Pour les deux livres d'André Maurois que vous avez illustrés, Patapouf et Filifers et 1992, quels ont été vos rapports avec lui ?

André Maurois avait apprécié mes albums, et avant eux un livre pour enfants intitulé Pif et Paf, montrant les mauvaises farces commises par un gros garçon et un maigre. Il se disposait alors à écrire, pour les jeunes, un conte pacifiste (c'était bien avant Hitler) ou deux peuples qui, après s'être fait la guerre, en constateraient la stupidité et vivraient désormais en paix. Sans doute est-ce Pif et Paf qui lui a suggéré ses deux jeunes garçons, un gros est un maigre, qui voient vivre, l'un un peuple de gros, l'autre un peuple de maigres, et il m'a demandé d'en faire les illustrations. Comme il me communiquait les chapitres à mesure, et moi à lui mes illustrations, ces échanges nous donnaient mutuellement des idées et nous avons collaboré ainsi jusqu'à la fin. C'est pourquoi texte et images se complètent si bien. Du reste, à partir de là, J'ai été jusqu'à la guerre son illustrateur patenté pour ses contes fantaisistes, tel 1992 et le Peseur d'âmes. C'était un homme délicieux, incertain malgré le succès, et qui me confiait tristement : "Voilà ce que j'aime écrire ; mais mes amis ne veulent pas." Ce qui voulait dire que son épouse, Madame de Cavaillet, entendait qu'il soit de l'Académie et n'écrive jusque-là que des œuvres "sérieuses".
Pendant la guerre il s'est malheureusement, disons, trompé de côté, croyant moins en De Gaulle qu'en Pétain. Et nous ne nous sommes pas revus à son retour des États-Unis. Mais quand a paru Sylva il en a fait, dans la presse américaine, un éloge enthousiaste, puis m'a fait demander de me présenter à l'Académie.


Vercors
A dire vrai : entretiens de Vercors avec Gilles Plazy
éd. François Bourin, 1991

 

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