Léon Tolstoï
Le Père Serge

Nous avons lu ce livre lors de la Semaine lecture de juillet 2010.

Manuel
Ce qui m'a intéressé, c'est la culture du mysticisme, la ferveur, la superstition, dont on se demande si elle est au premier ou au second degré. L'embarras de Tolstoï est aussi en question, par rapport à la célébrité : s'est-il vendu en étant célèbre ? Ce qui m'a éloigné du texte, c'est la traduction qui fait buter ; il y a des scènes que j'ai dû relire. Ce livre ne m'a pas plu, ce n'est pas un des textes les plus réussis de Tolstoï pour moi. C'est concis, mais il y a encore à retirer : j'enlèverai la scène du Français par exemple ; la fin d'ailleurs arrive comme un cheveu sur la soupe.
Marie-Laure
Ce qui m'a amusée c'est l'ego surdimensionné, comme Lanzmann. Il jette celle qu'il choisit, il est à la recherche du parfait. La rencontre avec l'amie d'enfance m'a aussi amusée. Mais je n'ai pas accroché. La dernière phrase est la seule honnête.
Nicole
Le début est un conte léger. Je préfère ne pas relire Guerre et paix et rester sur mes souvenirs. J'ai suivi avec de plus en plus d'intérêt Le Père Serge, cet homme qui a une vie dure et j'ai passé un bon moment.
Cheryl
J'ai lu vite et assez facilement en français et ai donc relu en anglais ce texte qui fait partie d'une trilogie d'histoires "sexuelles". J'ai lu "Le Diable" et "La Sonate à Kreutzer", dont le thème est le même, l'orgueil et la passion sexuelle. C'est un débat que Tolstoï a eu avec lui-même, avec un questionnement sur l'Église qui exploite. C'est aussi un thème de tragédie grecque avec la "chute" du héros. J'aime bien les dialogues simples, les fins de dialogues abruptes.
Lil
Ça m'a beaucoup plu, je l'ai lu comme un conte, en dépit des problèmes de traduction. J'ai aimé cette histoire d'ego à abattre, cette alternance intérieur/extérieur qui invite à réfléchir sur les motivations de l'engagement, pas toujours pures. L'Abbé Pierre en parle pour lui-même, Kouchner parle du panache de l'humanitaire. La femme est évidemment le diable. Une telle admiration pour Nicolas 1er ferait frétiller notre Nicolas. Le livre dénonce l'Église également qui exploite le Père Serge comme Sœur Sourire. J'ai marché complètement.
Jean-Pierre
Ce livre ne fait que 100 pages, c'est grosse qualité et rien que pour ça je l'ouvrirais en grand ! L'auteur aurait du s'abstenir d'écrire les 100 premières pages. Le personnage est maso. Il est marqué par son époque certes. Je me suis ennuyé d'un bout à l'autre. Les phrases sont indigentes.
Monique
Passer après toi Jean-Pierre, c'est difficile. J'ai bien aimé ce livre. Au début, j'ai trouvé ça lent, trop ressemblant à d'autres livres russes. Mais apparaît la quête profonde du personnage, très lucide. Il ne se laisse pas avoir. Je trouve cela remarquable. Le niveau mystique me parle. Le récit suit un schéma narratif qui n'est pas si original, mais il y a des surprises en permanence. La fin me déçoit : je ne suis pas emballée par le fait que le Père Serge retrouve Pachenka, j'aurais aimé quelque chose de plus lumineux. Le fond autobiographique correspond à une quête très profonde et l'auteur a été en lien avec Gandhi en effet. Mais c'est une nouvelle, genre qui me déçoit toujours.
Chantal
La traduction est décevante. La vie du personnage ressemble à un conte. J'ai remarqué la phrase " Il la regarda moralement de bas en haut. "
(Le groupe repère la traduction de Garnier Flammarion qu'a Jacqueline : regarder "avec ferveur du bas en haut" discrédite là aussi la traduction de l'édition du Temps qu'il fait comme c'est le cas pour la fin : "un étranger, évidemment un Français", vraiment raté par rapport à "un Français, sans doute un voyageur")
J'ai trouvé des descriptions cucul, par exemple la description du rossignol et d'autres réussis, ainsi pour la fille "courte, très développée de formes". J'ai bien aimé.
Marie-Thé
J'ai trouvé intéressant le parallèle avec Tolstoï dans les premières pages.
Sur le fond, ce n'est pas un livre pour moi... J'ai eu du mal à supporter ces tourments et ces luttes incessantes du Père Serge, ce sentiment de culpabilité qui l'enchaîne. Je le vois comme un veilleur, essayant de repousser l'orgueil qu'il sent poindre en lui, et recherchant l'humilité... Mais il me semble que s'il renonce aux honneurs ce n'est pas pour Dieu, mais par orgueil. " Le jour de l'intercession de la Sainte-Vierge, Kassatzky entra au couvent, afin de s'élever au-dessus de ceux qui avaient voulu lui montrer qu'ils étaient plus hauts que lui. " Mary, sa fiancée, n'est plus vierge, intéressant, cette entrée au couvent le jour de cette fête de la Sainte-Vierge.
Il se réfugie dans la prière et le travail pour repousser des pensées " impures ", résister à la tentation. Il est effrayé par le désir charnel, le diable est derrière cela. Pour moi c'est du déjà entendu... Ne pas être orgueilleux (attention à l'ambition aussi), rester humble.... Je l'ai entendu aussi.
Je préfère quand il doute, quand il mange avec plaisir (je pense au Festin de Babette), quand il devient las, quand il remarque le non-croyant en paix...
Je l'imagine avec la tête de Raspoutine.

Jackie
Tu juges, Marie-Thé !
Renée
L'histoire du doigt est une histoire d'eunuque, ça m'a intéressée en tant qu'athée. Mon avis défavorable au début a évolué : je me suis laissé entraîner dans un flux, comme une rivière entre les pierres, et je l'ai suivi jusqu'au bout. Il y a à comprendre et à méditer. Tolstoï était un révolté, cela existe en arrière-fond du livre. J'ai pensé à L'Idiot.
Jacqueline
Je pense comme toi Renée, mais pas en si bien imagé. J'ai beaucoup aimé. Je l'ai lu dans un recueil de nouvelles de la fin de sa vie, dont " La Sonate à Kreutzer " qui m'avait barbée dans ma jeunesse parce que je l'avais réduite à un exposé d'idées. En relisant du Tolstoï, je me dis : quel écrivain ! Comment arrive-t-il à faire une œuvre où les personnages poussent jusqu'au bout ce qu'il a ressenti ! En lisant Le Père Serge, je suis admirative. Il n'y a pas de longues descriptions, je découvre cette société que je ne connais pas et il me la fait vivre avec les tenants et des détails significatifs : le prélat les mains croisées, le moineau... C'est comme dans " La Dame au petit chien " que nous avions lu et le groupe était horrifié par son machisme. L'histoire est remarquable, avec cette quête de la recherche de l'autre.

Cheryl
Tolstoï était en avance pour son époque en abordant des sujets "interdits".
Claire
Je rejoins ceux qui ont été déçus par la fin, mais j'ai beaucoup aimé ce livre. C'est moi qui l'ai proposé, qui ai pris ce risque... Il y a un lien avec Lanzmann, car Tolstoï aussi a eu une vie émaillée de rencontres remarquables, de dialogues avec des grands (Gandhi). Je trouve cette nouvelle formidable à partir d'un thème qu'il décline dans une série de situations dans lequel il place son personnage : la vanité dont Tolstoï dit qu'elle fait partie des " maux comme les épidémies, la famine, les sauterelles, la guerre "... J'aime suivre ce personnage qui réussit tout, qui atteint toujours la perfection, premier de la classe, y compris dans les ordres et là fasse aux devoirs qu'impose la vie monastique il doit lutter contre son côté premier de la classe, il y arrive avec la rencontre qui le fait déchoir... mais la fin se délite pour moi...
Muriel
Ça m'a beaucoup plu. Je suis admirative de personnes telles que le Père Foucault qui quittent tout alors que tout leur réussit. La lutte entre l'orgueil et le fait de tout faire toujours bien donne une fable admirable. Le fait qu'il entre dans les ordres est un peu risible cependant. Il n'y a pas de dévouement pur. Celui qui se fait fusiller à la place de son frère le fait pour sa propre image. Quant au doigt coupé, cela m'a rappelé l'Introduction à la vie dévote de Saint-François de Salle où le héros au moment où la belle qui l'a attaché (sur un lit de plumes) va le violer se mord et se coupe la langue et lui jette sa langue au visage. Je l'ouvre aux trois quarts car ce n'est pas un chef d'œuvre du fait du style raplapla.
Françoise
Je m'attarderai moins sur la dimension sexuelle car pour toute religion, le mal absolu c'est le sexe. Je rejoins le club des athées pour dire que la problématique est intéressante, universelle, humanitaire, etc. avec la critique de la religion. Le Père Serge ne croit pas en Dieu en fait. Ce jeune homme qui passe et qui paraît aller très bien alors qu'il affirme son athéisme a son importance. Le thème, intéressant, concernait sans doute Tolstoï. Je l'ai lu comme un conte, une parabole. La traduction ne m'a pas gênée. Je me suis attachée à l'histoire. Évidemment le fait que le narrateur rejoigne l'auteur ajoute à l'intérêt du récit car il pose des questions fondamentales. Si j'avais à croire en Dieu, je trouverais Dieu dans chaque homme et pas ailleurs, comme Serge après qu'il ait rendu visite à Pachenka. Ce livre m'a plu.
Jackie
Je suis d'accord, il ne croit pas en Dieu. Ceux qui vont dans un couvent sont en général "appelés". Serge y va par rancœur, jalousie. Comme il est orgueilleux, il va jusqu'au bout. Le fait de coucher avec la fille du marchand est comme un sésame, il résout quelque chose. Tant qu'il a conscience de son humilité, il n'est pas humble. Il y a plein de gens qui agissent ainsi, par orgueil. Je suis athée, mais j'admire les gens qui ont la foi... Lui, il rame.


 


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Cette nouvelle qui, pour être souvent passée inaperçue dans l'oeuvre de Tolstoï, n'en constitue pas moins, en même que son écrit le plus serré, le plus fondamental, une parabole à la fois violente, sobre et universelle digne de prendre place parmis les plus grands témoignages spirituels.