Lirelles


Nous avons lu pour le 12 octobre 2025

des livres d'Amélie NOTHOMB au choix

Les lectrices

Ce 12 octobre 2025, nous étions 13 réagir sur le livre :
- en direct : Agnès, Anne, Claire, Flora, Joëlle, Laetitia, Nelly, Patricia, Sophie de Paris, Véronique
- par écrit : Felina, Marie-Yasmine, Sophie de Nice.
Étaient prises ailleurs : Aurore, Mar, Stéphanie.

Parmi nous, en deux catégories à peu près égales, il y avait les "anciennes" lectrices d'Amélie Nothomb et les "nouvelles" :
- ainsi, s'étaient toujours tenues éloignées de ses livres, indifférentes ou rétives : Anne, Flora, Marie-Yasmine, Sophie de Paris, Véronique
- et en étaient au contraire familières : Agnès, Claire, Felina, Joëlle, Laetitia, Nelly, Patricia, Sophie de Nice.

Par conséquent, parmi les lectrices, on trouve :

- celles qui découvrent, apprécient ou restent réservées, tombant ou non sur le livre écrit pour elles...
- celles qui, au vu de leurs lectures nombreuses, trouvent la production annuelle inégale, parfois enthousiastes et parfois sévères
- et
les inconditionnelles...

Nous avons pris soin de distinguer les livres et l'auteure, car dans le cas d'Amélie Nothomb, la tentation est grande de les mêler...

Voici les couvertures des livres, dans l'ordre chronologique de publication, que nous avons lus à nous toutes, 22 parmi les 34 publiés à ce jour :

La succession des avis

Felina (avis transmis)
Concernant notre auteure de ce dimanche, j'ai lu plusieurs livres d'Amélie Nothomb.
C'est une écrivaine que j'aime bien, mais surtout en tant que personnage. J'aime particulièrement l'écouter en interview : je la trouve incroyablement cultivée et intéressante.
Elle a ce talent rare de rendre captivante la moindre anecdote, même la plus banale.
Elle m'intéresse aussi pour sa passion pour le Japon, que je partage, certes à une échelle plus modeste.
Par contre, je trouve toujours ses romans trop courts ! J'aimerais vraiment qu'elle se lance un jour dans un gros pavé de 500 pages.
À chaque fois, je me sens un peu flouée : j'achète le livre, je le lis en deux heures… et c'est déjà fini !
Cela dit, elle parle et écrit avec une aisance remarquable.
C'est toujours un plaisir de la lire.


Marie-Yasmine (avis transmis)
J'étais familière avec Amélie Nothomb car j'ai lu une poignée de ses romans dans ma jeunesse. J'ai particulièrement apprécié Stupeur et Tremblements mais je me suis vite lassée de son style. Au départ, l'écriture décalée m'a séduite, mais les récits manquent de sens et la narration est un peu monotone.
J'ai choisi de lire Tant mieux, une sortie toute fraîche, pour apprécier son évolution depuis ma dernière lecture (Antéchrista) et pour briller en société en étant à la pointe de l'actualité littéraire.
La lecture a été conforme à mes souvenirs, fluide, facile et rapide. J'ai été un peu surprise par les thèmes qui même s'ils sont abordés avec nonchalance sont tout de même de la pure maltraitance d'enfants et de chats, deux catégories de la population chères à mon cœur. Cela m'a empêché d'adhérer à la légèreté de l'approche.
Je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer, mais je n'en ai pas gardé grand-chose. Les pages d'explication sur son deuil parental à la fin m'ont semblées superflues et sans intérêt.
Je conserve donc mon opinion de départ sur l'œuvre d'Amélie Nothomb, dont j'admire le succès sans le comprendre. Je suis tout de même heureuse de ma lecture car elle m'a permis de ramener ma fraise dans plusieurs diners, et c'est toujours un plaisir.

Flora (avis transmis)
J'ai choisi deux livres de l'autrice Hygiène de l'assassin et Barbe Bleue. Le premier car Claire me l'avait conseillé et le second car je trouvais intéressant de revisiter un conte "de façon moderne / féministe" - je cite.
Résultat, je n'ai pas du tout accroché au premier. Pour l'histoire, nous suivons une succession d'interviews d'un écrivain mourant en fin de carrière. Je n'ai pas compris où ça allait et j'ai abandonné.
J'ai préféré me tourner vers l'autre roman qui lui était très bien. C'est l'histoire d'une jeune femme à la recherche d'un logement dans Paris qui se retrouve en colocation avec un Barbe Bleue des temps modernes. Tout y est : l'humour, le suspens, l'absurde et l'attachement aux personnages. Je le recommande surtout qu'il existe une version en BD
(Barbe Bleue, dessins de Camille Benyamina).

Sophie de Nice (avis transmis)
1. Le titre, la couverture, le nombre de pages de Tant mieux

Son titre m’avait semblé sans sens, voir même un peu ridicule. À la lecture j’ai trouvé ce titre très pertinent, résumant parfaitement la psychologie qu’elle analyse de sa mère, et de son origine. Une sorte de formule magique face à l’adversité.
La couverture : c'est singulier d’illustrer systématiquement un roman par son portrait photographique.
    
Elle a collaboré avec Jean-Baptiste Mondino, Sarah Moon, Pierre et Gilles, Marianne Rosenstiehl, le studio Harcourt, mais aussi Miss.Tic.
À cette occasion, j’ai découvert que Miss.Tic avait réalisé une série sur les femmes de lettres : https://missticinparis.com/archives/expositions-personnelles/femme-de-letre/
Le nombre de pages, une centaine, j’apprécie. Il peut se lire en une fois, j’aime bien, sinon ma vie est coupée par une histoire littéraire. Je n’aime pas. Cela m’éloigne de mon présent.

2. Le contenu
Comme dans tous les livres d’Amélie Nothomb que j’ai pu lire, je suis rentrée très rapidement dans son univers et l’histoire qu’elle décrit. Je n’ai pas compris de suite que c’était un conte de fée, j’ai donc trouvé le comportement de la méchante grand-mère très exagérée, voire grotesque. Ensuite j’ai été ébahie de savoir que rien n’était inventé. J’ai aimé la forme littéraire du conte.
La structure du livre m’a décontenancée. J’étais perdue lors de la rupture avec la narration. Je ne savais plus qui était qui. Je me suis aussi mélangé les pinceaux entre les prénoms de la mère et la fille, Adrienne et Astrid. Je ne savais plus qui était qui. Je pense que c’est intentionnel. Puisqu’on comprend plus tard que la fille est en fait la mère.
J’ai aimé le nom ridicule du chat Pneu.
Je n’ai pas vraiment apprécié sortir du conte. Les explications et analyse du rapport à son père et sa mère m’ont laissée froide. Déçue même. J’avais envie de plus de détails croustillants dans la narration. La rupture de forme m’a déplu. C’était soudain. J’aurais préféré deux livres.

La leçon de vie : J’ai adoré la réponse de la petite fille aux traumatismes infligés avec une vision toujours positive de la vie à l’image de sa formule magique « Tant mieux ». Cette résilience me paraît tout de même assez impossible. Face à autant de cruauté. Mais peut être à l’image de Hansel et Gretel. Ce serait l’amour de ses parents qui lui aurait donné sa force.
L’acceptation du coté hyper sombre de sa mère. Son amour sans faille pour sa mère malgré les horreurs infligées aux chats qu’elle comprend et respecte malgré tout. L’amour exagéré pour sa petite sœur.

J’ai beaucoup aimé le côté double des personnages dans l’amour. Les parents qui s’aiment mais se disputent sans cesse et violemment, chacun.e a un amant.e, chacun.e le sait. C’est à la fois source de conflit mais aussi de lien.
La mère de l’autrice, avec ses deux facettes, aimante, ou mal aimante et cruelle, voir psychopathe avec les chats. L’image des chats enfermés dans un tiroir qui agit comme une guillotine est effroyable. Surtout pour nous, lesbiennes qui aimons tant nos animaux, chats ou chiens !
La pauvre sœur, mal aimée, à qui on fait ressentir son mauvais physique et sa faible intelligence. Qui ne s’aime pas. La petite fille, mère de l’autrice qui a un amour fort pour toutes et tous, exagéré même avec sa petite sœur Charlotte. Mais qui d’un coup est capable de passer à autre chose.
La petite fille / mère de l’autrice est présentée comme une héroïne, avec sa façon d’envisager la vie, "tant mieux", l’amour qu’elle porte à toute sa famille, l’arrêt de la violence physique du père envers sa mère, le coup de poêle sur sa tête, ça ressemble à un dessin animé, drôle mais dans le fond dramatique.

Conclusion : J’ai pris beaucoup de plaisir dans la première partie. Mais beaucoup moins dans la seconde. Même si ses réflexions et analyses très intimes sont intéressantes et peuvent faire écho à nos histoires et deuils familiaux. Et bien sûr le titre est très fort.

3. Les quelques livres que j’ai lus d’elle
10/34, beaucoup moins qu’Agnès, venue il me semble, spécialement pour la séance.
- Hygiène de l'assassin : composé de dialogues d'affrontements socratiques entre un prix Nobel incompris et des journalistes. Philippe Sollers ne le comprend pas. Moi non plus !
- Les Catilinaires (1995) : un voisin - Palamède Bernadin - vient embêter un couple de retraités. Il vient chez eux, s'impose, sans rien dire. C’est drôle.
- Péplum (1996) : Amélie est dans le coma. Elle parle avec un homme du futur, qui l'a kidnappée. On est maintenant au XXVIe siècle. Bof.
- Stupeur et tremblements (adaptation d’Alain Corneau avec Sylvie Testud +++) : j’ai adoré.
- Métaphysique des tubes : j’adore le titre mais je suis partagée.
- Antéchrista : L'histoire d'une fille et d'une copine à elle, qui est en même temps son exact opposé. La victime et le bourreau, en quelque sorte, thème qui sera réutilisé deux ans plus tard. J’ai beaucoup aimé.
- Biographie de la faim (2004) : elle parle de nourriture (un de ses sujets de prédilection), de potomanie, du Japon... Tout me parle.
- Acide sulfurique : émission de télé-réalité qui se passe dans un camp de concentration. Incroyable, il fallait oser.
- Soif : le jugement de Jésus, sa dernière nuit, la crucifixion et la soif. J’ai apprécié ses réflexions sur la soif physique
- Et Tant mieux.

Mes impressions
Les romans : En général j’adore le début, j’accroche de suite, un peu moins le milieu et la fin m’est un peu irritante. J’apprécie son style, phrases courtes, facile à comprendre, simple et à la fois raffiné, le vocabulaire parfois vieillot, son humour noir et décalé, souvent provocateur, ses obsessions (nourriture, relation limite sadique ou de domination, cruauté, les prénoms et noms toujours farfelus) Les sujets traités, inattendus, et trash comme dans Acide sulfurique qui m’a choquée mais que j’ai beaucoup apprécié. Je l’ai trouvé très provocateur mais aussi courageux.
Le personnage d’Amélie Nothomb : Construit. Très théâtrale, style recherché et identique, chapeau noir, rouge à lèvre vif, vêtements noirs style début du siècle, une recherche artistique, qui l’identifie immédiatement. Sa voix snob m’est assez pénible, je pense que c’est travaillé aussi. Je l’ai vue une fois lors d’une interview commencer par déguster un bol de riz et œuf cru en référence au Japon, affirmant que c’était son plat préféré. Surprenant de manger à l’écran. C’est donc un personnage haut en couleur plus qu’une personne.
Elle semble sortie de ces romans. Tout se mélange.

En conclusion : J’aime assez, c’est un de ses livres que je peux emporter pour des vacances reposantes. À la fois facile mais très surprenant. En voyage ce n’est pas possible, elle m’entraîne dans des univers trop singuliers éloignés de ce que je vis. Sauf au Japon.
Merci pour ce choix.


© Jean-Baptiste Mondino

Patricia
J'ai dû lire en tout 4 ou 5 livres d'Amélie Nothomb, dont Psychopompe que je n'ai pas fini et Tant mieux, j'ai vu aussi le film d'animation La métaphysique des tubes que j'ai trouvé très réussi.

J'avais prévu de lire Psychopompe pour Lirelles mais ma nièce me l'a emprunté... Le début de Psychopompe m'avait beaucoup plu, je l'ai trouvé très poétique et très métaphorique, j'attends de le récupérer pour le finir car, pour moi, a priori, c'est un des meilleurs que j'ai lus d'elle.

Du coup je me suis rabattue sur Tant mieux. J'ai bien aimé aussi, quoique complètement différent. Le livre est conçu en deux parties.
Une partie raconte l'enfance difficile de sa mère Adrienne, où elle a utilisé le subterfuge "Tant mieux" pour arriver à supporter l'horreur, histoire sans doute très édulcorée par l'imagination de l'autrice. Cette partie est horrible, mais il y a comme dans tous ses livres beaucoup d'humour et d'extravagance.
La seconde partie est plus personnelle et plus profonde, elle raconte la vie d'adulte de sa mère une fois mariée et mère de deux filles, dont Amélie, jusqu'à la mort de sa mère. Cette partie est très émouvante car je me suis projetée par rapport au décès de sa mère et l'amour inconditionnel qu'elle portait à sa mère. Le style est complètement différent de la première partie, on y sent son émotion, elle se lâche, le style est haché. C'est la partie que j'ai préférée.
Cette seconde partie en dit beaucoup sur Amélie Nothomb. Je comprends très bien pourquoi elle a tardé à écrire sur sa mère et à parler de sa mort. Une sorte de malédiction se transmet de génération en génération chez les femmes de la famille maternelle, qui est une certaine méchanceté (l'arrière-grand-mère qui faisait souffrir les enfants et adorait les chats, la grand-mère qui tuait les chats, et même la mère par moment mais pas toujours, elle avait parfois une sorte d'insensibilité à supporter l'insupportable). En psychologie, on dit souvent qu'un enfant qui n'a pas été aimé, devient à l'âge adulte, souvent (mais pas toujours non plus) quelqu'un de "méchant" lui-même (exemple : Cédric Jubilar). Et j'ai eu l'impression en lisant cette seconde partie, qu'elle essayait de conjurer le sort en insistant et en le répétant, qu'elle avait eu de la chance car elle avait été aimée par ses parents.

Bref, le livre a été agréable à lire comme tous les livres d'Amélie Nothomb que j'ai lus car elle utilise beaucoup l'humour et l'extravagance, pour parler de choses très dures.

Nelly
Avant d'exprimer un avis sur un livre en particulier, je voulais parler du personnage Amélie Nothomb, et dire pourquoi je l'aime bien. Je dois dire que quel que soit le motif de sa présence dans une émission télé (La Grande Librairie par exemple), elle retient déjà inévitablement mon attention. Je trouve que quoi qu'elle dise, il se dégage d'elle sincérité, drôlerie et bienveillance qui va bien au-delà de son apparence fofolle. Oui, c'est une autrice à succès grâce à cette présence fréquente dans les médias et oui, elle en rajoute peut-être dans la loufoquerie, mais elle me touche. Elle a du succès avec des livres qui se lisent facilement : et alors ? J'aime ses déclarations paradoxales, souvent dérangeantes sans pour autant gratuitement provoc. J'aime son style direct, qui donnent à ses histoires une tonalité parfois radicale ou même presque cruelle, mais tant pis, ou tant mieux, comme le souligne le titre de son dernier livre. J'aime sa personnalité spontanée et généreuse. Je suis fan d'une écrivaine star avec ses excentricités et ses boutades de star ! D'ailleurs l'excentricité n'exclut pas la profondeur et même une forme de morale, ou en tout cas de droiture, que je retrouve dans ses histoires.
J'ai donc lu
Tant mieux pour la séance d'aujourd'hui, puisque c'est sa dernière parution. Je l'ai abordé avec un peu plus de retenue que d'habitude, à cause du côté peu ragoûtant des premiers chapitres (ce qui n'est pourtant pas si nouveau chez elle, car j'avais déjà remarqué qu'elle aime bien décrire des choses pas appétissantes). En tout cas, cette rupture avec l'image idéalement gentillette des grands-mères m'a parlé, car j'ai moi aussi connu une grand-mère qui a maltraité sa fille (donc ma mère), mais c'est une autre histoire... Le dernier chapitre où elle nous révèle qu'il s'agissait d'un conte est une façon nouvelle de se dévoiler à ses lectrices et lecteurs.
Pour replonger dans son histoire familiale j'ai pensé intéressant de mettre en parallèle le livre Tant mieux avec Le livre des sœurs, presque réaliste, et assez sec. C'est avec ses façons extrêmes qu'elle nous faire part de son amour pour sa sœur. Ici c'est le groupe de rock qui prend le nom de Pneu, alors que dans Tant mieux c'était le chat : une manie amusante !
Sous une autre forme, au cinéma,
La métaphysique des tubes est un joli et tendre film d'animation.
Amélie Nothomb a abondamment écrit sur sa famille, en cela elle n'est pas bien différente de la plupart des écrivains et donc pas si décalée qu'elle n'en a l'air, c'est ce qui permet peut-être d'adhérer à ses invraisemblances et d'accepter les inégalités de ses publications. En ce qui me concerne je n'ai jamais eu à me forcer pour arriver au bout de ses livres ! Même lorsque je suis déroutée par les rebondissements, je tourne les pages, je sais que l'issue ne sera pas banale, et j'accepte le jeu.


Joëlle

Je trouve la personne très intéressante, j'aime bien ses interventions telles que je les vois sur YouTube ou Instagram. Ce qu'elle dit et la manière dont elle le dit. Mais je suis moins emballée par ses écrits. Pourquoi ?
J'avais lu à leur parution
Hygiène de l'assassin, Le sabotage amoureux, Les combustibles. Puis j'avais laissé tomber, jusqu'à Stupeur et tremblements et après plus rien.
Donc, pour Lirelles j'avais un vaste choix.
J'ai pris quelques titres au hasard, plus
Le sabotage amoureux qui m'avait laissé à l'époque une impression pas claire. C'était l'occasion de clarifier. J'ai donc lu ou tenté de lire, outre cette relecture, Le voyage d'hiver, Psychopompe, Le livre des sœurs, L'impossible retour.
Je passe vite sur Psychopompe, que j'ai laissé tomber car je l'ai trouvé lourd et appliqué. La métaphore des oiseaux était vraiment trop appuyée pour moi. Mais après avoir entendu les avis des lectrices, notamment Sophie, je suis tentée de le reprendre.
Le livre des sœurs, qui est une histoire assez foutraque, m'a bien plu et amusée. J'ai aimé l'humour, souvent noir. C'était à la fois jubilatoire et sinistre. Un vrai conte, où il faut accepter l'invraisemblable. Et un décalage où j'ai retrouvé le ton d'Amélie Nothomb tel que je l'apprécie à l'oral.
L'impossible retour parle, comme je pouvais m'y attendre, d'un retour au Japon et de l'échec des retrouvailles espérées. Une expérience de lecture souvent agaçante, qui me donnait l'impression de lire un article de Elle ou Cosmo, avec des exagérations, des situations caricaturales et un style hyperbolique. Trois exemples, parmi beaucoup d'autres :
"Pep (l'amie avec qui elle voyage) a la phobie du bruit nocturne".
"Je ne peux pas rester. Il y a des acariens. Une minute de plus ici et je meurs".
"À bout de nerfs, l'homme nous conduit…"
Ce qui donne lieu à des situations peu vraisemblables, tel un déménagement d'hôtel en pleine nuit et sans savoir où aller… Autant ça passe bien dans l'ambiance d'un conte, autant ça m'agace dans une histoire qui se veut réaliste.
Le voyage d'hiver présente l'avantage de contenir un "reportage" sur la consommation de champignons hallucinogènes et leur effet. C'est l'histoire d'un type qui ne peut pas concrétiser son amour et décide donc de commettre un attentat (détourner un avion pour qu'il s'écrase sur la tour Eiffel). On y trouve un raisonnement abscons, une psychologie invraisemblable, manquant totalement de subtilité.
Et c'est un trait que j'ai retrouvé dans
Le sabotage amoureux : l'action est située à Pékin, dans le quartier ghetto des diplomates occidentaux. Amélie a 7 ans, elle tombe raide amoureuse d'Elena, une Italienne de 6 ans, qu'elle n'arrive pas à séduire. Devant l'échec de ses tentatives, elle change d'approche et cherche ses vulnérabilités, tout en faisant mine de la snober. Elena devient alors le support de fantasmes plus ou moins sadiques. Longue citation (c'est une seule phrase) : "Oui, ma bien-aimée, tu souffres par moi, ce n'est pas que j'aime ta souffrance, si je pouvais te donner du bonheur, ce serait mieux, seulement j'ai bien compris que ce n'était pas possible, pour que je sois capable de t'apporter du bonheur, il faudrait d'abord que tu m'aimes, et tu ne m'aimes pas, tandis que pour te donner du malheur il n'est pas nécessaire que tu m'aimes, et puis, pour te rendre heureuse, il faudrait d'abord que tu sois malheureuse - comment rendre heureux quelqu'un d'heureux - donc il faut que je te rende malheureuse pour avoir une chance de te rendre heureuse après, de toutes façons, ce qui compte, c'est que ce soit à cause de moi, ma bien-aimée, si tu pouvais éprouver pour moi le dixième de ce que j'éprouve pour toi, tu serais heureuse de souffrir, à l'idée du plaisir que tu me ferais en souffrant." À la fin, la famille est mutée à New-York : "Au lycée français de New-York, dix petites filles tombèrent folles amoureuses de moi. Je les fis souffrir abominablement. C'était merveilleux"...

Quelques remarques générales
Sur le peu que j'ai lu des œuvres d'Amélie Nothomb, je crois avoir remarqué quelques tendances récurrentes :
- une psychologie à l'emporte-pièce, des personnages qui sur-réagissent, vont dans les extrêmes et peuvent agir et/ou s'exprimer de manière grandiloquente (parfois c'est drôle, mais pas toujours). Exemple plutôt drôle : "j'emportai chez moi les livres d'Aliénor. Je les lus à m'en arracher les organes de la lecture qui, dans le cas de ces romans, étaient difficiles à identifier."
- Des coquetteries : glisser des mots rares. J'ai croisé "panadiplose", "lagomorphe", "hapax", "épicène" entre autres. Et le mot "pneu".
- Du name dropping à tour de bras. J'en ai relevé 24 dans Le voyage d'hiver, de Kandinsky à Fidel Castro en passant par Schubert ou Gorgias, 18 dans L'impossible retour dont Al Capone, Baudelaire, Astérix, Virginie Efira…

Mon impression d'ensemble
C'est souvent un peu trop léger. Ça manque de densité, il faudrait travailler davantage. En même temps, ce n'est pas chez Albin Michel qu'on la poussera à être plus exigeante avec elle-même. Et comme ça se vend bien et que ça plaît… Pourtant, quel talent ! Il y a des fulgurances de drôlerie, une belle aisance dans la formulation, mais les idées sont survolées, pas approfondies et le système de la psychologie absurde et caricaturale m'énerve.

Laetitia
(l'avis arrive...)

Véronique
Je n'avais vu que
Stupeur et tremblements, l'adaptation au cinéma avec Sylvie Testud.
J'ai bien aimé L'impossible retour que j'ai trouvé dépaysant ; j'ai eu l'impression de voyager : ce livre tombait bien par rapport à tout ce qu'on vit.
Avec une copine, Amélie Nothomb retourne au Japon : à Kyoto, elle reconnaît tout, et de Tokyo elle a tout oublié. Grâce à une amie française là-bas, elles se promènent là où elle ne se souvient de rien. Le livre pourrait servir de guide au Japon.
Oui, il y a certaines invraisemblances, mais je les ai trouvées drôles car la copine est très autoritaire, y compris sur le personnel japonais qui la craint.
C'est agréable, pas compliqué à lire, avec de temps en temps un mot recherché. C'est plaisant, ça change les idées, j'ai bien apprécié.
Je n'ai pas encore terminé
Hygiène de l'assassin qui m'a décontenancée au début : où voulait-elle en venir avec cette femme qui tient tête au Prix Nobel, un vieux monsieur horrible. Ce n'est pas inintéressant, plus complexe que L'impossible retour.

Claire
J'adore moi aussi le personnage.
J'avais lu quelques années il y a 30 ans - elle avait publié trois livres - et ai retrouvé mes réactions d'alors : ce livre m'a sciée, je me suis dit quelle audace. C'est vrai qu'il y a des invraisemblances, mais… j'étais haletante. J'ai été fascinée par la rhétorique, le fait de tenir par les mots. Quand j'ai fini ce livre, je me suis jetée sur les autres (Les combustibles et Le sabotage amoureux). Dans ces trois livres, il y a une situation extrême. Je trouve cela très attachant. Je la trouve audacieuse.
Avec ceux-là et jusqu'à maintenant, j'ai lu une douzaine de livres d'elle ; certains ont compté comme
Stupeur et tremblements qui nous fait entrer dans un Japon non touristique et Une forme de vie contenant la correspondance avec un soldat en Irak, d'autres m'ont semblé parfois médiocres, puérils même. J'ai lu les deux livres sur ses parents - Premier sang et Tant mieux - qui ne m'ont pas du tout plu ; dans Tant mieux, son dernier livre, j'ai trouvé les 7/8 du livre niais et ennuyeux, et les 30 dernières pages - contrairement à Marie-Yasmine et Sophie - formidables.
J'ai vu récemment La métaphysique des tubes, très joli film, qui m'a donné envie de relire le roman que j'avais complètement oublié Métaphysique des tubes.
J'apprécie son ton, son goût des mots, son audace, son sens de la dérision, son humour, mais c'est lorsqu'ils sont combinés à une gravité que j'apprécie le livre. Je me rappelle l'album biographique que nous avions lu en 2019, Marguerite Yourcenar : portrait intime d'Achmy Halley : elle en signait une belle préface.
Sophie m'a complètement ouvert les yeux sur les couvertures : il y a vraiment une recherche esthétique (la voici sur
›youtube s'expliquant sur les couvertures). Et en plus Joëlle nous apprend qu'elle vient de se produire au Zénith : elle est vraiment incroyable ! Je trouve que son personnage (look, rapport à ses lecteurs, prises de parole, présence théâtrale) est une véritable œuvre, une création.
Je suis curieuse de savoir ce qu'elle fait de sa fortune qui doit être colossale...

Sophie de Paris
Psychopompe : c'est mon premier Nothomb. Peut-être pas celui que l'on m'aurait recommandé de lire en premier, si j'avais demandé conseil ? Je l'ai choisi au feeling. Il était présenté sur l'une des tables de la librairie.
Le mot, d'abord : psychopompe. Quelque chose à voir avec l'au-delà, un peu mystérieux. Ça m'a plu. Puis les quelques lignes de la 4e de couverture. Et il fallait bien choisir. Je ne voulais pas repartir aux origines de l'œuvre en prenant
Hygiène de l'assassin ou Stupeur et tremblements. Je voulais un livre récent. Je ne sais pas vraiment pourquoi.
J'ai résisté à l'attraction d'Amélie Nothomb depuis le début de sa carrière littéraire. On en a beaucoup fait et beaucoup dit à propos d'elle. Le personnage médiatique qu'elle s'est forgé, son maniérisme gothique et les rares interviews d'elle que j'ai vues au cours de ma vie m'ont plutôt donné envie de passer mon chemin. J'ai pensé qu'il s'agissait d'un concept marketing, d'une machine à produire des best-sellers et à arpenter les plateaux de télévision et les soirées littéraires, un verre de champagne à la main.
Il était donc temps que je dépasse mes blocages et mes a priori à propos d'Amélie Nothomb. J'ai commencé à lire Psychopompe un soir de septembre, comme on avale une cuiller d'un médicament amer, en me disant "il faut que j'y passe".
Le livre commence par un conte japonais, à la manière d'Andersen. Et j'ai marché. C'était bien conté, efficace. L'écriture était limpide, sobre comme j'aime. Je me suis dit, un peu surprise, "tiens, c'est un bon début". Puis j'ai fait connaissance avec Amélie Nothomb : "À l'âge de cinq ans, je fus arrachée au Japon." À partir de cette phrase et tout au long du livre, j'ai découvert cette autrice au-delà de l'apparence à laquelle je m'étais arrêtée.
J'ai été sensible à la sincérité avec laquelle elle se raconte, avec une humilité et un recul sur elle-même, cette forme d'auto-dérision qui me l'a rendue sympathique et même proche. J'ai bien sûr été particulièrement marquée par la scène des "mains de la mer" et comment en quelques lignes seulement elle relate le viol du corps et de l'innocence et ses conséquences pour toujours.
Je me suis dit que le choix de ce livre avait peut-être été, finalement, un bon compromis pour découvrir tant l'autrice, sa vie, que son écriture et son talent littéraire.
Et puis il y a le sujet du livre, lui-même, le fil rouge qu'elle tisse à partir de sa passion pour les oiseaux jusqu'à l'envol des âmes, au psychopompe. J'y ai également été très sensible, tant pour ce qui concerne l'univers aviaire qu'elle décrit si bien que pour la relation aux morts et à l'au-delà. Sa conception du lien et du "dialogue" avec les défunts me touche et me parle.
Bref, je reviens de loin. Psychopompe a balayé 33 ans de préjugés et d'indifférence entre Amélie Nothomb et moi. La glace est rompue.

Anne
Pour commencer, je n'avais jamais lu Amélie Nothomb, j'étais donc curieuse de tenter l'aventure.
J'ai choisi Soif en raison de son thème audacieux : faire parler Jésus à la première personne, il fallait oser !
J'ai bien aimé l'écriture, je suis rentrée dans le livre facilement.
L'autrice utilise des métaphores que j'ai trouvées intéressantes. Le fait de boire quand on a extrêmement soif est présenté comme une façon d'être au plus près de Dieu. Aussi, elle compare le pouvoir de faire des miracles avec l'écorce, qui se trouverait juste en dessous de la peau.
J'ai trouvé original le fait de faire parler Jésus, même si j'ai été un peu troublée par son "franc-parler".
En écoutant certaines d'entre vous, cela me donne envie de lire un autre livre d'Amélie Nothomb. J'étais contente de découvrir cette autrice et je ne regrette pas mon choix de premier livre lu.

Agnès
Je suis absolument ravie qu'Amélie Nothomb ait enfin été programmée par notre groupe de lecture ! J'avais déjà lu certains de ses livres (les tout premiers, puis Stupeur, Métaphysique et celui sur son père) et le personnage qu'elle a créé m'est hautement sympathique. J'attends chaque rentrée de La Grande Librairie avec gourmandise pour le plaisir de la retrouver parmi les invité·es. J'aime ses paradoxes, sa fantaisie (ses tenues vestimentaires gothiques) et sa gravité (les sujets qu'elle aborde, l'anorexie, le viol, la mort), l'apparente facilité de ses romans et son érudition, l'aura de mystère (sur sa vie privée) et sa proximité avec ses lectrices et lecteurs.

Pour notre séance, j'ai choisi de lire (ou relire) l'intégralité de ses ouvrages d'inspiration autobiographique, non dans l'ordre de parution, mais dans l'ordre chronologique (de sa naissance à l'âge adulte), dont voici la liste :

- Métaphysique des tubes (de 0 à 3 ans au Japon).
- Le sabotage amoureux (7 ans en Chine communiste et amour pour une petite fille).
- Biographie de la faim (le Japon, la Chine, New-York (très courtisée par des petites filles), le Bangladesh (le viol qu'elle a subi), la Birmanie, le Laos et la Belgique. Pré-adolescence et adolescence).
- Stupeur et tremblements (jeune adulte, le monde de l'entreprise au Japon et sa fascination pour sa supérieure hiérarchique).
- Ni d'Ève ni d'Adam (même époque que le précédent - sa relation avec un jeune homme tokyoïte, moins amoureuse que fraternelle).
- Une forme de vie (sa correspondance avec un lecteur, soldat américain en Irak et obèse, formidable rebondissement à la fin).
- Pétronille (sur une de ses lectrices avec qui elle correspond et également écrivaine - voir plus bas).
- La nostalgie heureuse (avec une équipe de télévision, elle retourne au Japon pour retrouver son ancien "fiancé" 16 ans après leur rupture et son ancienne nounou, Nishio-san).
- Premier sang, mon préféré, sur son père (l'enfance de ce dernier dans la famille Nothomb qui vit dans un château où les enfants sont maltraités et un épisode de sa vie d'adulte, alors consul en RDC lors d'une prise d'otages).
- Tant mieux, sur sa mère, l'ouvrage que j'ai le moins apprécié (sans doute à cause de l'évocation de la cruauté envers les enfants et les chats et également à cause de parties qui me paraissent copiées-collées de l'ouvrage précédent).
- Psychopompe (sur sa fascination des oiseaux, revient sur son adolescence, le Bangladesh, le viol et l'anorexie pendant deux ans, ses débuts comme écrivaine (Bruxelles, Paris), retour au Japon et la mort de son père).
- Le livre des sœurs, qui me paraît être plus un ouvrage de fiction (même si y sont évoqués des thèmes chers à Amélie Nothomb, comme l'amour passionné entre deux sœurs, le rock (métal), la littérature, la communication avec les morts).

Pari tenu, à l'exception de L'impossible retour qui complète cette liste et qu'il me reste à lire.

J'ai apprécié chaque livre (avec un bémol pour le dernier paru). Ce fut un plaisir renouvelé à chaque lecture, une vraie jubilation. Retrouver les thématiques qui lui sont chères, même si elles peuvent paraître répétitives (le Japon, sa nounou Nishio-san, ses parents, sa sœur adorée, etc.), m'a particulièrement plu, ainsi que son humour qui me ravit. J'ai aimé la suivre de pays en pays, et de sa petite enfance à l'âge adulte.

J'ai également beaucoup aimé les pistes de recherches que m'ont offertes ces lectures, par exemple j'ai été intriguée par l'écrivaine qui a inspiré à Amélie Nothomb l'écriture de Pétronille. J'ai découvert qu'il s'agissait de Stéphanie Hochet, autrice d'Armures, que j'ai donc lu et beaucoup apprécié (un ouvrage sur Jeanne d'Arc, Gilles de Rais et composé d'une 3e partie autobiographique), écrivaine ouvertement lesbienne et grande amie d'Amélie Nothomb. Autre piste de recherche (à entreprendre) : dans son dernier livre, Tant mieux, elle parle d'une aïeule apparentée à la famille Van Zuylen, qui se trouve être le nom de la compagne de Renée Vivien, sachant en plus qu'Amélie Nothomb était présente lors d'une cérémonie au cimetière de Passy dernièrement, en l'honneur de Renée Vivien, ma curiosité est hautement piquée !

Par ailleurs, avant de m'engager dans la lecture de ces romans, j'ai vu au cinéma le film d'animation tiré de Métaphysique des tubes, très fidèle à l'ouvrage, et aux images et couleurs magnifiques. Je projette de revoir également le film tiré de Stupeur et tremblements avec Sylvie Testud, de voir Tokyo fiancé (inspiré par Ni d'Ève ni d'Adam), ainsi que le reportage qui avait été consacré au retour de l'écrivaine au Japon en 2012 sur France 5.

J'ai tellement aimé être plongée dans l'univers d'Amélie Nothomb que je vais poursuivre la lecture des 34 livres qu'elle a publiés.


Pour finir, Claire lit des lettres prêtées qu'Amélie Nothomb a adressées à Françoise Delphy venue à Lirelles pour sa biographie d'Emily Dickinson. Extraits : "Ce que votre oncle écrit de vous gamine m'attendrit. Je vous adore." ou "Vous sentez Shakespeare comme personne. J'ai relu passionnément vos impressions sur Hamlet et le Roi Lear. Comme je suis fière d'avoir pour lectrice une femme de votre culture !"...


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