Extraits d'entretiens avec Yanick Lahens

 

Yanick Lalens — Quelques personnes ont pensé que les femmes étaient soumises, je me suis dit ouh la la, c'est une lecture à la Simone de Beauvoir, je ne sais pas moi Kate Millett ou Judith Butler, pas du tout, elles ont un immense pouvoir. D'abord ce sont les femmes qui relient la campagne à la ville dans la mesure où ce sont elles qui vont vendre.

Marie Richeux — Ellles sont mobiles.

Yanick Lahens — Elles sont mobiles et puis ça jacasse, elles sont joyeuses quand elles sont sur les routes comme ça, avec leurs paniers, elles vont en cortège comme des oiseaux, elles arrivent au marché, c'est elles qui vendent, donc elles ont le pouvoir financier de la famille. Elles passent leur nuit à boire de la tisane, à fumer la pipe, à se raconter leurs histoires et elles rentrent à la maison. Si bien qu'elles ont le pouvoir financier. Quand elles arrivent, souvent, si elles vendent pour 1000 gourdes, disons elles diront 800, elles gardent 200 car elles vont pouvoir faire quelque chose pour elles-mêmes. Et ces femmes ont créé leur espace de pouvoir. Donc avoir une lecture simplement à partir des grilles connues, je pense que c'est passer à côté de cette humanité-là.

"Haïti (1/5) : Dans le bain de l'île", Marie Richeux
émission Les Nouvelles Vagues, France Culture, 17 novembre 2014,
34 min 25/35 min 28

 

Michel Edo — Vous avez voulu la scène originelle comme un coup de foudre, où la femme croit un instant avoir dompté le désir de l’homme par son propre désir. C'est presque la seule scène où l'homme et la femme sont à égalité. Et puis l'homme, après avoir pris ce qu'il désire, s’en va sans même regarder derrière lui. Telle est la situation des femmes en Haïti aujourd'hui ?

Yanick Lahens — Je pense que les femmes ont bien plus de pouvoir que vous le dites. Ermancia, comme la majorité des femmes en milieu rural, maîtrise le commerce, donc les finances de la famille. C’est elle qui va sur les marchés vendre des denrées, elle aussi qui décide des achats à rapporter. Elle est l’élément de liaison des deux mondes. Ermancia et Cilianise sont loin d’être des femmes soumises. Elles jouissent certainement de plus d’autonomie que les femmes des couches moyennes urbanisées, qui sont déjà dans un schéma de domination à l’Occidental.

"L'énigme d'habiter", Page des libraires, septembre-octobre 2014

 

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