Quatrième de couverture : « Nice, 1920. Un jeune médecin affamé, Dario, accepte de pratiquer un avortement clandestin sur une flamboyante aventurière new-yorkaise afin de sauver de la déchéance Clara, sa femme et leur nourrisson. Une solution qui permet à ce fils de marchand vagabond et métèque de sang grec et italien, de survivre malgré l'indifférence de la clientèle chic de la ville. Multipliant les expédients durant quelques années passées à Nice, Dario a brusquement l'idée de génie qui l'aidera à forcer son destin : dévoyant avec une intuition machiavélique la toute nouvelle théorie psychanalytique, il devient un charlatan à la mode, étrange maître des âmes se grisant d'une ascension sociale dangereuse... Avec Le Maître des âmes, roman inédit publié en 1939 sous forme d'épisodes dans Gringoire, Irène Némirovsky brosse le portrait d'un de ces "immigrés" de l'entre-deux-guerres débarqués d'Europe orientale avec un brûlant rêve de réussite. Démontant d'une plume cruelle et légère la vaine valse des ambitions, elle ressuscite avec précision le tourbillon mondain et intellectuel de l'époque.Nice, 1920. Un jeune médecin affamé, Dario, accepte de pratiquer un avortement clandestin sur une flamboyante aventurière new-yorkaise afin de sauver de la déchéance Clara, sa femme et leur nourrisson. Une solution qui permet à ce fils de marchand vagabond et métèque de sang grec et italien, de survivre malgré l'indifférence de la clientèle chic de la ville. Multipliant les expédients durant quelques années passées à Nice, Dario a brusquement l'idée de génie qui l'aidera à forcer son destin : dévoyant avec une intuition machiavélique la toute nouvelle théorie psychanalytique, il devient un charlatan à la mode, étrange maître des âmes se grisant d'une ascension sociale dangereuse... Avec Le Maître des âmes, roman inédit publié en 1939 sous forme d'épisodes dans Gringoire, Irène Némirovsky brosse le portrait d'un de ces «immigrés» de l'entre-deux-guerres débarqués d'Europe orientale avec un brûlant rêve de réussite. Démontant d'une plume cruelle et légère la vaine valse des ambitions, elle ressuscite avec précision le tourbillon mondain et intellectuel de l'époque.»


 

Irène Némirovsky
Le maître des âmes

Le nouveau groupe parisien a lu ce livre pour le 23 juin 2017. Nous avions lu de cette auteure Les chiens et les loups en 1996 et Suite française en 2006.

Nathalie F
J'ai beaucoup aimé et été très touchée par Clara. Par le côté couple de frère et sœur qu'ils font. Pourtant il la fait souffrir avec Sylvie, elle accepte tout. Ce doit être terrible pour elle ! L'histoire avec le fils me parle moins mais peut être parce que je suis comme lui. Par exemple je me fiche de la quête d'argent, du pouvoir. Comme Daniel je n'ai jamais eu faim, et je rejette l'argent.
Avec ce livre, j'en associe deux autres : Les feux de l'automne et Le vin de solitude. J'ouvre le livre aux trois quarts.
Flavia
J'ai eu besoin de temps pour digérer ce livre. J'ai beaucoup aimé le personnage de Dario. Je l'ai trouvé très cohérent dans ses réflexions, son évolution.
Je me suis beaucoup reconnue dans ces personnages, leurs peurs, peur de tout perdre, peur de la pauvreté, le sentiment que ça ne suffit jamais. Oui, tout cela réveille des choses personnelles. Ou comme pour Wardes, la peur de ne plus se sentir vivante. Je n'ai pas pu en vouloir à Dario de ses agirs malhonnêtes, bien qu'il rendait toujours ses dettes. J'ai moins aimé les personnages féminins alors que j'ai compris le parcours de Dario. Dans la relation avec son fils je me trouvais plutôt du côté du père, j'avais du mal à lui en vouloir.
Au fond c'est un livre pour hommes, à qui je le conseillerais à cause de ce que Dario ressent dans la société et dans sa famille. L'insomnie de Wardes est un passage très beau. J'ai moi même des problèmes de sommeil, ça me parle : l'angoisse, la peur de ne pas y arriver qui m'enrage.
Je trouve le livre très bien écrit, j'aime son style, je l'ouvre grand.
Valérie
J'ai lu la vie d'Irène Némirovsky et sa relation désastreuse à sa mère. Nemirov, c'est une ville et Nemirovsky signifie en Russe "celle qui n'est pas en paix". Elle est née à Kiev. J'ai eu l'occasion d'entendre sa voix et elle m'a fait une impression très désagréable. J'ai lu plusieurs choses d'elle, notamment des nouvelles et on y retrouve ce qui fait l'essence de ce roman, Le maître des âmes. Dans Le bal elle parle de la problématique de ses parents, la mère y est méprisante pour les Levantins et envers son père qui est mort jeune. Elle était despote avec elle mais elle a réussi à survivre, elle aimait la vie. Elle aimait Paris et ses cabarets. Alors qu'en Russie elle n'avait pas d'amis, à Paris elle a noué des amitiés avec des Russes, et qu'elle a gardées pour toujours. Dario représente son père qu'elle adorait, un obscur Levantin devenu banquier. Enfant, elle a appris le français avec sa nourrice française et elle venait fréquemment en France. Au moment de la guerre elle a fui à Issy… où elle a écrit Suite française, livre qui est resté inachevé lors de sa déportation où elle est morte du typhus. Ses enfants ont retrouvé les écrits entreposés dans une malle et sa fille les a publiés. Par la suite elle a voulu réhabiliter l'œuvre plus ou moins oubliée de sa mère.
Je ne suis pas vraiment fascinée par cette œuvre. Je me suis interrogée sur la façon dont on devient psy… (citation p. 233) : c'est ce que je dirai à un psy.
Je n'ai pas été touchée par Clara contrairement à Nathalie, je n'ai pas de compassion pour elle, elle est une victime consentante. Dario, lui , est touchant avec ses complexités : il porte le poids de la société et de sa judaïcité. Il se préoccupe des autres. Il sait qu'il va perdre l'amour de son fils, il a une honnêteté, une intégrité. Il y a un enjeu pour la sécurité matérielle et il ne veut pas que son fils reproduise ça. Il y a une brèche dans l'âme humaine et il s'y est introduit pour les guérir et trouver les mots. Je pourrais me confier à Dario.
Bien que mineure dans l'œuvre d'Irène Némirovsky c'est une œuvre touchante. Je vous engage à lire sa biographie, Le vin de solitude", David Golder, Le bal, Suite française… J'ouvre grand le livre.

Françoise
Suite française est son dernier livre ?

Julius
Oui, c'est un livre inachevé qui a eu le prix Goncourt à titre posthume.
Ana-Cristina
Ce roman est écrit dans une langue simple. Son auteure se fait discrète. Mais à force de vouloir s'effacer, Irène Némirovsky finit par me manquer car, et là je cite un poète (Jacques Lèbre) : "C'est lorsque je ne sens pas quelqu'un derrière ce que je lis qu'un livre me tombe des mains." Mais, attention, "langue simple" ne veut en aucun cas dire mal écrit ! D'ailleurs, la simplicité n'est pas chose aisée en littérature.
Ce livre ne m'est pas tout à fait tombé des mains. J'ai lu quelques belles scènes, avec de belles descriptions. Certains passages tels des éclairs ont illuminé par instant ma lecture, par exemple l'épisode de la boîte de nuit : Dario y entend la conversation de deux femmes assises "à la table voisine" (pp. 237 à 243 dans l'édition Folio, 2007). Cette scène révèle la bêtise et la cruauté de cette société qui à la fois nourrit et empoisonne Dario. En voici un court extrait (p. 239) : "il n'est plus à la mode, dit l'une d'elles de ce ton tranchant et sans appel que prennent les femmes du monde, surtout lorsqu'elles parlent de ce qu'elles ne comprennent pas, compensant ainsi avec bonheur leur ignorance par leur insolence".
Irène Némirovsky raconte très bien les scènes où les personnages sont dans un état extrême : la transe provoquée par le jeu (pp. 71-73), la folie qu'engendrent l'insomnie (pp. 77-79) ou la peur de mourir (pp. 79-80).
Et voici un autre court extrait où chaque mot, à sa place, sonne juste. Il s'agit de la scène où Dario reçoit à dîner deux personnalités ayant une grande influence. Clara, son épouse, se fait cette remarque qui ne manque pas d'ironie : "Mais tous deux seraient enchantés de leur hôtesse parce qu'ils étaient enchantés d'eux-mêmes. Les deux maîtres d'hôtel faisaient correctement leur service : l'un présentant les plats, l'autre le pain et les sauces. La maison de Dario étaient bien tenue. "
Ce roman ne manque pas de charme, parfois. Pour cette raison j'aurais envie de lire un autre livre écrit par I. Némirovsky.
Mais je me suis aussi ennuyée. Des répétitions, des scènes affreusement banales, des dialogues affligeants (par exemple p. 132) et des personnages manquant d'épaisseur (sauf Dario) : des défauts qui pourraient ne pas en être mais qui en sont bel et bien dans un roman de facture que je qualifierai de "sage" c'est-à-dire écrit dans une langue qui ne bave pas. Ces défauts sont comme des balafres sur un joli visage.
J'ouvre le livre "un peu" parce que je me suis un peu ennuyée et que je l'ai lu avec peu d'enthousiasme.
Françoise H
En vous écoutant, j'estime ce livre à travers vous et si l'histoire est construite avec des rebondissements et que les personnages sont pris sous l'emprise de leur passion, j'ai trouvé dans la forme une absence totale de littérature, après Céline… La construction de l'œuvre manque de part énigmatique, les lieux n'ont pas de mystère, il n'y a pas d'arrière-fond et aucun passage, aucune construction du monde, ne répondent à mes préoccupations. Je l'ouvre zéro.
François
J'ai éprouvé des sentiments de vide en lisant, mais pas le vide du roman. C'est comme dans les romans mondains de Françoise Sagan. Irène Nemirovsky décrit une société, elle fait la chronique d'une époque. J'ai trouvé ce livre étrange et contradictoire : d'un côté il évoque du déjà vu et d'un autre il est d'une grande originalité. Il parle de personnages d'extrême droite comme dans Céline et je pense à d'autres livres : Le Sabbat de Maurice Sachs où, dans une atmosphère délétère et le malaise existentiel, se joue la passion de la trahison. Je pense aussi à Bel ami de Maupassant, à Zola avec ce personnage fascinant, un docteur qui exploite les riches.
Dans Le maître des âmes j'ai aimé la peinture qu'elle fait des victimes et de quelle manière elle donne de l'épaisseur à Clara. Les passages qui évoquent des confessions masochistes qui me font penser à des personnages de Dostoïevski. Je pense aussi à Feu follet de Louis Malle. Tous ces gens perdus, aux abois, qui se jettent dans les bras de Dario et qui finalement, sans doute plus tard, se jetteront dans les bras de la collaboration. Il y a aussi une vulgarisation de la psychanalyse. C'est par ailleurs une parfaite représentation de la décomposition bourgeoise d'une époque. Ce roman est crédible historiquement, il fait craquer le vernis de cette bourgeoisie. J'ai également trouvé les rapports avec le fils très intéressants et j'ouvre le livre aux trois quarts.
Julius
J'ai bien aimé : cette œuvre ne représente pas pour moi une œuvre mineure, je l'ai même préférée. On y trouve des thèmes et des personnages constants dans toute son œuvre, bien construite, bien léchée. Les personnages sont très bien travaillés. Clara est tout en nuances. Toutefois j'ai éprouvé un manque, je suis resté insatisfait car tout est trop bien léché, académique. Il n'y a pas de génie même si ses personnages sont parfois dostoïevskiens. Mais non, décidemment, pas de génie littéraire. La qualité de la trame du roman ne fait pas tout. Il y a toutefois deux émergences importantes : le syndrome de l'échec chez Dario et il pose la question du déterminisme social, de ses origines dont il ne se défait jamais. Et avec la relation avec le fils, on deux point de vues opposés : à un moment donné que deviendra le fils ?… Je me demande comment Balzac ou Zola, même Céline auraient traité ce même thème…

François
Oui il y a un arrière-plan, Wardes est fabuleux. Il y a des aperçus étonnants, mais parfois trop de complaisance dans ses descriptions. Je trouve les descriptions assez extérieures et peu intimistes. Le cadre historique est peu important, j'ai pensé un coté Modiano, le personnage pourrait basculer.

Nathalie
Mais peut être que le fils va revenir sur son jugement…

Flavia
Le père sait qu'il se salit pour protéger l'enfant, pour purifier l'enfant. Il se sacrifie en effet.

François
J'ai trouvé les passages sur la haine du fils envers son père un peu cliché ainsi que leur rivalité.

Nathalie
Oui, mais le fils nous montre que tout peut changer d'une génération sur l'autre…

Valérie
Le fils hait-il tant que ça son père ? Et pour Dario aime-t-il tant que ça Clara ? L'aime-t-il comme une femme ? Il a l'espoir qu'elle le comprenne...

François
C'est presque un inceste social avec Clara…

Françoise
Clara est sa mémoire.

Françoise (ou Ana Cristina) parle de feuilleton plutôt que de roman.
Anne
Oui cette idée de feuilleton m'intéresse. Je n'ai pas trouvé l'écriture exceptionnelle encore que par moments ce soit très beau. Ce livre est précurseur des séries et en ce sens excellent. Il pose la question : advient-on par le regard de l'autre ? Comment advient la complexité des êtres ? Il parle de la confusion des sentiments entre le besoin, la convoitise et le désir. Irène Nemirovsky décrit la passion de vivre sous les traits de Dario "pétris par une main pleine de hâte et de fièvre". J'ai pensé au sculpteur Giacometti, à l'homme en marche qui semble un homme affamé.
Que l'on mange ou non, l'humiliation et la convoitise affament. Elles préparent à toutes les transgressions dès ce cri qui commence le roman "j'ai besoin d'argent !". L'argent c'est la partie élaborée de choses plus archaïques, comme le premier cri que pousse le nouveau-né, le cri de Munch aussi.
C'est aussi un livre sur l'inévitable corruption de la vie. J'ai été saisie par la paradoxalité de l'histoire : Dario veut être médecin, avoir le pouvoir de soigner, de protéger, donner la vie et c'est par un avortement que son pouvoir s'enracine. C'est par ce qui est alors communément considéré comme un meurtre qu'il va atteindre le bonheur qui, dit-il, est ce qui pourrait le rendre vertueux… En même temps, le Docteur Asfar a le sens des responsabilités. Au milieu d'une hystérie familiale il sait "prendre de force les poignets de la générale et la rejeter dans un fauteuil". Il a une force de persuasion, c'est son art. Tel Adam transgressif chassé du paradis, il est parfois mélancolique et féminin mais obtient la connaissance du bien et du mal. En suivant sa progression afin de survivre je me suis posé une question a propos des survivants : le sentiment de corruption serait-il au cœur de tout survivant lorsqu'il se culpabilise et se demande s'il n'est pas un imposteur d'avoir survécu ? Le Docteur Asfar sait lire dans les âmes. "Ce n'est pas la première fois n'est-ce pas ?" dit-il à Wardes qui sort d'un acte de violence. "C'est un sentiment de délivrance que l'on ne paierait pas trop cher d'un crime ?". Wardes a été deviné et s'attache à Dario pour toujours qui comprend que c'est ainsi que l'on tient les riches… et tous les autres dont son fils. Dans cette ascension la place des femmes est intéressante. Grâce à Clara et Sylvie, que j'ai vues comme un double idéal de lui-même et inaccessible, il peut jouer ses cartes et l'argent afflue, le besoin se transforme en convoitise, Dario est dès lors damné. J'ai pensé à la descente aux enfers de Don Juan. J'ai trouvé beau ce livre, malgré une écriture conventionnelle, et la relation père/fils émouvante lorsque cette histoire se transforme en drame des générations avec Daniel (le nom d'un ange des miséricordes). Celui-ci se perd dans les non dits et en extorque des petits bouts de vérités. Vers la fin, une page m'a intriguée. Clara s'adresse à Daniel : "Tu es presque un homme maintenant dit elle en le regardant, songeant : lui, qui ressemble si peu à Dario, lorsqu'il est malheureux, lorsqu'il a froid, lorsqu'il tremble, c'est l'autre que je revois". Or, cet enfant décrit comme un étranger dès le début de l'histoire, blond parmi des bruns, m'a fait me demander : d'où vient-il ? Dario est-il le père ? La mère a-t-elle un secret ? A-t-elle aimé un autre homme, "perdu" ? Serait-ce la raison pour laquelle elle est si soumise à son mari, coupable et complice ? Bien sûr le texte signifie aussi que Clara pense au Dario de dans le temps, si différent et aujourd'hui perdu... C'est de toute façon une histoire nostalgique à propos de ce qui est perdu, à propos de l'autre différent et inaccessible : "je n'ai jamais trouvé de femme pareille à moi" dit Dario. Ainsi, pour être au monde il lui faut le posséder avec des tentacules.
C'est un livre qui m'a touchée, je l'ouvre aux trois quarts.

 

 


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout


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