Préface de Jean-Louis Bory à La Femme changée en renard, Éd. Rencontre Lausanne, 1963

Lady into fox est une histoire scandaleuse. Scandaleuse pour des citoyens raisonnables, pour tous les gens doués de bon sens. D'autant plus scandaleuse que l'histoire se déroule dans l'Oxfordshire, et de nos jours. D'autant plus scandaleuse que la métamorphose porte sur une lady, non sur une woman, et qu'elle a pris l'aspect le plus provoquant : celui de la modification instantanée, fracassante, catastrophiquement dérangeante – le coup de baguette des fées : "à l'endroit où sa femme avait été un instant plus tôt, il vit un petit renard d'un rouge très vif". Métamorphose enfin d'autant plus scandaleuse qu'elle ne scandalise pas l'auteur. Je ne pense pas qu'il faille voir dans La femme changée en renard, une allégorie, ou quelque signification symbolique. David Garnett conte pour le plaisir de conter, pour le plaisir du "et alors ?" qu'amène sur les lèvres des auditeurs un récit bien mené – curiosité à laquelle on doit le meilleur de la littérature policière, surtout anglaise, comme on sait. Mais il n'est pas interdit de dénicher, au creux de cette fable, une morale, plutôt qu'une moralité : on est ce que l'on est. Pour moi, je verrai dans ce roman une des plus belles histoires d'amour. Dans l'aventure de ce gentleman amoureux de sa renarde d'épouse, et fidèle, au point de se métamorphoser presque, lui le mari, lui un gentleman, en individu sale, négligé, lui un Anglais, en un être qui hésite à peine à se mettre à quatre pattes – bref : en une bête – je salue l'illustration du couple idéal et le secret du bonheur conjugal.



 

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