|  Enfance 
        berlinoise, trad. de lallemand par Pierre Rusch, éd. 
        de L'Herne, 2012
 Quatrième de couverture : 
        Je lis seulement des livre d'occasion.Je les pose contre la corbeille à pain, je tourne une page d'un 
        doigt et elle reste immobile. Comme ça je mâche et je lis.
 |  | Walter BenjaminEnfance berlinoise
 
Nous avons lu ce livre en juin 2014.Préface de cette édition 
        de L'Herne par Patricia Lavelle.Échanges en présence de Patricia Lavelle.
 Sur France Culture, Alain Veinstein dialogue avec Patricia dans son émission 
        Du jour au lendemain le 26 février 2014 : 
        ICI
 
 Geneviève (avis transmis)Désolée de ne pouvoir être parmi vous. Mais j'ai lu 
        Enfance berlinoise et je suis contente de l'avoir fait même 
        si je n'ai pas tout compris. J'ai trouvé l'ouvrage lui-même 
        et les illustrations très beaux. Les nouvelles sont magnifiquement 
        écrites et font revivre un univers totalement disparu avec ce que 
        j'appellerai un esprit d'enfance extrêmement fort. J''ai particulièrement 
        aimé "La colonne de la victoire" qui nous donne un aperçu 
        de l'histoire européenne vécue par ceux d'en face. Mais 
        aussi l'incroyablement moderne "Téléphone". Et 
        encore le rapport à l'étrangeté de "Aller et 
        retour", la magie d'enfance de "La boîte de lecture", 
        "Armoires", et surtout "Bibliothèque des élèves", 
        la nostalgie douce-amère sur fond de prise de conscience sociale 
        de "Un ange de Noël". D'autres restent pour moi plus obscures, 
        mais toutes ont pour moi le même charme, la même délicatesse 
        nostalgique. Je suis d'autant plus contente d'avoir lu ce livre que je 
        tourne autour des livres de Walter Benjamin depuis longtemps sans vraiment 
        pouvoir le lire, faute de la culture philosophique et artistique nécessaire. 
        Mais comme beaucoup je suis fascinée par l'histoire de sa vie et 
        la complexité du personnage.
 MoniqueJ'ai mis le nez dedans et je n'ai rien compris. Je m'y suis remise une 
        seconde fois et j'ai compris plein de choses. Ça reste une lecture 
        très intellectuelle. Peut-être due à la préface 
        et aux notes. J'aurais aimé lire ce texte sec pour voir comment 
        je réagis. J'ai lu la préface. Il y a un univers, une conception 
        du monde. Il y a un monde artistique. Il est habité. Il y a quelque 
        chose de documentaire. Il y a des choses qui me parlaient, le téléphone, 
        par exemple. Ça n'est pas les souvenirs qui sont importants, c'est 
        dans la lumière, le mystère de la vie. Les mots peuvent 
        prendre une autre réalité pour les enfants. J'ai pensé 
        à Baudelaire : ici, on n'est pas tellement dans les sens, 
        mais plus dans le langage. C'est très bourgeois, ça ne me 
        rappelle rien. Je ne connais pas la littérature enfantine. Il se 
        sert de cela pour conceptualiser son art, son livre. Je suis contente 
        de l'avoir lu. Sans le club et sans Patricia, je ne l'aurais pas repris.
 ClaireJ'avais dans ma bibliothèque un livre de Walter Benjamin, mais 
        je ne l'avais pas lu. J'avais dû m'en servir quand je m'intéressais 
        au "fragmentaire"... J'ai aimé ce petit livre, les photos. 
        L'existence des photos compte énormément. Ça joue 
        dans le charme. J'avais fait l'acquisition du gros numéro de l'Herne 
        sur Benjamin dirigé par Patricia. J'avais lu les réactions 
        des Bretons : pour un public averti. Il faut être savant. Je 
        n'ai pas lu la préface. Je l'ai lu sec en me disant quand même 
        que c'était un auteur pour savants. En dépit de ça, 
        je ne me suis pas sentie "gênée". Je ne l'ai pas 
        lu comme un ouvrage de philosophie ou nécessitant des connaissances. 
        Les notes ne m'aidaient pas dans le plaisir de la lecture. Après 
        j'ai lu la préface puis j'ai parcouru le recueil de l'Herne. Nulle 
        part je n'ai trouvé quelque chose sur ce qui a créé 
        ce plaisir : le style. Il y a plein de formules qui résonnent 
        en moi. C'est vrai que c'est irrégulier. Le premier texte, oh la 
        la, c'est un obstacle. Les références allemandes, ça 
        fait comme un paquet. Il y a des constantes : il n'y a pas de récit, 
        tout est à l'imparfait, il y a une distance, pas d'affect. Il ne 
        parle pas de frères et de surs alors qu'il en a. Dans "La 
        boîte à lecture", il y a des choses qui perdent le commun 
        des mortels.
 PatriciaCe sont des choses répandues à l'époque, qui faisaient 
        partie de la culture bourgeoise.
 ClaireCe qui m'a frappée, il y a peu de choses sur le style de Walter 
        Benjamin dans les 
        Cahiers de l'Herne. Quelque chose qui parle de cette langue pétrie. 
        Ce que j'ai trouvé dans le livre n'a rien à voir avec la 
        philosophie.
 MoniqueÇa fait penser à Proust. Mais il n'y a pas d'affect. Pas 
        de peur, de chagrin, etc. Affect par rapport aux souvenirs d'enfance. 
        Il parle de choses qui font écho à l'avenir et pas au passé. 
        Choses qu'on a vécues avant et qu'on n'a pas su décrypter 
        à l'époque.
 PatriciaLe futur dans le passé. L'espoir dans le passé.
 JacquelineJ'ai le sentiment de n'avoir pas fait ce qu'il faudrait avoir fait. Je 
        suis un peu déroutée par le fait que c'est de la philosophie. 
        Mon goût, ce sont les choses littéraires. J'ai du mal à 
        naviguer là-dedans. Quand je l'ai emprunté à la bibliothèque, 
        j'ai croisé quelqu'un qui m'a dit "qu'il fallait l'avoir lu". 
        Je ne connais rien de lui. Si ce n'est via un roman où il était 
        un personnage, un roman italien que nous avions lu, où étaient 
        évoqués les camps du Midi de la France. J'étais très 
        contente de me plonger dans quelque chose sur l'enfance. On s'y retrouve 
        mieux que dans un texte de philosophie. J'ai eu un mal fou à le 
        lire. Je pense que c'est la langue. J'imagine que c'est un grand écrivain. 
        Il y a toutes ces références allemandes, je ne m'y retrouve 
        pas, toute une culture allemande qui m'échappe : c'est un obstacle. 
        C'est chargé de sens, mais ça m'est étranger.
 MoniqueIl écrit l'écart entre vie adulte et enfance.
 LindaJ'ai le sentiment d'avoir une vision d'enfance, une sensation d'enfance. 
        Je ressens un regard neuf. Un retour sur les choses oubliées, qu'on 
        n'a plus. C'est magique. Il s'agit du monde clos de l'enfance. On n'a 
        pas les mêmes références que ce qu'on aura plus tard. 
        Je suis sensible à ses jeux de mots. Ma connaissance de l'allemand 
        est insuffisante pour apprécier. Les notes me donnaient des clés. 
        J'ai trouvé que c'est un livre extraordinaire. J'ai été 
        séduite par les photos. Je pensais aussi à Proust, à 
        cause du travail sur le souvenir et le fait de partager avec les lecteurs. 
        Mais j'ai été agacée par la préface qui, elle, 
        accentue la différence avec Proust. Il y a de la pensée, 
        des idées mais pas de sensation. Je vais lire d'autres choses de 
        lui. Les notes sont très bien.
 Sandrine FC'était mon premier livre de ce club donc j'avais la pression
 
        Je lis beaucoup de philosophie et de littérature, donc c'était 
        un sujet de prédilection. Je ne connais pas ce genre hybride. Je 
        me suis précipitée sur la préface, ce que je ne fais 
        jamais. Ça m'a complexée. J'ai arrêté. J'avais 
        la pression, je recherchais du sens. J'ai été conquise par 
        le style. C'est bien traduit. Sur le contenu, les premiers chapitres, 
        je n'ai pas aimé. Je cherchais tellement du sens que je n'ai pas 
        trop aimé. J'ai lu autre chose. J'ai pensé à Cassavetes. 
        J'ai eu une lumière : il ne recherche pas de concept, de sens. 
        Il vit ce qu'il est, ne cherche pas à convaincre, avec la nécessité 
        d'être. Là, j'ai eu du plaisir. Il a écrit ce qu'il 
        pensait avoir ressenti dans son enfance. J'ai envie de le relire. J'ai 
        relu la préface mais je n'ai pas eu toutes les clés. J'ai 
        écouté les émissions de France Culture.
 PatriciaJe l'ai lu en portugais. J'ai été frappée par le 
        style, mais je n'avais pas tout compris. J'ai eu envie de le lire en allemand : 
        j'ai donc appris l'allemand. Il y a toute la philosophie du langage. Cette 
        édition est trop chargée ; la préface était 
        plus longue à l'origine et trop philosophique.
 Il y a un côté énigmatique. Il travaille beaucoup 
        la métaphore, c'est sculptural. Ça donne plein d'idées, 
        ça ne peut se mettre dans un concept. Il y a toujours quelque chose 
        qu'on ne comprend pas. Il y a la problématique de la ressemblance 
        chez Baudelaire : les longues métaphores, le travail sur notre 
        capacité à réfléchir sur les ressemblances. 
        C'est un travail. La ressemblance est parfois tellement éloignée, 
        que c'est un choc. Il n'illustre pas une théorie philosophique. 
        Il a inventé un genre entre la littérature et la pensée.
 (Puis échanges à bâtons rompus.) GROUPE BRETONEst-il possible de parler simplement de la pensée de Benjamin ? 
        Cette question est restée au centre de nos échanges, ce 
        17 mai 2014 autour d'Enfance berlinoise de Walter Benjamin. Nous 
        aurions souhaité la présence de Patricia pour nous éclairer 
        sur ces textes complexes. Beaucoup d'entre nous ont été 
        rebutés par la difficulté d'accès au livre dans sa 
        globalité (littéraire et philosophique). La théorie 
        philosophique qui sous-tend cet ouvrage leur a semblé destinée 
        à un public universitaire averti : il leur manquait les outils 
        nécessaires pour l'apprécier. Certaines ont fait fi de la 
        théorie (ce qui n'est pas simple tant les deux composantes sont 
        liées dans le projet du livre !) et ne se sont attachées 
        qu'au côté littéraire. Mais, là encore, une 
        prose extrêmement travaillée, très dense, alourdie 
        par de nombreuses références (dont des jeux de mots en allemand : 
        difficile lorsqu'on ignore cette langue) et quantité de notes, 
        pas toujours très éclairantes pour un public non initié, 
        n'a pas éveillé l'intérêt. Quant aux souvenirs 
        d'enfance, appréciés par certaines pour l'extrême 
        minutie de leur description, les résonnances personnelles suscitées, 
        la magie de l'enfance qu'ils évoquent, ont été reçus 
        par d'autres comme plats et ennuyeux.
 Marie-OdileDe ce que j'ai lu il me reste quelques bribes :
 - l'importance du langage pour W Benjamin, comme un moyen nécessaire 
        à l'enfant pour appréhender le réel, prendre pied 
        dans l'existence (jeux avec les mots, les noms propres de lieux ou de 
        personnes), l'importance du mot (le signifiant ?) qui précède 
        parfois ce qui est nommé (le signifié ?) ;
 - les allers retours permanents entre le temps de l'écriture, 
        le temps de l'enfance évoquée, et les allusions à 
        ce que cette enfance contient déjà de futur. Il s'agit donc 
        pour l'adulte qui écrit d'une relecture du passé qui établit 
        des liens entre des moments qui se font écho, comme si chaque instant 
        vécu contenait beaucoup plus que lui-même ;
 - les situations d'inversion où le personnage regardant devient 
        regardé jusqu'à créer une impression d'étrangeté ;
 - l'importance des photographies et leur lien avec le texte.
 Ce jeu entre le mot et la chose, le passé et le futur, le regard 
        porté ou subi donnent originalité à ces tableaux 
        d'une enfance très ancrée socialement, géographiquement. 
        Les pages intitulées " La fièvre " disent :
 - l'apprentissage de l'attente qu'il retrouvera à l'âge 
        adulte
 - les jeux avec les ombres, la lumière, les formes...
 - la presque obligation de guérir et de vivre transmise par 
        les récits concernant les ancêtres de la famille, récits 
        que fait la mère
 - la guérison qui éloigne la mère de l'enfant 
        et rapproche les domestiques, la maladie ayant inversé ces rôles 
        pour un temps.
 Pour résumer, je retiendrai un texte intéressant, une belle 
        écriture, une pensée dense, une construction complexe qui 
        mériterait plus qu'un survol (pardon), un récit très 
        connoté socialement et aussi des pages familières ramenant 
        à des expériences faites par tous les enfants.
 Par hasard, ma rando d'aujourd'hui m'a ramenée tout près 
        du chemin de Walter 
        Benjamin.
 Marie-Thé
  J'ai d'abord aimé l'enveloppe de ce livre : la photo de la 
        première de couverture, qui par ses tons et ses personnages laisse 
        libre cours à mon imagination, puis la quatrième de couverture 
        où apparaissent chez l'enfant le monde réel et l'imaginaire. 
        Enfin, le titre, qui quoiqu'en disent certains, me paraît tout à 
        fait juste : il s'agit bien de cela, une enfance berlinoise, mais 
        pas n'importe laquelle, celle de Walter Benjamin, c'est bien écrit 
        au-dessus du titre et en quatrième de couverture !
 Et puis j'ai beaucoup aimé l'enveloppé, l'intérieur 
        du livre, et l'impression que j'ai eue d'entrer dans un autre monde. J'écris 
        tout ceci en pensant aux chaussettes du chapitre "Armoires", 
        à l'enfant qui peut être à la fois le masque et le 
        masqué, enfermé dans le monde de la matière (chapitre 
        "Cachettes") ou dans les mots (chapitre "La mummerehlen").
 J'ai dû traverser le labyrinthe de la préface pour accéder 
        à la beauté du livre, à la beauté de l'écriture, 
        préface très intéressante, mais bien trop compliquée 
        pour moi. Je retiendrai d'abord ceci : l'art est la magie délivrée 
        du mensonge d'être vraie. Réel, imaginaire, suggestion, imagination 
        (celle-ci étant à la base de toute production artistique, 
        mais ne suffit pas, pour W. Benjamin)... Pour moi cette préface 
        retrace, entre autres, le parcours sinueux du récit de l'enfance 
        berlinoise. Le travail de réécriture des souvenirs d'enfance 
        fait penser à un projet irréalisable, à l'insaisissable. 
        Travail de reconstruction, de transformation ??? J'ai du mal à 
        suivre. Je retiens ce passage à propos de l'enfant : c'est 
        la faculté mimétique qui, agissant dans ses jeux avec le 
        langage, lui apprend à se dissimuler dans la langue, ce qui lui 
        permet de ressembler à des objets... Et ceci : l'uvre 
        d'art permet... de remémorer une expérience qui se soustrait 
        à la finitude et à la mort : celle qui se manifeste 
        dans le culte et dans le beau. J'ajouterai que les notes en bas des 
        pages m'ont bien aidée et que j'ai été impressionnée 
        par la traduction de Pierre Rusch.
 J'ai dit que j'ouvrais ce livre aux 3/4. J'ai été émerveillée 
        par la beauté du texte, le fond, la forme, j'ai tout aimé. 
        Je ne l'ouvre pas en entier, je vois aussi ce livre comme un labyrinthe 
        où je me suis tout de même souvent perdue. Mais j'ai aimé 
        les labyrinthes de l'auteur, sur le buvard de ses cahiers, ici traces 
        d'un rêve ; labyrinthe et dédale au Tiergarten menant aussi 
        à une Ariane. Au chapitre "Éveil du sexe", l'égarement 
        dans la ville fait penser aussi au labyrinthe et mènera même 
        à une sensation de volupté. Lorsqu'il s'agit de couture, 
        même chose avec l'enchevêtrement des fils : ... retourner 
        la feuille pour me pâmer devant le réseau toujours plus embrouillé 
        qui se formait à chaque passage d'aiguille... À présent 
        les mots qui m'arrivent sont : remémoration, transformation, 
        déformation, des mots et de soi-même. En déformant 
        ainsi les mots, en me déformant moi-même, je faisais seulement 
        ce que je devais faire pour prendre pied dans la vie. De bonne heure, 
        j'appris à m'emmitoufler et me camoufler dans les mots... Trouver 
        l'auteur dans ses mots... La déformation est importante : moi, 
        je suis déformé par la ressemblance avec tout ce qui m'entoure. 
        J'habitais le XIXe siècle comme un mollusque habite sa coquille, 
        et il gît maintenant devant moi, creux comme une coquille vide. 
        La déformation apparaît aussi chez le petit bossu, gardien 
        de la mémoire ? ... Il ne faisait rien... rien d'autre que de 
        prélever sur chaque chose dont je m'approchais la part de l'oubli. 
        Remémoration... Mais le petit bossu est déformé, 
        chargé de ce qui serait tombé dans l'oubli, pourtant cette 
        charge ne peut-elle pas alléger, libérer ? On retrouve 
        cette notion de charge avec les livres de bibliothèque, en opposition 
        aux livres scolaires : ...je glissais le soir le livre dans mon cartable 
        déjà prêt, que cette charge ne faisait qu'alléger. 
        De même, la vieille assistante me débarrassait de mon petit 
        manteau comme d'une charge et, quand je partais, m'enfonçait la 
        casquette sur le front comme pour me bénir... Ou encore : la 
        ville était absorbée en elle-même comme un sac lourd 
        de moi et de mon bonheur. Je reviens à la transformation de 
        l'enfant, avec le téléphone, elle est subie, à la 
        chasse aux papillons elle est voulue.
 J'ai été sensible à l'évocation de l'univers 
        protecteur recherché par l'enfant. Quand il revient du Tiergarten 
        (mon chapitre préféré) et qu'il décrit les 
        figures des gardiens des seuils, qui protègent l'entrée 
        de la vie comme celle de la maison... Elles savaient attendre. Quand 
        il rentre du Panorama Impérial et parle de ces voyages : la soif 
        qu'ils éveillaient en moi n'était pas toujours l'appel de 
        l'inconnu, c'était parfois le désir plus calme de rentrer 
        à la maison. Le monde extérieur paraît parfois 
        menaçant, de la gare l'enfant pense à l'appartement qu'il 
        vient de quitter, à présent dans l'attente de semelles étrangères. 
        Bien sûr, l'enfant connaît la sécurité bourgeoise, 
        le bijou protecteur de la mère, la chaîne qui clos la maison.
 J'ai aimé l'envol dans l'espace et dans le temps, avec la tante 
        changée en chardonneret, la grand-mère en fleur de peluche, 
        mais qui voyage beaucoup, puis l'évocation de cette rue royaume 
        des ombres de grands -mères immortelles et pourtant défuntes ; 
        et la nostalgie du temps de l'enfance : je sais maintenant marcher ; 
        mais je ne sais plus apprendre à marcher. Et cette impression qu'a 
        l'enfant que le monde lui appartient après sa promenade en vélo 
        : ...tout cela m'était échu par l'union contractée 
        avec l'ondulation de la colline.
 Par ailleurs, ce livre n'est pas sans me faire penser à Proust, 
        avec l'évocation des soirées de réception ou les 
        sorties des parents, le baiser de la mère quand l'enfant est couché... 
        ou bien lorsqu'il est guéri : comme la naissance, la guérison 
        imminente me délivrait des liens que la maladie avait encore une 
        fois douloureusement tendus. À nouveau les domestiques commençaient 
        à remplacer de plus en plus souvent ma mère dans mon existence 
        : ... perdre par une mort prématurée les grands atouts 
        que mes origines m'avaient mis en main : Proust avait peur de mourir 
        avant l'achèvement de son uvre.
 Il est beaucoup question de classes sociales ici, ce qui n'est pas sans 
        intérêt. Où l'on voit comment les riches se protègent 
        et protègent leurs enfants de la vue de la misère, des pauvres, 
        autorisés à paraître seulement à Noël 
        ; plus tard, même la vue de jouets représentant des ateliers 
        et machines sera refusée aux enfants des riches bourgeois. Lorsqu'il 
        arrive chez sa grand-mère l'enfant ressent le sentiment de sécurité 
        bourgeoise qui émanait de cet appartement. La mort n'était 
        pas prévue en ces lieux. L'ange de la mort ne doit pas paraître... 
        Comme la mort, la maladie doit parfois rester inconnue de l'enfant : 
        mon père m'avait tu une partie de la nouvelle ; il s'agit ici de 
        la syphilis qui a emporté le cousin. Pourtant, au chapitre "Crimes 
        et accidents", l'enfant regrette d'arriver trop tard sur des lieux 
        de drame : Mais le meilleur du malheur était alors, presque 
        toujours, déjà perdu.
 Dans ce monde calfeutré, peu à peu, l'enfant va commencer 
        à voir et à se rebeller : Et ce fut un grand progrès 
        lorsque j'entrevis pour la première fois la pauvreté dans 
        l'ignominie du travail mal payé ...le sentiment ...d'échapper 
        à ma mère, à sa classe et à la mienne... exaspéré... 
        je commençais à douter que cette boîte fût réellement 
        destinée à la couture. À Noël, entre obscurité 
        et constellation : Il me semblait que ces fenêtres de Noël 
        contenaient la solitude, l'âge et les privations, tout ce dont les 
        pauvres ne soufflaient mot. L'arbre était maintenant entré 
        dans sa gloire ; elle me le rendit étranger... Et puis : 
        Je n'ai pas fait mon entrée par cette porte. L'enfant n'est pas 
        entré dans la vie qui lui était prévue.
 J'oubliais, le mépris formulé quelquefois par l'enfant (l'auteur) : 
        Je voyais souvent des volumes convoités tomber dans les mains 
        d'un élève qui ne saurait pas les apprécier ... de 
        vieux Messieurs caducs qui, parmi cette troupe de femmes sans cervelle 
        et ces enfants brailleurs, venaient rendre hommage au sérieux de 
        la vie. Il a une haute idée de lui-même et il peut...
 Il y aurait encore tant à dire sur ce livre, entre lumière 
        et obscurité, haut et bas, intérieur et extérieur...
 Voilà quel a été à peu près mon chemin 
        dans Enfance berlinoise. Je pense être restée souvent au 
        niveau des socles (cf. Tiergarten), mais pas pour les mêmes raisons 
        que l'enfant. Mon parcours a été plus littéraire 
        que philosophique, cela ne me dérange pas ; j'ai pris et j'ai 
        laissé... J'ai cheminé entre rêve et réalité, 
        comme j'ai pu, et j'y ai trouvé bien plus de plaisir que de désagrément.
 J'ai fait ce compte rendu pour moi d'abord, et pour ceux qui voudront 
        le lire ensuite. Dans ce dernier cas je pense encore à Benjamin 
        avec le besoin de voir venir ce qui arrive, soutenu par l'attente.
 
  
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