de la famille et trois invités". Les différentes réactions. Ça sonne comme une tragédie, la langue est très belle, l'écriture, il y a un rythme, des rimes, alors que c'est de la prose ; c'est très beau. C'est une tragédie, car la faute commise semble se poursuivre. C'est une malédiction. Puis, j'ai été un peu décontenancée, le récit ne prenant pas du tout le chemin auquel je m'attendais. Je pensais que j'allais pouvoir m'installer confortablement et "écouter" nonchalamment un romancier talentueux me raconter une histoire qui aurait les accents d'une tragédie, sa musicalité. Eh bien pas du tout ! Pendant quelques pages j'ai donc oscillé entre déception et interrogation. C'est finalement la curiosité qui l'a emporté. J'étais très intéressée par ce que le narrateur avait dans la tête. J'étais prise au piège par les paroles de ce narrateur bavard, prise dans ses monologues intérieurs comme dans du sable mouvant. Dans ce roman, rien n'est dit une fois pour toute. Ce n'est pas L'insoutenable légèreté de l'être de Kundera (cité par ailleurs à plusieurs reprises) mais bien l'insupportable incertitude de l'être. J'ouvre aux ¾.

Françoise
Quelle est l'histoire ? Quel est le thème ?

Ana-Cristina
Il n'y en a pas, c'est une recherche perpétuelle ; c'est un livre sur l'impossibilité ; il est nihiliste, rien n'existe, il n'y a pas de consistance dans ce qu'on dit.

Anne
Rien n'existe, sauf que la tâche du meurtre persiste, le père est vu comme meurtrier.

Ana-Cristina
Justement on ne sait pas.

Françoise
Le suicide de la personne est dans la première scène.

Anne
C'est Lady Macbeth.

Françoise
C'est un peu long.

Ana-Cristina
Il fait du Nabokov, il l'a d'ailleurs traduit.

Françoise
J'ai eu du mal avec le style ; j'ai beaucoup ri ; c'est un livre à offrir à de jeunes mariés, car c'est un combat mais aussi une défense du mariage.

Ana-Cristina
Le passage sur le plaisir de parler en couple est très beau.
Françoise
Il y a un travail de sape chez lui, sur un ton un peu badin. C'est comme un livre de fille s'adressant aux filles, c'est une jacasserie, par exemple le passage sur New-York. Mais, quelle finesse ! Il a une pensée vraiment subtile, nécessaire, anticonformiste, c'est très salutaire de lire un livre comme ça. Ce qu'il dit sur les traducteurs est très intéressant.

Margot
Moi ce que j'ai aimé, c'est qu'il n'a aucun hubris ; il rend bien compte des difficultés de l'interprétariat, mais il n'en tire aucune gloriole.

Françoise
Le passage où il entend l'orgue de barbarie, va voir le musicien, c'est un livre de moraliste. Le style ne m'a pas accrochée mais j'ai appris beaucoup de choses sur la vie des interprètes notamment.

Ana-Cristina
C'est un livre qui infuse. Il y a plein de choses ; quand il écoute et entend le couple à côté ; il y a plein de signes qui se répètent… c'est très bien construit.
Margot
La chanson, c'est une histoire d'amour au départ qui se transforme en serpent… Cela m'a profondément agacée et profondément plu au départ ; tout est construit comme une fiction, un début, un milieu, une fin et tout se reboucle. Au fur et à mesure, on remonte dans le passé ; c'est très construit, mâtiné de lectures psychanalytiques, toujours dans l'incertitude, il s'est passé quelque chose qui détermine ce qui se passe aujourd'hui. Je me suis quand même laissé prendre car c'est toujours surprenant, très profond, avec un retour permanent sur lui-même. Le passage sur le musée est magnifique. C'est un penseur narrateur plus qu'un écrivain, c'est ce qui m'attache à ce livre ; c'est très fin ; je n'aime pas cette construction dans la fiction, mais l'écriture, oui. J'ouvre aux ¾.

Anne
Même avec Bertha, on a tout le temps l'impression qu'elle va se faire assassiner.

Margot
J'ai beaucoup aimé tout ce qui se dit entre conjoints ; c'est super intéressant ; ils échangent comme s'ils voulaient se faire pardonner d'avoir parlé avant.
Anne
Hier, j'avais la sensation que quelque chose de chatoyant s'était effacé et je m'interrogeais sur ce que je ressentais. Au début, le livre m'a pris les tripes. Le quiproquo ! Une question d'identité surgit ; une interrogation à multiples niveaux ; quant au mariage, c'est d'une finesse exceptionnelle. J'ai beaucoup aimé la scène du balcon avec cette femme incroyable et toute la façon dont on apprendra qu'il a rencontré cette femme. Pour moi, le style est aussi bien lié à la structure du roman qu'à l'écriture. Une prise de conscience, une émotion forte, ça doit être court. Là, il y a des longueurs impossibles et je lui en veux. Il est très pris par la psychologie du personnage. Bertha, c'est d'un érotisme glauque qui ne m'intéresse pas. Son écoute, sa gentillesse par rapport aux autres, il la décrit avec trop de détails, c'est trop long, même si c'est fait avec talent. Lorsqu'il décrit l'action et pas le personnage il montre sa connaissance impeccable de la structure narrative. Aristote, oui, mais ça se sent trop. Je reconnais ses qualités ; il y a des mises à mort réelles ou symboliques, mais où est la mère dans tout ça ? Il y a trop de père, trop d'écrit. En plus ça n'est pas un père mais un feu follet. La fiction, ça commence à me casser les pieds sauf si c'est très bien fait. Le narrateur est un personnage qui n'est pas transcendé ; il porte en lui de tuer la femme. J'ouvre à moitié.

Ana-Cristina
Moi je ne coupe rien ; j'y vois une raison, il parle, il parle, mais il est dans une telle angoisse que c'est justifié ; s'il s'arrête, il tombe. En plus j'aime bien ce père de parenthèses, ce père de manipulation ; on sait qu'on est manipulé, il installe ses pions et j'accepte ce qu'il propose.
Valérie (avis transmis)
D'entrée de jeu, je dirai que j'ai été conquise par Un cœur si blanc. Javier Marias, avec beaucoup de talent et une écriture très proustienne, nous plonge dans les abîmes des secrets. "Mais ce que l'on tait devient un secret que l'on finit tout de même par raconter". Javier Marias va nous conter ce secret de famille, en nous intriguant tout au long du livre qui prend parfois des allures de thriller et nous tient en éveil. Il nous parle et évoque longuement tous les hasards d'une vie qui se construit d'une manière ou d'une autre. C'est d'autant plus passionnant qu'il y mêle l'histoire d'inconnus qui dédouble sa propre histoire. Son écriture s'entrelace à travers un mot, une idée, une digression apparente qui, en réalité, poursuit le cheminement du secret qui va être dévoilé à la fin du roman. On en arrive à cette conclusion que je laisse dire à Javier Marias : "Tout peut-être raconté, même ce que l'on ne veut pas savoir, ce que l'on ne demande pas, et pourtant quelqu'un le raconte et on l'écoute". Un très beau moment de lecture qui me poussera à lire d'autres romans de cet auteur. C'est certain. Je l'ouvre en grand.
Katherine  ( avis transmis)
Je suis mitigée par rapport à ce livre. Pour commencer par le négatif, j'ai trouvé le fil de l'histoire un peu ténu, la narration lourde (longues phrases, digressions…) et artificiellement profonde, et le "dénouement" final... presque prévisible d'une certaine manière. Bref, ni le style ni l'histoire ne m'ont particulièrement accrochée. Et pour autant, je me suis quelque peu attachée à la vie de cet interprète espagnol. Autant je n'ai pas été prise d'intérêt pour l'épisode Miriam/Guillermo lors de son voyage de noces à Cuba (ni compris l'obsession qu'il en a fait par la suite), autant j'ai lu avec le sourire ses anecdotes d'interprétariat et ses tribulations à New York dans son rôle de confident et de complice des intrigues amoureuses de son amie Berta. Les rencontres par lettres et vidéos, avant l'avènement des sites et applis de rencontre, ont quelque chose d'incroyable : quel temps et quelle énergie consacrés pour parfois un seul rendez-vous !
La présence de son père est très prégnante tout au long du récit. On raconte une partie de sa vie de conservateur au Prado et de conseiller en vente d'œuvres d'art, mais le cœur de son histoire est le mystère entourant le suicide de sa deuxième femme (on apprend à la toute fin qui était la première et on évoque à peine la troisième, pourtant la mère du narrateur). En fait, tout dans le roman nous amène à cette fin où il avoue à la femme de son fils qu'il a tué sa première femme par amour pour celle qui allait devenir la deuxième, et dont il allait épouser la sœur après son suicide, celle-ci s'étant tuée après qu'il lui eut avoué le crime qu'il a commis pour elle. La scène est plus curieuse que dramatique, malgré le fait que toute cette conversation intervienne dans la maison du fils, qui écoute la conversation de son père et de sa femme cachée dans sa chambre… On n'aura pas connaissance des suites de cette révélation, mais le narrateur s'emploiera de façon assez peu subtile à faire tous les liens possibles entre ce dialogue, ses réflexions passées et les anecdotes qu'il a relatées tout au long du livre.
En somme, j'ai apprécié certaines parties de ce livre, mais je ne le rouvrirai pas ni ne le recommanderai. J'ouvre au quart.

 

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