Alors qu'il "accompagne" sa belle-fille dans sa lutte contre un cancer, le narrateur se souvient de Stéphane, son ami de jeunesse. Au début de la guerre, cet homme l'a initié à l'escalade et au dépassement de la peur, avant d'entrer dans la Résistance puis, capturé par un officier nazi - le colonel Shadow -, de mourir dans des circonstances jamais vraiment élucidées.

Voir l'entretien publié dans Le Monde
"Henry Bauchau : un roman éblouissant au soir de la vie
"

Henry Bauchau
Le boulevard périphérique

Nous avons lu ce livre en mars 2008.
Nous avions lu Œdipe sur la route en 2002.


Geneviève
Bauchau est une grande découverte, je vais me précipiter vers les autres.
Une écriture extraordinaire. Je suis fascinée notamment par la manière dont le narrateur nous fait sentir, dans son écriture-même, combien le passé et le présent se rencontrent en lui : comment il peut être très vieux (magnifique passage sur le regard des autres) et toujours jeune ; comment rien ne s'efface mais tout se superpose.
Merveille aussi d'une écriture qui parvient à faire de la description du périph et des embouteillages un élément essentiel de structuration et de tension du récit, symbolique du flot chaotique de la vie même.
J'ai été infiniment touchée par la relation entre ce vieil homme et cette jeune femme, son regard à la fois terriblement lucide et tendre sur elle.
Le personnage de Stéphane est fascinant et l'idée du face-à-face infernal avec Shadow très intéressante mais parfois moins aboutie. Je n'arrive pas toujours à sentir pleinement la relation perverse qui se met en place entre les deux, voire les trois, personnages. Tout petit bémol cependant : l'ensemble reste extrêmement fort donnant une impression de sincérité exceptionnelle.
Donc, tout ouvert et encore merci à ceux ou celles qui l'ont proposé.
Jacqueline
J'avais beaucoup aimé Antigone et Œdipe sur la route. Loin d'y voir une histoire connue, je trouvais que Bauchau redonnait vie au mythe par des images sensibles, le renouvelait en y incluant d'autres légendes archaïques. J'étais complètement séduite par cette alliance de détails vrais et sensibles et de symbolique. Je suis un peu déçue par Le Boulevard périphérique. Pourtant je suis très touchée par ce que dit le narrateur de sa relation avec Paule et sa maladie, par le portrait de la mère face à sa fille, par la manière dont le narrateur affronte la vieillesse, par la justesse des rapports avec le fils, par le poids des tâches auxquelles ce fils doit faire face dont l'inquiétude des dépenses de Paule. Là aussi je retrouve ce mélange de concret immédiat et de symbolique que j'aime chez Bauchau.
Par contre, je n'ai pas du tout accroché au roman dans le roman : j'aurais d'ailleurs aimé une indication pour situer ce livre : roman ? récit ? autofiction ? Je le prends comme un roman réussi (le narrateur et la mort de Paule) incluant malheureusement un projet de roman du narrateur loin d'être (encore ?) réussi.
Les affrontements ouvriers ou des femmes aux soldats d'occupation m'ont intéressée comme des épisodes réels. Mais le récit de Mary ne m'a pas convaincue (pas quant à la réalité des faits mais quant au mode du récit) et je le regrettais. Je ressentais bien la spontanéité de la protestation de femmes et la force de son déroulement inéluctable, ou, en tout cas, indépendant de leur volonté consciente, mais le récit comportait des jugements, des analyses qui me paraissaient être plus le fait du narrateur que de la supposée narratrice.
J'ai eu beaucoup de mal à m'intéresser à l'histoire de Stéphane. Les archétypes le Bien/le Mal, le nazi/le résistant, m'ont semblé artificiels.
Comme j'ai beaucoup aimé dans ce livre tout ce qui concernait Paule, je l'ouvre aux trois quarts.
Françoise D
Je suis allée à l'Odéon écouter Olivier Py en lire des extraits. Il n'a lu que des passages qui concernaient Stéphane et Shadow, ce que j'ai trouvé malhonnête car il donne ainsi une idée fausse du livre, il y a tromperie sur la marchandise. Bon, quant à moi, j'ai été déçue, je n'ai pas retrouvé le souffle épique, mythologique d'Œdipe sur la route, dommage. Et puis j'ai trouvé cette histoire de Shadow très fabriquée, invraisemblable. Je me suis demandée s'il n'avait pas été influencé par le personnage de Max Aue dans Les Bienveillantes. Dans l'entretien publié par Le Monde des Livres, il explique très bien que son écriture se rétrécit, il ne peut plus écrire aussi longtemps qu'il le voudrait, il y a une perte du vocabulaire, et on le ressent. Cependant il arrive très bien à nous faire percevoir ce quotidien répétitif, le boulevard périphérique, l'hôpital, etc., et ce qu'est la vieillesse. C'est un récit testamentaire, et en ce sens, c'est réussi.
Christine
J'ai eu la même impression, j'ai retrouvé l'écriture, j'ai été intéressée par le récit contemporain, les portes du périf qui s'égrènent, la mère, le personnage du père, d'abord peu fouillé puis qui prend vie ; le personnage du narrateur est très intéressant, dans le non-vouloir, le non-dit ; il intervient pour dire que l'enfant doit assister à l'enterrement, c'est un beau passage. Je n'ai pas aimé la partie de la guerre, pourquoi ce nom de Shadow ? Marguerite, ce personnage, laisse perplexe, on ne comprend pas sa fonction ; Marguerite légère/Shadow lourd : c'est pesant. Il y a trop d'ambiguïté avec Stéphane. Je n'ai pas aimé l'abbé. Pour finir sur du positif, j'aime les passages dans le bus, occupé par des noirs et des arabes : avec la double injustice pour les jeunes qui ne font rien de mal, il a un regard intéressant. J'ouvre aux trois-quarts en raison de la sympathie et du respect que j'ai pour l'auteur.
Diotime
J'aime Bauchau, je crois que le journal précède, comme si c'était fondu. Il y a tout ce que j'aime.
Au début de ce livre, je me suis dit " pourquoi on a choisi celui-là ? ", j'étais pas emballée. C'est un livre sur l'ambiguïté.
Françoise O
Je n'ai jamais lu Bauchau. Je l'ai commencé dans une sorte d'allégresse. Mon père a 99 ans, il est parfaitement lucide. Une scène reste dans ma mémoire, celle des femmes qui vont partir. Je ferme les yeux, c'est une scène de film extraordinaire. J'ai aimé la scène dans le salon de thé. Puis j'ai commencé à sentir un mal-être dans la lecture. L'histoire de Shadow me rappelle que je ne supporte pas la fascination du mal. J'ai pensé alors que j'avais lu jusque-là en pensant à mon père. Je me suis demandé pourquoi cette structure ? Pourquoi Paule, Stéphane qui meurent jeunes ? Pourquoi ce Shadow a pris une place pareille ? Il était malheureux, dans une grande souffrance, et il veut que le lecteur soit malheureux. Ce livre m'a beaucoup perturbée. Je l'ouvre aux ¾ pour la force du livre.
Françoise G
Moi non plus je n'avais jamais lu Bauchau. J'ai été émue par le livre. L'écriture m'a beaucoup plu. J'ai été prise par tous ces mouvements. Stéphane à la varape, mouvement de Shadow enfoui dans les profondeurs de la terre, c'était presque physique. Paule va à Paris, et le mouvement entre le présent et le passé, le périf, le bus, la Seine. C'est une sorte de somme du monde. On sent l'adhésion entre le narrateur et l'auteur.
La construction m'a davantage gênée, en deux temps. C'est pourquoi je comprends le choix de Py. Il est vrai avec Paule, factice avec Shadow. Je comprends qu'il ait envie de déployer deux histoires. Les réminiscences sont trop cohérentes. Stéphane et Shadow pourraient constituer un roman autonome. Quant au personnage de Stéphane, je comprends la fascination du narrateur pour lui, moins pour Shadow. On y trouve l'aspect mystique qui renvoie à l'éducation de Bauchau. Je trouve incohérent le SS : de temps en temps on met dans sa bouche les remarques d'un psy. Il y a tout dans ce livre, c'est un livre de vieux en ce qu'il y a d'urgence. Il ne s'élève pas aussi bien que Stéphane. Le narrateur est très émouvant. La relation avec Paule très belle, très vraie.
Il y a des passages très beaux, comme celui du framboisier et celui où en sortant de l'hôpital il voit deux ouvriers creuser une tranchée... métaphore de la vie.
Eve
C'est une découverte aussi. J'ai beaucoup aimé l'écriture, l'économie de moyens. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le livre, je suis restée longtemps à la porte. C'est noir, rébarbatif, presque rédhibitoire. Je n'ai pas regretté d'avoir persévéré. Sa façon d'imbriquer présent et passé : tout est au même niveau. On passe d'une époque à l'autre, d'une phrase à l'autre, j'ai eu un peu de mal. On dirait qu'il veut expier quelque chose en voyant sa belle-fille pour qui il n'a pas beaucoup d'empathie. Je lirai d'autres livres de cet auteur.

Françoise G
J'ai oublié de parler du narrateur et de Paule : on attend sa mort, ça m'a fait peur, ça m'a bouleversée.
Annick A
J'avais déjà lu des livres de cet auteur et j'ai été un peu déçue. Je l'ai lu à l'orée de ma retraite et ce n'est pas indifférent. Dans ses livres il y a un rapport à la vie, avec une sagesse. J'attendais de lui un livre avec un rapport à la mort plus tranquille. Ce livre est entre deux pulsions de vie et de mort. C'est un livre dépressif, il pleut, c'est sordide ; reflet de ce que doit vivre un homme. J'ai eu envie de le fermer. Le sujet de Shadow m'a influencée. J'étais psy, il était psy. Il y a le bien parce que le mal existe. Quand il parle de l'abbé, il confond les deux : il y a une imbrication entre pulsion de vie et de mort. J'ai été prise dans le malaise de ces questions de vie et de mort.

Françoise G
Pourquoi Stéphane ne serait pas aussi dans la pulsion de mort ? Le narrateur est dans la vie.

Diotime
Le gris, la pluie, c'est pas dépressif

Annick A
Le rapport au temps est intéressant : il est pris par le temps. Paule n'est pas si sympathique, elle ne m'émeut pas.

Françoise G
J'ai cru qu'il allait faire un parallèle Paule/sa mère = Shadow/Stéphane.

Annick A
J'ai bien aimé ce rapport du père et du fils, c'est touchant. Quelque chose tombe d'un rapport entre hommes.

Christine
Et nous on est soulagées.

Annick A
Le passage scatologique m'a fait penser à Sade.
Annick L
C'est la première fois que je lis Bauchau et j'ai été touchée, admirative de son écriture. C'est un écrivain extraordinaire. Il arrive à faire passer des histoires de flux, c'est un livre de psychanalyste ; il nous fait entrer dans des flux, des ressassements, on passe, repasse, ça mouline, c'est éprouvant pour le lecteur. La question n'est pas la véracité, Shadow est plus métaphorique que crédible. C'est un livre d'images, de sensations. Il y a des petites touches très belles, les framboises, les fleurs, la simplicité. Il faut avoir le moral pour lire, la lecture est difficile, douloureuse. C'est un livre du renoncement : dans la scène fils/père, il lâche prise. C'est un renoncement au pouvoir.

Christine
Mais il intervient, il ose.

Françoise D
Oui, moi je dirai plutôt le contraire : il reprend son pouvoir de père.

Françoise O
Il se substitue à son fils auprès de Paule.

Annick L
C'est un livre sur le renoncement. Par l'écriture, il trouve une prise sur les choses. C'est comme s'il avait passé son temps à regarder les autres. Seul, accepter la position où il est, lui procure un apaisement.

Françoise G
Il se questionne sur sa manière d'être.

Annick L
La scène du fils est essentielle, c'est ce qui m'a empêchée d'être dans la désespérance. C'est un livre d'écrivain, on est sur un rythme, un flux. Quelque chose est entre la pesanteur et le mouvement. C'est un livre qui donne à sentir.

Eve
Pourquoi il a éprouvé le besoin de faire un passé à Shadow ?...

Françoise G
Que faut-il lire ?

Le chœur
Œdipe sur la route !!
Claire
Je l'ai lu dans de très bonnes conditions, dans un avion, avec un a priori favorable. Il m'est tombé des mains, sans ressentir la déprime que vous indiquez.
L'écriture m'a paru souvent faire flop ! Par exemple au sujet de Paule : " elle n'est pas tournée vers l'être mais vers l'avoir ".
Au début à propos de Stéphane, j'ai été sensible à la sensualité pour le décrire, puis on retourne à Paule...
J'ai passé des pages, je suis arrrivée à Mikha.
Je me suis souvenue de l'article du Monde : son écriture se rétrécit. Je regrette de ne pas avoir été captée comme vous. Nous avions lu Œdipe sur la route il y a 6 ans. Qu'en avais-je donc pensé ? Je me cite honteusement moi-même : " Il y a longtemps que Loana nous rebattait les oreilles avec cet auteur... J'ai essayé à plusieurs reprises de le feuilleter en librairie et à chaque fois, ce fut la certitude d'un pensum, d'une lecture intellomerdouillante. Je l'ai lu à Madère et suis revenue sur mon préjugé. J'ai été prise par le récit, les récits (enchâssés). Les personnages ont une forte présence. Il y a quelques moments chiants, notamment le chapitre avec le poème indigeste. Mais de loin en loin, j'ai été totalement surprise au cours d'une page, d'un dialogue, une émotion qui me saute à la gorge, à peu près incompréhensible. La place des différents arts est étonnante dans le récit. Tout au long du livre, une question : mais pourquoi écrire sur Œdipe ? Qui est cet auteur dont je ne connais rien ? En tapotant sur Internet, j'ai mieux compris, il est psychanalyste. Son œuvre elle-même est étonnante, avec ses ramifications sans œuvres vraiment tranchées. "
Je n'ai pas retrouvé les moments de grâce dans ce livre.
Manu
C'est la deuxième fois que nous programmons cet auteur… Que je n'apprécie pas du tout. L'écriture m'a ennuyé, la construction est artificielle. A de nombreuses reprises, tout tombe à plat. Au lieu de laisser filer les images comme au cinéma, l'auteur en ajoute encore une couche. L'écriture se rétrécit peut-être mais elle pourrait également être dégraissée. Certaines métaphores m'ont paru complètement absurdes en plus d'être répétitives : les délires scato de Shadow (Au secours pour les noms !) Quel bonheur aurait été ce livre si les récits n'avaient pas été imbriqués de la sorte. Je n'ai pas ressenti les personnages se " nourrir entre eux ". Que vient faire Paule avec le récit de l'amour platonique d'avec Stéphane. J'ai réellement peiné à finir ce livre.
Sandrine
L’engouement général pour Boulevard périphérique fut tel que j’avais hâte de le découvir... mais je suis aujourd’hui gênée de faire part de la tiédeur de mes commentaires sans pour autant réussir à m’expliquer l’enthousiasme provoqué par ce livre. L’insertion des passages sur Shadow (quel choix de nom dissonant pour un officier allemand !!!!) m’a parue artificielle. J’ai été touchée par le style de l’auteur, le rythme répétitif des allers et venues dans le flots de la circulation parisienne, de l’acceptation de l’âge et de la maladie de sa belle-fille. L’histoire de Shadow et de Stéphane – malgré de très belles descriptions d’escalade – me semble superficielle et incongrue dans le contexte du Boulevard périphérique et de la lutte de Paule contre la maladie.

 

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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