Margot (suite)
Mais mais mais mais... on veut rêver :
Avec des très méchants (on adore se faire peur avec le loup y es-tu ??????)
- Qu'on va pouvoir ici approcher (nous aussi on voudrait en être du 1er cercle)
- Tout au moins en se frottant un peu à la couenne de l'éminence grise qui l'influence...
- Tout en protégeant l'aura de l'invisible, l'inaccessible lui-même, le réacteur nucléaire du pouvoir, VP lui-même.
- Et puis bien sûr, les sentences. Ah ! les sentences ; elles viennent par paquets : sur l'histoire, sur le politique, sur le pouvoir, sur la soumission et elles nous livreraient là les secrets du monde ? Je me tords les côtes de rire... La philosophie du monsieur éclate au grand jour (auteur, narrateur, personnage, on s'en fout, ça éclate) : et on retiendra que tout serait égal à tout. "Toute chose étant égale par ailleurs" : le slogan préféré des sciences-potards...
Ah non, je rêve ! L'histoire à la manière de Da Empoli voilà qui a dû faire plaisir au président Macron. Tout du pareil au même, puisqu'on vous le dit : ça ne bouge pas et même ça revient dis donc ! D'où sans doute le grand retour du TSAR actuel, CQFD.
- Enfin la délivrance : la fin se boucle avec le début. Nous étions dans la datcha dont les portes se sont ouvertes sur le témoin, nous revoici dans la datcha dont les portes se refermeront sur de l'Amour, du vrai, du pur, de l'intangible. Et l'on sortira enfin de la lignée des garçons, avec une petite. Là, étirons les violons : "tout, tout, pour ma chérie ma chérie !" Le grand méchant magique qui défait la pluie et le beau temps a un cœur, mesdames messieurs ; un grand cœur de bon gros papa pour sa petite ! Mais oui. Nous sommes en pleine rédemption. Et les portes de la datcha peuvent alors se refermer sur ce magnifique pas de deux et la belle transformation des rudes en doux et si tendre papa charmant.
Bien sûr, on ne lésinera sur aucun poncif : la neige, la forêt épaisse et sombre, le silence, un espace de tout temps immémorial qui se referme sur le cœur d'un père qui sait déjà que ça ne durera pas.

Mais le grand tour de force auquel prétend le roman est que si la politique ne nous a pas livré de ce géant international qui nous écrase, la littérature le fera !
- Il y en a partout des lettres et des lettres et des grands noms de la littérature cosmopolites, russe et française et des bibliothèques, celle de l'universalisme à la française. Tellement qu'on s'interrogerait sur la légitimité de l'auteur à s'autoriser à être un auteur tant il a besoin de ses paquets de références... Un peu lassant !
- Nous entrons grâce aux livres et aux bibliothèques dans le jus de la fiction, sa mixture et sa concoction. La fiction est ici à l'image de ce qu'en a écrit Borges - relire le conte de "L'empereur jaune" qui tuera le poète qui aura osé dire en quelques mots son empire - et à l'instar d'un second conte : "Le sorcier ajourné", emprunté Comte de Lucanor de Don Juan Manuel, auteur du XVIe espagnol où le sorcier partage avec un haut dignitaire son art de la magie... dans une bibliothèque... pour l'éprouver et le berner ! : la cocotte, le faitout, le poêlon ou la marmite du mage.
Le ROMAN ! le voilà le chaudron magique, là où se concocte la grande entourloupe que l'on ne verra pas mais à laquelle on croira dur comme fer. Seule vérité s'il en est dans ce livre. Mais c'est là que le bât blesse, pour moi en tout cas. "Staline, Hitler, Churchill des artistes", et ce qui leur a succédé de la bureaucratie : même dans les mandibules de son personnage bouledogue, un tel non-sens historique et une telle contrevérité politiques sont inacceptables. Car l'insulte ici consiste à coller sur la même ligne Staline, Hitler et Churchill. Pure provocation ? Ah non ! Même saoul comme un Polonais, écrire et publier des propos pareils revient à se moquer des millions de personnes mortes dans les camps de la mort de la Shoah et des systèmes concentrationnaires soviétiques.

Car oui, ici la potion de la fiction est de la pure propagande au sens définie ce matin même par Roberto Saviano sur France Culture, qui déclare s'intéresser à Goebbels dans la mesure où il est la matrice même de la propagande qu'il a théorisé en quelques points :
- Accolez une image ou sobriquet à un grand personnage : ça le réduira d'un coup d'un seul. Par exemple : Mussolini parlait des "intellectuels en fourrure", ici ce sera Gorba et sa bouteille de lait.
- Niez les faits et la réalité : ici, amalgamer le régime impérial des tsars et des bolcheviques à l'histoire contemporaine et l'effondrement de l'URSS, c'est simplement biffer d'un trait que la dictature bien actuelle de Poutine a réussi le tour de force après la Chine et l'Espagne de Franco à faire confondre liberté des marchés avec démocratie et liberté politique. Voir le début sur les années 80 p. 65-75.
- Dessinez des grandes vérités simplifiant à l'extrême les réalités et permettant de ne pas penser : ici les paquets de sentences et l'âme russe, clé de voûte des bouleversements historiques qui d'un régime à l'autre seraient du pareil au même.
À vomir. Je jette pour la première fois de ma vie un roman à la poubelle.


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