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       LA 
        FANTASY SELON LA SPÉCIALISTE ANNE BESSON 
        auteure d'un Dictionnaire 
        de la Fantasy 
        (éd. de la Vendémiaire, 2018, 448 p.) 
      Définition 
        La fantasy en général 
        La fantasy en France 
         
      Définition 
      "La 
        fantasy, c'est une littérature de l'imaginaire, où le surnaturel 
        apparaît. Elle réinvestit le merveilleux des contes, mythes 
        et légendes et construit des mondes où ce surnaturel magique 
        est normal. Ce genre prend ses racines en Angleterre, entre la deuxième 
        moitié du XIXe siècle et les deux guerres mondiales, sur 
        fond de révolution industrielle, de transformation des paysages 
        et des modes de vie, avec une volonté de faire revivre des traits 
        de civilisation perçus comme disparus. Que ce soit chez Tolkien 
        et Lewis, ou 
        Howard aux États-Unis, il y a une envie de remettre les grandes 
        histoires à l'honneur, et aussi différentes modalités 
        de rejet du progrès, qui passe par beaucoup de destruction, notamment 
        celle de la nature. La fantasy a depuis conquis les bandes dessinées, 
        le cinéma et les jeux vidéo. C'est un genre qui a le vent 
        en poupe, en partie grâce aux énormes succès d'Harry 
        Potter et du Seigneur des anneaux. Il touche aujourd'hui un public transgénérationnel 
        et multiculturel." (extrait d'un entretien avec Aurélien Soucheyre, 
        L'Humanité, 
        28 novembre 2018) 
       
      Entretien 
        (2018) 
      L'auteure 
        du Dictionnaire de la fantasy, Anne Besson, nous éclaire 
        sur les différentes dimensions de ce genre, dont la popularité 
        n'est plus à prouver.  
         
      Tout 
        amoureux de la fantasy se doit de jeter un il à ce livre 
        et de lui laisser, le cas échéant, une place de choix dans 
        sa bibliothèque. Anne Besson, professeure de littérature 
        générale et comparée à l'université 
        d'Artois, dirige un Dictionnaire de la fantasy, religieusement documenté. 
        Les dragons, les elfes, les nains, les orques et autres figures mythiques 
        du genre sont décortiqués en profondeur dans cette uvre 
        de 400 pages. Organisé en une centaine d'entrées, ce dictionnaire 
        s'interroge sur les origines, les mythes et les secrets d'un genre encore 
        plus prolifique qu'il ne paraît. Plus d'une cinquantaine 
        de contributeurs, dont des plumes célèbres du milieu (Jean-Philippe 
        Jaworski, Patrice Louinet, Lionel Davoust, Estelle Faye et Vincent Ferré), 
        ont participé à cette aventure. Anne Besson revient sur 
        les raisons d'être d'un tel ouvrage et dresse un état des 
        lieux de la fantasy anglo-saxonne et française. 
      Le Point 
        : Pourquoi sortir un dictionnaire de la fantasy ? 
        Anne 
        Besson : Je crois qu'il y a une attente et une demande ! Le genre 
        de la fantasy est maintenant bien identifié à travers quelques 
        grands exemples comme Le Seigneur des anneaux, Le Trône de fer 
        ou encore Harry Potter, mais qu'en est-il des autres titres et surtout 
        de la fantasy française ? Ce dictionnaire est un moyen d'apporter 
        beaucoup d'informations dans un format qui s'y prête parfaitement. 
        On a choisi des entrées thématiques qui permettent de retrouver 
        un bestiaire bien connu avec les dragons, les elfes et les autres en appuyant 
        sur toute la richesse et la variété que présente 
        la fantasy. Une chose est sûre, les lecteurs vont enrichir leurs 
        piles de livres à lire ou de films à voir d'une manière 
        exponentielle. 
      Publier 
        un dictionnaire n'est-il pas une forme de consécration ? 
        Oui, cela fait partie d'un vaste mouvement de reconnaissance qui s'opère 
        depuis progressivement depuis l'avènement des uvres de J. 
        R. R. Tolkien. Avec ce Dictionnaire de la fantasy, nous avons cependant 
        refusé d'entrer dans une patrimonialisation qui ne serait pas dans 
        l'esprit du genre. On a évité de le réduire à 
        des auteurs "canonisés", car la fantasy représente 
        plutôt l'ouverture des possibles. C'est un genre totalement libre, 
        malgré les stéréotypes véhiculés, qui 
        peut inventer ce qu'il veut sans être soumis à une rationalité 
        scientifique comme avec la science-fiction. Il n'est d'ailleurs pas tout 
        à fait possible de définir ce qu'est la fantasy dans son 
        empan le plus large, car elle ne correspond pas aux mêmes subdivisions 
        éditoriales dans le monde anglophone et francophone. 
         
      Tolkien 
        reste-t-il un horizon indépassable et le modèle de référence 
        pour les auteurs ? 
        John Ronald Reuel Tolkien est toujours perçu comme le grand nom 
        auquel on est comparé. Il est incontournable et fait l'unanimité 
        sur les quatrièmes de couverture, même s'il semble concurrencé 
        aujourd'hui par George 
        R. R. Martin. Tolkien est très loin en termes de consécration 
        littéraire avec des retraductions, des rééditions 
        et même des expositions prestigieuses, dont une future à 
        la BnF. Cette reconnaissance est liée à la qualité 
        intrinsèque de son uvre ainsi qu'à sa figure d'universitaire 
        et de médiéviste talentueux. Derrière Le Seigneur 
        des anneaux, il y a d'autres textes qui prouvent la richesse de son 
        univers, ce qui n'est pas toujours le cas dans les romans de fantasy avec 
        des mondes en carton-pâte. 
        Le classicisme de la langue a bénéficié du passage 
        du temps pour être maintenant pleinement apprécié. 
        Les longues séquences descriptives qui seraient difficiles à 
        publier en 2018 offrent un cachet de littérarité à 
        son uvre. Mais pour revenir à votre question, je crois que 
        Tolkien n'est plus un horizon pour les romanciers actuels. Il est indépassable, 
        mais écrire actuellement du Seigneur des anneaux serait 
        démodé. Il a été photocopié et parodié 
        mille fois, il faut donc innover. Mais cela rappelle la singularité 
        du genre qui s'est construit autour d'un auteur pendant de nombreuses 
        années, ce qui est unique. 
         
      Comment 
        qualifieriez-vous la fantasy de George R. R. Martin ? 
        Alors que Tolkien était inspiré par des références 
        littéraires, ce sont les références historiques qui 
        dominent chez Martin. Il évoque lui-même le réalisme, 
        car il insiste sur la noirceur et l'immoralité de ses récits. 
        J'apprécie son travail sur les 
        prequels narrés par des historiens imaginaires qui fait écho 
        à un Silmarillion. 
        Sa réflexion sur la manière d'écrire l'histoire dans 
        son uvre me semble tout à fait intéressante. 
      Quid 
        d'Harry Potter, appartient-il à la fantasy ? 
        Tout le débat avec le personnage de 
        J. K. Rowling est de savoir si nous sommes dans du fantastique ou 
        de la fantasy. Dans le fantastique, l'apparition du surnaturel produit 
        un effet de choc donnant envie au lecteur de retrouver des certitudes. 
        On va ressentir de la peur alors que le sentiment que veut propager la 
        fantasy, c'est l'émerveillement. Harry Potter se rapproche 
        de cette lignée, même si le récit comporte de grandes 
        scènes fantastiques comme la résurrection de Voldemort à 
        la fin du quatrième volume. À l'inverse du Seigneur des 
        anneaux, la saga du petit sorcier est une fantasy à deux mondes 
        avec des passages entre le monde réel et le monde de l'imaginaire. 
        Ce procédé que nous voyons dans Les 
        Chroniques de Narnia est souvent présent dans la littérature 
        jeunesse. 
      Quand 
        on parle de fantasy, on parle le plus souvent de titres anglo-saxons... 
        Qu'en est-il de la fantasy française ? 
        La fantasy française est féconde et hyperactive. Elle mérite 
        vraiment d'être reconnue, mais, pour l'instant, la plupart des gens 
        ne sont pas capables d'en citer un seul titre. Malheureusement, l'imaginaire 
        se vend mal en France depuis une quinzaine d'années. Les éditeurs 
        diagnostiquent un manque de médiatisation faute de médias 
        généralistes intéressés par le sujet mettant 
        ainsi ce genre dans une niche. Je crois qu'il y a aussi un problème 
        d'émiettement du marché éditorial. À part 
        Bragelonne, quasiment tous les 
        éditeurs de l'imaginaire sont de petites maisons d'édition, 
        ce qui n'aide pas pour faire de la communication à grande échelle. 
      Ces derniers 
        temps, les projets d'adaptations cinématographiques semblent se 
        multiplier... 
        La fantasy est devenue un réservoir intéressant pour Netflix 
        ou Amazon qui misent sur de prochaines adaptations. Le genre est lié 
        à l'image et aux illustrations fixes. Il se prête très 
        bien à la bande dessinée et aux mangas, mais je mettrais 
        un bémol sur les adaptations audiovisuelles, même si nous 
        avons de très gros succès. Les films vieillissent assez 
        mal, malgré leurs qualités intrinsèques, alors que 
        les longs-métrages de science-fiction s'en sortent mieux. J'ai 
        du mal à revoir des films que j'aime beaucoup comme Légende, 
        Cur de dragon ou Excalibur qui tombent avec le temps dans le 
        kitsch. On verra si Game of Thrones aura plus de chance ! 
      Interviewé 
        à l'occasion de notre dernier hors-série, Orson 
        Scott Card explique que la fantasy est désormais plus populaire 
        que la science-fiction. A-t-elle gagné la bataille de l'imaginaire 
        ? 
        C'est un constat qui est tout à fait vrai et que l'on peut lier 
        au succès des grandes franchises de fantasy au début des 
        années 2000. Cela a entraîné un rééquilibrage 
        global du marché éditorial et une acculturation du public. 
        La génération Harry Potter est friande de fantasy. Cela 
        fait longtemps qu'on évoque le déclin de la science-fiction 
        avec la perte de confiance du public face aux progrès scientifiques. 
        Je crois surtout qu'il y a une appétence pour d'autres mondes possibles 
        que l'on remarque aussi dans les jeux vidéo ou dans notre vie numérique. 
        C'est sans doute dû à l'absence de perspective politique 
        pour les nouvelles générations. Les possibilités 
        utopiques se retrouvent finalement dans la fiction. Malgré Game 
        of Thrones, la fantasy est d'ailleurs plus optimiste que la science-fiction, 
        car elle dérive des contes des fées, et elle doit bien finir 
        pour offrir une consolation aux laideurs du monde. 
      Propos 
        recueillis par Phalène de La Valette avec Lloyd Chéry,  
        Le Point, 24 décembre 2018 
         
       
      Et 
        en France ? Un entretien pour connaisseurs (2018) 
      Actusf 
        : Y a-t-il des précurseurs de la fantasy en France chez les auteurs 
        ?  
        Anne Besson : Pas vraiment, dans le sens où, malgré 
        la vogue des contes de fées littéraires de la fin 17e au 
        milieu 18e, le grand succès des "féeries" théâtrales 
        aussi, il n'y a pas de tradition de quelque chose qui s'appellerait "fantasy" 
        en France, ni même de véritable équivalent à 
        l'époque où naissent et se développent les différents 
        genres populaires, à partir de la deuxième moitié 
        du 19e siècle. Les exemples qu'on peut trouver restent alors isolés 
        et mal connus, à l'exemple de certains récits de George 
        Sand, plus merveilleux que fantastiques : le conte Histoire du véritable 
        Gribouille (1850), où un enfant mal-aimé croise des 
        animaux métamorphosés, bourdon, abeille, et doit faire les 
        bons choix, ou le court roman Laure, voyage dans le cristal (1865), 
        ou le curieux voyage "à la Jules Verne" d'un jeune amoureux 
        au cur d'une pierre précieuse. Au 20e siècle, André 
        Maurois (Patapoufs et Filifers, 1930), et surtout Marcel Aymé 
        (La Vouivre, Les contes du Chat Perché, Le Passe-Muraille 
        dans les années 1940) ou André Dhôtel (Le Pays 
        où l'on n'arrive jamais, 1955) pourraient s'inscrire dans ce 
        genre, si seulement il existait
 
      À 
        partir de quel moment les auteurs français s'emparent de 
        la fantasy ?  
        Tardivement ! Jacques Baudou, grand historien du genre, avait repéré 
        quelques initiatives précoces dans les années 1970, notamment 
        le roman Sous l'araignée du Sud de Dominique Roche et Charles 
        Nightingale, en 1978, et puis les séries d'Hugues Douriaux 
        chez Fleuve Noir, lointainement inspiré de Robert Howard. Dans 
        les années 80, sans doute l'époque où la fantasy 
        gagne sa pire réputation de genre "bas du front", les 
        auteurs sont encore rares à s'y lancer : Pierre Pelot, auteur de 
        SF, avec une parodie, Konnar le Barbant à partir de 1981, 
        ou Francis Berthelot qui avec "Khanaor" en 1983, détourne 
        lui aussi le genre vers ses marges. Ça n'est véritablement 
        qu'au milieu des années 90 qu'un espace d'expression privilégié 
        s'ouvre, avec en particulier les éditions Mnémos, Nestiveqnen 
        aussi, puis Bragelonne en 2000 : les premières grandes uvres, 
        succès artistiques et commerciaux, Les Chroniques des Crépusculaires 
        de Mathieu Gaborit (95-96) ou Le Secret de Ji de Pierre Grimbert 
        (98), apparaissent alors, et les titres se multiplient au tout début 
        des années 2000. 
      Le jeu 
        de rôle a-t-il eu la même influence sur les auteurs français 
        que sur les auteurs anglo-saxons ?  
        Le jeu de rôle a été un vecteur essentiel de la culture 
        fantasy à partir de la fin des années 70 et surtout dans 
        les années 80 - avec essentiellement Donjons et Dragons 
        et ses compagnes ou univers dérivés comme Les Royaumes 
        oubliés ou Lancedragon, et cela, aux États-Unis 
        comme en France. Il se trouve seulement que c'est à cette époque 
        qu'on découvre le genre : Le Seigneur des Anneaux, paru 
        en 1954-55, devenu "culte" pour les lecteurs américains 
        dans les années 60, n'est traduit dans notre pays qu'en 1977. Comme 
        on n'avait ni tradition nationale ni (bonne) traduction des classiques, 
        la fantasy a pénétré en France largement par le biais 
        du jeu, pratiqué et scénarisé par de jeunes gens 
        qui allaient ensuite, au fil des générations, devenir nos 
        premiers auteurs (Bousquet, Jaworski, Cluzeau, Pevel, Gaborit
). 
        Si l'on ajoute à cela qu'à l'origine Mnémos, alors 
        dirigée par Stéphane Marsan, naît au sein de Multisim, 
        éditeur de jeu, dans le but de produire des novelisations, on comprend 
        que j'accorde une très grande importance au rôle du JdR dans 
        la fantasy française. 
      Est-ce 
        que l'on peut caractériser la fantasy écrite en France ? 
        A-t-elle une voix particulière ? Y a-t-il des thématiques 
        ou des manières d'écrire spécifiquement françaises 
        ?  
        "Une" voix, non, des voix, et c'est peut-être cela qui 
        peut être noté comme trait distinctif - on peut d'ailleurs 
        y voir une force (la singularité des imaginaires et des styles 
        - pensons, entre autres, à Laurent Kloetzer, à Alain Damasio, 
        à Nathalie Dau, à Jérôme Noirez) ou bien une 
        faiblesse, car il n'y a pas, ou disons plutôt qu'il n'y avait pas, 
        d'homogénéité véritable dans les productions, 
        alors qu'une certaine "standardisation" est nécessaire 
        pour qu'on puisse ne serait-ce que reconnaître un genre (et si un 
        genre n'est pas reconnu par ses lecteurs, il ne se vend pas bien et n'a 
        pas lieu d'être). La spécificité française 
        (c'est presque un cliché, car on dit ça aussi de notre cinéma 
        par exemple), c'est sans doute cette place des auteurs qui constituent 
        des pôles prépondérants, quand aux États-Unis 
        une logique éditoriale sera plus prégnante. Une certaine 
        noirceur aussi peut-être, par exemple chez les talentueuses Charlotte 
        Bousquet ou Justine Niogret
 
      Comment 
        se situe-t-elle face aux pays anglo-saxons ?  
        Aujourd'hui, franchement bien.  
        Il me semblait, aux débuts des années 2000, sentir au contraire 
        une certaine crispation : la fantasy française devait justement 
        faire ses preuves, en partant de rien, et le complexe d'infériorité 
        se traduisait, comme souvent, par un rejet pas très productif - 
        les auteurs faisaient tout autre chose que les grands modèles américains, 
        histoire de montrer qu'ils en étaient capables. Mais ce n'était 
        pas forcément ce que le public attendait, qui a au contraire salué 
        des ouvrages plus "classiques" dans leur reprise des codes du 
        genre, comme La Moïra de Loevenbruck (2001-2002) ou "La 
        Trilogie des Elfes" de Fetjaine, à partir de 1998. Cette 
        période est maintenant derrière nous et cela va de pair 
        avec une hausse de la qualité globale de l'offre, vraiment remarquable 
        depuis plusieurs années. En tant que membre du jury du Prix Imaginales, 
        je suis frappée par le niveau de la sélection française, 
        alors que la production internationale tend peut-être au contraire 
        un peu à s'essouffler.  
      Est-ce 
        qu'actuellement la fantasy d'auteurs français est différente 
        de celle écrite dans les années 90/2000 ? Y a-t-il des tendances 
        ?  
        C'est un peut tôt pour le dire. Pour l'instant, ce qui me frappe, 
        c'est justement la diversification. Le mélange des genres a toujours 
        été très pratiqué en France (Fabrice Colin 
        ou David Calvo en sont des maîtres, par exemple), mais on a aujourd'hui 
        de beaux représentants de chacune des grandes tendances : 
        c'est pourquoi je notai cette appropriation des codes du genre par la 
        fantasy française. Du "post-apo" assez dark, avec Dehors 
        les chiens, les infidèles de Maïa Mazaurette, le dernier 
        cycle, pour grands adolescents, de Charlotte Bousquet, "La Peau 
        des rêves", La dernière lame d'Estelle Faye
 
        Une veine humoristique qui assume son rôle (important) pour la vitalité 
        d'ensemble, Donjon de Naheulbeuk, Noob, productions Ankama. Et 
        puis surtout, un gros retour de la fantasy "classique", épique 
        et néo-médiévale, avec des constructions de mondes 
        sur le long terme : Adrien Tomas, Oliver Péru, Pierre Pevel ou 
        encore Nathalie Dau pour leur nouveaux cycles, le nouveau venu Régis 
        Goddyn pour Le Sang des Rois
 
      Quelle 
        place ont pour toi des auteurs comme Jean-Philippe Jaworski et Justine 
        Niogret ?  
        Ce sont de grands auteurs, tout simplement. Il se trouve que j'aime particulièrement 
        le rapport au genre de Jaworski, fin amateur de Tolkien, dont l'héritage 
        transparaît par petites touches délectables dans les Récits 
        du Vieux Royaume.  
        Leur culture historique et littéraire confère un arrière-plan 
        très appréciable à leurs récits, qui sonnent 
        très juste (le Moyen Âge âpre et violent de Justine 
        Niogret) mais c'est surtout leur style respectif qui en fait vraiment 
        des cas particuliers, et qui explique que leurs romans créent à 
        ce point l'attente et l'événement. Il y a construction d'une 
        langue, que ce soit l'oralité érudite et truculente de Benvenuto 
        dans Gagner la guerre ou le déploiement d'images mettant à 
        nu les sensations dans Chien du Heaume, Mordre le bouclier ou aujourd'hui 
        Mordred. C'est amusant de voir qu'ils se lancent, l'une dans l'arthurien, 
        l'autre dans le celtique, deux grands cadres de fantasy qu'ils nous font 
        découvrir autrement. 
      Quels 
        sont les noms incontournables pour toi hormis ces deux là ?  
        Fabrice Colin et Mathieu Gaborit, parce qu'ils ont façonné 
        les débuts de la fantasy française, Pierre Grimbert et Michel 
        Robert, parce qu'ils lui ont offert parmi ses plus grands succès, 
        et encore Charlotte Bousquet ou Pierre Pevel, parce qu'ils sont les grands 
        représentants de tendances fortes et très différentes 
        du genre dans notre pays - un art du récit ample et enlevé, 
        feuilletonesque, pour lui, une exploration des profondeurs tourmentées 
        de la psyché, pour elle - sont pour moi des "incontournables". 
        Mais il y a aussi toute une génération de jeunes romanciers 
        qui s'impose depuis quelques années seulement mais mérite 
        d'être citée tant on y constate une réelle maturité 
        dans la maîtrise des codes qui est désormais un acquis pour 
        nos auteurs : Oliver Péru, Adrien Tomas, Gabriel Katz, Samantha 
        Bailly, Estelle Faye
  
      Propos 
        recueillis par Jérôme Vincent, Actusf, 
        27 septembre 2018 
       
       
      
      
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