Les traductrices de Louise Erdrich


• La traductrice de La Sentence

Sarah Gurcel est aussi comédienne.
Elle traduit du théâtre, essentiellement britannique (sous son nom de scène, Sarah Vermande), de la non-fiction et surtout des romans nord-américains.
Pour la collection "Terres d’Amérique", elle a traduit, outre un autre livre de Louise Erdrich (Celui qui veille), Philipp Meyer (Le fils), Claire Vaye-Watkins (Les sables de l’Amargosa), Sana Krasikov (Les patriotes), Michael Christie (Lorsque le dernier arbre).
Voir son blog : https://www.sarahvermande.com/
Son parcours et ses traductions : ›ici.

Les autres traductrices

Suprise ! La première traductrice de Louise Erdrich est la pianiste et chanteuse de jazz Mimi Perrin qui, après une carrière musicale (ah les Double Six !), est devenue traductrice : elle traduit le premier livre de Salman Rushdie, Grimus, en 1975, La Couleur pourpre d'Alice Walker en 1984 sous le titre de Cher bon Dieu, des autobiographies (Dizzy Gillespie, Nina Simone), est à partir de 1989 la traductrice attitrée de John le Carré en compagnie de sa fille, Isabelle Perrin, maître de conférences à la Sorbonne. Dora Pastré traduit un livre, Marianne Véron deux romans. Les deux titres pour la jeunesse sont traduits par Frédérique Pressmann qui est traductrice, mais principalement réalisatrice.
Et Isabelle Reinharez entre en scène, traductrice depuis 1981 (246 entrées sur le site de la BNF) ayant même dirigé 10 ans la collection de littérature anglaise et américaine d'Actes Sud (son portrait en vidéo ici, Centre du livre et de la lecture Poitou Charentes/Les Yeux d’IZO, 15 min, 2009). Sur une vingtaine d'années, elle a traduit 13 romans de Louise Erdrich.
On peut s'étonner - et regretter - que la traductrice historique de cette auteure ne soit pas celle du livre que nous lisons… Pourquoi ? Pourquoi !
Il suffit de lui poser la question... et de lire la réponse qu'elle nous a adressée...


Échange avec Isabelle Reinharez


Le 16 novembre 2023

Bonjour,

Je me permets de vous contacter, ayant vu vos coordonnées sur le site de l'ATLF : atlf.org/repertoire-des-traducteurs/reinharez/

Nous lisons dans notre club de lecture le dernier livre de Louise Erdrich (www.voixauchapitre.com/archives/2023/erdrich.htm)

Nous nous intéressons à la traduction et donc aux traductrices. Et c'est vous qui êtes LA traductrice de Louise Erdrich.

Nous nous étonnons - et regrettons… - que la traductrice historique de cette auteure ne soit pas celle du livre que nous lisons…
Pourquoi ? Pourquoi !

Il est vrai que votre première traduction remonte à 1981 et on peut imaginer que vous voulez faire autre chose.

13 livres traduits, c'est quelque chose ! Quelle intimité avec l'écriture et le monde de l'auteure !

Traduits ou retraduits. J'ai cherché pourquoi comment existaient des traductions dites tronquées des premiers romans de Louise Erdrich que vous aviez retraduits… c'est le mystère.

Cordialement
Claire Boniface (pour le club de lecture Voix au chapitre)
Mél. : voixauchapitre@wanadoo.fr
Site : www.voixauchapitre.com

Vos livres traduits :
- L'Épouse antilope (2002)
- Dernier Rapport sur les miracles à Little No Horse (2003)
- La Chorale des maîtres bouchers (2004)
- Ce qui a dévoré nos cœurs (2006)
- Love Medecine (2008)
- La Malédiction des colombes (2010)
- Le Jeu des ombres (2012)
- La Décapotable rouge (2012)
- Dans le silence du vent (2013)
- Femme nue jouant Chopin (2014)

- Le Pique-nique des orphelins (2016)
- LaRose (2018)
- L'Enfant de la prochaine aurore (2021).


Le 19 novembre 2023

Bonjour Claire,

Mille mercis pour ce message qui m'a beaucoup émue, m'a fait du bien, et a même caressé mon petit ego de traductrice dans le sens du poil, ce qu'il ne trouve jamais désagréable !

Bravo pour votre club de lecture qui semble très actif, et votre intérêt à toutes pour la traduction. C'est assez rare, il me semble.

Pour répondre à votre question "Pourquoi ? Pourquoi ?", il me faut vous dévoiler un peu de ma vie familiale. En 2020 est paru aux États-Unis The Night Watchman, il fallait donc que je m'attelle dès que possible à la traduction. Mais on venait de diagnostiquer un myélome à ma mère, veuve et âgée de 93 ans, habitant à 800 km de chez moi. Ses mois étaient comptés. J'ai évidemment décidé d'accompagner sa fin de vie, qui s'annonçait très douloureuse. Loin de chez moi à plein temps, il m'était donc impossible d'entreprendre une traduction de cette ampleur. Consciente que je mettrais certainement du temps à me remettre de cette épreuve, et qu'il faudrait également assurer les démarches longues, pénibles et chronophages qui suivent un décès, j'ai alors pris le parti de passer carrément la main, car Louise ne cesse d'écrire et je craignais de ne pouvoir suivre son rythme. C'était en partie par respect pour son lectorat français, afin d'éviter autant que possible des allers et retours entre deux traductrices, deux écritures inévitablement un peu différentes, et aussi parce que, comme vous l'avez si délicatement suggéré, ma jeunesse est un souvenir lointain. La décision a été très difficile. J'avais passé des années de bonheur dans l'univers de Louise ! J'en ai été marquée de bien des façons. Mais bon, c'est la vie. Louise m'a soutenue, et notre amitié, bâtie peu à peu au fil du temps, est toujours là.

Pour moi, Louise aurait dû recevoir le Femina étranger bien plus tôt. Pour Dans le silence du vent, en 2013, ou LaRose, en 2018. Mais les jurés des prix sont toujours à la traîne*. Il a fallu que The Night Watchman (Celui qui veille) remporte le prix Pulitzer pour que la presse française s'intéresse enfin sérieusement à Louise. Et puis la parution en français de The Sentence pour qu'un roman de Louise apparaisse sur la liste d'un prix littéraire ! J'aurais aimé vivre ces événements à 100%, mais une fois encore, la vie est comme ça, et je me réjouis de ce succès pour l'autrice, son fidèle éditeur, et Sarah Gurcel, la nouvelle traductrice, quelqu'un de très bien.

Pour ce qui est des livres que j'ai retraduits, ils étaient parus chez un autre éditeur. Francis Geffard, chez Albin Michel, n'aimait pas du tout ces traductions et il n'était pas question pour lui de les publier en l'état. J'ai donc tout repris à zéro. Je n'ai jamais lu ces premières traductions.

Si votre club de lecture ou ses lectrices décidaient de lire d'autres romans de Louise Erdrich, à part les deux que j'ai cités plus haut, j'ai adoré l'extraordinaire Dernier Rapport sur les miracles à Little No Horse. Et les deux recueils de nouvelles, aussi (La Décapotable rouge et Femme nue jouant Chopin). Ces livres-là sont pleins de folie.

Voilà. Si vous avez d'autres questions, je me ferai un plaisir de vous répondre.

Cordialement,
Isabelle

* Pour les choix trop tardifs des Prix littéraires, je repense à Claudie Hunzinger, prix Fémina en 2022 pour Un Chien à ma table. Autant j'avais été éblouie par La Survivance, parue en 2012 (et déjà sur la liste du Fémina), autant ce titre-là m'a déçue. J'ai souvent l'impression que les jurés tentent de se rattraper in extremis, au moment où leur manque d'audace devient quasiment une faute de jugement.


(Précision : j'ai ajouté dans la réponse
les liens et les titres des livres
en français entre parenthèses.
Claire)


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