La fin du livre

Sages, car la sagesse c'est d'être amoureux de la vie, tandis que la bêtise, c'est d'avoir honte de l'amour.

Ils sont sages, et de plus ils sont silencieux, car après l'éruption du volcan, nos sentiments s'emplissent de silence. Il y a un instant tout n'était que feu, maintenant la cendre chaude réchauffe nos pieds. Il y a un instant nous étions aveuglés par la lumière, maintenant un crépuscule béni repose nos yeux. Tout a retrouvé le calme ; le volcan dort. Même nos pauvres nerfs dorment. Nous ne sommes pas heureux mais nous jouissons d'une paix provisoire. Il y a un instant nous voyions le désert de notre vie dans toute son effroyable étendue. Maintenant nous voyons le désert fleurir. Les oasis ne sont pas rapprochées mais elles existent. Nous savons que le désert est grand. Mais nous savons aussi que c'est dans les plus grands déserts que les oasis sont le plus nombreuses. Nous devons payer cher pour savoir cela. Une éruption de volcan en est le prix. C'est cher, mais il n'est pas d'autre prix.

C'est pourquoi nous devons bénir les volcans, les remercier de nous avoir aveuglés, car il faut avoir été aveuglé pour acquérir une vie parfaite. Les remercier encore de nous brûler, car seuls les enfants brûlés peuvent réchauffer les autres.

Mais les instants de paix sont brefs. Tous les autres instants sont beaucoup plus longs. La sagesse est aussi de savoir cela. Mais parce qu'ils sont brefs, il nous faut vivre ces instants comme si nous ne devions vivre que ceux-là. Cela aussi ils le savent.

Aussi ne répondent-ils pas quand Bérit appelle au téléphone.

Quand Knut appellera, ils ne répondront pas non plus.

Les tantes aussi appelleront en vain.


=> Retour à l'avis de Thomas sur L'enfant brûlé de Stig DAGERMAN