Rainer Maria Rilke, Boris Pasternak, Marina Tsvétaïeva
Correspondance à trois : été 1926

Nous avons lu ce livre en septembre 1994.


Brigitte
Je ne suis pas d'accord pour qu'on l'on relise ce "genre" de livres. Je trouve néanmoins intéressant, mais… cela dit, je suis contente de l'avoir lu. J'aime Pasternak. J'ai du mal à me souvenir de ma lecture estivale. J'aime certains propos des auteurs, par exemple, de Marina Tsvétaïeva sur la poésie (écrire c'est déjà traduire), sur son impossibilité d'entrer dans le réel.

Monique
J'ai été étonnée de ce choix : lire des correspondances, c'est un peu bizarre… cela touche un peu au voyeurisme. Mais j'aime ! Mais je préfère lire les écrits de ces gens-là plutôt que leur vie. En gros je me suis ennuyée. Il y a une chose qui m'a énormément plu, c'est la première lettre de Marina à Rilke : le passage du "vous" aussi "tu", il y a des espèces de brisures, la lettre et l'océan, flambée de création. C'est hyper érotique. Il y a une liberté d'écriture, que seule une femme peut avoir. Mais après, elle dérape : c'est lamentable. Cette correspondance interroge beaucoup sur les rapports humains. Je n'ai pas du tout aimé le côté "rechignant" de Pasternak. C'est un livre assez pessimiste finalement puisque ces rapports n'aboutiront pas.

Christine
Je ne l'ai pas lu… j'ai essayé… j'ai pas pu. J'avais besoin d'autre chose. J'ai le sentiment que ce genre littéraire ne me convenait pas. Il y a la solitude de trois personnes qui s'écrivaient à elles-mêmes. Je me suis ennuyée et n'ai pas réussi à le reprendre.

Marie-Christine
Je n'ai pas tout lu non plus. Je n'étais pas passionnée, mais j'y revenais pourtant, avec le sentiment que certaines choses m'échappaient. Il y a beaucoup d'ellipses dans le livre, qui m'ont fait sauter les pages. J'ai été "parasitée" par d'autres lectures : Bobin, Montaldo...

Henri-Jean
Je ne l'ai pas lu :
- parce que cela ne me disait rien
- parce que c'était trop cher
- parce que j'avais trop d'autres livres à lire.

Fernando
Je l'ai lu pour voir la réalité de Marina Tsvétaïeva. C'est l'histoire d'un amour, d'une relation d'amour la plus radicale en tant que négation de l'amour. Cette relation me semble dépasser toutes bornes possibles : j'ai très peu de passion pour ce genre de relation. Marina m'irrite. Je ne suis pas pris par le style de ces lettres. L'impression est confirmée que Rilke est un homme ennuyeux, et pourtant, un des plus grands poètes du XXe siècle. C'est fort décevant. C'est une mystification épouvantable.

Sabine
Je suis beaucoup plus positive. Pourtant a priori j'étais partie pour autre chose. Les biographies, l'autobiographie, c'est un drôle de genre… comment je vais le lire ? Juger leur vie ? Leurs écrits ? Leur histoire ? Ce sont des gens exceptionnels. Une relation sans relation, pourtant avec un réseau. Était-ce fait pour être publié ? Et si on lisait ton courrier ? Le rôle qu'elle prend… c'est une forte personnalité, une vraie ventouse. C'est syncopé. La poésie est illisible, elliptique, il y a un code. Elle joue de ses deux mecs. Pasternak, c'est le dindon de la farce. Et le rôle du père qui s'immisce ! Ces êtres sont proches malgré l'éloignement géographique. Quels sont les enjeux de cette correspondance ? Rilke est un homme d'un certain âge. Les expressions sont d'un autre âge. C'est un triangle magique : Russie, Suisse, France. Mais on ne sent rien de la politique d'alors. Où ils vivaient ?! Ce sont des gens peu engagés politiquement. Le poids d'une lettre : on les garde précieusement, l'attente, on recopie une lettre ! Mais pourquoi, nous, on a lu cela ? Je suis ravie.

Dominique
Je ne l'ai pas lu en entier. Je ne suis pas convaincue. Pour tout dire, le sublime me rase. On est exclu de cette relation. Ce n'est pas très agréable. Et ce qu'on comprend me barbe. Le pauvre Pasternak ! C'est incompréhensible. C'est la prétention d'écrire du sublime qui me rase ! Je finirai, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs... si, pour savoir comment ça se passe entre eux.

Rozenn
Je ne l'ai pas lu. Je l'ai feuilleté quand je l'ai acheté. Mais c'est resté un projet… Pourtant, j'adore les correspondances (lettre de Kafka, Van Gogh). Ce sont des gens qui ne me plaisent pas.

Marie-Claire
Je suis une grande lectrice de correspondance, de journaux. Je ne sais pas si j'ai été déçue. J'ai picoré. Je suis parfois très bien tombée, parfois non. Ce qui m'a gênée, c'est la date et la position esthétisante, romantique, de ces gens-là. Le poète romantique au-dessus des contingences politiques et sociales, cela est rebutant. Pour Rilke, dormir chez des paysans pauvres, c'est exotique. Il est le contraire de Gogol. Il y a un style poétique échevelé de Marina Tsvétaïeva. Un grand décalage dans les sentiments éprouvés par chacun des personnages. Elle parle beaucoup de rêves. Je regrette qu'on n'ait pas parlé de leur vie.

Anne
J'adore Rilke et Marina. Je me suis précipitée sur cette correspondance lorsqu'elle est sortie. Certaines lettres sont des monuments littéraires. Chacun essaie de se surpasser. Il n'y pas de réelle communication. J'éprouve un plaisir jubilatoire à lire certaines lettres. Je n'ai pas trouvé cela esthétisant : c'est leur vision ; ils voient, ils veulent faire œuvre. Marina est effectivement monstrueuse, puisse que l'écriture est supérieure à la vie. Son style a une modernité. Elle a une ascèse qui va vers un engagement dans ce sens.

Elizabeth
C'est une lecture où je me suis mortellement ennuyée. Mais… j'ai tout lu ! Car j'ai voulu comprendre pour quelles raisons ils s'écrivaient. J'ai été fortement irritée par Marina Tsvétaïeva, très émue par Rilke et Pasternak. Je ne comprends pas ce qui se joue entre les trois. Il n'y pas d'altérité. Je suis contente de l'avoir lu.

Claire
Le titre est mensonger. Les lettres ne circulent que dans deux sens. J'ai trouvé ce livre intéressant, car on peut juger les personnages. Il y a une "intrigue" très mince. Je n'ai pas été choquée par l'absence de dimension historique.
Comment que j'ai vécu ce livre ? Les correspondances, ça me barbe. Mais ce livre-là est remarquablement composé ; le montage est judicieux.
Ce qui m'a le plus étonnée, c'est l'hystérie de leur relation. Je ne trouve pas cela érotique. C'est une exaltation ampoulée. Dans le domaine de l'excès, il y a cette sacralisation du poète. Ils sont lecteurs les uns des autres, ils s'encensent les uns les autres, avec grandiloquence ; lorsqu'ils parlent de leurs œuvres, c'est du blabla très emphatique. L'écriture de Marina est souvent obscure. Mais il y a certains passages très beaux. Je suis mitigée sur ce livre.

Renée
Je l'aimais, et maintenant, je ne l'aime plus. Vous me l'avez saccagé ! (Renée montre son livre déchiqueté...). Marina m'a envoûtée. J'ai rencontré une des grandes traductrices de Marina Tsvétaïeva, qui elle aussi, a été subjuguée par Marina.




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Quatrième de couverture :

"Je lisais ta lettre au bord de l'océan, et l'océan la lisait avec moi". (Tsvétaïeva)

"Tu es mon seul ciel est légitime et ma femme." (Pasternak)

"Nous nous touchons comment ? Par des coups d'aile." (Rilke)

Pendant quelques mois de 1926, trois des plus grands poètes de leur temps vont échanger un courrier d'une passion extrême. Deux d'entre aux seulement se connaissent, Pasternak et Tsvetaïeva. Rilke n'a jamais vu ni l'un ni l'autre : le lien réel de leur triangle est l'admiration réciproque.
Pasternak est cloué à Moscou par la révolution (c'est l'époque où il est le docteur Jivago), Tsvétaïeva en France par l'immigration, Rilke en Suisse où il meurt lentement. L'isolement où ils sont chacun des deux autres, l'absence de tout contact et de toute connaissance concrète favorisent l'exaltation, l'idéalisation, le sublime… mais aussi des drames de susceptibilité, de jalousie, des remords, des ruptures, des interdits volontaires et autres ordalies. La passion amoureuse (à des milliers de kilomètres) est indéniablement mêlée à la fougue poétique. Impérieuse chez Tsvétaïeva (à Rilke : "ta Russie, c'est moi et moi seule"), plus discrète, pleine d'abnégation chez Pasternak. Rilke, c'est autre chose, Rilke est occupé à mourir…
Voilà pourquoi la correspondance à trois se lit comme un grand roman d'amour. Elle l'est. Roman d'autant plus beau que sur les passions humaines se projette l'ombre infinie de la poésie.

N.B.- Les lettres de Rilke et pour une part celle de Tsvétaïeva sont, dans l'original, écrites en allemand, le reste en russe.