La Lettre à Helga, trad. de l’islandais par Catherine Eyjólfsson

Quatrième de couverture : « C’est au printemps, à la première sortie des agneaux de la bergerie, que j’éprouvais avec le plus d’insistance le désir de te voir ravaler ton orgueil et venir me rejoindre. Et chaque fois que les fleurs de pissenlits s’étalaient dans les prés, des flammes jaunes s’allumaient aussi en un autre endroit… » Bjarni Gíslason, en homme simple, taillé dans la lave mais pétri de poésie, se décide enfin à répondre à sa chère Helga, sa voisine de la ferme d’à côté, la seule femme qu’il aima, aussi brièvement qu’ardemment…

« Un roman lyrique et puissant comme la beauté d’un fjord au petit matin. » Bernard Babkine, Marie France

« Un monologue superbe, aux parfums de vent et de terre. » Catherine Simon, Le Monde des Livres

Bergsveinn Birgisson (né en 1971)
La Lettre à Helga (publication en 2010, traduction en 2013)
Le groupe breton a lu ce livre pour décembre 2025, en complément du manga choisi.
Les cotes d'amour
BrigitteChantal
Marie-OdilePhilippe
Marie-Thé

Brigitte
D'emblée j'ai été attirée par ce livre traduit de l'islandais car j'ai gardé un merveilleux souvenir d'un court séjour en Islande : une douceur ambiante, des paysages surprenants entre la mer, les volcans, les glaciers, les sources d'eau chaude, le jour qui s'éternise (j'y étais en avril), les couleurs des maisons, de la lave, de la neige et de l'eau…
Je n'ai pas été déçue et j'ouvre en grand ce court roman. Superbe découverte que cette Lettre à Helga. J'aurais bien aimé connaître ce vieil homme (90 ans) authentique, être blessé, ô combien sincère et respectueux. C'est un philosophe, un Islandais singulier (ce qu'il revendique p. 103), un homme au grand cœur mais rude comme le climat islandais, rude comme les paysages, rude comme la vie d'un éleveur de moutons ou de pêcheur.
Une longue lettre, réponse à celle d'Helga où le vieil homme clame son amour impossible, son désir inassouvi, sa frustration au crépuscule de sa vie. Je me dis rapidement pourquoi attendre la fin d'une vie ? Heure des bilans au bord de la tombe comme il le dit p. 128 ? Pas seulement… Je trouve une réponse dans le dernier chapitre. Passage que je trouve émouvant.
La lettre, monologue, est une confession touchante, sensible, parfois poétique. Les souvenirs remontent. Sans pudeur, il les livre au lecteur. Je ne retiens pas de la violence mais beaucoup de tendresse, de l'humour, de l'émotion. En exemple la scène décrite quand avec ses jumelles il guette sa fille p. 82. Au crépuscule de sa vie, se sent-il prisonnier de cet amour secret et de ce choix de rester dans la campagne islandaise, qu'il argumente entre autres par sa peur de ne pas être à la hauteur p. 78, par le refus de vivre parmi ces "gens de la ville" p. 95-96 qu'il n'aime pas p. 101.
Il raconte son dur labeur dans la campagne dès son enfance p. 85 auprès des bêtes qu'il adore. Il raconte la pêche, sa fierté à travailler le bois. Il se montre philosophe et avant-gardiste p. 87, p.100-101… un brin écolo. Il raconte sa relation avec sa femme qu'il respecte ; cette dernière est déchirée par une mutilation chirurgicale qui l'a rendue stérile et se noie dans le travail d'éleveuse.
Pour conclure : un livre que je relirai.
Chantal
Cette lecture fut bienvenue après le manga ! Elle s'accordait bien avec notre automne tristounet, gris, pluie, vent, breton quoi ! je suis partie tout de suite au fin fond de l'Islande, dans ce village perdu dans les années 45-80, avec ces gens dont je comprends le langage, les façons de voir la vie, le quotidien qu'il faut assurer coûte que coûte.
Cette lettre à Helga de Bjorn, vieux monsieur de 90 ans, très belle, est surtout une re-visite de son passé, de toute sa vie. Elle m'a émue, vraiment.
J'ai aimé, tout au long du livre, le mélange, du réalisme le plus "cru", avec la poésie des descriptions de sa Terre, ses réflexions, ses doutes (ai-je bien fait ?).
J'ai ressenti sans cesse une douceur, une tendresse, une bienveillance, pour ses voisins villageois, sa femme, et bien sûr cette passion dévorante, contrariée, pour Helga !
Il mêle les formes des paysages, les corps des moutons, le corps d'Helga... choquant, sans doute, mais tellement "vivant" !! Passion narrée "en chair et en os".
Même dans la scène avec l'agnelle qu'il finit par tuer, tellement coupable qu'il est !
J'ai ri à plusieurs reprises, par exemple avec le cadavre de la femme de Gisli qu'ils vont chercher à la rame dans un îlot et qu'ils oublient, pressés par la tempête qui vient et... par l'alcool - cadavre fumé par son mari !
J'ai souri de la mauvaise foi de Bjorn, quand il dit et répète à Helga : "c'était TON choix" - facile... - et sa haute opinion de lui-même pour tout ce qu'il a accompli : un brin macho...
J'ai aimé la discussion sur le mythe de Sisyphe -, analyse des intellos et celle réaliste des paysans - et l'évocation de la société de lecture où Bjorn va chercher des livres. Je suis toujours intriguée de constater le grand nombre d'écrivains pour un si petit pays de 387 000 habitants.
Bref, j'arrête. J'ai tout aimé, je l'ouvre en grand (et je remercie Marie-Thé de l'avoir proposé, même si elle culpabilise...).
Marie-Odile
J'ai découvert un texte où alternent retenue et débordement à plusieurs niveaux :
- la lettre elle-même, longuement méditée avant d'être écrite.
- la relation amoureuse, contenue dans l'air (au point que la rumeur la fait exister, lui donne corps) avant qu'elle n'explose et se concrétise
- la sexualité débordante, exaltante lorsque vécue, douloureuse lorsque retenue, au point d'exploser dans des scènes inattendues
- l'écriture elle-même, empreinte d'une certaine pudeur, sincérité, simplicité qui contraste avec la force du contenu et qui débouche parfois sur des pages d'accumulation poétique.
Ce qui m'a le plus frappée, c'est la proximité, l'immersion, l'identification même parfois avec le monde animal.
Les barrières entre les différents règnes s'effacent parfois.
Pour moi, il y a là quelque chose d'archaïque qui donne sa particularité et sa force au récit.
Impression d'être à la fois dans du terre à terre et dans du quasi mythologique. J'ai bien aimé que ces deux aspects se côtoient.
Ce récit me semble construit sur l'opposition Helga/Unur, plaisir/résultat, fécondité/stérilité.
J'ai moins aimé les réflexions peu originales opposant passé/présent, campagne/ville, même si elles s'inscrivent dans un questionnement sur une société en mutation vers un capitalisme néfaste.
J'ai aimé la simplicité du récit de certaines scènes, drôles parfois, comme l'oubli du cadavre, la bienveillance du regard porté par le narrateur sur pratiquement tous les autres personnages.
J'ai trouvé triste la fin de l'histoire avec ces tentatives de rapprochements ratées toujours et surtout à l'opposé de cette énorme pulsion de vie qui anime la première partie. Approche de la mort ?
J'ouvre 3/4.
Philippe
On part de loin dans ce roman islandais, qui débute par une histoire de relation d'attirance sexuelle adultérine entre adultes consentants dans les années quarante, pour se terminer plus d'un demi-siècle plus tard par une déclaration d'amour de Helga pour Bjarni, dans un courrier dont nous n'avons la révélation qu'à la fin du roman.
Comme souvent dans cette situation, l'annonce de l'arrivée d'un enfant non désiré met fin à une relation purement physique. En 1942, cette procréation sans prévention est tout sauf une surprise avec une femme déjà féconde. Bjarni, lui, est rassuré sur sa fertilité, alors que son couple est stérile. Par loyauté, il refuse de quitter son épouse Unnur et de suivre Helga et ses enfants à la capitale.
Bjarni va refuser d'assumer sa paternité et comme mécanisme de défense à sa douleur réelle, il va se construire une haute estime de soi : il est le meilleur éleveur, le meilleur pêcheur, le meilleur mécanicien, il apporte son aide à ses voisins.
Pourtant, la première fois qu'il voit sa fille âgée de trois ans qui lui saute au cou, sans qu'il puisse lui révéler être son géniteur, le conduira -, on l'apprend à la fin du livre -, à faire une tentative de suicide, suivie d'une longue période dépressive. Après le divorce de Helga, Bjarni fera une tentative de rapprochement, qui sera un échec.
La construction du roman est très bien imaginée. La forme épistolaire m'a paru intéressante, même si le monologue très introverti du vieil homme, pas toujours sincère selon moi, m'a agacé parfois, tout en imaginant pas à pas les sentiments de Helga, qui nous sont livrés à la fin de façon un peu brute. Mais c'est un roman court !
Pour Voix au Chapitre, je garde ce roman ouvert aux trois-quarts.
Marie-Thé
J'ouvre au ¼ ce livre, pour l'Islande.
C'est moi qui l'ai proposé au groupe, je l'avais lu et aimé il y a 10 ans. J'en gardais un bon souvenir, un peu genre Lady Chatterley en terre d'Islande.
Je l'ai donc relu et je me demande avec stupéfaction comment j'ai pu aimer ça. J'ai beaucoup regretté de l'avoir conseillé, évidemment.
Aujourd'hui ce livre m'apparaît grotesque, dérangeant, cru, etc. Je n'aime pas du tout la lettre de ce vieux bonhomme revenant sur ses galipettes d'antan.
Je ne supporte pas ces parallèles femme (Helga) et brebis, etc. Je ne m'étendrai pas sur toutes ces palpations de mamelles, de toisons, on atteint quand même des sommets avec l'agnelle sacrifiée. On n'est pas des bêtes quand même. De "la plénitude de l'échine" d'Helga à son corps tout entier : "Blanche comme la femelle du saumon", à ses baisers "encore plus doux, plus voluptueux", que le jus des arêtes de morue et le bouillon gras... La découverte du corps dénudé d'Helga procure à Bjarni un émerveillement comparable à celui qu'il a ressenti à l'arrivée de son tracteur, "cette merveille éclatante" (p. 61, faut le lire pour le croire). Même les collines rappellent les formes d'Helga à ce Bjarni au corps ravagé par le désir, mais je ne suis pas sûre qu'il l'aime vraiment. Cependant, lorsqu'il est question de suivre Helga à Reykjavik, je comprends tout à fait son renoncement : "Renoncer à moi-même, à la campagne et au travail de la terre auquel je m'identifiais, ça, je ne pouvais pas." Mais avec la lettre d'Helga restée sans réponse, Bjarni est passé cette fois à côté de l'amour. Helga n'est plus, trop tardive aussi la lettre qui nous concerne aujourd'hui.
Je n'ai pas du tout aimé la femme morte et fumée comme un gigot ou un poisson. Mais je retiens ceci : "Même si l'on dit souvent que c'est dur de vivre là-haut, dans le nord, en hiver, c'est encore bien pire d'y mourir."
J'ai aimé certaines évocations : "les gens cachés dont je sentais la présence étaient évidemment ces êtres surnaturels", "ces anciens lieux de sortilèges". On croit aux fantômes...
À la fin, là où il est question de Christophe Colomb, de Voltaire, etc. sous la plume du paysan islandais, je décroche, tout me glisse dessus, comme l'eau sur les plumes d'un canard.
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais je pense que j'ai déjà passé trop de temps à parler d'un livre que je n'ai pas aimé.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

 

Nous écrire
Accueil | Membres | Calendrier | Nos avis | Rencontres | Sorties | Liens