Nous avons lu pour le 14 mai 2023
année du 150e anniversaire de sa naissance

Colette au choix


Pour ce 14 mai 2023, nous étions 18 à avoir lu Colette :
- en chair et en os (10) :
Agnès, Brigitte, Claire, Flora, Joëlle L, Laetitia, Muriel, Nelly, Patricia, Véronique
- en visio (3) :
Aurore, Joëlle M, Sophie
- par écrit (5) : Léna, Lucie, Marie-Claire, Nathalie, Sandra
Occupées au loin, loin de Colette
(3) : Felina, Marion, Stéphanie.

Les livres que nous avons lus

Antérieurement, deux livres de ou sur Colette avaient été lus dans le groupe :

 

Lu avec Lirelles
 en 2015

 

Lu avec Lirelles
en 2018

Voici tous les livres que nous avons lus pour cette séance,
certains des livres ayant été lus par plusieurs lectrices :

Agnès (Sido)Aurore (Le Blé en herbe)Brigitte (La Naissance du jour, Le Pur et l'Impur) Claire (Un été avec Colette, Le Blé en herbe)Flora (Sido) Joëlle L (La Chatte) Joëlle M (Sido) Laetitia (La Chatte) Léna (Le Blé en herbe) Lucie (Claudine à l'école) Marie-Claire (La Maison de Claudine) Muriel (Un été avec Colette) Nathalie (Sido) Nelly (Chéri) Patricia (Sido) Sandra (Le Pur et l'Impur, Discours de réception de l’Académie Royale Belge) Sophie (Claudine à l'école, Chéri, Sido, Le Pur et l'Impur) Véronique (Les vrilles de la vigne)

         
             
             
      

Les tendances concernant le livre, des groupies aux restées froides

Depuis toujours adeptes de la prose de Colette, et c'est parfois "de mère en fille", cet amour est confirmé : Agnès, Joëlle L, Laetitia, Marie-Claire, Nathalie, Patricia,Véronique.
Ont bien joué avec un seul livre : Aurore, na, Lucie, Muriel.

Mi-figue mi-raisin et ça dépend, capables d'enthousiasme, mais également insensibles au fameux talent de Colette : Brigitte, Claire, Flora, Joëlle M.

Admiratrices de la femme, mais carrément rétives à sa plume : Nelly, Sandra, Sophie.


Nous avons constaté et partagé le plaisir de la formule de cette séance "livres d'une autrice au choix". Conclusion => à renouveler.

La succession des avis

Lucie (dont nous lisons les réactions à haute voix, comme les avis suivants)
J'étais adolescente quand j'ai lu Claudine à l'école, j'avais alors l'âge de la protag
oniste.
J'avais trouvé celle-ci très peu sympathique, son caractère tyrannique et vaniteux m'avait irritée, ça ne m'avait pas plu de la suivre dans ses tribulations de jeune fille. En revanche, je me souviens avoir été très intriguée par la relation à peine voilée entre deux des institutrices. C'était une des premières fois que je lisais un roman où apparaissait une relation lesbienne. J'avais aussi été intéressée par le contexte historique et social de la fin du XIXe siècle, c'était amusant de me représenter des jeunes filles, pourtant de mon âge, face à des problématiques similaires comme les relations amicales et les émois amoureux, tantôt très distantes, comme l'épreuve d'écriture au Brevet.
Je n'ai pas eu envie de relire le livre, en revanche j'ai regardé cette semaine l'adaptation cinématographique de Chéri par Pierre Billon (1950). J'ai été séduite par l'interprétation des personnages et les répliques pleines de verve !

Marie-Claire (depuis la Touraine)
Cent cinquante ans après sa naissance, un hommage a été rendu le 23 janvier 2023 à l'Institut de France à Colette, par des lectures, des rencontres et des dédicaces.
Antoine Compagnon, académicien et auteur d'Un été avec Colette a choisi de nous lire des extraits de La Maison de Claudine, qu'il considère comme une de ses plus belles et attachantes de ses œuvres. C'est après cette lecture que j'ai choisi ce livre pour la séance d'aujourd'hui.
Écrite en 1922, La Maison de Claudine se situe à un moment douloureux de la vie de Colette car elle est durement affectée par sa séparation d'avec Henri de Jouvenel. Elle ressent à nouveau, à l'approche de la cinquantaine, la douleur de la rupture, de l 'abandon et celle de la solitude. Après toutes ces désillusions, Colette éprouve le besoin de retrouver ses racines, de retrouver son paradis perdu de Saint Sauveur, sa maison natale : ''une grande maison bourgeoise de vieux village, entourée de jardins, une maison revêche avec sa porte à clochette d'orphelinat, son entrée c cochère à gros verrous de geôle ancienne''.
Dans cette œuvre, elle nous fait revivre les souvenirs de son enfance heureuse dans sa maison natale, au sein d'une famille unie et aimante entourée des bêtes qui font partie intégrante de la famille. En trente-cinq courtes nouvelles qui se suivent sans ordre apparent, sans ordre chronologique, Colette met en scène les principaux membres de la famille :
- son frère Achille : l'aîné, le séducteur
- son frère Leo : inadapté au monde présent, le marginal
- sa demi-sœur Juliette aux longs cheveux
- le premier mari de Sido : le singe alcoolique
- le père de Colette : le capitaine, le rêveur (aux rêves d'écrivain inassouvi)
- et enfin Sido, la mère qui est le noyau essentiel de l'œuvre.
Plus de dix nouvelles lui sont consacrées, dans lesquelles Colette par petites touches nous dépeint sa personnalité : mère tendre qui donne un amour absolu et indéfectible aux siens, généreuse, dévouée, pleine de vie, mais aussi fantasque, indifférente aux usages, aux contraintes, qui lui a enseigné l'amour de la nature et des bêtes. Les nouvelles "Où sont les enfants", "Ma mère et les bêtes", "Ma mère et le curé", sont de véritables morceaux d'anthologie.
J'ai beaucoup aimé La Maison de Claudine : par la perfection des mots et des phrases, de leur poésie et de leur musicalité Colette a su recréer l'univers magique du paradis perdu de son enfance où on aime se replonger avec délices. Chaque phrase de Colette révèle un travail d'orfèvre. Elle choisit ses mots petites pierres précieuses, qu'elle taille, polit, cisèle.
C'est aussi un peintre, une coloriste qui excelle dans l'art de manier toutes les couleurs de sa palette pour faire d'un paysage, d'un jardin un véritable tableau.
C'est un "nez" qui sait restituer "les odeurs puissantes qui montent de la terre à l'heure de l'arrosage, qui capte toutes les senteurs : celle du vent qui superpose à l'odeur du tabac, l'odeur amère des petites noix véreuses qui choient sur le gazon, et les parfums enivrants des soixante pieds de rose de Sido."
Enfin, c'est aussi une musicienne et une poétesse. La belle évocation de son pays de la Puisaye dans "Les vrilles de la vigne" témoigne bien de son talent poétique : "J'appartiens à un pays que j'ai quitté. Tu ne peux empêcher à cette heure s'y s'épanouisse au soleil toute une chevelure embaumée de forêts. Rien ne peut empêcher qu'à cette heure l'herbe profonde y noie le pied des arbres d'un vert et apaisant dont mon âme a soif... "
Comme André Gide, je dis : "ah ! Combien me plaît la façon d'écrire de Colette. Quelle sûreté dans le choix des mots quel délicat sentiment de nuances et tout cela comme en se jouant à La Fontaine et sans avoir l'air d'y toucher, résultat d'une élaboration assidue, résultat exquis." Pour ma part, je pense qu'elle est une des plus grandes écrivaines de la langue française.
Enfin, s'il y a une vie après la mort, sous quelque forme que ce soit, ne doutons pas un instant que Colette a rejoint le pays auquel elle appartient et qu'elle a réinvesti la maison de Claudine, paradis magnifiquement ressuscitée grâce à des passionnés, des mécènes et collectionneurs généreux.

Nelly (qui avait rédigé son avis que nous avons lu et qui est arrivée en toute fin de séance)
Je me demande pourquoi j'ai choisi Chéri... Parce que l'œuvre était qualifiée d'attachante en quatrième de couverture ? Ou par une sorte d'apriori admiratif, pensant que tous les livres de Colette par son seul nom, étaient bons ? Je me suis ennuyée et j'ai été déçue. J'avais le souvenir de livres plus palpitants ou d'un ton plus léger.
Les personnages de Chéri (Léa la courtisane d'âge mur et son jeune amant) ne sont ni attachants, ni subtils, ni même intéressants.
Le style est tellement alambiqué et les dialogues excessifs que j'ai peiné à comprendre les véritables aspirations des personnages : lequel aime vraiment et lequel est quitté ? On ne sait plus tant règne une forme d'affectation des sentiments, et l'atmosphère mondaine du roman contribue à faire encore plus obstacle à l'expression des motivations de l'une, de l'un, ou de l'autre.
Léa feint le détachement et encourage Chéri à se marier mais on doute qu'il puisse s'agir de grandeur d'âme de sa part. Au détour d'une phrase on perçoit également l'amertume.
Chéri est décrit comme un très beau jeune homme, totalement immature, capricieux, et instable : au regard de son tempérament superficiel, on ne perçoit pas non plus ce que cette histoire lui aura apporté quand il quitte Léa.
Les scènes d'amour ou d'étreinte lascive frisent la vulgarité, on en sentirait presque le parfum capiteux et trop lourd de Léa à travers les pages, et sa manière d'aimer Chéri comme un enfant est dérangeante.
Colette a dû être jugée en avance sur son temps en évoquant ce qu'on nomme aujourd'hui les cougars et autrefois leurs gigolos, mais pour ma part je n'y ai pas vu grand-chose de moderne.

Sandra
Si Colette est pour beaucoup vénérée, l'exemple même de la femme de lettres libre, aux mille vies, pour moi c'est davantage sa vie sociale, son caractère, son succès, qui m'étaient connus que son écriture.
En effet, nous avions lu chez les Lirelles Colette et les siennes de Dominique Bona, qui m'avait plu, j'ai vu le film Colette sorti en 2018 avec Keira Knightley, que j'avais apprécié également, et vu des reportages sur elles, mais jamais un de ses ouvrages ne m'a attirée. Je consultais les titres les résumés, mais le coup de cœur n'est jamais arrivé.
Ainsi, la séance de Lirelles d'aujourd'hui était pour moi l'occasion de percer enfin cet abcès. Mais idem, ni les Claudine, Gigi, Chéri, n'ont aiguisé mon intérêt.
Puis lors d'un échange avec Claire et Agnès, le titre Le Pur et l'Impur a été soulevé et là le résumé m'a intéressée :

"Ces plaisirs…" paraît en 1932. L'ouvrage est remanié et publié en 1941 sous le titre "Le pur et l'impur".
Est-ce par désir d'évasion, bravade ou simple snobisme que l'on fréquente ces fumeries d'opium dont l'adresse se transmet de bouche à oreille entre initiés ? Colette les a visitées, elle aussi, mais en gardant ses distances vis-à-vis de la drogue donneuse d'oubli et finalement l'opium capte moins son intérêt que ceux qui en tâtent.
C'est par le portrait de l'énigmatique Charlotte aux trompeuses vocalises que commence ce récit où se dessinent les silhouettes des chercheurs de plaisir que Colette a rencontrés au cours de sa jeunesse.

Je m'attendais donc à un récit, sur les témoignages de Colette sur ces lieux disparus en France, sur ses observations sur l'opium, l'alcool et autres plaisirs à travers ses années de vie parisienne qu'elle avait connus. Que nenni et quelle déception !
Sur la forme, dès les premières pages, l'écriture m'a paru décousue, non plaisante et le récit discontinu.
Sur le fond, en réalité, Colette fait succéder des portraits de personnes qu'elle a connues ou entendu parler, hommes, femmes, sur le thème de "qu'est-ce que le véritable plaisir charnel", "l'amour", "le véritable désir". Elle compare les expériences d'hommes et de femmes, hétérosexuels ou homosexuels.
Certes je m'attendais à un autre récit, mais ces thèmes auraient pu m'intéresser, si le fil conducteur avait été davantage fluide. Nous passons d'un chapitre à l'autre sans lien, sans accroche. Et la démonstration de ses propos ne m'a pas plu. Je ne nie point l'intérêt que peut avoir cet écrit, mais sa forme m'a déplu et son argumentaire m'a totalement échappé. Même le titre semble loin du contenu et ce n'est qu'à la fin, qu'on comprend un peu où elle voulait en arriver.

Souhaitant quand même davantage connaître le style de Colette, j'ai tenté un autre écrit qui était dans l'édition de la Pléiade que j'avais emprunté à la bibliothèque, son Discours de réception de l'Académie Royale Belge. Rédigé pour son élection à l'Académie en 1936 dans le fauteuil de la comtesse Anna de Noailles décédée en 1933, ce discours m'a davantage plu.
L'écriture est toute autre, fluide, le langage pointilleux et plaisant à lire.
J'y ai découvert une Colette humble, qui s'étonne du succès qu'elle connaît en tant qu'écrivaine, de l'importance qu'elle porte à la nature, à l'amitié, et plus largement à la vie je dirai. Elle semble modeste et affirme que le doute qu'elle porte sur son écriture est normal puisque, selon elle, un écrivain doit toujours avoir le doute de soi, sinon ce n'est pas un bon écrivain, un vrai passeur d'histoires.
Une grande partie de son discours est la retranscription de son admiration pour la comtesse de Noailles, à la fois sur la femme et sur l'auteure. Elle espère donc pouvoir honorer le prestige qu'on lui offre avec cette élection, et affirme sa reconnaissance envers ses paires ainsi qu'à la comtesse.

Ainsi, je ne désespère pas d'apprécier davantage un jour l'écriture de Colette, je lirai vos retours et peut-être que l'une d'entre vous, me donnera l'envie de me plonger dans un de ses écrits.

Véronique (en direct comme pour les avis suivants)
J'ai lu Les vrilles de la vigne
, ce sont des nouvelles
J'aime comme elle fait parler les animaux : Toby-chien, les chattes Kiki-la-Doucette et Nonoche.
J'avais lu les Claudine très jeune et j'en ai de très bons souvenirs.
Elle a ce style si précis quand elle décrit les animaux et la nature qui l'environne ; quand la chatte laisse partir sa progéniture, c'est magnifique. Elle est pleine de vie, attentive à ce qui l'entoure. Sa façon de décrire, la nature, les gens, l'amitié est étonnante.
Dans "De quoi est-ce qu'on a l'air", avec une de ses amies mondaines ayant un amant qui ne l'aime pas, elle se débrouille pour l'endormir : elle se repose ainsi. J'aime comment elle perçoit la nature humaine et ses petits côtés aussi.
Il y a dans mon édition une préface instructive d'Antoine Compagnon qui évoque son rapport avec sa mère qu'on idéalise et j'ignorais qu'elle n'était pas allée à son enterrement.
Quand elle décrit le jardin, je vois tout ce qu'elle décrit et ça m'apaise.
J'adore Colette. Peut-être certains livres ont vieilli ou des relations. Mais j'aime son rapport aux animaux et à la décrit. Elle décrit des choses insignifiantes qui prennent une ampleur superbe.
Chaque nouvelle est dédiée à quelqu'un, ce qui donne envie de chercher pour chacune pourquoi.
Je trouve que pour découvrir Colette, Les vrilles de la vigne, c'est très bien. J'aime beaucoup.

Flora
J'ai découvert Colette par le film Colette sorti en 2018, que j'avais aimé : elle a eu une sacrée vie. Oui, nous avions été, les Lirelles, invitées à une première aux Champs-Élysées et Keira Knightley était présente...
J'avais alors lu
Le Blé en herbe et avais beaucoup aimé.
Pour cette séance, je ne savais pas quel livre lire et en recherchant sur Internet "quel livre de Colette lire ?" Sido est apparu parmi les préférés.
Elle y fait le portrait de sa famille. La nature est présente. La relation avec la mère est un peu sacralisée. Je n'ai pas accroché, je me suis un peu ennuyée et ai fini par lire en diagonale.
Je crois que je n'ai pas fait le bon choix avec ce livre...

Agnès
J'évoquerai une première approche des Claudine, à travers les "feuilletons" télévisés d'Édouard Molinaro, avec Marie-Hélène Breillat dont je garde un souvenir très vif....

D'emblée mon avis sera positif, car j'ai toujours plaisir à lire et relire Colette, que ce soit la série des Claudine, ses autres romans, mais en particulier ses souvenirs, du Paris occupé par exemple et sa recette de gâteau avec le minimum d'ingrédients, et les biographies qui lui ont été consacrées. Je n'ai pas encore lu, en revanche, son abondante correspondance.

J'apprécie évidemment sa proximité amicale et géographique avec Natalie Clifford Barney, rue Jacob au début de son installation à Paris, puis dans le 16e arrondissement près du rez-de-jardin de Renée Vivien, qu'elle a bien connue à la fin de sa vie.
Sa relation avec Missy ne peut pas me laisser insensible, bien que - d'après certaines - elle aurait profité de l'amour et de la générosité de Mathilde de Morny, c'est une ombre au tableau.

J'ai donc relu Sido, un court recueil de souvenirs de sa mère, de son père et de ses deux frères (sa grande sœur étant juste évoquée). J'ai pris beaucoup de plaisir à redécouvrir ces scènes surprenantes, amusantes ou très touchantes : sa mère qui place des araignées dans ses armoires pour leur fonction anti-mites (ce qui m'a valu un effrayant cauchemar la nuit-même !), son père à qui sa famille découvre après sa mort des velléités d'écrivain et des volumes dans sa bibliothèque qui ont un titre seulement suivi de pages blanches, un de ses frères, petit garçon, qui réclame des pruneaux et des noisettes chaque soir, mais qui éclate en sanglots quand il obtient ce qu'il réclamait, parce que son seul plaisir résidait dans l'articulation de sa demande.
Je suis aussi très admirative de la langue de Colette bien sûr et de son pouvoir évocateur, on voit, on sent, grâce à son talent d'écrivaine, chaque scène, nos sens sont en éveil. J'aime la richesse de son vocabulaire et la poésie de ses phrases. J'aime la mise en scène de la nature, des plantes, des fleurs, des paysages, ainsi que des animaux, si finement décrits. J'aime les voyages mentaux qu'elle nous invite à vivre, de la Bourgogne à la Bretagne, et sur la Côte d'Azur.

Vraiment, c'est une très bonne idée de nous avoir laissé le libre choix de l'ouvrage pour cette séance et j'avais hâte de découvrir ceux que vous avez lus et vos avis.

Joëlle M (à l'écran)
J'ai lu Sido. Pourquoi Sido ? En raison de la Sidonie de ma jeunesse... (Aglaé et Sidonie).
Et parce que, comme Flora, j'ai vu que Sido figurait parmi les 5 meilleurs Colette.
Pour ce qui est de l'effet du livre, de l'ennui ou pas..., je me situe entre Agnès et Flora.
J'ai aimé le style : c'est très bien écrit, travaillé, avec un vocabulaire impressionnant ; j'ai beaucoup apprécié la façon de décrire aussi bien les personnes que le jardin.
Si globalement j'ai apprécié le style, cela n'a pas été le cas avec le sujet : j'ai bien aimé la première partie, j'ai trouvé la mère attachante, moins la partie sur le père et encore moins celle sur la fratrie que j'ai lue en diagonale.

Patricia
J'avais été la seule je crois à ne pas apprécier Colette et les siennes de Dominique Bona.
J'avais envie de lire Le Pur et l'Impur, mais suite à mon opération des yeux, j'ai choisi
Sido, plus facile à lire dans l'édition que j'avais, datant de 1988...
J'avais auparavant lu Le Blé en herbe, La Naissance du jour, La Chatte.
À chaque fois que j'ouvre un livre de Colette, j'adore ! C'est fin, spirituel, il y a de l'humour.
J'ai aimé relire Sido : j'ai apprécié la description psychologique du père et de la mère.
Bref, du plaisir !

Brigitte
Que dire de Colette aujourd'hui ? Et d'abord que lire ?
De Colette, j'ai lu dans un autrefois très lointain tous les livres qu'il y avait chez ma mère et que je prenais au hasard chaque fois que je rentrais chez moi et n'avais rien d'autre à lire. Ont ainsi été lus les Claudine, Chéri, Gigi, mais aussi la traduction de la biographie de Colette par Herbert Lottman, que j'ai précieusement conservée dans son édition originale de 1990 et dont j'ai feuilleté de nouveau quelques pages, et surtout les superbes encarts photos. Mais rien là que j'aie jamais eu particulièrement envie de relire.

Plus récemment, en prévision de la séance de Lirelles, j'ai lu La Naissance du jour que j'ai beaucoup aimé, surtout le texte introductif sur le fameux cactus rose dont il s'agit de ne pas rater la floraison rare, donc chère fille, vous ne me verrez pas… texte apocryphe, dit-on, mais tout, quelque part, n'est-il pas apocryphe chez Colette dont on dit (aussi) qu'elle a inventé l'autofiction - un peu comme si Jésus avait suffisamment vécu pour écrire lui-même les évangiles.

Finalement, j'ai choisi Le Pur et l'Impur, par défaut et sans conviction. Le premier chapitre (si chapitre est le terme exact) m'a laissé un souvenir d'ennui mortel : comment peut-on décrire une fumerie d'opium de manière aussi terne, et sans une once d'opium, justement, avec au centre de cet ennui une certaine Charlotte évanescente et sans consistance.
La suite étant de la même eau, j'ai feuilleté de manière de plus en plus agacée quand soudain, et je l'ai noté, c'était page 75, est apparue… Renée Vivien. Et là soudain tout s'éclaire, tout vit : "Elle allait frappée d'une gaucherie angélique et perdait en marchant ses gants, son mouchoir… elle semblait s'effeuiller." J'aimerais tout citer, l'écriture est alerte, le personnage est là, vivant, devant les yeux, partant acheter son bouddha quotidien, et en calèche, voulant rattraper son chapeau que le vent menace de faire envoler, faisant tomber son sac, qui s'ouvre, et laisse échapper des billets "tout froissés"… "Le hasard m'a épargné de la voir mourante."
Exit Vivien, mémorable. Mais voici que Colette nous entraîne quelques pages plus loin dans un autre portrait, double celui-là, qui fait de même feu de tout bois : celui des deux "Dames de Llangollen", Eleanor Butler et Sarah Ponsonby, enfuies de chez elles déguisées en hommes (en 1778) pour aller vivre ensemble dans un petit cottage du Pays de Galles. Fuite d'autant plus scandaleuse que Sarah avait treize ans quand elle connut Eleanor qui en avait trente. Eleanor meurt à 90 ans en 1829 et sa cadette deux ans plus tard, après un demi-siècle de vie commune. Ce sont des célébrités. Mais Colette glose sur leur vie commune, justement, à partir du journal écrit par Eleanor, et elle seule : elle la voit geôlière, protégeant jalousement son amour de Sarah, en veillant qu'on ne vienne pas "la lui prendre". Et finit par un mot d'hommage terriblement ambigu à ces "deux créatures si fermement fidèles à une chimère."
La suite du livre retombe dans une écriture plus terne, sauf quelques rares passages pour revenir sur des personnages hauts en couleur (tels Pépé et Vercingétorix, homosexuels malheureux), mais plus brièvement, en de rapides éclats. Les dernières pages sur la jalousie sont du même ennui mortel que les premières.
Ce recueil disparate me semble, finalement, fort bien refléter l'œuvre de Colette, capable du meilleur et du pire, et d'une page à l'autre.

Aurore (à l'écran)
J'ai lu
Le Blé en herbe et ai bien aimé.
Les dialogues sont très vifs, c'est plein de peps.
L'histoire, cette initiation amoureuse au bord de la mer, donne l'impression d'être en vacances, de revivre nos étés de deux mois...
J'ai bien aimé la modernité du roman : un parcours sentimental et sexuel avec une atmosphère pourtant un peu rétro ; l'image de la couverture est d'ailleurs tirée d'un film des années 50.
J'ai aimé l'amante ("la Dame en blanc") qui apparaît et disparaît, ainsi que le passage de l'adolescence à l'âge adulte.
J'ai apprécié aussi les description des personnages.
Bref, une belle découverte.
Pourquoi j'ai choisi Le Blé en herbe ? Je suis tombée dessus, pas très gros, en poche...
Chez mes parents, ma mère avait tous les Colette...

Joëlle L (qui a lu La Chatte, mais a aussi commencé la correspondance, notamment avec Missy)
L'histoire : voici un résumé sans dévoiler le cœur de l'intrigue, pour les personnes qui n'auraient pas encore lu le livre. Alain est un jeune homme nonchalant qui vit avec sa mère et sa chatte des Chartreux, Saha, dans une maison un peu décatie, mais avec un beau jardin à Neuilly. L'histoire commence une semaine avant son mariage avec Camille, une jeune femme un peu trop moderne. Elle se termine trois mois après le mariage, avec le retour d'Alain chez sa mère. Entre ces deux moments, on suit l'évolution des sentiments d'Alain, les difficultés qu'il a à vivre avec Camille, son manque flagrant de motivation… et ses relations avec Saha.

Le roman : ce livre est un concentré de Colette, on y rencontre :
- un homme faible et féminin / une femme forte et virile (cf. Chéri, Le Blé en herbe…)
- le monde animal (ici une chatte, dont les comportements sont finement étudiés et décrits, les miaulements retranscrits et décodés)
- le jardin.
C'est un court roman d'une construction très classique, avec premier chapitre d'introduction campant la situation, protagonistes identifiés, intrigue linéaire, montée dramatique, résolution. On ne digresse pas, il n'y a pas de personnages inutiles, pas d'anecdote et c'est l'œuvre d'une écrivaine en pleine possession de ses moyens. Colette a 60 ans environ (le roman est de 1933).

Les personnages : l'histoire se joue entre trois personnages, Alain, Camille, Saha. Alain se laisse vivre. Il n'est pas emballé par l'idée de se marier, ni par sa fiancée "Elle est jolie, raisonnait Alain, parce qu'aucun de ses traits n'est laid…" Tout au long du livre, le narrateur prend le parti d'Alain. On est "de son côté", on partage ses pensées, son sommeil ses rêves. Camille au contraire est toujours décrite de l'extérieur. Elle parle et agit, tandis qu'Alain pense.
Camille est d'une modernité agressive, limite vulgaire. La fortune de sa famille est ascendante, tandis que celle d'Alain est déclinante. Camille fume, se maquille, conduit les autos, recherche sexuellement Alain, méprise la vieille maison de Neuilly et veut habiter dans du "moderne", n'a pas peur de l'orage… (contrairement à Alain)
Alain préfère nettement Saha et les deux "femelles" sont sans cesse mises en parallèle dans le récit. Il sait décoder ses miaulements, ses attitudes. Il partage des rituels avec elle (petit-déjeuner). Quand il caresse les cheveux de Camille en dormant il croit caresser Saha : "Elle reçut de lui une caresse inconsciente qui glissant par trois fois sur sa tête, semblait habituée à lisser un pelage encore plus doux que ses doux cheveux noirs." Dans un moment de grande excitation la chatte le mord : "Il regarda sur sa paume deux petites perles de sang, avec l'émoi coléreux d'un homme que sa femelle a mordu en plein plaisir"
Après l'événement qui déclenchera la séparation d'avec Camille : "Il n'était paisible qu'en une partie de lui-même, celle qui ne s'inquiétait plus de Saha".

La séquence de leur premier matin
: Camille se promène nue dans la chambre, ce qui choque Alain. Lui ne se sent ni fier ni à l'aise. On comprend qu'il n'a pas fait merveille. Il reste en retrait et regarde Camille sans émotion. Il lui trouve même "un dos de femme de ménage". Camille de son côté manque totalement de tact et de retenue : "Mais elle accourut, se pencha sur le jeune homme couché et lui apporta, blottie sous ses bras, réfugiée dans l'algue bleu sombre qui fleurissait son petit ventre quelconque, sa vigoureuse odeur de brune".

L'écriture
: Dès ma première lecture, bien ancienne, j'avais été frappée par l'élégance de l'écriture et la capacité à faire jaillir des images, des sons, des odeurs, par le style, par le rythme :
"Alain tourna la tête, sans soulever la nuque, vers la porte-fenêtre béante d'où venait une douce odeur d'épinards et de foin frais, car on avait tondu les gazons dans la journée."
"De longs cris d'enfants montaient de la terre, atteignaient dans l'air le sifflement acéré des hirondelles".
"Seul, il s'effondra dans un fauteuil et près de lui, sur la table d'osier, surgit prodigieusement la chatte".
On dit toujours que Colette était une grande styliste et pour moi elle est au sommet de son art ici. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi ce livre… outre le fait que j'aime les chats.

Laetitia
Pourquoi avoir choisi
La Chatte ? Outre un intérêt pour les chats, j'ai craqué sur la couverture et surtout, lors de l'excellente émission de La Grande Librairie consacrée à Colette, il a été demandé à chaque invité de recommander UN Colette : Antoine Compagnon, que j'avais eu comme prof, a choisi La Chatte...
J'avais lu des Claudine, Le Blé en herbe, Les Vrilles de la vigne. Je me souvenais de l'importance des animaux. J'ai hésité à lire Sido ; c'est sa mère qui lui a appris à regarder les animaux.

C'est une histoire dérangeante, assez cruelle. Ce triangle amoureux m'a intéressée : l'adjectif "triangulaire" revient d'ailleurs quatre fois ; la chambre elle-même est triangulaire...
Oui, ce ménage à trois est assez dérangeant. Alain est plus intéressé par sa chatte que par sa femme Camille. La chatte Saha est constamment personnifiée. Elle est même fantasmée, allégorie, c'est la femme pas encore rencontrée.
C'est très bien mené, bien construit, en peu de pages, jusqu'à cette dernière phrase : "Car, si Saha, aux aguets, suivait humainement le départ de Camille, Alain à demi couché jouait, d’une paume adroite et creusée en patte, avec les premiers marrons d’août, verts et hérissés." C'est assez étonnant, subtil, ce roman de la jalousie, de la rivalité.

Je partage l'avis de Marie-Claire : c'est une très grande écrivaine. Faussement facile. Je me souviens de cours de stylistique qui montraient son travail avec les mots rares, un vocabulaire précieux, précis, par exemple concernant la variété de plantes. Il y a souvent des rythmes ternaires. C'est une sorte de prose poétique où les adjectifs précis ont une importance, bien choisis, postposés, à un endroit et pas un autre...

Patricia
Oui, l'adjectif ajoute parfois une pointe d'humour, renforce un caractère.

Laetitia
C'est
dense, avec une économie de moyens. J'ai beaucoup aimé donc, et aimé avoir redécouvert ce livre dérangeant. J'ai pensé au Chat de Simenon.

Muriel
Justement, Colette a coaché Simenon !
Le livre que j'ai lu raconte en effet : « Directrice littéraire au Matin, elle découvrit Simenon en 1923 et lui fit la leçon : "Vous savez, j’ai lu votre dernier conte. [...] C’est presque ça, mais ce n’est pas ça. Vous êtes trop littéraire. Il ne faut pas faire de littérature. Pas de littérature ! Supprimez toute la littérature et ça ira." Il en prit de la graine : 'C’est le conseil qui m’a le plus servi dans ma vie. Je dois une fière chandelle à Colette de me l’avoir donné', conclut-il. »

Sophie (à l'écran depuis Nice)
Mon groupe de Nice avait programmé Claudine à l'école que j'ai donc lu : il avait été peu apprécié et il est vrai avec des difficultés à le replacer dans le contexte.
J'avais adoré la série des
Claudine d'Édouard Molinaro et avais eu un coup de foudre pour l'actrice Marie-Hélène Breillat ; j'adorais les dialogues que j'avais en tête et que je n'avais jamais lus.
Dans
Claudine à l'école, les descriptions je déteste, ce sont les dialogues que j'aime, piquants. Le reste ne m'intéresse pas, je m'ennuie, je n'ai pas d'émotion.
Chéri, j'ai lu, j'ai écouté plutôt : est-ce le style daté ? Les phrases longues ? Le milieu ? Rien ne me retient
Sido ? Sur la nature, c'est infernal ces descriptions.
Le Pur et l'Impur ? C'est pas intéressant, ces descriptions vues de l'extérieur.
Ce qui me plaît, c'est sa vie, extraordinaire. Et de voir comment Willy, certes pas sympa, fait sa pub et les ventes marchent à fond les manettes.
Colette n'a pas été non plus sympa avec Missy, une sacrée salope, d'autant que c'est elle qui la quitte...
Je rejoins l'avis de Sandra. Je n'ai pas d'émotion, Colette ne rentre pas dans l'intime. Mais elle a une vie extraordinaire.

Muriel
J'ai trouvé Un été avec Colette d'Antoine Compagnon très intéressant, bien écrit ; ça accroche.
Le rapport de Colette avec les autres écrivains m'a vraiment étonnée : j'ai mentionné Simenon, mais elle connaissait Proust qui l'admirait, elle fréquentait Cocteau. C'est un angle d'information original : en général on ne sait pas quels autres écrivains fréquentent les auteur.es qu'on lit.
Par ailleurs, comme dit Sophie, Colette n'était pas un ange...
Une lecture vraiment agréable et intéressante que je ne regrette pas et qui m'a donné envie de lire Colette. Je ne connaissais que Dialogues de bêtes.

Claire
Nous avions déjà lu La Naissance du jour en 2015, nous retrouvant à quelques pas du dernier domicile de Colette donnant sur le Palais royal, pour tenir notre séance au Bistrot Vivienne 2e, ambiance feu de cheminée ce jour-là, avec Colette (feu Colette de Lirelles en était). Si le lieu avait son charme, je me souviens que notre enthousiasme était fort réduit pour le livre : pour moi, c'était déception complète.

J'avais déjà tenté Le Pur et l'Impur et avais eu la même impression d'ennui et de déception. Je ne comprenais pas le titre par rapport à ce que je lisais ni par rapport à la photo de couverture et l'avais vite abandonné.
Trois ans plus tard, en 2018, nous avions lu Colette et les siennes de Dominique Bona, et ce fut un enthousiasme : pour la femme Colette et pour le livre, entremêlant les vies de quatre super nanas ayant vécu ensemble un temps : la grande journaliste Annie de Pène, les actrices Musidora et Marguerite Moreno (voir "Le gynécée de Passy, autour de Colette", Le Monde, 18 août 2015).

Pour ce jour, donc et enfin, j'ai commencé par Un été avec Colette d'Antoine Compagnon : un délice tout du long. Il s'agit à l'origine d'une série de 40 émissions sur France Inter, Un été avec Colette. Ces 40 courts chapitres ne sont que plaisir : très bien composés, avec pour chacun des extraits de Colette parfaitement choisis et mis en valeur, une connaissance très complète des œuvres, un esprit constant, une plume délicate. On balaie la vie de Colette ainsi que son œuvre, c'est d'une grande habilité. J'adore Le Lagarde et Michard qui évite de lire les œuvres mais qui en présente le meilleur...

Ensuite, j'ai voulu reprendre Le Pur et l'Impur : même sentiment d'ennui et de blabla ; mais cette fois, comme j'avais fait auparavant la connaissance de Marguerite Moreno et son intimité avec Colette, j'ai apprécié de la rencontrer ; est évoqué le "péril d'homosexualité" qu'elles constituent, bon. Alors que le livre flirte avec l'essai, il y a une forte dimension autobiographique (je n'ai jamais paru nue sur aucune scène, rectifie-t-elle. On croise Missy, présentée sous le surnom de "la Chevalière", "une femme-homme".
J'ai apprécié ici et là des mots d'esprit : "Ce n'est pas que je me cache, expliquait brièvement la vicomtesse de X, c'est que je n'aime pas me montrer" ; et quand l'automobile remplace le cheval : "Nulle élégance de garage n'a remplacé le chic d'écurie"...
Le chapitre avec le portrait de René Vivien et de son folklore vaut la lecture.
Mais, comme Sandra, tout ça m'a paru désordonné et assez casse-pied.
Il faut attendre la page 106, pour lire les pages sur les Ladies de Llangollen : c'est absolument formidable ! Sur l'amour de ces deux héroïnes audacieuses : fascinant !
J'ai continué sur cette lancée enthousiaste avec un chapitre sur les homosexuels connus grâce à un secrétaire-nègre de Monsieur Willy. Dans ces deux épisodes, se manifestent magnifiquement sa liberté et son style. Le dernier chapitre redevient bizarre et terne.
Donc, bien que j'aime bien les genres indistincts, ce livre m'a paru manquer de genre et être trop désordonné pour être recommandé, hormis les pages remarquables sur les Ladies de Llangollen.

Après ça, j'ai lu Le Blé en herbe que j'avais lu dans le passé (il y a 35 ans ai-je calculé...) et dont je gardais un bon souvenir. Certes, il y a une audace sensuelle et la cougar est fort séduisante, mais la jeune fille donne lieu à ce genre de passage dont je ne sais trop quoi penser sous la plume de Colette : "la soumission qu'elle osait avouer, cette manière femelle de révérer les lares anciens et modestes" ou "la mission de durer, dévolue à toutes les espèces femelles, et l'instinct auguste de s'installer dans le malheur en l'exploitant comme une mine de matériaux précieux" à qui le jeune homme dit à un autre moment "Vinca chérie, tu vois les bêtises que tu dis ! Des bêtises de jeune fille ignorante, Dieu merci !" Ben voyons !

Pour moi, le meilleur fut les lectures... indirectes : Colette et les siennes de Dominique Bona et Un été avec Colette d'Antoine Compagnon.

Après la séance, divers compléments et réactions

Sophie (nous envoie illico presto des liens de films et séries qu'elle avait transmis à son club de lecture à Nice qui avait programmé - et peu apprécié - Claudine à l'école.)

À PARTIR DES LIVRES DE COLETTE
- Claudine à l'école, un film de Serge de Poligny sorti en 1937, d'après le roman de Colette paru en 1900, Claudine à l'école, qui s'éloigne du livre, mais l'écart est intéressant. Le film complet : https://m.ok.ru/video/2963757009496
- Les téléfilms d'Édouard Molinaro que j'adore : Claudine, une série française de 4 épisodes, adaptée par Danièle Thompson des quatre romans de Colette, avec Marie-Hélène Breillat, et diffusée en 1978 sur TF1 : Claudine à l'école, Claudine à Paris, Claudine en ménage, Claudine s'en va. Le 1er épisode Claudine à l'école complet : https://m.ok.ru/video/2002770397890

Sophie ajoute une BD, Claudine à l'école de Lucie Durbiano, d'après le roman de Colette, qui "permet d'éviter les descriptions de Colette et s'attache aux dialogues assez succulents"...

SUR COLETTE
- le documentaire Colette l'insoumise sur Arte, simple avec de chouettes archives : https://www.arte.tv/fr/videos/079398-000-A/colette-l-insoumise/
et, mais sans autre liens que les teasers :
- Colette (2019), biopic américano-britannique de Wash Westmoreland avec Keira Knightley (Colette), Dominic West (Willy), Denise Gough (Missy) que j'ai vu à sa sortie et trouvé fade et chiant (›bande annonce)
- Devenir Colette (1992), film franco-germano-britannique de Danny Huston avec Mathilda May (Colette), Klaus Marie Brandauer (Willy), très américain... (›bande annonce)

Voir également ici : https://www.amisdecolette.fr/ressources/filmographie/

Nathalie a lu Sido
J'ai, bien évidemment, aimé Sido. Car j'aime Colette et surtout l'écriture de Colette.
J'adore le regard qu'elle porte sur les êtres. Je me suis régalée avec toutes les descriptions du jardin de l'Yonne, ce jardin d'Eden aux multiples couleurs et senteurs.
J'ai également aimé Sido, ce sacro-saint pilier autour duquel toute la famille gravite. Cette mère omniprésente et toute puissante qui m'inspire beaucoup. Famille Sacrée faite de la Mère, du Père et des Fils (les filles comptant bien peu...). Une drôle de trinité !
J'ai trouvé cette lecture apaisante sans doute parce que l'écriture est empreinte d'une douce nostalgie.
Confidence : j'aurais aimé connaître Colette ; et j'aurais adoré être aimée de Colette...

Léna a lu Le Blé en herbe
C'est le premier ouvrage de Colette que je lis. Ne sachant pas quel serait son style d'écriture ni si cela me plairait, j'ai choisi Le Blé en herbe parce que c'était l'un des livres les plus courts de sa bibliographie.
J'ai été décontenancée puisqu'on comprend l'essentiel de l'intrigue après quelques chapitres seulement. Le reste ne consiste donc quasiment exclusivement qu'en de longues descriptions des tourments de Phil. Mais j'ai finalement été agréablement surprise, en constatant que chaque chapitre apportait de nouvelles nuances aux personnages.
In fine, j'ai trouvé que Colette avait réussi à décrire avec une grande justesse ce moment de vie si particulier. En traitant de la sexualité des adolescents, elle s'attaque à un sujet délicat, surtout pour l'époque. Je l'ai pour ma part trouvé dérangeant, non pas pour ses scènes érotiques plus ou moins explicites, mais par la banalisation de la différence d'âge entre Phil et la Dame en blanc, qui pose forcément la question du consentement au vu de l'ascendant de cette femme sur l'adolescent. Cependant, Colette aborde en effet l'aspect problématique de ce déséquilibre via les longues descriptions de l'ambivalence de Philippe vis-à-vis de cette relation : il est torturé non seulement concernant sa trahison envers Vinca, mais également par rapport à son irrésistible attraction pour cette femme plus âgée dont les motivations restent floues.

Joëlle L a terminé les Lettres à Missy
J'ai aussi lu les Lettres à Musidora et je suis maintenant en mesure de me prononcer : Colette n'était vraiment pas une brillante épistolière ! Ses lettres sont des bavardages mal construits et rédigés sans soin.

Claire
Après la séance Lirelles, nous sommes allées, Brigitte et moi, faisant partie des mi-figue mi-raisin quant à Colette, écouter une lecture dans la salle des manuscrits (totalement magique) de la BNF rue Vivienne, tout près de chez Colette, dans le cadre de lectures "À voix haute", par Julie Sicard, sociétaire de la Comédie française : elle lisait un extrait de Sido (1929) et de la nouvelle "Ma mère et le fruit défendu" tirée de La Maison de Claudine (1922).
C'était l'occasion de voir si nous étions, pour ces textes autobiographiques-là, du côté des
insensibles (Flora, Sophie, Sandra) ou des conquises (Agnès, Marie-Claire, Nathalie, Patricia, Véronique) ou dans un entre-deux comme Joëlle M.
La comédienne était formidable et donnait parfaitement voix et vie à Colette. Mais les textes eux-mêmes nous ont barbées, quelque peu pour Brigitte, fortement quant à moi, entraînée à certains moments vers la somnolence...
Seule une description m'a vraiment plu : Sido laisse sa fille partir à trois heure et demie du matin - ce qu'il faut quand même avaler question vraisemblance - dans la nature environnante, et la description se termine par deux sources qui m'ont tout à coup réveillée/envoûtée tandis que Brigitte trouvait ça artificiel :

À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion…

Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, – « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais, à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis.

Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et
goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…

Brigitte
J'ai préféré le refus de Sido de donner des fleurs pour l'église et les enterrements :

– Mais c’est pour le pauvre M. Enfert, qui est mort hier à la nuit ! La pauvre Mme Enfert fait peine, elle dit qu’elle voudrait voir partir son mari sous les fleurs, que ce serait sa consolation ! Vous qui avez de si belles roses-mousse, madame Colette…
– Mes roses-mousse ! Quelle horreur ! Sur un mort !
Après ce cri, elle se reprenait et répétait :
– Non. Personne n’a condamné mes roses à mourir en même temps que M. Enfert.

En règle générale, j'ai aimé tout ce qui est spontané, vivant, dans l'évocation de la personnalité de la mère, comme des personnages en général dans son œuvre (et je pense en particulier au Pur et l'Impur), alors que ses descriptions du jardin et autres font devoir d'école et un peu esbrouffe.