Nous avons lu pour le 19 juin 2022

J'ai un tel désir : Marie-Laurencin et Nicole Groult
de Françoise Cloarec

AUTOUR DU LIVRE
Le livre
Repères biographiques
Publications
Quelques images

Et ›NOS RÉACTIONS sur le livre...


LE LIVRE QUE NOUS AVONS LU

Stock, 2018, 300 p.
J'ai lu, 2020, 320 p.
Quatrième de couverture :
Quatrième de couverture :
Marie Laurencin et Nicole Groult, une histoire d’amour peu banale. L’une est une peintre connue, ancienne maîtresse d’Apollinaire, l’autre une couturière talentueuse et créative, sœur de Paul Poiret et mariée à André Groult.
Nous suivons leurs deux destins incandescents dans le Paris de la Belle Époque, de 1907 au début des années vingt, lorsque naît la première fille de Nicole. « C’est toi le père », dira Nicole à Marie. L’enfant s’appelle Benoîte Groult.
Marie Laurencin a épousé un baron allemand juste avant la Grande Guerre ce qui lui vaut un exil de plus de cinq ans en Espagne. Elles s’écriront des centaines de lettres.
Que leur désir réciproque puisse être coupable ne leur vient pas à l’idée, elles existent en marge de l’hypocrisie, naturellement. Elles devancent leur temps, sans autre revendication que leur liberté et leur plaisir.
Entourées d’Apollinaire, Picasso, Braque, Rousseau, Picabia, Roché, elles ne laisseront personne briser leur entente qui durera toute la vie.
« J’ai un tel désir de voir ton visage dans le plaisir, je pense souvent à cela », écrivait Marie Laurencin à son amante Nicole Groult, alors que la guerre les avait séparées. L’une est une peintre connue, ancienne maîtresse d’Apollinaire, l’autre une couturière talentueuse, sœur de Paul Poiret et mariée à André Groult.
Nous suivons leurs deux destins incandescents dans le Paris de la Belle Époque, de 1907 au début des années vingt, qui furent « celles d’une fête perpétuelle ». Que leur désir réciproque puisse être coupable ne leur vient pas à l’idée : elles devancent leur temps, sans autre revendication que leur liberté et leur plaisir.
Entourées d’Apollinaire, Picasso, Braque, Rousseau, Picabia, Roché, elles ne laisseront personne briser leur entente qui durera toute leur vie.

En vidéo : l'autrice présente son livre, site Librairie Mollat, 17 septembre 2018 : https://www.youtube.com/watch?v=8j_atQx5zJI (5 min)


REPÈRES BIOGRAPHIQUES

Née en 1957, après des études à l’École nationale supérieure des Beaux-arts dont elle est diplômée en 1972, Françoise Cloarec s'oriente vers la psychanalyse et soutient une thèse de psychanalyse sur Séraphine de Senlis (Université Paris 7, 1984).
En plus de son activité comme psychanalyste et psychologue clinicienne à l'hôpital de Ville-Évrard (où sera internée Camille Claudel en 1913 !), elle est aussi peintre et a exposé par exemple à l'orangerie du Jardin du Luxembourg en 2000.
Françoise Cloarec est aussi écrivaine. Elle a écrit plusieurs ouvrages sur des femmes artistes (Séraphine de Senlis, Camille Claudel, Marie Laurencin), ainsi que des romans qui évoquent la Syrie, pays qui l'a beaucoup marquée quand elle l'a découvert en 1993 à l'occasion d'une conférence et d'une exposition de ses peintures à Alep.
Elle vit à Paris. A une maison en Bretagne (à Pen-Bé en Assérac).


PUBLICATIONS

- Bîmâristâns, lieux de folie et de sagesse, L'Harmattan, 1998
- Syrie : un voyage en soi, L'Harmattan, 2000
- Le Caravansérail, L'Harmattan, 2002, roman
- Le temps des consuls : l'échelle d'Alep sous les Ottomans, L'Harmattan, 2003
- Désorientée : les routes incertaines, L'Harmattan, 2006, roman-récit de voyage
- Séraphine : la Vie rêvée de Séraphine de Senlis, Phébus, 2008 ; Libretto, 2011. Rappelons que F. Cloarec avait soutenu sa thèse sur cette peintre en 1984. Par ailleurs, nombre d'entre nous avions découvert cette peintre par le film Séraphine, de Martin Provost, avec Yolande Moreau, en 2008
- Storr : architecte de l'ailleurs, Phébus, 2010
- Quand la mer peint, photographies de Monique Pietri, La part des anges éditions, Libourne, 2010
- L'Âme du savon d'Alep, photographies de Marc Lavaud, éd. Noir sur Blanc, 2013
- De père légalement inconnu, Phébus, 2014, roman ; Libretto 2016
- L'indolente : le mystère Marthe Bonnard, Stock, 2016
- J'ai un tel désir, Stock, 2018
- Juliette, l’ombre de Colette, Phebus, octobre 2022, voir ›ici

Si la plupart de ses livres relèvent de l'essai, trois sont des romans :
Le Caravansérail, L'Harmattan, 2002
Désorientée, qui est un roman-récit de voyage, L'Harmattan, 2006
De père légalement inconnu, Phébus, 2014

Elle a un site, où figurent :
- l'ensemble de ses publications :
- ses expositions et des peintures reproduites.


QUELQUES IMAGES

Flora et Benoîte Groult, dans les années 1920, avec leur mère, la styliste Nicole Groult,
sœur du couturier Paul Poiret.


Benoîte Groult et deux de ses filles,
Blandine et Lison de Caunes (assise),
chez elle, à Hyères, en 1988.


Man Ray, Nicole Groult, 1925, Centre Pompidou


Marie Laurencin


Marie Laurencin, Groupe d'artistes, 1908. De gauche à droite :
Pablo Picasso, Marie Laurencin, Apollinaire et Fernande Olivier (compagne de Picasso)


Marie Laurencin, Le poète Guillaume Apollinaire et ses amis, 1909 : Gertrude Stein (les yeux baissés), Fernande Olivier (avec le chapeau), Apollinaire (les mains jointes), Picasso, la poétesse Marguerite Gillot, le poète Maurice Chevrier dit Cremnitz, Marie Laurencin (au piano avec la robe bleue), la chienne Fricka


Marie Laurencin, La femme à la colombe, 1919
Ancien titre : Marie Laurencin et Nicole Groult (à la colombe)


NOS RÉACTIONS SUR LE LIVRE

Ce 19 juin 2022, nous étions 12 à avoir lu J'ai un tel désir et à exprimer nos réactions :
- en direct (7) : Brigitte, Claire, Joëlle L, Patricia, Stéphanie, Muriel et son épouse Jocelyne (participante ponctuelle)
- par un écrit lu pour ouvrir la séance (5) : Agnès, Joëlle M, Lucie, Mathilde, Sandra

Étaient bien prises par ailleurs (10) : Aurore, Felina, Flora, Laetitia, Marie-Claire, Marion, Nathalie, Nelly, Sophie, Véronique.

Les tendances

Les féroces (3) : Brigitte, Lucie, Mathilde
Les
mitigées, positives sans enthousiasme (3) : Agnès, Joëlle M, Stéphanie
Celles qui n'ont boudé ni leur plaisir, ni leur intérêt, tout en admettant des faiblesses (6) : Claire, Jocelyne, Joëlle L, Muriel, Patricia,
Sandra.

On constate aussi une différence entre les informées (Nicole et Marie ? Évidemment qu'on savait !) et les ignares (ah bon ! Marie Laurencin est cette grosse femme dans le tableau du Douanier Rousseau ?! Et la maîtresse d'Apollinaire ! Ah bon, elle a eu une liaison avec la mère de Benoîte Groult ?! On nous cache vraiment tout... etc.)


Henri Rousseau, La Muse inspirant le poète, 1909
Double portrait de Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire

La succession des avis écrits lus à haute voix, puis exprimés en direct

Joëlle M a apprécié sans plus. Voir ›son avis.

• Agnès, un peu comme Joëlle, a bien aimé, mais sans être enthousiasmée. Voir ›son avis.

• Lucie a démarré emballée et a terminé assassine... Voir ›son avis détaillé.


Sandra, plus modérée, a pesé le pour et le contre... Voir ›son avis détaillé.

• Mathilde a rejoint Lucie, avec des arguments virulents.... Voir ›son avis détaillé.

Voilà pour les absentes qui avaient transmis leur avis. La parole est maintenant aux présentes.


Muriel fait partie des... bienveillantes. Le livre lui a plu. Elle trouve que c'est écrit d'une plume alerte : c'est vif, enjoué.
Ce qui lui a beaucoup plu, c'est qu'on est plongé dans le milieu pictural de la Guerre de 14, en passant en revue tous les peintres de l'époque.
L'histoire des deux femmes amies-amantes est étonnante, elles ont des maris qu'on ne voit plus. Si certains passages sont imaginés, c'est bien imaginé, trouve Muriel.
Bref, ce n'est pas vraiment littéraire, mais d'un grand intérêt et très plaisant.

Et puis, Benoîte Groult, Muriel lui a serré la louche à la fin d'un concert, alors...


Joëlle L a relu cet ouvrage pour Lirelles, qui a donc résisté à la relecture, lui permettant d'affiner son intérêt et ses réserves. Voir ›son avis détaillé.

Jocelyne n'a trouvé aucune qualité littéraire, mais du plaisir. Elle a adoré ce grouillement, ce foisonnement de personnages. Elle a été très touchée au moment où les artistes partent au front, Fernand Léger par exemple, par la rencontre avec Marcel Sembat. Marie Laurencin est une personnalité que Jocelyne n'aime pas, qui l'agace, et la peintre ne trouve pas non plus grâce à ses yeux avec ses couleurs pastel, layette, son style mièvre. Elle est particulièrement agaçante au moment de la guerre, par son indifférence, son ignorance, voire sa complaisance. Mais les pages sur l'amour et sa relation n'ont pas laissée Jocelyne indifférente.
Le livre est une succession de petites biographies, courtes. André paraît une personnalité intéressante : généreux, ouvert. Comme le livre évoque des peintres que Jocelyne adore - Picasso, Matisse... - ce fut pour elle un plaisir indirect, grâce à tous ces personnages.


Brigitte fait partie des sévères, très sévères. Voir ›son avis détaillé.

Stéphanie - du fait de nuits difficiles avec Eliott... - n'a pas fini le livre, ce qui n'empêche pas de réagir : des qualités littéraires ? Pas vraiment. Mais le livre ne déplaît pas pour autant car il lui a permis d'apprendre. Elle n'est pas très attirée par les biographies, d'ailleurs c'est la première qu'elle lit. Elle se lit facilement, même s'il n'y a rien de captivant. Les questions relatives à ce que ces femmes pensent, ressentent pourraient relever d'une palpitation qui n'est pas réussie.
C'est inégal. Ainsi, Apollinaire prend une place trop importante - il s'agit davantage de sa biographie que celle des deux femmes...
Cependant Stéphanie va le finir - Marie Laurencin est en Espagne. Et ce livre arrive pour elle parfaitement en parallèle à l'exposition remarquable "Pionnières"
.

Claire
n'épargne pas l'auteure, mais trouve que le livre valait la peine de le lire à Lirelles. Voir ›son avis détaillé.

Patricia qui avait proposé le livre ne semble pas avoir souffert des flèches qu'il a reçues et montre les différentes facettes de la lecture qu'elle en a faite. Voir ›son avis détaillé.

Quelques avis individuels rédigés par leur auteure : AgnèsBrigitteClaire Joëlle LJoëlle MLucie MathildePatriciaSandra

Joëlle M
J’ai rédigé rapidement mon avis sur le livre entre le fromage et le dessert...
J’ai trouvé l’histoire de ces deux femmes très intéressante. J’ai particulièrement apprécié la manière dont l’autrice arrive à nous plonger dans le Paris de l’époque avec tous ces artistes qui interagissent autour des deux femmes.
Mais j’ai trouvé que parfois elle se perdait, en tout cas elle me perdait dans les détails.
Pour faire court j’ai apprécié mais sans plus.

Agnès
Tout ce que je peux dire du livre, c'est que je l'ai lu en 2020, que je lui ai mis "B" comme note (donc je l'ai bien aimé, mais il ne m'a pas non plus enthousiasmée). Par ailleurs, j'ai beaucoup aimé retrouver leur couple peint par Marie Laurencin dans le cadre de l'exposition "Pionnières".

Lucie
J'ai démarré cet ouvrage en étant emballée par l'introduction. Dynamique, alléchante, elle m'a donné envie d'en savoir plus sur les amours de Nicole Groult et Marie Laurencin.
Cependant, au fur et à mesure des pages, mon enthousiasme a été entamé car j'ai trouvé qu'on patinait. L'histoire entre Guillaume Apollinaire et Marie Laurencin m'a lassée, j'ai trouvé que l'autrice y passait trop de temps et qu'elle se répétait beaucoup. De même j'ai trouvé que l'autrice insistait énormément sur les origines bâtardes de Marie et son rapport incestuel avec sa mère (incestuel est un néologisme pour parler des relations qui ont un caractère incestueux, sans qu'il y ait de passage à l'acte sexuel). Ici, il m'est apparu que Marie et sa mère étaient présentées comme en couple, et de dire que Marie voulait séduire sa mère m'a dérangée). J'ai trouvé que l'autrice revenait lourdement expliquer à maintes reprises les comportements de Marie par son rapport symbolique à ses parents et à sa bâtardise, et j'ai trouvé ça pénible car tiré par les cheveux et psychologisant, mais quand je me suis renseignée sur l'autrice tout est devenu limpide : Françoise Cloarec est une psychanalyste...
Avec tout ça, j'ai franchement détesté la personnalité de Marie Laurencin telle qu'elle est présentée, autant que j'exècre sa peinture. Ce coté niais de fausse petite fille naïve me débecte. Et par dessus le marché, j'ai été extrêmement déçue du peu raconté de la rencontre entre Nicole et Marie. Lassée, voire dégoûtée, j'ai abandonné le livre en ayant à peine dépassé la première partie, au moment où Marie est en Espagne avec son baron allemand, pendant la guerre de 14. C'est donc globalement une très grosse déception.
Malgré tout, un peu de positif : j'ai été curieuse de découvrir que Paul Poiret avait des sœurs elles aussi créatrices, dont les livres sur la mode que j'ai pu lire n'avaient pas retenu le nom.
Autre note positive : Je viens de finir Les nuits bleues, d'Anne-Fleur Multon, que j'avais proposé pour le groupe. C'est une très belle histoire d'amour, tendre et érotique, qui naît entre deux femmes à Paris alors que le confinement débute. C'est le début d'un amour, et aussi le début d'une nouvelle vie. Je ne vois pas le rapport avec Ça raconte Sarah, qui est à propos d'un amour entre deux femmes (certes, jusque là la ressemblance est frappante), dont une à le cancer et qui traite de la fin de vie dans la dignité, si j'ai bien compris (je ne l'ai pas lu). Hormis peut-être la forme poétique ?
Et une bonne nouvelle côté traduction : Stone Butch Blues a enfin une version française, disponible en papier au prix de 16€, et gratuitement en version numérique. Peut être une prochaine lecture pour Lirelles ?

Sandra
D'ordinaire, j'apprécie la lecture d'ouvrages documentés mêlant faits historiques et vies de personnalités artistiques (par exemple les livres de Dominique Bona lus au sein des Lirelles ou l'ouvrage des sœurs Berest sur
Gabriële Buffet-Picabia, personnalité mentionnée dans le livre de Françoise Cloarec).
C'est donc avec plaisir, que j'ai trouvé la retranscription dans ce livre de l'atmosphère culturelle et artistique du début du XXe siècle, de l'évocation de noms connus et de personnalités plus ou moins attachantes, qui ont contribué au foisonnement artistique de l'époque.
Ainsi, j'ai vraiment apprécié la première partie de l'ouvrage, me faisant connaître deux personnalités "inconnues" pour ma part. Leur force de caractère, leur indépendance et leur créativité sont très bien décrites. De même, leur coup de foudre et leur relation sans dissimulation sont clairement développés. J'ai également apprécié l'évocation de leurs succès qui malheureusement est oublié de nos jours à mon avis. Puisque hormis ceux et celles "aficionados" de ces deux femmes qui s'intéressent de près à leurs vies, elles ne sont pas autant mises en valeur de leur homologues masculins.
Concernant la deuxième partie de l'ouvrage sur l'exil de Marie, je la trouve trop longue et répétitive. L'attention est portée sur son éloignement de la vie parisienne et sa mélancolie à en faire oublier ce qui se passe chez Nicole pendant ce temps-là.
Puis la troisième partie sur son retour et la fin de sa vie est abordée très rapidement. Dans ces deux parties, la relation de Marie et Nicole est moins détaillé, affinée.
Autre bémol, je ne nie pas les recherches de l'auteure pour cet ouvrage, mais elle cite surtout les filles de Nicole Groult, et n'apporte pas assez d'autres témoignages.
Au final, la lecture fut néanmoins plaisante et intéressante, puisque qu'elle m'a permis de connaître deux créatrices à la volonté de vivre en toute liberté, loin du poids des conventions de l'époque, afin de rester fidèles à leurs idées et leurs passions artistiques.
Reste à chaque lecteur, à chaque lectrice, de poursuivre avec d'autres ouvrages, la connaissance davantage détaillée de leur vie respective, ce livre étant pour moi un "survol".

Mathilde
Que dire ?
J'ai eu le sentiment, en achevant ce livre, que le sous-titre et l'image de la couverture du livre étaient totalement trompeurs… L'autrice aurait plutôt du l'intituler : La vie et les amours de Marie Laurencin durant la 1ère moitié du 20e siècle, tant j'ai eu le sentiment d'être gavée par ses amours avec des hommes (dont Apollinaire, en particulier !) Il faut tout de même attendre, en effet, la page 93 (éd. Stock) avant d'arriver vraiment à la relation entre Nicole Groult et Marie Laurencin.
Sans compter que l'autrice émaille son ouvrage, çà et là, de détails sur les relations sexuelles de certains de ses amis qui n'ont rien à faire ici… Voir ainsi page 209 :

"Extrait du journal d’Henri-Pierre Roché, le 18 avril 1917 :
Première fois chez Louise Norton, Duchamp et moi. Une belle nuit tous les trois où je lui fais un cunnilingus et deux fois l’amour. Je dois aider Duchamp qui réussit ensuite à lui faire l’amour, une fois."

Si on devait faire le compte des pages évoquant réellement la relation amoureuse entre Nicole Groult et Marie Laurencin, on atteindrait à peine 50 pages sur les 300 que compte le livre. La description du milieu artistique où a évolué Marie Laurencin, celle des artistes qu'elle a côtoyé.e.s, où celle évoquant la Guerre de 14-18, sont, bien sûr, FORT intéressantes mais elles noient le propos premier du livre.
De même, j'ai été frappée par :
- la lourdeur du style (nombreuses répétitions, allers et retours pesants), les coquilles (Deux Anglaises sur le continent au lieu de Deux Anglaises et le continent p. 69)
- les notes psychanalytiques que l'autrice distille constamment et qui sont révélatrices de la vision assez limitée qu'elle a de l'homosexualité entre femmes (on sent qu'elle est heureuse que ces deux femmes libres soient très "féminines ")
- l'absence de quelques illustrations associées (ceci étant probablement due à des droits de diffusion trop élevés !)
Restent quelques beaux et trop rares extraits de lettres ou de poèmes échangés entre Marie Laurencin et Nicole Groult (comme celui p. 171 et 172).

Joëlle L
J'avais lu ce livre à sa parution (2018). Je l'ai relu pour cette séance.
Avant de le lire, je ne connaissais pas l'histoire de Marie-Laurencin et Nicole Groult. Seulement quelques vagues notions de l'histoire avec Apollinaire. Sous le pont Mirabeau… et aussi le tableau du Douanier Rousseau "Le Poète et sa Muse". Est-ce que je connais mieux cette histoire maintenant ? Je sais qu'elle a eu lieu, mais je ne suis pas sûre d'en savoir tellement davantage.
Au début, pour moi c'est plutôt confus sur le plan chronologique. Il y a un mélange de personnages et de périodes, je ne m'y retrouve pas bien clairement.
À la fin, c'est aussi assez imprécis.
À partir du moment où les deux femmes s'éloignent, on n'a plus beaucoup d'information sur ce que devient Marie Laurencin. On comprend qu'elle a une domestique qui fait le vide autour d'elle, mais j'aurais aimé comprendre un peu mieux pourquoi. Sénilité de Marie Laurencin ? Emprise de la domestique ? Relation amoureuse envahissante ?
Entre les deux, il manque leur correspondance ou ce qu'il en reste. Mais on n'a pas le droit de la lire et c'est dommage. Parce que j'ai l'impression qu'on comprendrait mieux leur histoire et les relations entre elles et avec l'entourage.
Dans l'ensemble, j'ai trouvé le style haché et peu naturel. Le recours très fréquent aux phrases sans verbe m'a lassée, les passages au présent aussi.
C'est Marie Laurencin qui est la plus connue des deux aujourd'hui, mais je me demande si le personnage le plus intéressant ne serait pas Nicole Groult.
Côté peinture, je préfère Rosa Bonheur à Marie Laurencin, dont je n'ai jamais été vraiment fan. L'histoire des yeux bleus d'Anne Sinclair m'a fait sourire, le double portrait "Femmes à la colombe" (Nicole et Marie, si j'ai bien compris), exposé en ce moment au Musée du Luxembourg, est un peu plus relevé que la moyenne à mon sens, mais sinon, quel ennui cette peinture monotone... Parenthèse : dans l'expo "Pionnières", Romaine Brooks aussi a une gamme de coloris très restreinte :

Romaine Brooks, Au bord de la mer, 1912 (autoportrait)

Mais là c'est soutenu par un dessin puissant, une composition affirmée et on n'a pas du tout cette impression mièvre et fabriquée.
J'aurais aimé aussi mieux connaître la relation entre Nicole et son mari, qui semble atypique et qui aurait mérité d'être davantage décortiquée. Ça ne fait pas de mal de se rappeler que les questions de genre, les rapports de couple, la parentalité… sont des concepts flous, bien plus que ce qu'on nous assène.
Malgré ces réserves, j'ai été contente de lire ce livre parce que j'ignorais tout de cette histoire. Et même si je n'en sais pas beaucoup plus en le refermant, je sais au moins qu'elle a existé.

Brigitte
Je garderai le souvenir d'un livre lu en pestant, après avoir pensé : que voilà un beau sujet ! Car il promettait la découverte d'une histoire aussi insolite qu'attirante et promu comme telle. Mais finalement, les premiers chapitres sont consacrés à Picasso et aux artistes du Bateau Lavoir, au Douanier Rousseau et à Apollinaire, celui-ci surtout, interminablement. Et finalement, 1911, c'est la rencontre, au Salon des Indépendants, et c'est le coup de foudre :

Ce jour d’avril 1911, Marie et Nicole sentent qu’elles vont inventer une façon d’être ensemble, loin des frustrations, des jalousies, des déceptions.
Marie est-elle prête à s’engager sur un autre chemin que celui de Guillaume ? André est-il prêt à faire de la place à Marie ?
Marie et Nicole.
Deux femmes face à face, deux passés différents, un amour qui commence. Marie a compris qu’elle a trouvé en Nicole une famille, un appui, une protection. Nicole, elle, trouve son énergie renforcée par ce presque double.

Marie et Nicole sentent… ou du moins Cloarec sent pour elle, et cette manière de prêter des propos, des sentiments à ses "deux femmes" est récurrente dans cette biographie qui fleure l'eau de rose à plein nez.
Le titre déjà était racoleur, et incitait dès l'abord à un regard critique. On se rend compte au fil des pages qu'il s'agit d'une citation tronquée d'une lettre d'amour de Marie Laurencin à Nicole Groult qui devient un véritable leitmotiv : "J'ai un tel désir de voir ton visage dans le plaisir…" Fantasme ressassé qui paraît être autant celui de Cloarec se mettant dans la peau de son personnage.
On a régulièrement des analyses psy :

Depuis son enfance, elle ne sait pas répondre à la question : c’est quoi être la femme d’un homme ?
Comme si le fil du fantasme inconscient de Marie était que cela ne fonctionne pas avec le masculin parce que sa mère n’a pas pu être la femme légitime d’un homme.

Ce qui est dommage, c'est que, si l'on trouve beaucoup de choses intéressantes sur la vie artistique des années 1910-1920, on apprend très peu de choses sur les époux Groult, et le personnage de Nicole est pourtant au moins aussi intéressant que celui de Marie Laurencin dont on n'est pas forcé d'apprécier la peinture aux éternelles teintes pastel, ni le caractère mièvre et infantile, et encore moins ses idées politiques. Benoîte dit "avoir complètement raté Marie Laurencin", parce que son père ne supportait pas qu'elle trouve les Allemands mieux que les Français. Passés sous silence ou presque sont son engagement aux côtés des Allemands, ses propos antisémites sous le régime de Vichy, son arrestation à la Libération, son passage à Drancy et, à sa sortie, recueillie par nulle autre que… Marguerite Duras.
Il est vrai que Cloarec a dit, en présentant son livre à la librairie Mollat, que "son retour à Paris [de Marie Laurencin] l'avait moins intéressée". C'est la période où Nicole s'éloigne de Marie, son sujet lui filait entre les doigts… Résultat : toute la troisième partie, 1920-1966, est traitée en une cinquantaine de pages rapides, cela donne l'impression d'être un peu bâclé. Marie continue de faire ses petits dessins roses, aux côtés cette fois de Suzanne, adoptée, imposée.
Pour conclure, je n'ai apprécié ni le style, ni la construction, ni la narration...

Claire
Je ne regrette pas que nous ayons choisi le livre en dépit des réserves que j'ai entendues et dont je partage certaines, qu'en tout cas j’ai vite eues quand l’auteure prête des pensées aux personnages - c’est heureusement peu fréquent et l’auteure le signale dans les remerciements : "Tous les évènements sont vrais, quelques pensées à peine imaginées". Pourquoi alors ne pas les avoir supprimées ? Elles n’apportent rien pour moi, tout au contraire : de la méfiance quant à la rigueur.
Autre réserve sans doute due à l’éditeur : pas de table des matières, alors que la liste des titres constituerait une intéressante chronologie, qui ferait sens au profit de l'ouvrage..
Dernière remarque dans le domaine de la frustration : l’absence d’illustrations. À maintes reprises, j’aurais aimé que le tableau évoqué, la personne souvent haute en couleur mentionnée, le décor de spectacle, la robe ou le meuble décrits, figurassent (!) en illustration.
J’ai trouvé le livre bien construit avec des alternances avec des rencontres ou témoignages récents. L’auteure conduit bien son récit à travers une multiplicité de personnes, artistes principalement, qui traversent la vie de Marie Laurencin.
J’ai apprécié qu’elle fasse preuve à la fois d’une admiration et d’une distance sans complaisance, voire appuyée, sur le côté enfantin de Marie : son attitude face à la guerre est scandaleuse, elle a un côté écervelé, tête à claque, et d’une futilité exaspérante. Le clou est lorsqu’elle tombe sur les trois jeunes filles avec une étoile jaune, en sortant d’où ? De chez Maxim’s ! (Benoîte Groult, quant à elle, n'est pas à son avantage, quand elle vend un tableau que Marie Laurencin lui a donné, parce que, la pauvre, manque d’argent pour aller aux sports d’hiver...). Je me serais passée des interprétations psy sur les relations parentales que reproduit de façon inverse Marie Laurencin, même si elles ne sont pas invraisemblables.
On reste étonnée par la force de la relation entre les deux femmes (dont j'ignorais tout), notamment quand Marie est en Espagne. Et de la liberté pour la vivre apparemment. Finalement on est presque soulagée quand la relation se distend alors que l’attitude de Marie dépasse les bornes. Un peu tragique apparaît la main mise de la part de Suzanne qui rappelle la fin de Françoise Sagan.
Ce qui est très réussi dans le livre à mon goût, est d’une part le foisonnement artistique qui nous est donné à vivre, de Gertrude Stein à Cocteau. Apollinaire apparaît extraordinaire. La façon dont la guerre touche les artistes est très bien évoquée.
Et d’autre part, je trouve que Françoise Cloarec réhabilite Marie Laurencin. Elle ne passe pas sous silence les qualifications pas très élogieuses dont sa peinture peut être taxée, mais elle montre à quel point elle fut appréciée et reconnue.
Bref, même si Colette et les siennes de Dominique Bona qu’au demeurant elle cite, me semble dans le même genre indépassable, je trouve que le livre vaut la visite.
Une fois terminés le livre et ces notes, j’ai consulté Wikipedia et ai été soufflée par ce parcours : Beaux-arts et elle peint et expose, thèse de psychanalyse sur Séraphine, psychanalyste et psychologue clinicienne à l'hôpital de Ville-Évrard (où sera internée Camille Claudel en 1913 !), et auteure de livres, notamment consacrées à des femmes peintres. Elle peint et expose et s'est entichée de la Syrie à propos de laquelle elle a écrit aussi des livres. Pas mal ! J'ai regardé une vidéo où elle parle de son livre, pas mal non plus.

Patricia (qui nous avait proposé la lecture de ce livre)
J’ai beaucoup aimé la description de cette époque, du foisonnement artistique, de toutes ces vies extraordinaires que je qualifierais d’époustouflantes !
Concernant l’autrice du livre, Françoise Cloarec, que je ne connaissais pas du tout, j’ai trouvé que c’était une très bonne biographe. Malgré le fait que ce n’est pas un texte littéraire et qu’il y a eu des imprécisions (sûrement à cause du manque de sources), quelques allers-retours dans la chronologie, et des fautes d’édition, j’ai trouvé que ça tenait bien la route.
Je me suis sentie en totale immersion parmi les grands artistes, l’époque, les lieux. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, comparé aux biographies que nous avions lues de Dominique Bona (Colette et les siennes) ou de Mona Ouzouf (L'autre George), par exemple. Il faut dire qu’elle avait l’énorme correspondance échangée à l’époque. Dommage car il manquait celle de Nicole, sans doute Marie Laurencin l’a-t- elle enterrée avec elle comme elle le souhaitait ?
J’ai donc trouvé le livre intéressant, émouvant d’un bout à l’autre, très vivant, avec de l’humour, très agréable à lire, abordant différents plans que j’évoque plus loin, qui ne concernaient pas spécifiquement la relation entre les deux femmes.
Les personnages sont attachants : Marie, malgré ses gros défauts et ses ruminements qui sont assez pénibles, mais aussi Nicole et André qui devaient être de très bonnes personnes. Nicole, quelle femme !
Concernant Marie Laurencin, je l’ai découverte pour la première fois au Musée Marmottan en 2013, ainsi qu’au Musée de l'Orangerie où on y évoque son exil en Espagne avec son mari Allemand. Je savais qu’elle avait eu une relation amoureuse avec Apollinaire et avec la mère de Benoîte Groult. J’avais dans l’idée qu’elle était principalement lesbienne vu que tous ses tableaux ne sont composés que de femmes, (et aussi de chiens, de chats, d’oiseaux...) Mais on voit dans le livre qu’elle a connu aussi beaucoup, beaucoup d’hommes....
Au Musée Marmottan, il y avait en parallèle une exposition de Berthe Morisot. J’avais préféré de loin les tableaux de Marie Laurencin plus modernes. J’ai trouvé à l’époque qu’elle avait du talent et de la personnalité de par son parcours, de la force malgré les couleurs plutôt pastel. J’avais beaucoup aimé cette expo.
Dans cette biographie, on y apprend donc énormément de choses et plein d’anecdotes croustillantes. Tout le monde se mêle des affaires de tout le monde, tout le monde critique tout le monde, tout le monde couche avec tout le monde ; il peut exister de grandes amitiés mais aussi de grandes cruautés. Les critiques sur Marie Laurencin sont terribles et tournent beaucoup autour de son physique, et de son côté excentrique (pas le look artiste, son look bourgeois, un peu vieille France, dérangeait). Elle avait beaucoup de charme malgré tout et j’ai trouvé beaucoup d’humour dans ses écrits, notamment à Apollinaire. Picasso ne la considérait pas comme une grande peintre, en quoi l’est-il plus qu’elle ? Comme dit Marie Laurencin, les cubistes n’ont pas à fournir beaucoup de travail. Elle ne se préoccupait pas des critiques et continuait à être elle-même sans dévier d’un iota. Elle est restée dans ses rêves de contes de fée toute sa vie, selon l’autrice.
Le point frustrant dans cette biographie, c’est la relation entre Marie et Nicole qui devait être le thème principal, et qui ne commence qu’à partir de la page 100 (sur 340) du livre dès leur première rencontre. C’est le coup de foudre, très bien décrit, on adore. Ensuite, on ne comprend pas très bien car Marie Laurencin a toujours des amants et même, très vite, elle se marie. Drôle de relation. Ensuite il y a la guerre, elles sont séparées tout ce temps. Elles se retrouvent seulement dans les années 20 où Marie s’installe chez elle et son mari. Mais très vite, elles ont des amants, et même des demandes en mariage pour Marie... elle reprend une ancienne amante. On ne comprend vraiment pas... Ensuite assez vite elles se "séparent" entre guillemets. Triste et frustrant.
Sur l’époque, c’est le tout début de l’émancipation des femmes à laquelle elles participent de par leur liberté, et aussi de par leur habillement, ce sont des bosseuses. On y voit le chamboulement sur la physionomie des grandes villes, Paris, Madrid. Psychanalyse, littérature, art, etc., c'est très bien décrit.
J’ai bien aimé que l’auteure donne son point de vue psychanalytique sur le côté enfant de Marie Laurencin, c’est vrai qu’elle était tordue : à la fois, fille, mère, père, sœur, ses relations sont très freudiennes. Notamment, l’amant substitut de père et symboliquement Marie veut donner un mari à sa mère. Ou quand elle ne reste pas avec les hommes, comme a fait son père avec sa mère. Elle ne voulait pas d’enfant car elle avait déjà une fille, Nicole (bizarre...). Elle préfère son chien à un homme... Elle adopte une mère, Suzanne Moreau, une gamine de 20 ans.... Tout cela est un peu tiré par les cheveux, mais pourquoi pas.
À mon avis il y avait beaucoup de jeu dans leur correspondance ou malentendus. Par exemple, Marie voulait-elle vraiment jouer le père de Benoîte ?
Un défaut de sa personnalité sur lequel F. Cloarec insiste, c’est que tout tourne toujours autour d’elle dans ses écrits, et elle fait énormément d’autoportraits. On ne voit pas d’empathie de sa part, ce qui ne la rend pas vraiment sympathique.
De la même façon, Marie ne voulait pas voir les choses dures en face, elle les ignorait complètement. Cela a dû la sauver de la dépression dans son enfance, à l’école, face à la solitude, face aux critiques, face aux guerres, etc.
Quelques pensées personnelles annexes que le livre m’inspire :
- Pourquoi Marie n’a jamais eu d’enfants alors qu’elle a couché avec de nombreux hommes, car à l’époque il n’y avait pas la pilule ?
- En France, Picasso et quelques uns (comme Gertrude Stein) faisaient la loi, sur qui avait du talent ou pas, et tout le monde s’y pliait. En revanche, aux USA comme au Japon, ils ont rétabli la juste valeur d’artistes sous-estimés comme Marie Laurencin, Rosa Bonheur et d’autres nombreux artistes.
- On voit la bêtise des gens, qui sont germanophobes, anti-boches, sans se poser la question si c’est un ennemi ou un ami.
- J’ai vu un parallèle avec notre époque, notamment la guerre en Ukraine vs celle de 14/18 en lisant le livre, la rendant plus réelle encore, notamment personne ne croyait à ces deux guerres au départ. Et aussi Covid vs grippe espagnole...
- Gabriële Buffet-Picabia, j’ai fait sa connaissance en lisant le livre d’Anne Berest, La carte postale que j’ai beaucoup aimé. Et j’ai vu le documentaire d’Anne Berest sur Arte que je conseille. Envie de lire le livre fait avec sa sœur, intitulé Gabriële.
- Ce livre m’a donné envie de relire des poèmes d’Apollinaire.