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  Quatrième de 
        couverture :
 Parti des confins de la terre et de l'eau, Victor-Flandrin 
        Péniel, portant au cou les larmes de son père dont le visage 
        fut sabré en 1870 par un uhlan, et toujours accompagné d'une 
        mystérieuses ombre blonde, viendra s'établir dans un hameau 
        perdu au bout du territoire et encerclé de forêts où 
        rôdent encore les loups. C'est dans ces terres frontalières, 
        par où la guerre sans cesse refait son entrée au pays, et 
        dans la vie et la mémoire des hommes, que Victor-Flandrin, dit 
        Nuit-d'Or-Gueule-de-Loup, prendra femme, par quatre fois, et engendrera 
        une nombreuse descendance, toute marquée par la gémellité 
        et la violence de la passion.Bien des romans d'aujourd'hui s'emploient à nous montrer les hommes 
        et les femmes broyées par l'histoire. Mais, avec ce récit, 
        cette terrible réalité se transfigure aux dimensions du 
        légendaire, du conte fantastique.
 |  | Sylvie GermainLe livre des nuits
Nous avons lu ce livre en avril 1997.Le nouveau groupe parisien le lira à son 
        tour en juin 2020.
 Nous lirons également Jours 
        de colère en novembre 2014.
 
 Sabine J'avais plein d'a priori physiques par rapport à cette femme. Je 
      ressens une jalousie verte parce que Sylvie Germain a vécu à 
      Prague. Je me suis plongé dans les 50 premières pages cet 
      après-midi : c'est sublime, plein de poésie, rien d'artificiel. 
      J'ai aimé le côté conte. J'aime la succession rapide 
      des générations. Le style est extraordinaire. J'aime le rythme. 
      C'est une saga, un conte pas couillon. Capitaine Conan fange poétique. 
      Ça m'a emballée.
 Henri-Jean"Quel est le plus grand poète français ? Victor 
        Hugo hélas" (Gide) Trop, trop, trop
 J'aime la langue, 
        les mots. Je suis partagé entre une admiration et le sentiment 
        du trop-plein. Il y a des trouvailles extraordinaires comme l'histoire 
        du collier de larmes. J'ai pensé à Malaparte dont nous avons 
        lu La peau. Des passages réalistes deviennent plats, à 
        côté de passages colorés. Il y a des choses inutiles, 
        des exercices de style. J'ai lu La 
        Pleurante des rues de Prague, et j'ai eu la même impression. 
        Je n'en lirai peut-être pas un troisième.
 Marie-ChristineJ'ai adoré ce livre jusqu'au lance-flammes. Trop, c'est trop. Jusque-là 
        je souffrais du destin de ces gens, mais avec distance. Le lance-flammes 
        m'a rendu le livre odieux. Il y a art de la phrase (Marie-Christine 
        lit un passage, la mort de Dieudonné pendant la guerre de 14). 
        Je n'ai pas aimé la fin, la mort du héros par suicide.
 Anne-MarieJ'ai eu une impression de purée mystique. Le style est trop travaillé, 
        artificiel. Trop, c'est trop. Des guerres, des guerres, des guerres
 
        C'est de la boulimie. Elle n'a qu'à écrire plusieurs livres. 
        Je n'aime pas l'aspect rêves. On ne sait pas où on est, dans 
        le conte, dans la réalité
 CélineLilianeJe n'ai pas terminé, mais je trouve ce livre extraordinaire. Il 
        est très travaillé. Au début l'eau, le personnage 
        de la mère, cela ne s'essouffle jamais, je suis marquée 
        par cette histoire d'enfance, la statue de sel brisé par le père. 
        J'ai moins aimé l'histoire du loup. J'aime la scène du mariage 
        raté de Margot. L'auteure rend bien l'horreur de la guerre des 
        tranchées. C'est un livre porté par le style. On sent la 
        terre, l'humus Ce livre sollicite tous les sens. J'ai été 
        gênée par l'histoire des stigmates : le mysticisme prend 
        alors la place du poétique.
 
 C'est une poésie un peu facile. Pas d'accord pour le comparer à 
      Malaparte. La poésie est un accès difficile à une simplicité. 
      Sylvie Germain en dit beaucoup trop, elle fait trop de commentaire. J'avais 
      lu ce livre il y a 10 ans et en avais retenu le côté baroque 
      très séduisant. En le relisant, j'ai retrouvé la même 
      séduction, mais je me suis lassée de certains côtés 
      du livre. J'ai aimé la sensualité de l'auteure, sa manière 
      de parler de l'amour, les descriptions de l'amour physique sont séduisantes, 
      les corps, la simplicité. On peut aimer beaucoup, on peut aimer qui 
      croise sa vie, mais où Sylvie Germain veut-elle en venir ? On perçoit 
      une certaine jouissance, trop appuyée parfois, dans le plaisir ou 
      la douleur. Qu'est-ce que Sylvie Germain, philosophe, veut dire dans ce 
      livre ?
 JeanneSi je n'étais pas venue vous voir, je n'aurais pas dépassé 
        les 30 premières pages. Ces personnages n'ont pas de consistance 
        psychologique. Sylvie Germain décrit tous ces personnages avec 
        trois signes, elle aligne ainsi les générations, avec une 
        idée d'échelle. Toutes les pages sont bonnes, semblables, 
        elle sait parfaitement écrire. Elle sait empaqueter quelque chose 
        où elle n'a rien à dire. Elle a choisi un plan simple : 
        la chronologie. C'est un livre déversoir de très belles 
        phrases.
 ClaireJe ne suis d'accord en rien avec tout ce que Jeanne vient de dire.... 
        Une des mauvaises tendances de Sylvie Germain est d'utiliser des mots 
        qu'on trouve dans les dictées. Elle tombe parfois dans le cliché 
        (Claire lit le passage de l'arrivée du char qui va détruire 
        les deux frères devenus nazis pour illustrer le trop du style). 
        La scène d'excision de Mathilde c'est too much. Je craignais que 
        Sylvie Germain tombe dans ses excès. Je n'aime pas non plus l'introduction 
        de certains chapitres.
 MAIS j'ai trouvé ce livre extraordinaire. Je n'ai aucun problème 
        de repérage des personnages, ce n'est pas un roman psychologique. 
        Le propos du livre pour moi, c'est le destin d'un individu face à 
        l'histoire. C'est une ode à la fécondité, la vitalité. 
        Sylvie Germain peut introduire le merveilleux avec naturel, avec force. 
        Je n'ai pas ressenti l'essoufflement. Il y a ce superbe passage sur la 
        rose, sur l'école. J'ai adoré ce livre. Je le trouve grandiose 
        par sa puissance d'évocation.
 ChristineJe ne sais pas quoi dire. J'ai un problème avec ce livre, j'aurais 
        pu l'aimer. L'auteure aime écrire, il y a une gourmandise dans 
        l'usage des mots. Les termes abordés m'intéressent, mais 
        le livre ne m'intéresse pas, je ne sais pas pourquoi. Je ne comprends 
        pas la durée du livre, pourquoi tant de jumeaux, tant de prénoms. 
        L'auteure a beaucoup de culture, elle aime le baroque, mais sa voix n'est 
        pas originale, elle rappelle Garcia Márquez, Claude Simon. Son 
        goût pour le fantastique, pour le conte, n'apportent rien de particulier. 
        Elle écrit comment on fait un tableau. J'aime sa violence, mais 
        ce n'est pas particulier.
 
 BrigitteJ'avais lu La 
        Pleurante des rues de Prague il y a quelques mois. J'ai aimé 
        ce livre. C'est l'histoire des mythes des 100 dernières années. 
        C'est parfois artificiel par exemple quand comme elle amène l'extermination 
        des Juifs dans ce récit ; Sainte-Thérèse de 
        Lisieux, autre mythe décrit au travers de l'histoire des femmes. 
        Le propos du livre est de démontrer comment la guerre détruit 
        les hommes. Un père coupe les doigts de son fils pour qu'il ne 
        fasse jamais la guerre. J'ai été intéressée 
        par les prénoms, il y a quelque chose qui se transmet par ces prénoms. 
        J'aurais aimé que le thème de la sédentarisation 
        soit traité avec plus de profondeur. Cela aurait pu être 
        beaucoup mieux encore.
 RozennJ'ai adoré. J'ai fini la première nuit en sanglotant. Je 
        ne m'en souviens pas, mais cela m'est complètement égal. 
        Le côté répétitif m'est égal aussi.
 
 Avis du nouveau 
        groupe parisien réuni, 23 ans plus tard,le 26 juin 2020
 
 Françoise J'ai lu très vite. Entre hier et aujourd'hui. L'auteure a mis du 
        style, qu'on voit travaillé. Au début je me suis demandée 
        "mais à quoi bon ? Au service de quoi ?". Jusqu'à 
        la narration de la Première Guerre mondiale qui est pour moi l'acmé 
        du roman. Après je me suis moins posé de questions. C'était 
        inconfortable. Je suis très mitigée. On a l'impression qu'elle 
        a beaucoup bossé, mais pourquoi ? Je ne l'ouvre qu'à 
        moitié.
 Ana-Cristina
  Les deux premières pages, je me suis dit que je ne tiendrais pas 
        le coup. Et puis il y a eu la première nuit. Et là, le coup 
        de foudre. Le début est magnifique, cette main qui s'ouvre 
 
        ("la terre, alentours 
        d'eux, s'ouvrait comme une paume formidablement plate tendue contre le 
        ciel dans un geste d'attente d'une infinie patience." 
        Puis quelques lignes plus bas, le mot "rouis"
 
        J'ai beaucoup aimé la première nuit. L'écriture de 
        la première histoire est fluide, ne rencontre aucun obstacle, comme 
        écrite dans un super grand souffle. C'est un style d'une grande 
        douceur. Mais on y lit aussi la douleur. J'avais l'impression que les 
        personnages étaient façonnés par la peur et la douleur. 
        J'ai la sensation que Sylvie Germain a travaillé sur la puissance, 
        capable de surmonter la boue et le sang. Il y a une énergie mortifère 
        qui déferle sur les personnages et les sidère. Sauf pour 
        ce qui concerne Vitalie, personnage magnifique. J'ai beaucoup aimé 
        l'épisode des tranchées. J'ai moins aimé les épisodes 
        où le fantastique est trop présent. Même si c'est 
        le côté fantastique qui permet de supporter certaines scènes. 
        Dans la nuit de cendre, il n'y a pas de fantastique. Là j'aurai 
        aimé du fantastique car toutes ces menaces, c'était vraiment 
        dur. Cela m'aurait permis d'ouvrir en entier. J'ouvre aux trois quart
 Il y a plein de très belles images. L'auteure joue avec plein de 
        mythes, les pulsions
 C'est un livre sur la puissance, sur le mal, 
        la souffrance et la peur.
 Margot
  J'ai été emportée par le conte, j'ai bien aimé 
        l'écriture - cela sentait Giono, les contes, la terre
 
        jusqu'à la page 150. Et après
 cela devient improbable 
        cette affaire. Dès la deuxième nuit, les identités 
        commencent à être brouillées. Je venais de lire un 
        essai sur la recherche de la plus petite unité dans les contes. 
        Quelle est la plus petite unité de ce conte ? Est-ce la nuit ? 
        Le corps des femmes ? Le cri ? La gémellité ? 
        Ceux qui fuient les leurs ? Est-ce la guerre ? La poupée ? 
        Les noms ? On ne retenait plus rien. C'est trop, trop touffu. Quel 
        est le registre ? Le registre fantastique, le conte, la légende, 
        l'Histoire de la terre ? Je me suis sentie trahie, ma confiance de lectrice 
        trahie. Je n'ai plus vu que l'emphase, les poncifs, les lieux communs
 
        Tout est léché et cela n'est pas vraisemblable. Le pacte 
        de la vraisemblance n'est pas tenu.
 Arrivée à la Deuxième Guerre mondiale, je jetai l'éponge, 
        ça suffisait. Pas après Rouaud, pas après Cendrars, 
        pas après Céline. Je décide que la plus petite unité 
        doit se regarder du côté de l'inceste. Et cela débute 
        la chaîne du malheur. C'est une unité biblique. Cela m'a 
        gênée. Mais surtout Sylvie Germain a trahi la confiance du 
        lecteur. Pour cette raison, je ne l'ouvre qu'à moitié.
 François
  Je n'ai aucun recul car je viens de le terminer. C'est un roman où 
        les pistes sont très brouillées. C'est un langage très 
        classique, très attiré par le baroque qui justifie le surnaturel. 
        La Bible est aussi présente. Je dirais que la plus petite unité, 
        c'est le nom Péniel, qui fait référence au lieu de 
        rencontre de Jacob avec l'ange.
 Au départ, je me suis laissé prendre. Mais moi aussi je 
        me suis posé la question "Où veut-elle en venir exactement ?".
 La gémellité, le roi des Aulnes de Tournier, le personnage 
        d'Orphée
 tout ça, ça se mélange un peu. 
        Par moment le réel devient mythique. Mais cela devient un peu systématique. 
        Il y a une malédiction que les membres de la famille Péniel 
        essaie de secouer. La référence au non qui devient le nom 
        et revient au non. Avec ces prénoms multiples. Une sorte de cancer 
        du langage avec la prolifération des noms.
 MargotCela fait référence à la genèse.
 FrançoisC'est un roman qui m'a intéressé. Cela rappelle Giono notamment 
        dans Un 
        roi sans divertissement. On passe d'un registre à l'autre. 
        Mais le fantastique prend trop la main. Il y a un côté très 
        corseté. Je l'ouvre à moitié.
 Nathalie
  Ce roman est pour moi une découverte ensorcelante. J'ai été 
        ensorcelée dès les premiers mots. Et même après 
        "le dernier mot" qui "n'existe pas" de toute façon, 
        je suis restée ensorcelée. Je veux entendre et comprendre 
        le cri de Nuit-d'Ambre, 
        roman qui suit celui-ci. Je ne connaissais pas du tout cette autrice. 
        Et je remercie Monique qui a proposé ce roman à notre groupe. 
        J'aime tout dans ce roman que j'ouvre en très grand : le style 
        envoûtant, son incandescence flamboyante, sa poésie, qui 
        rappelle et les textes bibliques et les contes en même temps, les 
        personnages à la fois figures de style et visages de la nuit, les 
        histoires des Mille et une nuit, la beauté des espaces, et bien 
        sûr la douleur. Car la violence humaine ne nous est pas épargnée 
        avec ces trois guerres qui scandent la vie de la famille Péniel, 
        luttant avec l'ange pour extraire de cette terre un morceau de bonheur 
        qu'elle ne cesse de vouloir lui arracher. Le fantastique permet de faire 
        toucher au lecteur/lectrice le merveilleux de la vie en le/la protégeant 
        par sa mise à distance de l'horreur. On ressent le chagrin avec 
        cette distance qui permet de ne pas se laisser envahir totalement par 
        l'émotion et autorise la réflexion sur notre destinée. 
        Celle qui nous touche tous, car nous sommes tous mortels et la mort est 
        rarement belle. Nous venons de la nuit et y retournons. Avec ce passage 
        sur terre qui peut paraître un total non-sens. Pourquoi faire, justement ? 
        Le roman touche à l'invraisemblable mais la vie elle-même 
        ne l'est-elle pas tout autant ? Personnellement j'ai aimé 
        cette profusion de mythologie, mythes, contes, légendes mélangées 
        au "réel" du roman qui ne fait que semblant de l'être 
        et qui se veut sans doute plutôt fable. La genèse est très 
        présente avec ses 7 jours pour la création du monde et de 
        l'Homme (Homme = homme + femme). Le roman est composé de 6 nuits 
        mais la 7e nous attend, je suppose, avec Nuit-d'Ambre, le volume 
        suivant. Mais aussi l'exode, le Deutéronome
 C'est un livre 
        qui se lit et se relit.
 Ana-CristinaIl y a l'idée de strates. L'individu est fait de tout son passé. 
        Chaque personnage se trimballe avec toutes les strates du passé 
        familial.
 FrançoiseSur l'idée de l'identité, il y a le lieu. Elle raconte l'histoire 
        du point de vue du lieu. Tout est empesé du lieu.
 Ana-CristinaÀ partir de quand peut-on considérer que ce n'est plus vraisemblable, 
        pour toi, Margot ?
 MargotJusqu'à la page 200, c'est très équilibré. 
        Après c'est trop souvent heurté. Elle a beaucoup lu Lovecraft. 
        Cela se sent beaucoup trop.
 Ana-CristinaJe crois qu'elle tente de réunir le maximum de choses pour parvenir 
        à la puissance de la douleur. Mais le bizarre induit des interrogations 
        auxquelles on ne répond pas
 Margotalors que là elle répond à tout. C'est exactement 
        ça. Rien ne reste en suspens.
 Ana-CristinaCe qui pourrait éclairer sur le côté catalogue, c'est 
        que c'était une philosophe qui arrivait au bout de ses études 
        avec cette question "Qu'est-ce que je vais faire ?" La 
        seule issue pour elle, selon ses dires, c'était sortir du domaine 
        de l'idée par la fiction. C'est le tourbillon noir qui tient le 
        livre. Tout ce qu'elle va chercher (mythes, religions, contes, fantastique
), 
        c'est pour alimenter ce tourbillon noir.
 Séverine
  (avis 
        transmis) J'ai découvert cette auteure avec ce livre. De tous les prix que 
        ce premier roman de Sylvie Germain a reçu, le Prix du Livre Insolite 
        me semble le plus justifié, tant ce livre est original, à 
        la lisière de plusieurs genres, et laisse une impression d'"extra-ordinaire". Roman-conte,  
        roman-épopée, j'ai été vite ensorcelée 
        par sa prose poétique parfois lyrique et son histoire teintée 
        de réalisme merveilleux. Le style très séduisant 
        et personnel est travaillé sans être artificiel, riche sans 
        lourdeur, inventif, imagé, poétique, souple, et adapté 
        au récit. L'histoire est étonnante et prenante, les personnages 
        forts et attachants, même s'il faut parfois s'accrocher pour ne 
        pas s'emmêler avec ses générations successives d'épouses 
        et d'enfants jumeaux, aux noms composés parfois doublés 
        de surnoms ! Mais le personnage pivot de Victor-Flandrin dit Nuit 
        d'Or-Gueule de Loup permet de franchir les grandes étapes de sa 
        vie tumultueuse, dont la grande histoire infléchit plusieurs fois 
        tragiquement le cours, et de suivre comme chaussé de bottes de 
        sept lieux ce récit mené à grand train, d'un combattant 
        de la vie. J'ouvre grand ce livre qui m'a très vite emportée 
        dans sa magie, d'une grande profondeur sur l'homme et ses tourments, gardant 
        malgré la cruauté du sort une force de vie invincible, et 
        une capacité à donner sens à son destin. Un destin 
        qui s'insère humblement mais nécessairement dans un grand 
        tout, comme l'exprime à la fin du roman 
        (p. 299-300) Victor-Flandrin : "Seule 
        la Terre demeurait la même, immuablement,  corps infiniment 
        millénaire doué d'une force fantastique, prêt à 
        poursuivre sans faillir ses cycles éternels. C'est ce qui apparut 
        à la fin à Nuit-d'Or-Gueule de Loup, aux confins même 
        de son exil immobile. Cela s'imposa d'un coup à son esprit avec 
        une terrible fulgurance un jour qu'il rentrait à travers champs 
        avec une charge de bois sur les épaules. Il s'était arrêté, 
        frappé de tant d'étonnement qu'il en avait eu le souffle 
        coupé. La pensée impossible de Dieu venait de faire retour 
        en son cur. Mais ce n'était plus ce Dieu qui si longtemps 
        avait siégé à l'à-pic du monde, tout là-haut, 
        comme un gigantesque oiseau de feu par -delà toute lumière 
        et le temps et ruisselant une fois l'an sur le front des hommes. Ce n'était 
        pas davantage le Dieu auquel croyait Pauline, ce Dieu de chair et de miséricorde 
        qu'elle priait chaque jour à genoux près du lit de son fils. 
        C'était un Dieu sans visage et sans nom, transfondu dans la terre, 
        fait de pierres, de racines et de boue. Un Dieu-Terre, se dressant tout 
        autant en forêts et montagnes que coulant en fleuves ou encore courant 
        en vents, en pluies et en marées. Et les hommes n'étaient 
        rien d'autre que des gestes plus ou moins amplement déployés 
        par ce corps très obscur enroulé sur son interminable songe. 
        Lui-même, Victor-Flandrin Péniel, qu'était-il sinon 
        ce geste lourd retombant lentement vers les profondeurs de la nuit après 
        avoir décrit quelques courbes inachevées et semé 
        au passage quelques éclats de ce rêve infiniment plus vaste 
        et long que sa propre vie ?"
 Monique
  (avis transmis) J'ai aimé ce livre étrange, troublant, plein d'humanité 
        et de spiritualité, qui interpelle l'histoire de la Création 
        et celle de l'Humanité à travers les siècles. Le 
        roman se passe de la fin du 19e siècle au 20e, des rives de l'Escaut 
        aux terres fertiles de Terre Noire dans le nord-est de la France.
 Les personnages très typés, dotés de singularités 
        étranges, semblent appartenir au monde des légendes, des 
        contes fantastiques, en dépit de leur ancrage dans un environnement 
        aux faits bien réels : uhlans des champs de bataille de la 
        défaite de Sedan, scènes extraordinaires de vérité 
        de la guerre de tranchées de 14-18, horreur des massacres perpétués 
        par les nazis
 Ces personnages sont puissants, ancrés dans 
        leur terroir, vivent en osmose avec leur environnement, la rigueur du 
        climat, le givre, la pluie et le vent, mais ils sont aussi entourés 
        de lumière, une lumière aveuglante qui émane du ciel ; 
        de la neige des routes, et surtout de leur âme, de la puissance 
        de leurs convictions, de leur attachement réciproque, de leur courage. 
        C'est une histoire comme un long et éternel recommencement, à 
        l'image de la vie, une vie archaïque, peuplée de songes et 
        de légendes, une vie de chair et de sang où s'expriment 
        la voix, le cri, la sueur, les passions et l'espérance des hommes, 
        ainsi que leurs croyances, leur lien à la terre, à la nature, 
        aux saisons, aux animaux. On sent une uvre unique, un tout, celui 
        de la Création, qui se perpétue à travers les âges, 
        portant, étroitement mêlés, la vie des vivants et 
        des morts ; car ceux-là, chuchotent encore à leur oreille, 
        tressaillent au fond de leur être, leur font des signes. J'ai eu 
        l'impression d'être plongée en des temps très anciens, 
        aux murs primitives, un temps où les hommes étaient 
        en lien étroit avec la terre et les animaux, où la nature 
        avait la proximité des origines ; alors que l'action se situe 
        il y a un peu plus d'un siècle. J'ai adoré cette façon 
        ancrée, puissante qu'à Sylvie Germain de faire surgir dans 
        l'inconscient du lecteur les images de l'histoire d'une humanité 
        éternellement recommencée ; d'en faire ressentir le 
        besoin profond de spiritualité, à travers le long parcours 
        de vie de personnages simples, habités par la conscience d'une 
        vie plus forte, qui transcende leur propre existence. Le style lent, poétique, 
        épouse la lente progression des chalands sur l'Escaut, se met à 
        l'unisson de ces gens simples, bateliers et paysans, faits de droiture 
        et d'endurance, dont Sylvie Germain entreprend le récit ; 
        un style donnant à voir de façon vivante : les lieux 
        traversés "villes 
        minières, villes drapantes, villes artisanes et commerçantes, 
        dressant à cru leurs tours et leurs beffrois dans le vent monté 
        depuis la mer, là-bas, et s'attestant cités d'hommes graves 
        et laborieux à la face de l'histoire et de Dieu" 
        ; la nature et son empreinte dans le cur des hommes : "Mieux 
        que quiconque ils avaient connaissance des luminosités et des pénombres 
        du ciel , des humeurs du vent et du grain de pluie, des odeurs de la terre 
        et du rythme des astres" ; leur courage face à 
        l'épreuve "Ils 
        se remirent au travail, à mains nues, sans autre motivation que 
        la nécessité de lutter pied à pied contre l'emprise 
        du vide
" Mais c'est l'imaginaire empreint de poésie, 
        de magie, de spiritualité qui traverse le livre, qui en fait un 
        conte philosophique, un sujet de réflexion sur le sens de la vie, 
        que j'aime particulièrement, avec de très beaux passages 
        comme celui des larmes du père qui se figent en perles de nacre, 
        la mort de Vitalie dont le corps se dissout en lumière, la bosse 
        de Benoît Quentin dans laquelle se cache un merveilleux petit garçon, 
        la conquête du loup dont Victor-Flandrin se fait un ami avant de 
        s'endormir dans sa chaleur, le chant du noir qui s'élève 
        dans la tranchée à la mort de ses compagnons, les grains 
        d'or dans l'il de Victor Flandrin qui disparaisse un à un 
        à la mort de ses proches
 Cette magie me semble jouer le rôle 
        de passerelle entre vie matérielle et spirituelle, met en évidence 
        la complexité du monde, ses aspects inconnus, secrets, en devenir.
 Car la spiritualité transcende toute chose dans ce livre. Elle 
        sommeille page après page de lumière en lumière, 
        pour exploser à la fin dans ce très beau passage ou Victor 
        Flandrin découvre le sens profond que revêt Dieu pour lui 
        (Monique cite le même passage que Séverine, voir plus 
        haut).
 Magnifique premier livre de Sylvie Germain que j'ouvre en grand.
     
        
           
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